Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué n° 611 : Sur le nombre d'annuités des cotisations de retraite

Le parti de l'In-nocence approuve le projet gouvernemental — qui d'ailleurs n'est que la confirmation de décisions déjà anciennes — de porter de quarante à quarante-et-une le nombre des annuités des cotisations sociales destinées au paiement des retraites.

Le parti de l'In-nocence estime le recul de l'âge de la retraite inévitable au vu des données démographiques, et notamment de l'allongement considérable de la durée de vie moyenne. Il déplore que la majorité des dits "acteurs sociaux" semblent ne réagir jamais qu'en fonction d'intérêts corporatistes et de mécanismes à court terme, au lieu d'affronter de façon objective et rationnelle des problèmes qui se posent à l'ensemble de la société et des citoyens et qu'il est tout à fait vain de vouloir traiter exclusivement selon les vieilles formules automatiques de la lutte des classes.
Utilisateur anonyme
26 mars 2008, 18:00   Trahison (redite)
Si ma mémoire est bonne, il me semble que l'idée de progrès, consubstantiellement occidentale, a été largement portée par l'espoir d'alléger la peine liée au travail et à sa durée au cours d'une vie.

Moyennant quoi, il y a selon moi, dans ces mesures d'allongement du temps de travail qu'on prétend justifier par l'allongement de la durée de la vie (c'est-à-dire par un progrès), un très sournois venin que s'inoculent à eux-mêmes les Occidentaux, un très pernicieux reniement d'eux-mêmes par l'adoption d'une résignation sans confiance, la pire de toutes.

Je crains qu'on mesure très mal la sourde désillusion qu'elles distillent, ces mesures, dans l'esprit des Occidentaux, les privant de leur confiance en eux-mêmes, avec toutes les conséquences psychologiques et morales que cela peut entraîner, assez semblables à celles qu'éprouve quiconque a été victime d'une formidable publicité mensongère, ne s'en vante évidemment pas, peut s'y résigner par nécessité, mais conserve à jamais le sentiment démoralisant d'avoir été berné.

C'est tout à l'honneur des Français d'être, parmi les Européens, ceux qui regimbent le plus à cette prétendue “'évidente nécessité” de partir à la retraite de plus en plus tard. Ils montrent par là leur fidélité au rêve occidental. Mais ils sont priés, ces songe-creux impénitents, de “voir les choses en face”, d'être “réalistes”, de bien vouloir fourrer dans leur archaïque caboche “qu'on peut pas faire autrement”, on leur rappelle que l'espérance de vie après soixante-cinq ans était de six ans en 1945 et qu'elle est de douze aujourd'hui. Comment ? Douze ans à se “rouler les pouces aux frais de la princesse ” ! Et puis quoi encore et d'abord qui va payer ?

Chacun sait qu'il n'y a pas d'argent en circulation, pas le moindre kopeck, les poches de rétention des capitaux sont des fantasmes de gauchistes "partageux" et pleins de ressentiment, l'extraordinaire écart qui se creuse entre les revenus n'a absolument rien à dire sur le financement des retraites, non, non et non ! Ce qu'il est en revanche impératif de rendre possible, c'est que seuls les vieillards soient légitimement autorisés à se retirer du monde du travail. Six ans de retraite avant la mort, c'était en somme une excellente programmation, la société glissait la pièce à un quidam usé qui n'avait guère le temps de s'ennuyer; dix ans, ce n'est pas “réaliste”, démographiquement et économiquement parlant et puis, surtout, hein, qu'est-ce qu'il va bien pouvoir foutre, le quidam, pendant une décennie sans turbin ?

Ainsi, l'allongement de la durée de la vie obtenu par les succès de la science occidentale aurait pour première conséquence l'allongement du temps de travail ? Les “nouvelles données physiques et médicales” auraient accouché de ça : on vivrait plus pour être plus longtemps sous la contrainte d'un emploi du temps qui ne nous appartient pas ? C'était bien la peine de se donner avec un tel enthousiasme à la recherche médicale, à l'amélioration des conditions de vie, sans se soucier de ce qu'on ferait de ces années gagnées !

On peut se résigner à “l'évidente nécessité”, on peut faire contre mauvaise fortune bon cœur, se raccrocher à des “gratifications” psychologiques, mais il faut qualifier ces mesures d'allongement du temps de travail par un nom que tout le monde a en tête : régression, reniement des valeurs occidentales sur fond d'une propagande féroce en faveur d'une conception maniaco-dépressive de l'existence selon laquelle on ne saurait montrer qu'on est “encore bon à quelque chose”, qu'on est vivant, qu'au travers d'une activité salariée.

Certes, il existe des “métiers”, si c'est bien le mot, pour lesquels, en effet, le concept de “retraite” n'a aucun sens et cela, peut-être, biaise le jugement de certains. Dutilleux ne prend pas sa retraite, Claude Levi-Strauss ne prend pas sa retraite, Jacqueline de Romilly ne prend pas sa retraite, Picasso ne prend pas sa retraite, Cervantes non plus que Borges ne prennent leur retraite et le plus obscur des artistes, des chercheurs ou des philosophes, s'il est sincère, ne quitte la pratique de son art que les pieds devant, sauf à avoir perdu la raison. Ceux-là ne prennent pas leur retraite parce qu'à proprement parler ils ne travaillent pas ou, ce qui revient au même, ils travaillent constamment, jusque dans leur sommeil.

Prétendre qu'il faille impérativement allonger la durée du temps de travail revient à imaginer que tous les métiers iraient s'aligner sur les très étranges conditions de travail des artistes, des chercheurs ou des philosophes. Et puisqu'il n'est pas rêveur assez fou pour le revendiquer, allonger la durée du temps de travail, c'est simplement priver la plus grande partie des individus, et singulièrement ceux qui peinent le plus, du bénéfice d'un progrès auxquels leurs pères ont cru et à qui personne, qu'on sache, n'a fait l'article en ces termes : “Un jour, vous verrez, vous vivrez plus vieux, vous serez en meilleure forme, jeunes plus longtemps, grâce à quoi vous pourrez travailler encore plus longtemps, ce sera formidable.” Tel n'est pas le tableau qu'on a présenté pour rendre aimable le progrès et tel il ne pouvait être, sauf à se vouloir repoussant.

Alors, sous prétexte de “pragmatisme” (généralement mis en avant, d'ailleurs, par des salariés aux emplois moins pénibles, gratifiants et bien rétribués que par des conducteurs d'engin, des caissières ou des employés de bureau...), c'est une trahison très malsaine de l'idée occidentale de progrès, ce qui se niche dans l'allongement du temps de travail, une trahison dont les Occidentaux feraient bien de s'inquiéter car il se pourrait bien qu'elle porte en elle la perte de combativité pour la défense de l'Occident.

Pourquoi irait-on se battre pour une civilisation qui aurait si bien trompé son monde ?
Je me sens sur ce point en parfait accord avec l'excellent plaidoyer d'Orimont.

Pourquoi, malgré l'évidente régression - du point de vue de la quête de liberté individuelle - que représente un nouvel allongement de la durée du travail, entend-on encore, de tous côtés, ces sempiternelles injonctions au "réalisme", à l'enrégimentation des forces productives pour sauver le pays du marasme?

Mystère.

"Les Français ne travaillent pas assez, voilà le problème!" nous serinent les contempteurs perpétuels de la vie méditative. Possible! en effet, que les caisses se renflouent (un peu) grâce à quelques efforts supplémentaires des "seniors". (J'en connais, des retraités triomphants, qui reviennent sur leur lieu de travail depuis vingt ans bénévolement. Mais soyons sûrs que la majorité aspire au repos.) Possible que les comptes des experts ne soient pas complètement faux (ce qui reste à prouver, au vu notamment du coût faramineux de la prise en charge des pathologies professionnelles - dont le nombre ne cesse de s'accroitre...).

Mais ces victoires comptables à la Pyrrhus ne valent pas le sacrifice d'un espoir de progrès social réel. Une société d'esclaves ne mériterait pas de surnager économiquement, elle pourrait bien disparaître que cela rejouirait même les dieux de l'Olympe.
Plaidoyer pro domo, d'où l'éloquence véhémente...
C'est éloquent, mais ce n'est pas très honnête. Augmenter d'une année la durée des cotisations lorsque l'espérance de vie moyenne est aujourd'hui de plus 15 années (et non 12 comme l'indique Orimont) après l'âge de 65 ans, soit 80,5 ans, ne permet sans doute pas d'écrire de manière fidèle aux faits :

Citation

allonger la durée du temps de travail, c'est simplement priver la plus grande partie des individus, et singulièrement ceux qui peinent le plus, du bénéfice d'un progrès auxquels leurs pères ont cru....

Ni d'ailleurs :

Citation

Mais ces victoires comptables à la Pyrrhus ne valent pas le sacrifice d'un espoir de progrès social réel. Une société d'esclaves ne mériterait pas de surnager économiquement, elle pourrait bien disparaître que cela rejouirait même les dieux de l'Olympe.

Aussi détestable soit la réalité économique, chers Orimont et Olivier, elle a un avantage décisif sur toutes les rêveries de progrès social et d'oisiveté que vous évoquez et qui sont, ne l'oubliez pas, payées essentiellement par les ponctions opérées sur les revenus du travail : celui d'être une réalité dont on ne peut faire abstraction et qui est bien comprise chez nos concurrents où l'on travaille plus, où les charges sociales sont moins élevées, où le droit du travail est plus souple et où - tiens, c'est curieux - le chômage est bien moindre, etc.... Ces concurrent dont le succès économique est facteur de progrès social

Quant à ceux qui auraient promis du progrès social sans effort économique pour y parvenir, ce sont, au mieux des poètes et au pire des menteurs.

C'est pourquoi, j'approuve la position du PI dans son communiqué no 611. Car elle est raisonnable. Certes, nous sommes loin du panache de Don Quichotte, cher Orimont, ou des dieux de l'Olympe, cher Olivier. Mais que voulez-vous, l'histoire enseigne que les partis politiques qui ont cru aux utopies et qui l'ont fait croire aux foules, sont toujours de sinistre mémoire.
J'aimerais ajouter un autre fait : reculer l'âge de la retraite d'un an n'est pas seulement loin de compenser l'allongement de la durée de vie, c'est aussi très en-deça de la compensation du phénomène de retardement de l'entrée dans la vie active.

Dans les années de l'après-guerre, période où notre système de cotisation pour la retraite a été mis en place, la vie d'un homme se déroulait typiquement comme ceci : entrée dans la vie active à quatorze ou seize ans, mise à la retraite à soixante-cinq ans, mort (en moyenne) vers soixante-neuf ans. Soit une cinquantaine d'années de cotisation pour quatre ou cinq ans de retraite (il faudrait vérifier le détail mais je garantis les ordres de grandeur). Soit un rapport de un à dix entre le nombre d'années de retraite et le nombre d'années de travail. Aujourd'hui, si l'on doit travailler quarante et un ans, avec une espérance de vie de quatre-vingts, soit quinze à vingt ans de retraite selon l'âge à laquelle on la prend, ce rapport sera de l'ordre de un à deux et demi. Autrement dit, on touchera sa retraite pendant quatre fois plus de temps par année cotisée. Où est le recul ? Où est la tromperie ?

J'ajoute que rien n'interdira de prendre sa retraite à soixante ans même si l'on n'a pas atteint les quarante et bientôt quarante et un an de cotisation : on touchera une somme un peu moindre, voilà tout.
Orimont et Olivier, si vous aviez vu ce reportage sur la visite d'une ligne de fabrication de Nokia en Chine, sur Arte, vous comprendriez encore mieux ce que vous expose Corto. En résumé, on voit des jeunes filles, 15-20 ans, dans un grand complexe industriel. Elles forment 95 % du personnel, travaillent 12 heures par jour, 6 jours sur 7. Elles gagnent 52 euros par mois. Mais à force d'interrogations de la déléguée Nokia, on apprend que 12 euros sont décomptés pour le logement, obligatoire (façon caserne, WC. infect, 1 robinet pour se laver juste à côté, 8 par chambre) et pour la nourriture. Restent 40 euros, mais cela tient compte des heures supplémentaires ! Comme c'est illégal, et pourrait être pénalisé par l'Etat... et bien elles n'ont pas de contrat, tout simplement ! Pourtant il y a un contrôle annuel approfondi de l'Etat, mais il n'y a jamais de problème : capito ? Si une tombe enceinte, c'est au revoir et merci, sans préavis ni viatique.
Quand on les interrogeait, elles étaient souriantes.
Bon, cher Obi Wan, ce n'est assurément pas le modèle que je préconise et je ne désespère pas que ces exploités se révoltent enfin contre d'aussi scandaleuses conditions de travail. Voyez, ces derniers jours, en Roumanie, la révolte des ouvriers des usines Dacia. Ils réclament des augmentations de salaires et font la grève. Renault qui gagne beaucoup d'argent avec cette voiture low cost devra sans doute passer à la caisse. Et c'est tant mieux, car plus les conditions salariales s'amélioreront dans les pays où nos entreprises délocalisent et moins il sera intéressant de le faire. Il est vrai qu'il est plus facile de faire la grève dans un pays démocratique qu'en Chine. Mais quand le niveau de vie augmente, quand l'éducation se développe - ce qui est nécessaire pour former des travailleurs performants -, quand les injustices sociales deviennent ainsi flagrantes et que la société est bloquée par un régime de privilégiés corrompus, le temps de la révolte, voire de la révolution n'est plus si lointain. Mais je suis sans doute un incurable optimiste que le (ou les) "sinologue maison" viendra moucher bientôt....
Bien sûr Corto, mais en attendant ces révolutions , il faudra bien vivre, et ce que je voulais montrer avec cet exemple chinois, c'est que cela sera bien difficile avec de tels adversaires commerciaux. Tout le monde sent bien que cela ne sera possible qu'au prix de restrictions dans tous les domaines, même en faisant cotiser aussi justement que possible les riches. Les démagogues de tous poils rendent un très mauvais service à nos peuples. Bravo donc pour le communiqué pour moi aussi.
Oui, je suis bien d'accord avec vous, cher Obi Wan.
Je respecte la position d'Orimont Bolacre et admire la cohérence obstinée de son propos. Mais d'une part la civilisation de loisir qu'il appelle de ses voeux me semble avoir sérieusement du plomb dans l'aile en temps de grande déculturation, quand les individus déculturés ne savent pas que faire de leur temps, supplient qu'on les occupent, et généralement utisent leur temps libre à des sottises ou des nocences. D'autre part je veux bien, dans une séduisante perspective décroissantiste, qu'on se résigne à produire moins et à diminuer le niveau de vie. Mais à moins d'établir l'euthanasie oblgatoire, comment et de quoi vivront les vieillards de plus en plus en plus nombreux ? Il est de fait que le système actuel ne résistera pas à la pression démographique (au demeurant souhaitable : vive le vieillissement de la population, corrélat de la décroissance démographique). Faut-il abandonner les vieillards à la misère ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
27 mars 2008, 18:19   Sur le nombre de nuitées sans éclairage public
"(...) quand les individus déculturés ne savent pas que faire de leur temps, supplient qu'on les occupent, et généralement utilisent leur temps libre à des sottises ou des nocences."

En effet, cher Renaud Camus, ils ne sont pas venus, les professeurs d'inemploi que, jadis, vous appeliez de vos vœux et l'oisiveté n'a pas du tout été prise au sérieux comme elle aurait dû.

"Je comprends mal qu’on se positionne tout à la fois en contempteur du progrès dans ses manifestations les plus problématiques, et qu’on en appelle à lui, et à sa « promesse »." Moi aussi, Didier, je le comprends mal, même si c'est précisément ce que j'ai l'air de faire, mais seulement l'air, je crois. Ce qui me paraît nuisible dans le progrès technique, c'est ce refus obstiné de l'examiner dans ses conséquences, de faire comme si rien ne s'était passé entre l950 et aujourd'hui.

La démonstration de Marcel Meyer est très convaincante. On ne pourrait lui objecter que la comparaison de la qualité de vie de l'après-guerre et la nôtre, au détriment de la seconde en de multiples domaines dont le principal me semble être, comment dire, "moral" (au sens de l'énergie.)

Les populations des années cinquante ont en effet travaillé beaucoup plus que celles d'aujourd'hui mais elles l'ont fait le cœur infiniment plus léger, pour autant qu'on puisse se faire une idée du passé (on dispose pour cela de la littérature générale, des livres pratiques, des magazines, des récits, des images.) La vie était globalement plus simple, on l'a assez dit, l'être humain pouvait y jouer son rôle et il pensait que l'avenir serait encore meilleur. Rien de tel aujourd'hui, c'est peu de le dire.

Si la seule perspective laissée aux Occidentaux est de regarder ce qui se passe dans les usines chinoises et d'en tenir compte sans se faire d'illusion, il me semble alors que l'Occident a perdu la main, qu'il ne donne plus le ton, qu'il ne fait qu'imiter ceux qui l'imitent, qu'il s'affaiblit, prête le flanc à toute sortes d'attaques. Des innovations techniques tant qu'on veut, mais quel rêve qui puisse faire que l'Occident se sente encore à la pointe, sinon un rêve de nouvelles conditions de vie, une redéfinition radicale du travail par la prise en compte, non de la productivité des autres, mais de l'emploi du temps ?

A part ça, bien sûr, reste la conquête spatiale et la colonisation d'autres planètes, ambition dont on ne sait finalement pas grand'chose de l'avancement mais qui, d'ores-et-déjà, peut, raisonnablement, être envisagée.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
J'avais lu dans un courrier des lecteur du Soir, il y a bien longtemps, ce raisonnement qui m'avait frappé et que voici : il ne sert à rien d'en appeler à des immigrés pour payer les pensions. Car pour y suffire, aux conditions de nos standards de vie (et de médicalisation), cela nécessiterait un plus grand nombre d'immigrés payant des cotisations qu'il n'y aurait de pensionnés. Or ces immigrés deviendront vieux à leurs tour (et malades et "fainéants") et il faudra alors importer un plus grand nombre encore d'immigrés pour payer leur pension à tous, qui eux-mêmes devenant vieux etc. A cette époque, on devinait seulement l'importance les découvertes médicales sur l'allongement de la vie et son effet multiplicateur sur le résultat de ce raisonnement. Comme le crie Maître Camus dans un désert rempli d'une foule toujours croissante c'est elle même qui menace la survie de sa propre espèce. La technique, en diminuant l'importance de l'intervention humaine dans la production de vivres et de choses aurait dû compenser la nécessité de l'immigration et payer les pensions. Or, ce n'est pas le cas, "cette promesse" comme dit Didier, n'abouti pas au bonheur, plutôt à la frustration et à la vanité. Comme dit Orimont, et qui est sous-jacent à son admirable discours au fil du temps, la solution est dans un retour vers la Sagesse.
Il faudrait donc tout réexpliquer, tour recommencer. Peut-être grâce et à la faveur à un saut technologique encore inconnu.
Un simple détail, Monsieur Bolacre : il ne vous a pas échappé que nous étions désormais deux Didier sur ce forum. Par conséquent, vous seriez aimable de préciser dans l'estomac duquel vous portez le fer de votre contradiction : je viens de passer au moins... trois minutes à me demander ce que j'avais bien pu dire pour avoir le privilège d'attirer votre attention.

Sur ce, je m'absente : j'ai encore deux ou trois petits travaux à terminer pour espérer faire tourner la boutique...
Utilisateur anonyme
27 mars 2008, 22:01   Re : Sur le nombre de nuitées sans éclairage public
Vous avez raison M. Goux et un peu d'inattention tout de même, puisque j'ai cité un extrait de message qui n'était pas de vous mais de M. Bourjon.
La belle preuve qu'Orimont n'est pas du tout technophobe et qu'il vit avec son temps, c'est que, grâce aux possibilités du nouveau forum, il a définitivement abandonné ses /italiques/. C'est y pas beau le progrès?
Messieurs les censeurs de l'Utopie, bonsoir!

Non ce n'est pas une attaque : vous voyez juste, au fond. La civilisation de l'oisiveté n'est pas prête de voir le jour, et pour dire les choses crûment, elle n'apporterait pas le bonheur à tout le monde. Nietzsche a dit quelquechose comme : l'erreur du socialisme est de vouloir imposer les loisirs aux natures vulgaires. Il n'y a pas à discuter de cela : pour la majorité des hommes, la seule question qui se pose au seuil d'une journée chômée est la suivante : comment vais-je l'occuper? Comment vais-je la remplir, la mettre à profit? L'oisif est dans un état d'esprit fort différent : il ne connait l'ennui que dans l'activité. Ecouter le chant du monde peut lui suffire pour "remplir une journée".

Partant, que ne prônez-vous la différence de traitement, l'inégalité, à contre-courant de ces annuités identiques pour tous, de ces régimes identiques pour tous? Vous dites : le monde est en guerre, alors veuillez reporter vos rêves d'Olympe aux calendes grecques. Il faut sauver notre économie et nos vieux. Principe de réalité. Mobilisation générale.

Admettons encore une fois que vous ayez raison (j'aimerais bien toutefois qu'on me prouve, chiffres à l'appui, que l'accroissement du temps de travail produira nécessairement les effets escomptés) : pourquoi ne ferait-on pas appel au volontariat? Je vous le dis, j'en connais qui se feraient une joie, oui, une joie, de continuer à travailler jusqu'à leur dernier souffle - et s'ils aiment leur métier, pourquoi pas? Laissez le choix à chacun de décider s'ils veut cotiser une année, deux années, vingt années de plus, et vous verrez que les plus braves permettront aux paresseux de se reposer ou de vaquer à leurs improductives rêveries.
[...]L'oisif est dans un état d'esprit fort différent : il ne connait l'ennui que dans l'activité. Ecouter le chant du monde peut lui suffire pour "remplir une journée". etc...
Je ne suis pas d’accord avec cette idée que l’élite, dont tout le mode fait manifestement partie ici, puisse se contenter d’écouter le chant du monde. Je pense que c’est la faiblesse de la thèse de Renaud Camus dans « Qu’il n’y a pas de problème de l’emploi » et la faiblesse des thèses d’Orimont Bolacre, à l’unisson de ce livre. Nous avons tous besoin d’exister pour le monde extérieur, et ce monde extérieur ne se résume sans doute jamais, dans quelque civilisation que ce soit, aux enfants, à la famille, aux proches. Renaud Camus transforme le chant du monde en son chant à lui, et bon an mal an, malgré ses déboires, publie de ce chant quelques milliers de pages tous les ans, chez les plus grands éditeurs parisiens. Si les circonstances n’avaient pas permis cela, il est probable qu’il n’écrirait plus, sauf s’il était fou (mais, comme dit Roland Barthes, « fou ne puis » (« sain ne daigne, névrosé je suis »)). Nous avons tous besoin d’un « emploi », aussi créatif, instable ou idiosyncratique qu’il soit. En ce sens Renaud Camus a un « emploi » tout comme une caissière de supermarché, tout comme moi, et tout le monde ici. Les ploucs qui veulent à tout prix un emploi ne sont certes pas des artistes ou des génies d’aucune sorte, mais dans leur désir d’emploi, ils ne sont pas plus ploucs que vous et moi.

PS: je m'aperçois que j'ai par erreur donné jfbrunet comme "nom d'utilisateur"; ce n'est pas très joli, jfbrunet, comme pseudonyme. M. Marcel Meyer peut-il le changer en "JF"?
Désolé mais il ne semble pas qu'on puisse modifier le nom sous lequel on apparaît.
"En ce sens Renaud Camus a un « emploi » tout comme une caissière de
supermarché, tout comme moi, et tout le monde ici."


Bien sûr, Cher JF, on peut toujours trouver un dénominateur commun à deux modes de vie très différents : emballer des poulets aux hormones et écrire un poème sont deux activités, par exemple, ce sont deux manières, en effet, d'"employer" son temps. Quand on écrit on ne fait pas tout à fait rien, on fait "travailler" sa tête - et cela, dans certains cas, tout le temps, trente-cinq heures par jour -, on fait même aussi beaucoup travailler ses poignets, ses doigts; mais honnêtement, vous pensez vraiment qu'il y a un rapport, une similitude ontologique, entre cette activité-là et la corvée stérile d'un ouvrier à la chaîne?

Et que faites-vous de ceux qui écrivent sans intention de publier? (Je sais qu'on peut douter de leur existence, mais il semblerait bien qu'on ait déjà vu de tels oiseaux rares dans l'histoire de la littérature, notamment de la littérature "intimiste".)
Avez-vous vu que votre communiqué à propos de la Villa Médicis a porté ses fruits ?
mais honnêtement, vous pensez vraiment qu'il y a un rapport...
J'y vois un rapport du point de vue précisément qui vous occupe, qui est qu'aucune de ces deux occupations n'est exclusivement "pour soi", pour la jouissance ou l'élévation de l'âme (non plus d'ailleurs que pour gagner sa croûte). Elles sont toutes deux aussi une façon d'exister pour les autres, de trouver une place dans la trame de la société, un "emploi" donc, au sens théâtral du terme. Cette dimension, totalement absente de "Qu'il n'y a pas...", diminue beaucoup les absurdités dont le livre se gausse ou s'ébahit, et fait qu'à mon sens, "Il y a...".
Que les compétences, les domaines d'excellence de chacun puissent trouver à être employés dans la société des hommes, c'est une idée avec laquelle je ne peux être en désaccord. Mais l'homme d'action extraverti, aux instincts matérialistes puissants, et l'introverti solitaire, épris de beauté, ne pourront en aucun cas être employés de la même façon. Si l'un doit pouvoir se dépenser dans une activité soutenue, permanente, dans la friction avec le réel, l'autre aura besoin de longues plages de non-action et d'incubation de sa pensée. L'emploi idéal de certains peut consister à n'être productifs que quelques jours dans une année. Il ne sera pas question de "progrès" tant qu'un rêveur ne pourra pas travailler à élaborer ses rêves et ses poèmes dans les meilleures conditions possibles de silence, de calme et de vacuité, tant qu'on le forcera, au nom de quelque nécessité économique, à adopter le rythme effréné du bosseur impénitent - figure presque sacrée de la civilisation utilitaire.
Parce qu'il y en a qui "élaborent leurs rêves et leurs poésies dans le silence, le calme et la vacuité", en 2008 ? Où ça ? et qu'elle piètre poésie cela doit faire !

Moi qui croyais que depuis, disons 1918, la poésie s'élabore et la pensée s'incube dans l'action, le fracas de la guerre même (Apollinaire, Cendrars pour commencer, Char plus tard, etc.), la vitesse, etc.. ; comme si l'homme n'était pas plus complexe que ses divisions entre "homme d'action extraverti" et "l'introverti solitaire" ! L'homme d'action est un faux extraverti qui la plupart du temps "incube" ses pensées dans l'action; il ne sait pas les incuber ailleurs, et rêve en agissant; où rêverait-il d'ailleurs ? De toute manière, plus personne, extraverti ou intraverti ne sait plus faire silence, si ce n'est pour faire le vide, le vide sans poésie particulière. Je doute que personne aujourd'hui (en poésie, en science, en philosophie) crée quoi que ce soit dans le silence et la retraite. Voyez Orimont, qui ne nous a jamais fourni de pensées plus justes ni plus développées que depuis qu'il s'agite dans des empois alimentaires.
"Je doute que personne aujourd'hui (en poésie, en science, en philosophie) crée quoi que ce soit dans le silence et la retraite."

Vous doutez, à juste titre, que personne ne puisse échapper totalement à l'action. Mais je parlais de tendances à l'extraversion, et à l'introversion, non pas de types absolus qui, en effet, ne se trouvent nulle part (quoique l'on puisse tout à fait rencontrer des types "extrêmes"). On ne saurait toutefois créer une oeuvre poétique, scientifique ou philosophique sans disposer d'un temps de repos et de réflexion, consacré à la pensée, à la lecture et à l'imagination. Cela je n'y crois pas non plus. Apollinaire, Cendrars et Char n'auraient peut-être rien produit s'ils avaient été dans l'obligation de travailler toute leur vie à plein temps.
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