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Debray et la fraternité

Envoyé par Bruno Chaouat 
10 mars 2009, 19:03   Debray et la fraternité
Lu une centaine de pages du "Moment fraternité", de Debray. Je crois Debray obsédé par les Juifs et Israël, au point qu'à la troisième page, pour déplorer, du moins semble-t-il car on ne sait jamais avec lui si c'est du lard ou du cochon, le délitement de la fraternité en Occident, il dit de celui-ci (de l'Occident, donc) qu'il est "sûr de lui et dominateur", ce qui pour un Gaullophile comme Debray renvoie instanténément, sans même passer par le système ICS de Freud, à Israël. Du coup, comment ne pas inférer que si la fraternité fout le camp en Occident, c'est la faute aux Juifs communautaristes. Suis-je moi-même obnubilé ? Paranoïaque ?
Clamer aujourd'hui que l'Occident est aujourd'hui sûr de lui et dominateur, c'est émettre un discours purement idéologique n'ayant absolument aucun rapport avec la réalité. C'est bien cela, la maladie du siècle. Ces gens sont complètement cinglés.
10 mars 2009, 19:40   Re : Debray et la fraternité
Je l'ai entendu sur le sujet, et l'ai trouvé particulièrement confus. A la limite je me demandais s'il avait vraiment quelque chose à dire ou bien s'il avait écrit cela après une étude de marché....
10 mars 2009, 19:42   Re : Debray et la fraternité
Peut-être sur un marché perçant...
Je suis allergique à la prose de Debray. Quelqu'un pourrait-il m'aider à la caractériser, et à mettre le doigt sur ce qui m'offusque dans son style ? Style populiste, café du commerce, mâtiné de mots rares et précieux, phrases-cigarettes à la Michel Serres (de plus en plus, je trouve), gouaille des faubourgs hybridée avec un je-ne-sais-quoi d'académique, quoi d'autre ?
Qu'est-ce qu'une "phrase-cigarette à la Michel Serres", cher Bruno Chaouat ? C'est un lecteur assidu de Michel Serres, et qui lit souvent sans déplaisir la prose de Debray, qui vous le demande inquiet.
10 mars 2009, 21:49   Re : Debray et la fraternité
Quoique j'ai beaucoup apprécié "Loués soient nos seigneurs",c'était une autre époque, j'ai toujours été agacée par l'esprit de sérieux de Régis Debray. J'ai trouvé son style plutôt classique mais un peu gâté par un manque de distance ou d'humour. Bref je le trouve pontifiant....Il me fait un peu penser à Attali pour sa délectation des sujets bateaux. Tiens, tiens j'ai la dent dure ce soir !
Citation
c'est émettre un discours purement idéologique n'ayant absolument aucun rapport avec la réalité
Il re découvre régulièrement le fil à couper le beurre ce cher Régis Debray qui par ailleurs cultive la confusion idéologique. Ce que je trouve le plus horripilant dans ce personnage, oh combien médiatique, c'est sa maniére condescendante de conférer.
D'aucuns s'en tireraient pas un "De gustibus...", cher Monsieur Marche, mais Arendt me semble avoir eu raison de dire qu'un monde commun ne peut advenir que si on discute, justement, des goûts et de couleurs. Mais c'est bien difficile. "phrase cigarette" n'est qu'une impression, une métaphore pour dire le sentiment que les phrases se consument sous nos yeux, et qu'il n'en reste que cendres, qu'elles n'ont aucune nécessité. Qu'elles passent, brûlent, et ne nous laissent rien. Qu'elles sont interchangeables, qu'elles pourraient être disposées ici ou là, cela ne ferait aucune différence. Quant à Serres, que j'ai beaucoup aimé, mais il y a bien longtemps (je vous avoue n'être pas venu à bout d'Hominescence, commencé grâce à vous), un exemple précis , p. 81 du dernier Debray, donc : "D'où viennent, longtemps avant nos acropoles, les pierres levées, nos premiers lieux de mmoire? Du ciel. Ce sont des météorites. Ainsi du bétyle, la pierre qui servit d'oreiller à Jacob..." Ouvrez "Statues", il n'est pas impossible qu'on trouve précisément les mêmes phrases, notamment le ton mystérieux, prophétique, le questionnement sur le "unde", sur l'origine, mais non pas, hélas, avec l'humour et l'intelligence de notre hôte, mais sur un ton apocalyptique, de révélation, le ton de celui qui va nous dire des choses très importantes, des choses, comme dit l'autre, cachées depuis la fondation du monde... Eh bien tout cela m'ennuie, cher Monsieur Marche, voilà tout.
10 mars 2009, 23:52   Re : Debray et la fraternité
On se reportera à K. 310, p. 431, où le style de Régis Debray est mis en relation avec sa pensée : " Debray pense mal parce qu'il écrit mal ", phrase que j'extrais d'un paragraphe consacré à un livre de lui, L'emprise, sur le pouvoir médiatique. " Il pense juste (il a raison, et les phénomènes qu'il décrit sont bien réels), mais il pense mal parce que sa pensée n'a pas de colonne vertébrale, pas de structure, pas de grammaire. Il prend ses paragraphes par tous les bouts, ses enchaînements n'en sont pas, il saute désespérément d'un style à l'autre parce qu'il n'en a pas, mais celui dont il est le plus proche, hélas, c'est le style journalistique..." (Voir aussi Le château de Seix, p. 241). Sur les questions de la pensée et de la langue, et sur leur "connaturalité", Le choix des mots de Clément Rosset est un bon livre, que j'ai trouvé à ma portée de non philosophe. Enfin, rien ne signale plus clairement l'emprise sur nos esprits de l'idéologie gauchiste que l'erreur d'interprétation qui nous fait voir un reproche dans "peuple dominateur et sûr de lui." Il est possible, après tout, que dans l'univers mental et les valeurs de la génération de De Gaulle, ç'ait été un compliment.
J'y ai songé, figurez-vous, Henri, mais il faut lire l'analyse que Shmuel Trigano livre de la conférence de presse du Général pour déchanter (c'est dans "Frontières d'Auschwitz"). Le contexte est tel qu'il ne peut s'agir d'admiration, je le crains, et d'ailleurs, c'est juste après la conférence de presse, dans le même univers mental et avec les mêmes valeurs générationnelles, que Raymond Aron lui répondait...
Je vois. Passons sur Michel Serres car votre échec de lecture d'Hominescence m'attriste considérablement. Serres crée une pensée dans ce livre; en dépit des apparences, il ne divague pas, ne fait pas le beau. Essayez de coincer Serres en flagrant délit de ronds de fumée dans ce livre, il y a gros à parier que vous n'y arriverez pas mieux que moi. Toutes ces pages sur le mimétisme homme-animal et l'étologie ne sont pas seulement belles: elles explorent audacieusement une vision originale et systématique qu'un Jean-Marie Pelt, par exemple, s'est efforcé de vulgariser dans son tryptique sur les genèses par symbioses (dont le dernier volet qui vient de paraître, La Raison du plus faible est particulièrement convaincant). J'espère que nous aurons ici l'occasion d'y revenir.

Concernant Debray, je vois bien sûr ce que vous voulez dire, le côté faiseur du personnage n'est pas illusoire, pourtant sa pensée est construite et brillamment aboutie (je pense ici au chapitre De l'état écrit à l'état écran de l'ouvrage intitulé L'Etat séducteur dont je vous recommande vivement la lecture).

S'agissant de son affirmation D'où viennent, longtemps avant nos acropoles, les pierres levées, nos premiers lieux de mémoire? Du ciel. Ce sont des météorites. Ainsi du bétyle, la pierre qui servit d'oreiller à Jacob, je n'ai pas encore eu en main l'ouvrage auquel vous faites référence, je crois cependant pouvoir vous confirmer la stricte factualité de ce qui est évoqué dans cette phrase par Debray: les pointes tétraédriques des styles (dont celle de l'obélisque) en Egypte ancienne étaient des météorites qui présentaient naturellement cette forme - leur entrée dans l'atmosphère les affûtant de la sorte, mais leur structure chimique s'y prêtant également - , voir à ce sujet ce qu'en dit l'exobiologie dans cet article, que ne démentent pas les vertus fécondatrices prêtées aux pluies de météorites par les textes des vieilles civilisations, Chine comprise.
11 mars 2009, 00:24   Re : Debray et la fraternité
C'est vrai que Michel Serres produit beaucoup mais il lui arrive d'être pertinent. J'ai en mémoire le pire et le meilleur: la catastrophique interview de Balthus et l'article génial sur Le Chevalier Des Touches dans un numéro de Critique de 1960.
Pour Michel Serres, c'est du dépit amoureux ! J'en raffolais dans ma jeunesse, à m'en dégoûter. Et dire que je suis tombé amoureux d'un philosophe qui n'était même pas mon genre ! Je reprendrai "Hominescence".
Quand Debray serait un génial vulgarisateur de l'histoire du sacré, son style ne m'en irriterait pas moins, je le crains. Et le fait qu'il s'étaie de faits scientifiques n'y change rien. Quant à sa politique, elle m'écoeure, tout simplement. Lisez de près "Un candide en terre sainte", et le dernier livre. Je continue de penser qu'il a un problème juif, qu'on refuse de voir parce qu'il s'exprime à mots couverts et avec veulerie. J'avais envoyé un texte à ce sujet à quelques quotidiens français, qui m'ont tous opposé une fin de non recevoir...
11 mars 2009, 06:57   Re : Debray et la fraternité
Pour le regretté Y. Leibowitz, cher Bruno, ledit "problème juif" concerne exclusivement les Nations qui ont un problème, si j'ose dire, avec le peuple juif. Les membres de ce peuple, dit-il, ont mieux à faire que de s'occuper du problème que leur existence pose aux antisémites : vivre, par exemple. J'imagine qu'il aurait jugé peu nécessaire de se pencher sur ce genre d'écrits, ou sur les mots de De Gaulle.
11 mars 2009, 10:36   Re : Debray et la fraternité
Cher Bruno Chaouat, ne pourriez-vous faire profiter de votre analyse les lecteurs de ce forum . Si votre texte était trop long pour le format des échanges, peut-être pourriez vous l'adresser à qui vous en ferait la demande par le biais de "messages privés". Personnellement je suis très intéressée par votre angle de vision sur les écrits de Régis Debray.
Cher Bruno Chaouat,
il est légitime de penser que dans l'atmosphère, plombée par le ressentiment communautaire, qui règne actuellement en France, des organisations comme le CRIF et la LICRA, et non les juifs, portent une responsabilité historique. La grande culpabilisation de la République a commencé à la fin des années quatre-vingt avec les campagnes sur le passé vichyste et collaborationniste de la France (voir L'idéologie française de Bernard-Henri Lévy) ; les fameuses lois mémorielles instaurant l'orthodoxie en matière de recherches historiques ont commencé avec la loi du stalinien Gayssot ; l'accusation de racisme comme arme absolue de stigmatisation d'un pays, d'un peuple est devenue récurrente avec les chasses régulières à l'antisémite et à la mise en scène de menaces qui pèseraient sur les juifs de France (les opérations Carpentras et Sarcelles). Les islamolâtres n'ont rien inventé et se contentent de singer le CRIF et la LICRA. Les fonctionnements sont absolument les mêmes.
Comme toujours, Henri, vous avez raison. Sauf que, sauf que, comme on dit aujourd'hui : 1. Il y a eu une affaire Camus mais il n'y aura pas d'affaire Debray. Non que je souhaite qu'il y en ait, bien évidemment, mais Debray est protégé par les élites médiatiques et littéraires trop contents de ne prétendre n'y voir que du feu. Deux poids deux mesures. Un écrivain intègre confie au public ses mauvaises pensées : la Némésis politiquement correct le poursuit. Un vulgarisateur de l'histoire des religions dissimule son antisémitisme dans une prose goguenarde et archi-confuse, rien ne se passe. 2. La survie d'Israël est aujourd'hui garantie par l'Etat juif, et quoiqu'il soit bien vrai qu'Israël oppose un grand mépris à la presse internationale et à l'image qu'elle en donne, il reste qu'il me paraît nécessaire de résister à la calomnie. Mais vous avez raison, il ne faut pas sombrer dans un judaïsme purement réactif.
C'est très aimable à vous, chère Ostinato. Je puis en effet vous le faire parvenir en message privé ?
Est-ce vraiment trop long pour ici ? Si oui, je serais également candidat à le recevoir, cher bruno Chaouat.

Vous dites qu'Israël oppose un grand mépris à la presse internationale, mais que peut-il faire d'autre ?
11 mars 2009, 14:30   Re : Debray et la fraternité
Intéressé, moi aussi.
C'est-à-dire, cher Marcel Meyer, que d'une manière générale, je préfère ne pas utiliser ce forum comme un espace d'auto-promotion, fût-ce de mes rebuts !
Donc, je puis vous le faire parvenir à vous, en message privé, vous pourriez le distribuer à ceux que ça intéresse ?
En un peu moins de vingt-quatre heures, Cher Bruno Chaouat, vous êtes passé du doute - Debray est-il un peu antisémite ? - à la certitude : Un vulgarisateur de l'histoire des religions dissimule son antisémitisme dans une prose goguenarde et archi-confuse, rien ne se passe. Pourriez-vous m'expliquer les raisons de cette évolution radicale de votre jugement sur Debray ? Vous disposez sans doute d'informations que je n'ai pas. En attendant, je me permets de vous dire que vos assertions sont bien légères et manifestent, de votre part, une certaine désinvolture. Vous devriez savoir que l'accusation d'antisémitisme est à manier avec précaution, avec scrupule, disait justement Finkielkraut quand il évoquait, je crois, la figure des dreyfusards, et ce sens du scrupule justement qu'ils possédaient, eux, contrairement aux Modernes, qui jettent l'opprobre aussi facilement que l'on se rend chez l'épicier du coin. En cela, vous êtes bien un Moderne.
Le plus cocasse, je trouve, c'est que vous émettiez cette opinion dans une réponse à Henri Bès, qui évoquait Y. Leibowitz dont la violence du jugement à l'égard de l'Etat juif (vous avez raison de distinguer Israël de l'Etat juif, comme Nathan Weinstock qui publia, il y a près de quarante ans, Le sionisme contre Israël) était proverbiale. En tout cas, Leibowitz, qui dénonçait, je cite, l'occupation judéo-nazie de la Cisjordanie et de Gaza, était infiniment plus antisémite, selon vos critères, que Debray.
Un dernier point : je ne pense pas que ce pauvre Debray soit particulièrement choyé par les élites littéraires et médiatiques. En tout cas, pendant l'affaire de la pizzeria kosovare, cela ne s'était pas beaucoup vu.
Je ne dipose d'aucune information, cher Monsieur, que vous n'ayez. Les textes seuls suffisent. Et je vous signale que je n'ai rien, mais rien contre le droit de publier des textes mal-pensants, tout au contraire (vingt ans en Amérique m'ont convaincu que la France était un pays où règne la censure). Mais qui publie profusément ne peut s'attendre à une absence de réactions. Et d'être moderne me rassure, finalement (d'ailleurs, si vous lisez Compagnon, vous verrez que les antimodernes sont des ultramodernes... vous voyez, on n'échappe pas à son temps, même Philippe Muray, qui je crois avait mis ou fait mettre des sortes de poèmes en chansons... il y a même un CD Muray !)
Je n'entre pas dans le débat du judaïsme antisioniste, bien trop compliqué pour moi. Par ailleurs, il y a une différence fondamentale entre l'antisionisme juif orthodoxe et l'antisionisme post-chrétien européen. Les discours ne s'élèvent pas du même lieu et ne disent pas la même chose.
Je constate en tout cas avec peine, cher Monsieur, que le gendarme Eliezer de la Campagne de France ne vous aura rien appris.
Je partage votre constat sur la différence entre les deux types d'antisionisme.
"Je constate en tout cas avec peine, cher Monsieur, que le gendarme Eliezer de la Campagne de France ne vous aura rien appris. "
?????????? Alors là, je crois que nous n'avons plus rien à nous dire.
11 mars 2009, 16:24   Re : Debray et la fraternité
Je viens de lire votre intéressant article, cher Bruno Chaouat. Il me semble que la tendance vers l'antisémitisme que vous décelez chez Debray, est surtout une absence de pensée de la part de cet auteur.. Debray ne fait que colporter et reprendre à son compte la vulgate "de gauche" sur Israël au lieu de se livrer à un exercice de réflexion personnelle. La grille de lecture est toute prête, il lui suffit de la remplir avec des formules bizarroïdes, pour donner l'impression de la profondeur d'une pensée originale. C'est du kitsch masquant le vide de l'analyse et susceptible d'attirer une certaine clientèle de lecteurs. C'est à l'exact opposé par exemple du travail de Jean Rolin dans son texte "Chrétiens (2003) . Le texte de Debray me paraît bien que ne l'ayant pas lu et selon ce que vous en dites, une sorte de réplique à cet essai de J.Rolin.
Ah, je vous remercie infiniment. Il me faut lire le texte de Rolin au plus vite !
11 mars 2009, 17:20   Re : Debray et la fraternité
Ce ne sera pas la première fois, cher Bruno, que nous verrons avec tristesse un folliculaire impuni et un écrivain probe mis au ban de la société. Comme Renaud Camus le remarque dans le dernier tome du Journal, peu importe ce que l'on dit, ce qui compte est la personne qui le dit. Je vous ferai écho aussi en rappelant qu'un reproche de l'extrémiste Leibowitz n'a pas la même valeur ni le même sens qu'une parole d'un penseur du Hamas ou de la LCR : là encore, l'identité, l'ethos, font toute la différence. Si Debray est bien ce qu'il est, à savoir un journaliste, il n'y a aucune raison qu'il échappe à l'antisémitisme contemporain, puisque le travail du journaliste consiste à faire penser et croire ce qui doit l'être dans la société qui le nourrit. Mais au fond, cela importe peu. Je ne prendrai pas la peine de lire sa prose de journaliste, pas plus que je ne prends celle de lire le Monde (sauf sur le Forum de l'In-nocence, quand un article est cité). Je voudrais, si je pouvais, vous épargner la peine de remuer tout ce fatras. Mieux vaut vivre selon ses propres valeurs, sans tenir compte de l'opinion que vos ennemis se font de vous. Au cours de l'histoire, si l'on en croit les Nations, les Juifs ont eu tort de rester juifs et tort de se convertir, tort de rester et tort de partir, tort de vouloir se fondre dans les Nations et tort de vouloir s'en distinguer, tort de vivre, et aujourd'hui, tort aussi de mourir. Quand on a tous les torts possibles, que reste-t-il à faire? Vaut-il la peine de répondre et d'engager un débat inutile? L'essence du sionisme est là : décider d'exister, que cela plaise ou non, sans phrases, sans plus prendre la peine d'argumenter avec ceux qui, de toute façon, veulent votre mort, et même plus. C'est aussi un peu l'esprit de la fête de Pourim : "dites que l'on s'amuse ".
C'est très beau, cher Henri, ce message, et il me va droit au coeur.
Citation
L'essence du sionisme est là : décider d'exister, que cela plaise ou non, sans phrases, sans plus prendre la peine d'argumenter avec ceux qui, de toute façon, veulent votre mort, et même plus.

Absolument mais vous voyez bien que les choses ne sont quand même pas aussi simples.

La dernière expédition punitive contre le Hamas a fini en queue de poisson et Israel n'a pas vraiment les coudées franches. En fait malgré une intervention militaire victorieuse les israéliens ont été contraints d'arrêter leur avance et de se retirer.

Et d'ici un an ou deux ou trois le Hamas aura retrouvé sa pleine capacité de nuire.

C'est à en devenir fou ...
Michel Serres n'est peut-être pas un philosophe essentiel, mais il jouit d'une extraordinaire faculté d'étonnement, et il la fait partager avec bonheur. De plus, il fait montre d'un très beau style. En ce monde où l'on ne sait que dénigrer, je vous remercie, Francis, de cette mise au point. (Θαυμάζω, j'admire et je m'étonne, est, selon Platon, le début de la philosophie...)
11 mars 2009, 21:45   à Bernard Lombart
Θαυμάζω

Oui, oui et trois fois oui. Michel Serres, victime comme nous tous de son siècle, mais victime élégante, libre, inclassable observateur du siècle, confirme ce vieil adage (je suis en train de relire Esthétiques sur Carpaccio, écrit dans les pires années du siècle, où M. Serres, éternel émerveillé, continuait de se frayer un passage vers le temps futur).
"Au cours de l'histoire, si l'on en croit les Nations, les Juifs ont eu tort de rester juifs et tort de se convertir, tort de rester et tort de partir, tort de vouloir se fondre dans les Nations et tort de vouloir s'en distinguer, tort de vivre, et aujourd'hui, tort aussi de mourir. Quand on a tous les torts possibles, que reste-t-il à faire ?"

Si l'on tient ce point de vue pour vrai et que l'on cherche à lui donner une explication, l'analyse rationnelle paraît bien peu convaincante comparée à l'approche mystique et celle-ci n'acquiert de clarté qu'en considérant les Juifs comme le peuple élu.
Pourquoi le mysticisme, Orimont ?
Les media français ont découvert une nouvelle baudruche, un idiot utile, Shlomo Sand, le "bon" Israélien, qui vient de faire découvrir au monde civilisé que les Juifs sont un peuple inventé. On peut, plutôt que recourir à la mystique d'une part, ou, de l'autre, à la pseudo-déconstruction de l'origine en faisant du sous-Derrida, relire Freud : rien ne me paraît plus rationnel et plus convaincant que son "roman historique" sur l'invention de la transmission juive. Quant à l'invention de la nation, on avait Renan, aussi bien, mais maintenant, la France préfère lire et récompenser les agités du bocal médiatiques.
Thaumatzô ? J'admire, et je m'étonne, que l'on puisse ainsi utiliser l'alphabet grec en ces pages !... Dites-moi tout, cher Bernard, comment vous y prîtes-vous ?
Je m'étonne que Julliard se soit laissé aller à participer à la mascarade du couronnement de ce machin.
12 mars 2009, 14:24   Election
Mystique, c'est l'adjectif qui me venait pour, comment dire, "religieux", lié à la religion, aux textes fondateurs du monothéisme, que sais-je, cette histoire d'élection divine qui, si on la prend au pied de la lettre, a l'avantage sur toute autre de fournir une explication radicale et simple au particularisme juif, tel que décrit par Henri ou plutôt, bien plus qu'à un particularisme, à l'absolue unicité du destin de ce peuple (toujours par rapport à ce qu'écrit Henri.)
12 mars 2009, 14:35   Re : Debray et la fraternité
L'élection n'est pas première. Il y a un long cheminement de groupes, de tribus, de clans, de peuples parmi lesquels ceux qui deviendront le peuple élu, posent les meilleures questions. Ensuite, le destin de ce peuple s'affirme de jour en jour; plus question de reculer. L'élection est choisie, si l'on peut dire.
A lire dans Causeur, Tous les hommes ne sont pas frères, un entretien de Régis Debray avec la chère Élisabeth Lévy.
J'ai tout simplement installé un "pilote" de clavier grec (polytonique, pour le grec ancien) sur ma machine. Mais cela va aussi si vous faites un copié-collé (comme Francis, je suppose, bien qu'avec ses langues orientales, il puisse m'en boucher un coin...)
12 mars 2009, 15:53   Re : Debray et la fraternité
Henri, cher Orimont, n'écrivait pas exactement ce que vous dites. Il se bornait à observer dans l'histoire d'Israël (non dans sa religion) que les Nations ont toujours reproché aux Juifs leur intégration en même temps que leur particularisme. Que la question de l'élection entendue comme une préférence exclusive et un privilège, à l'oeuvre dans tous les messianismes, nationaux, politiques, religieux ou athées, même dans l'idéologie communiste, est le problème des Nations (auteurs de messianismes propres qui n'ont de commun avec le messianisme juif, que le nom). Que la réponse de Leibowitz, des sionistes, est de rappeler à ceux qui ont un problème avec les Juifs, que c'est leur problème, pas celui des Juifs. Qu'enfin, l'antisémitisme ne tire pas son origine des Juifs, ce n'est pas leur faute, c'est le problème des Nations (qui sont parfaitement capables de se livrer à ses délices en l'absence totale de Juifs réels, d'ailleurs). La religion (comme domaine distinct de la culture) n'a pas grand chose à faire avec la question de l'élection, qui se pose impartialement à des croyants comme à des athées persécuteurs. Mais examiner religieusement cette question, dans les textes originaux et en se laissant guider par ceux qui les expliquent, réserve des surprises et permet d'entrer dans un univers, une civilisation, une culture, à mille lieues au-delà, et au-dessus, des discours politiques racistes ou anti-racistes, sionistes, antisionistes, post-sionistes. C'est sortir du politique et du cadre de la discussion. C'est pourquoi je conseille vivement à toute personne qui a des curiosités culturelles d'aller se promener parmi les métaphysiciens, les exégètes, les grammairiens, ce sera toujours plus intéressant et gratifiant que Régis Debray ou Durban...
Que la réponse de Leibowitz, des sionistes, est de rappeler à ceux qui ont un problème avec les Juifs, que c'est leur problème, pas celui des Juifs.

C'est, cher Henri, une très belle définition du soi-mêmisme.
S'agissant de Leibowitz, il me semble que vous alliez un peu trop vite en besogne. Il comprenait très bien que des habitants de Ramallah ou de Djénine puissent avoir un problème avec certains juifs ; et que c'était bel et bien un problème que beaucoup de juifs ne vissent pas où était le problème.
Ce problème, il le nomme corruption morale.

EXTRAITS d’un entretien entre Ilan Greilsammer et Yeshayahou Leibowitz en 1993)

Le professeur Yeshayahou Leibowitz (décédé en 1994) est l’un des plus grands penseurs juifs contemporains. Il a publié en français « Judaïsme, Peuple juif et Etat d’Israël » (1985), « La foi de Maimonide » (1992), et « Israël et Judaïsme » (1992). Sur la question palestinienne, il a adopté des positions très controversées en Israël.

Ilan Greilsammer : Professeur Leibowitz, pour beaucoup de gens dans le monde, Israël est un Etat à part. Est-ce qu’il vous paraît juste, d’un point de vue moral, de juger Israël selon des critères différents de ceux par lesquels on juge les autres Etats et les autres nations ?

Yeshayahou LEIBOWITZ : Tous les Etats, et l’Etat d’Israël ne fait pas exception, ne sont que des appareils de pouvoir. Il est possible que leur existence soit une nécessité ou même un devoir, mais il n’y entre aucune « valeur », contrairement à ce que pensaient Platon ou Hegel. En fait, tout dépend de la façon dont les gens se servent de cet appareil. Non, je ne vois pas ce que pourraient être ces « critères différents » par lesquels on jugerait les divers Etats.

On parle beaucoup aujourd’hui de la « morale juive ». En France, on se passionne, par exemple, pour les écrits d’Emmanuel Levinas. Est-ce que vous pensez que la « morale juive » est différente, par essence, de la morale d’autres peuples « éclairés » ?

Y.L. Je ne comprends absolument pas ce que peuvent vouloir dire les notions de « morale juive » ou de peuples « éclairés ». Non, vraiment, je ne comprends pas, je ne comprends pas ce que cela peut voir dire. Parler de « morale juive » n’a aucun sens.

Est-ce que pour vous, il existe des différences d’ordre moral entre juifs et Palestiniens ?

Il n’y a de différences morales qu’au niveau individuel, entre un homme et un autre. Il y a certes des différences au niveau des collectivités, par exemple les systèmes de société, oui, ceux-ci peuvent être différents. Mais si nous parlons de conscience morale, tout se passe purement au niveau de l’individu.

Comment un Etat qui se définit comme un Etat « Juif » peut-il, à votre avis, sauvegarder son caractère démocratique ? Est-ce qu’un Etat juif est capable d’accorder l’égalité complète de droits à tous ses citoyens ?

Y.L. Un Etat « juif » ? Mais, depuis le XIXe siècle, le concept de « judaïsme » n’a plus de contenu, au niveau des valeurs, qui soit accepté par tous. C’est pourquoi il n’y a aucune possibilité de définir ce que peut être le « caractère juif » d’un Etat. Est-ce que vous connaissez quelque chose, un contenu, une valeur, qui soit commun à tous ceux, qui proclament leur judéité ? Des gens qui déclarent qu’ils sont juifs, il y en a des millions dans le monde, en Israël, en France, ailleurs. Réfléchissez donc : est-ce qu’il y a quelque chose de commun entre eux, quelque chose au niveau de la conscience, de la pensée ?

Comment pouvons-nous essayer de combiner notre conception morale universaliste avec ce qui est écrit dans la Thora, par exemple sur la façon dont il faut traiter les peuples étrangers qui vivent sur la Terre d’Israël ?

Y.L. Il n’y a strictement aucun lien entre la relation d’Israël avec les peuples qui vivaient en Canaan il y a 3500 ans, comme nous le relate la Thora, et le problème actuel des relations entre Juifs et Arabes en Eretz-Israël.

Et ceux qui, en Israël, croient précisément à ce lien ?

Il y a aussi des fascistes en Israël.

Est-ce que, pour vous, la guerre des Six jours a constitué un « tournant » du point de vue moral ?

Y.L. La Guerre des Six Jours a bien constitué un tournant, mais pas d’un point de vue « moral ». Elle a constitué un tournant d’un point de vue politique et national : à la suite de la victoire et de la conquête, l’Etat d’Israël a cessé d’être le cadre de l’indépendance du peuple juif et s’est transformé en appareil de domination brutale sur un autre peuple. C’est un fait. La fonction de l’Etat d’Israël aujourd’hui est de dominer un autre peuple. Tout le reste est subordonné à cela. Toutes les forces de l’Etat d’Israël, tant matérielles que spirituelles, ne sont aujourd’hui consacrées qu’à un seul objectif : garder le pouvoir dans les territoires occupés. C’est bien simple. Il ne reste pas d’autres forces matérielles ou spirituelles pour s’occuper d’éducation, de santé, de problèmes moraux ou autres, parce que tout est mobilisé dans ce seul but. Tout cela ne changera pas tant que nous garderons le pouvoir sur les territoires occupés. Et c’est la source d’une grande corruption morale. La corruption morale a commencé avec l’occupation des territoires. Elle vient du fait que nous régnons par la violence sur deux millions de personnes, sans droits élémentaires. La corruption morale est partout : elle se traduit par la brutalité, par la violence ; la violence caractérise aujourd’hui la mentalité de l’Israélien, même dans les relations entre Juifs eux-mêmes.

Est-ce qu’il y a une différence entre l’idéalisme moral des premiers pioniers et la conduite des colons dans les territoires aujourd’hui ? Est-ce que le pionniérisme d’avant la création de l’Etat et d’après sa création était différent par essence ?

Y.L. Les pionniers d’autrefois ne se sont pas installés sur cette terre par violence ; Les pionniers n’ont pas conquis un seul centimètre de cette terre par la force. Au contraire, de nos jours, l’implahtation de l’autre côté de la « ligne verte » est une opération de conquête par la violence. Le « pionniérisme », dans l’acception originelle de ce terme, a pris fin avec la création de l’Etat.

Est-ce que vous pensez que le soldat juif est différent d’un autre soldat ? Est-ce que le principe dit de la « Pureté des Armes » a aujourd’hui encore un sens ? Comment pouvons-nous expliquer des abus du genre de l’affaire des soldats « Givati » où des soldats israéliens ont frappé des détenus qui étaient attachés ?

Y.L. Un soldat juif n’est pas différent d’un autre soldat lorsqu’il est en uniforme. Quant à la « pureté des Armes », qu’il faudrait soi-disant respecter, c’est un concept absurde. Une arme ne peut jamais être pure.

Dans un autre domaine, il y en a qui disent qu’étant donné que le peuple juif a vécu la SHOAH, cela devrait influencer, en fait atténuer, le jugement moral que les nations portent sur Israël. Qu’en pensez-vous ?

Y.L. Un jugement moral sur un homme ne peut absolument pas dépendre de ce qu’a vécu cet homme ou de son destin, mais seulement de ses actes.

Pour en revenir à la conscience morale, par rapport à ce qui se passe aujourd’hui dans les territoires, comment expliquez-vous qu’il y ait parmi nous, israéliens, de telles différences de jugement quant à ce qui se passe ?

Y.L. Ce n’est pas du tout une question de conscience morale, mais une question purement politique. Tant que nous gardons le contrôle sur les Palestiniens dans les territoires occupés, tout ce qui s’y passe et les actes que nous faisons sont inévitables. Celui qui dit : « Tu ne tueras point » et d’un autre côté, dit qu’il faut garder la domination sur les territoires est comme celui qui dit : « Je veux un triangle qui n’ait pas trois côtés ». La sensibilité orale de ceux qui préconisent de rester dans les territoires est la sensibilité morale du fasciste ; il dit qu’au nom de la nation et au nom de l’Etat tout est justifié.

Il y a en Israël de nombreux intellectuels, des professeurs, des écrivains, des savants, des éducateurs. Est-ce que vous pensez que, d’un point de vue moral, ils ont une quelconque influence sur la société du pays ?

Y.L. Les intellectuels... « Les intellectuels ne sont pas des gens qui pensent mais qui font profession de penser ». C’est vrai dans le monde entier.

Et les rabbins ?

Y.L. Les rabbins ? Ah non ! Les Grands Rabbins d’Israël, ce sont des petits fonctionnaires de l’Etat, rien de plus. Un rabbin comme Zvi-Yehouda Kook, le leader spirituel du Gouch Emounim (Bloc de la Foi), était un mélange de stupidité méchante et de méchanceté stupide, le type même de l’idéologue fasciste. Il n’a pas hésité à commettre une profanation du nom de Dieu lorsqu’il a dit que « les uniformes des soldats sont comme des vêtements sacrés ».
12 mars 2009, 17:22   Re : Debray et la fraternité
Loin, bien loin de moi le désir d'annexer Leibowitz, "ce grand penseur contemporain", à mon propos. Je citais certaines choses de lui, formules frappantes, que j'ai entendues. De plus, sa lecture de la Bible et du judaïsme est intéressante, voilà tout. Vous devez le connaître mieux que moi, car je lis dans l'entretien que vous copiez bien des thèmes et faits de style d'extrême-gauche qui doivent vous parler. En revanche, nommer soi-mêmisme le désir de persévérer dans son être, de ne pas intérioriser ni accepter la sentence de mort que les autres ont prononcée sur vous, est une interprétation audacieuse, et je ne vous suivrai pas jusque-là. Renaud Camus, inventeur du mot, ne parlait pas de mourir ni de disparaître au plus fort de la campagne de meute lancée contre lui, mais de dispar'être.
J'ai tout simplement installé un "pilote" de clavier grec (polytonique, pour le grec ancien) sur ma machine

On aimerait, pour rire, que l'adjectif se rapportât au pilote, et non au clavier...
Mais blague à part, qu'est-ce donc qu'un "pilote de clavier" ? Je dois avouer que mes maigrissimes compétences techniques sont complètement dépassées.
C'est, cher ami, que cela ne vous intéresse qu'à moitié, et que vous n'avez pas cherché. Voyez ici. En l'occurrence, le "a" de mon clavier peut devenir "alpha", le "p" devient "rho", etc.
Merci, cher Bernard. En effet, vous avez vu juste : sitôt que je je me trouve confronté à la technique, je fuis lâchement. Le survol de l'article que vous m'avez gentiment indiqué en fut un exemple de plus. Je me passerai donc de cette merveilleuse faculté de pouvoir semer quelques mots grecs au fil des pages...
Eh bien, Francmoineau, puisque vous êtes si gentil et que j'ai vu juste, je vais vous faire un beau cadeau, qui vous permettra de nous écrire tout de même en grec ancien. Voici.

Χαῖρε !
Grand merci, cher Bernard, åὐ÷áñéóôῶ óïé

(Je constate que mon copié-collé ne franchit pas les sévères barrières douanières de L'In-nocence)
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