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Journalisme municipal et (évidemment) citoyen

Envoyé par Henri Rebeyrol 
"Le Progrès" (de Lyon : "progrès", sans rire), du jeudi 27 mars, édition dite de Villeurbanne.
A la Une, la photo (elle occupe la moitié de la page) du chanteur Grégory. Le titre, en très gros carctères : "condamné pour injure à la maladie de Grégory". Sous la photo, la légende : "L'humoriste Frédéric Martin, fils de ..., a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon pour "injures" à Grégory Lemarchal. Peu avant la mort du chanteur, il ne l'avait pas cité en énumérant les différents vainqueur de la Star'Ac, l'appelant simplement "mucoviscidose"".

On ne rêve pas.
Il y a désormais en France des lois qui prohibent l'injure à une maladie, une fourchette, une couette, un lit, à l'arche de Noë, aux clous, etc. et à toutes les choses du monde, du ciron à l'éléphant. Il ya aussi des procureurs si intelligents (et si bien formés) qu'ils acceptent que l'on poursuive un humoriste pour avoir prononcé le nom d'une maladie. Il ya aussi des juges qui, de toute évidence, n'ont rien d'autre affaire que d'instruire un procès à ceux qui injurient les clous de girofle. Il y a enfin des rédacteurs en chef, des secrétaires de rédaction, des journalistes qui croient bon d'illuminer le monde de leur Bêtise en mettant à la Une de leur journal une telle information. On vit une époque formidable : oui, elle fait peur.
28 mars 2008, 15:57   Injure
Bien cher JGL,


La notion d'injure, en droit de la presse, a toujours été considérée de façon extensive. En fait, l'essentiel est non pas le terme employé, mais le fait que la personne puisse être outragée.

Ce n'est pas une avancée bien-pensante, mais l'application stricte de la loi du 29 juillet 1881, qui définit comme injure "toute expression outrageante".

Le fait de citer M. Lemarchand (que je n'ai jamais entendu et que je ne souhaite pas entendre) par le seul nom de la maladie qui allait l'emporter est, à mon sens, outrageant.

Voici un exemple d'injure "par rapport à la victime", très bien résumé par la Cour d'appel de Chambéry, en 1936, époque où le terme "fasciste" n'avait pas forcément une connotation négative :

« le mot fasciste, pris en lui-même, n'est pas à considérer comme injurieux s'il envisage les citoyens soumis à un régime qu'on est d'usage de qualifier de cette manière, mais qu'il revêt un caractère nettement injurieux lorsque son auteur a voulu lui imprimer une signification de mépris, comme dans l'espèce ».
Utilisateur anonyme
28 mars 2008, 17:36   Re : Injure
Le fait de citer M. Lemarchal (que je n'ai jamais entendu et que je ne souhaite pas entendre) par le seul nom de la maladie qui allait l'emporter est, à mon sens, outrageant.

Je partage sur ce point l'opinion de Jmarc : c'est une personne qui a été en l'occurrence injuriée, et pas une maladie, une fourchette ou un clou de girofle.
28 mars 2008, 17:49   Re : Injure
D'accord avec MM. JMarc et Alexis, et bien désolé de me trouver en désaccord avec M. JGL.
Oui, moi aussi. Je crois bien que c'est la première fois que cela m'arrive. Le procédé de l"humoriste" me semble abject, et je ne suis certainement pas favorable à ce qu'on laisse toute liberté à ces gens-là. La condamnation me paraît pleinement fondée.
Utilisateur anonyme
28 mars 2008, 19:25   Re : Journalisme municipal et (évidemment) citoyen
La grossièreté appelle la grossièreté. Ce qui a commencé à être abject, c'est l'exploitation sans scrupules à fin d'émoi public de ce jeune homme malade. Parfaitement, "mucoviscidose" aura été le nom de marque de ce "chanteur", son évidente "accroche". L'humoriste n'a fait que désigner tout haut le nom réel des choses. Quelle extraordinaire hypocrisie à prétendre le condamner !
28 mars 2008, 19:57   Hypocrisie
Bien cher Orimont, et aussi bien cher JGL,


Je comprends ce que je crois être votre point de vue. Mais (je sais qu'on ne doit pas commencer une phrase par mais, mais je ne parviens pas à l'éviter !) c'est l'émission elle-même où ce jeune homme jouait qui est en cause.

Il souffrait certes de mucoviscidose, mais je crois qu'il chantait bien. Qu'on ait joué sur la corde sensible, c'est certain. Cela n'excuse pas la méchanceté car, si on peut plaisanter avec la mort, ce n'est qu'avec la sienne, pas avec celle des autres.

Quand M. Desproges atteint d'un cancer déclarait "Cancer, métastase, Olivenstein, espoir, quel est l'intrus ?" c'était grinçant, mais amusant. Un homme en bonne santé l'aurait dit, cela aurait été ignoble.
Utilisateur anonyme
28 mars 2008, 20:15   Re : Grossièreté
Parfaitement, "mucoviscidose" aura été le nom de marque de ce "chanteur", son évidente "accroche".

Je n'oublie pas tout de même que ce jeune homme est mort des suites de cette cruelle maladie et j'ai du mal à croire qu'il ait pu sciemment pousser à ce point ultime le sens du marketing.
Je suis d'accord avec JGL sur le fait qu'un média, qui est loin d'être le seul, ait choisi de faire sa une sur une telle information. N'y a-t-il rien de plus important en ce moment dans le pays ? Tenez, justement, cet excellent communiqué du PI sur le nouvel élargissement forcé de l'UE à la Turquie et à d'autres Etats ? Non seulement cette information ne fait pas la une, mais elle ne se trouve même pas dans le journal...
Citation
JR
Je suis d'accord avec JGL sur le fait qu'un média, qui est loin d'être le seul, ait choisi de faire sa une sur une telle information. N'y a-t-il rien de plus important en ce moment dans le pays ? Tenez, justement, cet excellent communiqué du PI sur le nouvel élargissement forcé de l'UE à la Turquie et à d'autres Etats ? Non seulement cette information ne fait pas la une, mais elle ne se trouve même pas dans le journal..

LE journal... C'est même pas dans l'journal : je crois entendre ma grand-mère. Quand au rapport - lumineux - entre le sujet de ce fil et l'élargissement de l'Europe à la Turquie, il aura évidemment sauté aux yeux de chacun.

Orimont : je crois pouvoir affirmer que ce jeune Grégory (dépourvu du moindre talent original, candidat «star Ac'» comme n'importe quel autre) n'a pas joué sur sa maladie. Qu'on en ait joué pour lui, et principalement depuis sa mort, est une autre affaire qui, on l'admettra, ne le concerne plus guère.,
J'ignore les raisons pour lesquelles M. Goux m'agresse à chaque fois, mais je lui demande de me lâcher un peu la grappe, car il commence à paraître obsédé par Jean Robin. Le rapport entre les deux thèmes est un rapport temporel, une information fait la une du journal, l'autre n'y figure même pas. Et laissez votre grand-mère à l'écart de tout ça, j'imagine qu'elle a d'autres chats à fouetter.
Utilisateur anonyme
28 mars 2008, 23:56   Re : Journalisme municipal et (évidemment) citoyen
"j'ai du mal à croire qu'il ait pu sciemment pousser à ce point ultime le sens du marketing." Evidemment, Alexis, je suis pour ma part convaincu du contraire.

Mais que penser des organisateurs de ce jeu ? Peut-on croire un instant à leur innocence ? A leur ignorance de l'état de santé de ce jeune homme au moment de leurs foutus castings ? A leur absence d'obscures spéculations sur la fabrication opportune d'une icône, d'une sorte de James Dean garanti, adoubé par toutes les bonnes mauvaises raisons, les bonnes mauvaises raisons inattaquables, absolues, de la maladie rare qui fauche la jeunesse au zénith de sa gloire. Certes, l'amuseur n'est pas à prendre avec des pincettes mais je maintiens que sa condamnation par voie de justice est une imposture, une continuation du chantage mercantile aux sentiments, sur fond d'une forme très sournoise de discrimination positive par souffrance interposée.

"condamné pour injure à la maladie de Grégory" est une manchette qui, d'où qu'on la prenne, se moque de la langue, du bon sens et de la pudeur et dit parfaitement l'état de gâtisme avancé et des journalistes et des magistrats.
Cher Orimont, je partage entièrement votre avis.
Utilisateur anonyme
29 mars 2008, 10:48   Re : Journalisme municipal et (évidemment) citoyen
"condamné pour injure à la maladie de Grégory" est une manchette qui, d'où qu'on la prenne, se moque de la langue, du bon sens et de la pudeur et dit parfaitement l'état de gâtisme avancé et des journalistes et des magistrats.

Cette manchette est certes absurde, mais l' "humoriste" a bien été condamné pour avoir injurié une personne et pas une maladie. S'il y a gâtisme, il est du côté du journaliste qui choisit ce titre imbécile, pas de celui du magistrat. Je comprends bien ce que vous dites concernant le cynisme des producteurs de cette émission, mais je pense aussi à ce qu'a pu éprouver ce jeune homme en s'entendant ainsi réduire à sa maladie sous les rires complices du public de Ruquier : est-ce céder naïvement au politiquement correct que de penser qu'il a pu en être blessé et de voir autre chose dans cette condamnation qu'une grossièreté ou une hypocrisie ?
29 mars 2008, 13:18   Manchette
Bien cher Orimont,

Vous êtes sans doute dans le vrai, du moins en partie.


La manchette (terme équivoque) est évidemment fautive, elle est approximative et fait appel au sensationnel. C'est, je pense, ce que JGL a voulu indiquer.

Il n'en demeure pas moins que le comportement de cet humoriste est condamnable. Entendons-nous : il s'agit d'une amende, non d'une lapidation !
Utilisateur anonyme
29 mars 2008, 16:06   Blessure
En effet, cher jmarc, le terme de "manchette" est équivoque, en réalité je ne sais pas exactement ce qu'il désigne et l'ai employé par pure fantaisie, plutôt que "une", "gros titre" ou "titraille")

Permettez-moi de revenir une dernière fois sur le fond de la question. Que chacun puisse porter un jugement sur le comportement de l'humoriste et soit amené à le réprouver, c'est la liberté même de chacun (à mon tour de trouver un peu d'équivoque à l'emploi de ce terme "comportement". Peut-on parler de "comportement", concernant l'exercice même de la profession de quelqu'un, savoir, en l'occurrence la plaisanterie, l'humour, la satire ? Qu'on trouve que ce n'est pas drôle du tout, il ne me semble pas qu'on se prononce sur un "comportement". C'est un peu comme si, d'un écrivain qui aurait écrit un livre qu'on jugerait grossier ou stupide, on parle de "comportement" condamnable.)

Il me semble très curieux qu'on appelle "comportement" la volonté d'un humoriste de s'inscrire dans la tradition (qui peut, bien sûr, déplaire) de l'humour noir. A ce compte-là, exemple qui me vient à l'esprit comme j'écris, que deviendrait un Swift et sa "proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d'être à la charge de leurs parents" par le cannibalisme ? Un auteur d'aujourd'hui qui parodierait ce texte en le déplaçant en Afrique ne blesserait-il pas une grande quantité de personnes et ne pourrait-il être condamné pour "injure à la famine" par quelque ONG qui se porterait partie civile ?

Par ailleurs, je trouve très caractéristique cette façon de justifier une condamnation de justice (fût-ce une simple amende) par le fait d'avoir "blessé" une personne par des mots. Cette question de "blessure" est précisément celle que les musulmans servent à satiété dans l'affaire des caricatures de Mahomet.

A ce compte, pourquoi, un jour prochain, ne pas porter plainte pour "blessure narcissique" ?
29 mars 2008, 16:23   Re : Blessure
Je ne peux qu'abonder dans le sens d'orimont.
29 mars 2008, 17:04   Re : Blessure
Moi aussi.
Utilisateur anonyme
29 mars 2008, 17:18   Re : Moi aussi
Bon, évidemment, si l'on inscrit les sarcasmes du fils de Jacques Martin dans la grande tradition de Swift, il ne reste plus qu'à s'incliner.
Bien cher Orimont,

C'est justement ce que prévoit la loi sur la presse : les expressions outrageantes sont, depuis 1881, passibles d'amendes.

Il y a une différence entre propos polémiques et propos outrageants.

Par exemple, dans le cas de ce jeune homme dire "M. Lemarchand a dû une large part de sa popularité à la mise en avant de sa maladie" est polémique, le traiter de "mucoviscidose" est outrageant.
29 mars 2008, 19:34   Re : "Blessé" par des mots
Patrick Timsit avait créé la polémique voici quelques années en comparant les handicapés aux crevettes : "Quel est le point commun entre un trisomique et une crevette : Tout est bon, sauf la tête".
Des associations avaient porté plainte, ce qui avait causé beaucoup de tort à l'humoriste, qui avait dû s'excuser publiquement pour être lavé de tout soupçon d'anti-crevettisme, et d'anti-trisomiquisme.
Le politiquement correct a la vie dure, et longue, avec ses floppées de lobbies, d'avocats et de victimes de toutes sortes. L'anti-crevettisme ne passera pas !
29 mars 2008, 20:36   Re : "Blessé" par des mots
Vous trouvez cela réellement drôle ? Dire n'importe quoi, au nom de je ne ne sais quel "politiquement incorrect", pour ensuite passer pour une victime de la "répression du rire-qui-a-tous-les-droits" me semble un tantinet facile.
29 mars 2008, 21:02   Anti-crevettisme
Bien cher Jean Robin,

Je découvre cette intéressante notion.

Considérez-vous que, sous prétexte qu'on est un humoriste, on peut injurier et blesser absolument tout le monde ?

Je ne crois pas que le fait de s'insurger contre les insultes adressées à un être humain soit spécialement lié à la "correction politique".
29 mars 2008, 21:57   Re : "Blessé" par des mots
Je suis pour la liberté d'expression, et contre la criminalisation des opinions. Et je suis loin d'être le seul :
« Il ne faut pas qu’en France les prétoires remplacent les forums. » Ce soir ou jamais, France 3, octobre 2006
On peut avoir les opinions qu'on veut, on doit les exprimer dans le respect de l'ordre public.
Cher jmarc,
Pensez-vous que M. Redeker ou M. Wilders ont insulté l'Islam, donc les musulmans, donc qu'ils doivent être traînés en justice pour leurs propos ?
L'humour a ceci de spécifique qu'il peut quasiment tout se permettre.
Car le rire est la politesse du désespoir.
29 mars 2008, 23:08   Opinion
Bien cher Jean Robin,


M. Redeker a formulé, à mon sens, une opinion à caractère général. M. Wilders a commis un film qui reflète son opinion.

Ni l'un, ni l'autre n'ont eu recours à l'humour.

En revanche, si M. Redeker ou M. Wilders avaient explicitement insulté des personnes, ils seraient tombés sous le coup de la loi.

Pour être concret, on peut dire : "je n'aime pas l'islam, je considère que c'est une religion dangereuse".

On peut dire "les religions n'ont aucun fondement, ce sont des supercheries".


On ne peut pas dire "les chrétiens sont des cons" ou "les musulmans sont des assassins".

Je suis étonné que vous ne perceviez pas la différence entre l'opinion et l'insulte.
Et moi je suis étonné que vous ne partagiez pas l'opinion d'Alain Finkielkraut sur la question.

« Redeker, qui s’en prenait en des termes sans aucun doute discutables à une religion et au livre d’une religion. » Alain Finkielkraut, Europe 1, Regarde les hommes changer, 11.09.2007

Pour ma part, je pense que MM. Redeker et Wilders ont insulté l'Islam, et qu'ils ont le droit de le faire.
29 mars 2008, 23:36   Insultes
Bien cher Jean Robin,


J'ai la plus grande estime pour M. Finkielkraut, mais je garde ma totale liberté pour apprécier ce qui, à mes yeux, est ou non une insulte.

Ceci étant dit, je note que M. Finkielkraut n'a pas parlé d'insultes, mais de "termes discutables".
Tout à fait, remarquez que c'est moi qui ai parlé d'insulte.
29 mars 2008, 23:42   Finkielkraut
Mais alors, que vient-il faire dans votre message ?
Alain Finkielkraut est toujours bon à citer, et dans le cas précis il a permis d'éclairer notre débat.
30 mars 2008, 01:47   Quand le rire est puni
Il y avait autrefois un contrat non écrit entre le roi et son fou qui garantissait à ce dernier l'immunité contre l'écartalèment ou la roue. Il y a eu longtemps en démocratie laïque un contrat similaire entre la démocratie, l'Etat laïque et son/ses fous, avec Coluche notamment, qui s'est tout permis (les handicapés, les laids, les grosses, les flics, le gouvernement, les chrétiens, tout) sans avoir eu à manger son chapeau en public comme Tilmsit avec son histoire de crevettes.

Ce contrat ancestral est devenu moribond dès lors que certains, agissant en le nom de gens faciles à manipuler, ce qui est le moins qu'on puisse dire s'agissant des trisomiques, ont entrepris de le remettre en question en portant au pénal (ou au civil) leurs blessures narcissiques présumées ou déclarées telles, bref tout leur moi catégoriel exclu du contrat laïque et républicain (non-communautaire). Les musulmans, par définition hors du contrat laïque/libéral ancestral qui sous-tend et irrigue les rapports sociaux en France, ont enfoncé le dernier clou du cercueil en refusant le rire, le sourire ou de faire simplement la sourde oreille à ce qui leur déplaît (les caricatures de Mahommet).

Le démantèlement de la bouffonnerie et de ses droits ancestraux en France signale la fin d'un mode de rapports contractuel qui était, sinon un pilier, du moins consubstantiel à une culture, la nôtre. Ceux qui se réjouissent de ce démantèlement font peu de cas de cette culture.
30 mars 2008, 01:57   Re : Quand le rire est puni
Je souscris évidemment entièrement aux propos tenus par Francis Marche, que je félicite pour son résumé (mais pas pour son orthographe, personne n'est parfait).
30 mars 2008, 12:53   Re : Quand le rire est puni
"Le démantèlement de la bouffonnerie et de ses droits ancestraux en France signale la fin d'un mode de rapports contractuel qui était, sinon un pilier, du moins consubstantiel à une culture, la nôtre. Ceux qui se réjouissent de ce démantèlement font peu de cas de cette culture."

Cher Francis, c'est peu de dire à quel point j'approuve votre commentaire.

la France de Rabelais, de Courteline, de Voltaire, de Molière, de Pagnol est en train de mourir remplacée par une une France de bonnets de nuit, de pions antiracistes aux lèvres perpétuellement pincées de pieuse indignation, une France où, par exemple, la distribution de soupe au lard, au lieu de provoquer un immense éclat de rire, fait scandale. Nombre d'incidents dérisoires dont Rabelais ou Pagnol, en d'autres temps, eussent fait les anecdotes comiques d' oeuvres dénuées de haine sont aujourd'hui portés devant la justice.
Oui, cette veine-là, si caractéristique de notre culture, est en train de mourir. Aujourd'hui les prétendus comiques ne sont que les valets des puissants du jour.
30 mars 2008, 13:13   Re : Quand le rire est puni
Tout à fait Cassandre. J'apporterai ce complément : les comiques ont dû, comme les autres citoyens français, s'adapter à cette judiciarisation de la société française, en devenant lisse, et politiquement correct. Les humoristes qui triomphent sont Franck Dubosc, caricature du Français beauf (une valeur sûre depuis Cabu), Dany Boon (le mec sympa) et Gad Elmaleh (avec ses sketches sur le téléphone portable ou la cigarette).
Même Patrick Timsit, qu'on a connu très corrosif, s'est rangé, et la polémique des crevettes n'y est pas pour rien.
Pour mémoire, quelques répliques :
"Mon grand-père était acteur dans Shoah, il a fini mannequin chez Monsavon".
"Ils sont partout! Les medias, la politique! Ils sont partout! Le business, la culture! Ils sont partout! La télé, la radio, on n'entend qu'eux! La pub, l'immobilier, le monde du spectacle! Mais ils sont partout ces catholiques!!!"
"Qu'est-ce que c'est que ces catholiques qui viennent manger le pain azyme des français ? Ils ont un pays, c'est le Vatican, eh ben qu'ils y retournent !"
"Des fois je regarde la télé toute la journée. C'est chiant. Mais quand je l'allume, c'est pire !"
"Dans les maisons de retraite, il y a des listes d'attente. J'ai appris que mon petit-fils avait déjà inscrit mon fils."
Utilisateur anonyme
30 mars 2008, 13:43   Re : Anti-crevettisme primaire
Le démantèlement de la bouffonnerie et de ses droits ancestraux en France signale la fin d'un mode de rapports contractuel qui était, sinon un pilier, du moins consubstantiel à une culture, la nôtre. Ceux qui se réjouissent de ce démantèlement font peu de cas de cette culture.

C'est curieux, mais j'ai une impression exactement inverse : il me semble que la bouffonnerie n'a jamais été aussi triomphante. Elle règne en maître à la télévision où les "invités" doivent supporter stoïquement les portraits "décalés" (c'est l'expression consacrée) que font d'eux des "humoristes" qui les traînent dans la boue et à qui il ne faut surtout pas répliquer sous peine de passer pour un pisse-froid prisonnier de l'esprit de sérieux. Je me souviens par exemple de l'ignoble Baffie qui coupait systématiquement la parole aux "invités" de l'émission d'Ardisson avec ses jeux de mots minables et ses calembours vaseux auxquels on était prié de rire de bon coeur sous peine de finir sous les huées du public. Cette généralisation de la dérision et du sarcasme, dont l'insupportable Coluche a été effectivement le triste héraut, me semble une inépuisable source de sottise et de nocence et je ne suis pas mécontent de voir que les victimes de ce pilonnage se rebellent parfois et demandent des comptes à ces professionnels de la boutade fielleuse et offensante, qu'il ne me viendrait jamais à l'esprit de comparer à Courteline, Guitry ou Pagnol.
Vous avez également raison Alexis, les deux cohabitent joyeusement, hélas. Michel Onfray disait exactement la même chose à Philippe Sollers qui s'attristait que l'esprit de sérieux soit partout.

Utilisateur anonyme
30 mars 2008, 14:16   Re : Sombre dimanche
Michel Onfray disait exactement la même chose...

C'est un rude coup que vous me portez là, M. Robin !
30 mars 2008, 14:29   Re : Sombre dimanche
Pourquoi ? Michel Onfray, c'est le diable ?
Pour une fois que j'abondais dans votre sens...
Coluche était en effet insupportable (Roland Barthes pensait comme vous). Mais une société qui rend impossible un Coluche l'est davantage encore. Coluche permettait à toute la France de rire en coeur (sauf Roland Barthes, mais on ne lui en veut pas pour autant). Une société où le rire-en-coeur a disparu a éclaté en communautés qui s'épient et se tiennent en garde mutuellement; elle est semblable à une société où le chanter-ensemble serait impossible, est déjà, depuis longtemps, impossible (sauf au cinéma bien-sûr, avec "Les choristes").

Une société où le rire doit se barder de méfiance vous est-elle tolérable ? Et qu'est-ce que ces gens qui, à l'instar des Musulmans, se sentent offensés dans leur âme catégorielle par tel ou tel rire. Le rire a tous les droits. Si l'offense commence au déplaisir alors je suis en droit, en tant qu'hétérosexuel convaincu, de me sentir "agressé", "offensé dans mes convictions" par la Gay Pride et ses corps dénudés et peints qui se gaussent de mon style de vie, et je n'ai plus de ce pas qu'à aller le faire savoir aux tribunaux.

Les offensés dans leur foi, leurs convictions, leur moi malade ou handicapé par la maladie quelle qu'elle soit n'ont qu'à détourner le regard au passage de la Gay Pride, de Timsit et de ses crevettes. Tant que l'offense est médiatisée, tant qu'elle ne vous crie pas "tu es une salope, ou un triste con" en vous regardant dans les yeux, elle demeure sous contrat de civilisation, de médiation, elle est jouée sous contrôle d'un public, à l'abri d'un vieux contrat qui protège le bouffon et vous épargne la victimisation, et si elle ne vous plaît pas, la plaisanterie vous laisse libre de détourner le regard ou de vous boucher les oreilles: elle ne vous concerne pas, ne s'adresse pas particulièrement à votre moi sensible, douloureux et particulier. Dans son jeu, elle vous ignore comme elle ignore le ressenti des catégories victimes. Elle a tous les droits parce qu'elle est en son principe inoffensive, comme un virus dévitalisé qui est une moquerie de virus, un jeu pour piquer l'organisme au vif dans sa totalité et le faire réagir sainement.
Francis, vous vous êtes surpassé : chapeau bas !
30 mars 2008, 16:14   Traité d'Onfray
Ça va aller, Xissou ?
30 mars 2008, 19:12   Re : Traité d'Onfray
Aujourd'hui, le politiquement correct à front de taureau poursuit imperturbablement son chemin et le sillon qu'il trace pour les années à venir est si profond que rien ne l'en fera plus dévier. Peu lui chaut qu' un enfant de dix ans ans puisse démonter en se jouant les signes de sa crapulerie idéologique : ses incohérences criantes, ses mensonges manifestes, ses raisonnements fallacieux. Il peut même se donner le luxe de laisser la parole à ses contradicteurs. De toutes façons, il ne leur fera pas l'aumône de prendre au sérieux un seul de leur argument. Il se comporte face à eux comme face à l'idiot du village que, en souriant d'un air complice avec la galerie et en réfrénant son impatience, on laisse dire. Il a compris la combine : les traiter en têtes de Turc, en souffre-douleurs, en vieux radoteurs. Pour cela, Il met à égalité de grands intellectuels, athlètes du savoir et de la pensée profonde, avec, des poids plume, chanteurs, acteurs, footballeurs, et autres petits sauteurs, lesquels forts de leur viatique bienpensant qui leur tient lieu de bagage culturel et leur vaut l'onction médiatique, ont toujours droit au dernier mot, généralement une moralisante baudruche qu'ils lâchent sur les premiers aux applaudissements d'une claqe aux ordres. Par contre le comique subversif qui prendrait à parti l'actuelle bienpensance n'a pas droit de cité car, contrairement aux contradicteurs, en mettant les rieurs de son côté il serait, lui, imparable, et autrement ravageur.
Alors, oui, cher Alexis, vous avez raison : on n'a jamais vu à la télévision s'étaler autant de faces rigolardes ni entendu autant de rires, mais ce sont les rires serviles du courtisan qui veille à ne pas froisser les puissants, ces puissants que sont aujourd'hui les faiseurs d'opinion médiatiques et leurs chouchous du moment et devant qui même les hommes politiques filent doux. C'est un rire sous contôle qui ne libère pas, ne dérange pas mais, au contraire célèbre le pouvoir en place et ses idées. Si la France connaissait vraiment le vrai rire, celui qui libère, elle n'aurait peut-être pas besoin de tant de tranquillisants ni d'antidépresseurs.
Un exemple entre mille , le numéro d'égérie du poliquement correct fait, chez Ruquier, par une E.Béart soutenue par une claque aux ordres enthousiaste, devant des invîtés tenus à l'admiration. Pourtant Dieu sait qu'avec sa bouche en canard, sa détestable voix nasillarde et ses minauderies de rebelle d'opérette, c'est une caricature ambulante. Or, personne ne la caricature. Parions que si elle manifestait un engagement à droite et la moindre réticence à l'immigration, elle serait caricaturée haineusement et d'abondance.
30 mars 2008, 20:32   Théorie séduisante
Bien cher Francis,


Votre théorie est, comme d'habitude, séduisante.

Je vois cependant certaines objections, la plus sérieuse tenant à la présence du "média" par opposition à l'injure directe.

Prenons le cas de la voisine. Supposons qu'on ne lui crie pas, face à face, "salope", mais qu'on écrive sur le mur en face de chez elle (tag) "Mme X est une salope". Il y a bien là un média, et aussi une insulte directe.

En fait, je persiste à penser que la solution trouvée par la loi sur la presse de 1881, qui n'a pas changé depuis, est que, pour poursuivre l'expression d'une injure, il n'est pas nécessaire qu'elle soit directe. Il suffit que la ou les personnes objets de l'injure puissent être identifiées avec une certaine précision.

Souvenez-vous de "Hara Kiri" et de son interdiction, à la suite du fameux "Bal tragique...". En fait, l'interdiction eut deux motifs : l'offense à l'ancien chef de l'Etat et aux familles des victimes de Saint-Laurent-du-Pont.

Il n'y a donc pas là une évolution récente, masi bien un comportement ancien, qui tend à définir les difficiles, je vous l'accorde, limites de l'acceptable.

Notez enfin, bien cher Francis, que si on reconnaît au bouffon une liberté totale, il faut reconnaître aux adversaires du bouffon une égale liberté.

C'est de cette liberté dont fit usage l'UNP (Union Nationale Parachutiste). M. Gainsbourg avait usé de sa liberté de parodier la Marseillaise, l'UNP usa de la sienne pour venir chanter la Marseillaise lors des spectacles de M. Gainsbourg.

Je crains fort qu'on arrive alors à une sorte de liberté d'expression hobessienne où, tout le monde s'exprimant librement et sans aucune entrave, plus rien ne soit audible.
Utilisateur anonyme
30 mars 2008, 22:08   Re : "Mort d'une métastase"
Je partage pleinement le point de vue jmarc sur le fait que les outrages et les attaques abjectes doivent être punis par la loi. J'ai peine à croire qu'Orimont, Cassandre, JR et Francis soient vraiment d'un avis différent.

En tout cas, les exemples de Francis parlent d'autre chose : du droit de rire, de se moquer et de caricaturer. Et je suis alors pleinement d'accord avec lui lorsqu'il écrit que la plaisanterie, même cruelle :

Citation

....ne vous concerne pas, ne s'adresse pas particulièrement à votre moi sensible, douloureux et particulier. Dans son jeu, elle vous ignore comme elle ignore le ressenti des catégories victimes. Elle a tous les droits parce qu'elle est en son principe inoffensive, comme un virus dévitalisé qui est une moquerie de virus, un jeu pour piquer l'organisme au vif dans sa totalité et le faire réagir sainement.

Mais il ne s'agit alors pas d'insulte outrageante ou abjecte qui, s'adressant à un individu particulier est potentiellement destructrice. Même si vous deviez mourir d'un cancer, cher Francis, échappant ainsi à l'extrême déchéance du très grand âge que je vous ai récemment souhaitée, l'un de vos nombreux ennemis n'aurait pas le droit d'intituler votre éloge funèbre : "Mort d'une métastase".
30 mars 2008, 22:33   Re : "Mort d'une métastase"
Quel maïeuticien ce Corto! (Quelle patience, surtout... Pourriez-vous aussi expliquer à M. Marche la différence entre les blagues de Timsit sur les trisomiques et l'humour juif des camps de concentrations? Je vous passe la main).
Utilisateur anonyme
30 mars 2008, 23:18   Re : "Mort d'une métastase"
Votre confiance m'honore, cher jfbrunet. Mais, je crains de vous décevoir, notre ami Marche étant souvent rétif à toutes les nuances dont vous et moi nous embarrassons.
30 mars 2008, 23:56   Le monde du silence
Voilà Corto qui tend la main au Moucheur, celui qui, tel la murène dont la tête pointe hors de l’anfractuosité du rocher où elle se tient, opère sa reptation, sa brusque sortie pour, du gant dentu qui lui sert de gueule, moucher avec satisfaction le poisson-lune aventuré dans les parages de son antre.

Corto, vous qui êtes amateur de nuances et connaissez le droit: j'ai lu dans un article récent de Bernard Beignier, professeur de droit à l'université de Toulouse, intitulé "Existe-t-il un droit à la mort - Mieux vaut des exceptions au principe qu'un principe pour les exceptions" ceci: Si le suicide était un droit, le code pénal (art. 224-13 s.) n'incriminerait pas la provocation au suicide. Si le suicide était un droit, les pompiers et les soignants qui parviennent souvent à sauver ceux qui ont tenté de mettre fin à leurs jours devraient être poursuivis pour atteinte à la liberté personnelle.

Pourriez-vous, l'ami Rossellini, nous en dire plus sur cet article 224-13 s. du Code pénal et surtout nous exposer comment et en quoi les nuances que vous avez déployées dans votre éloge de feu Mme Sébire, paru dans les colonnes de ce forum à l'annonce de sa mort, vous préserveront de tomber sous le coup de cette loi? Merci.
30 mars 2008, 23:59   Re : "Mort d'une métastase"
Il existe, dans le droit de la presse, ce qu'on appelle le droit de réponse.
Ainsi, quand quelqu'un est mis en cause, il a le droit de répondre dans la même quantité de texte par lequel il a été mis en cause.
Pour autant, il ne s'agit nullement d'une "sorte de liberté d'expression hobessienne où, tout le monde s'exprimant librement et sans aucune entrave, plus rien ne soit audible."
Il est selon moi bien plus intéressant que des trisomiques viennent nous expliquer pourquoi ils estiment avoir été insulté, plutôt que tout cela se passe dans un tribunal où les échanges ne sont pas médiatisés.
J'en reviens à ma citation de Finkielkraut, les forums plutôt que les prétoires, et indique que lui-même n'a jamais attaqué qui que ce soit en justice, pourtant il a été traîné dans la boue et devant les tribunaux par bien des énergumènes.
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 00:02   répondre dans la même quantité de texte
Ça me dit vaguement quelque chose…
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 00:07   Métastase du nom
Jean Robin, c'est drôle, vous me faites penser à quelqu'un que j'ai (trop) bien connu et qui s'appelait Jean.
Quoi M. Brunet, insinuez-vous que Timsit n'est pas lui-même, ne joue pas lui-même - puisqu'il faut vous mettre les points sur les "i" et vous dire la différence d'instance et de parole qu'il y a entre une voix sur scène chaussée d'un nez rouge et une voix qui, à la ville, ne l'est pas - un trisomique d'entre les trisomiques, ce qui dans la fiction scénique l’installe parmi ceux que vise le rire, tout comme d'autres, hélas pour eux dans la vie réelle, purent, dans les camps, rire d'eux mêmes entre eux mêmes. ?

Les internés des camps de la mort organisaient parfois des petits théâtres, des semblants de troupe pour jouer des saynètes, a-t-on dit. Si tel était le cas, pourquoi d'après vous ?

Seriez-vous de ceux-là qui, dans certaines sociétés fossilisées attaquent à la ville les acteurs qui sur scène ont joué les méchants ? Cela ne m'étonnerait pas de vous.
31 mars 2008, 02:53   Re : Métastase du nom
Prenons le cas de la voisine. Supposons qu'on ne lui crie pas, face à face, "salope", mais qu'on écrive sur le mur en face de chez elle (tag) "Mme X est une salope". Il y a bien là un média, et aussi une insulte directe.


J'ai parlé de mise en scène et de tiers témoin, de public consentant et convoqué - de pacte d'in-nocence ai-je envie de dire - en tout cas de pacte de non-offense. Bref, de théâtre. Votre exemple ne correspond à rien de cela, en effet l'auteur du graffiti ne se met nulle part en scène comme le fait un "standing comedian" ou un fantaisiste façon Timsit ou Bedos. Il agit en anonyme, s'exclut de la plaisanterie, ne fait plus aucune plaisanterie, son acte est une offense, un délit passible des tribunaux.

Le cas Hara-Kiri, celui de la presse en général est à nuancer : lorsqu'il s'agit d'un article de presse, il peut y avoir diffamation. La caricature (telle celles de Mahommet) qui met en scène, bénéficie d'une licence ou devrait en bénéficier, comme art, théâtre, médiation complice; elle doit jouir de l'impunité du rire. On ne peut ni ne doit mettre sur un même plan les caricatures de Mahommet publiées par Charlie-Hebdo et l'offense directe, non médiatisée, titrée en une de ce numéro de Hara-Kiri en 1970 à la mort de De Gaulle. Cela étant, la condamnation de Hara-Kiri que vous mentionnez demeure à mon sens une mesure abusive, un abus de pouvoir pur et simple.

Enfin quoi de plus simple en fait: soit on considère que des personnes privées se reconnaissant dans les personnages d'une fiction peuvent agresser un auteur, le harceler comme cela a été fait à un écrivain français récemment qui vit des paysans qu'il avait mis en scène dans un de ses romans s'en prendre à ses proches et à ses biens; et l'on considère du même coup qu'il est "normal", "compréhensible" que certains éléments arriérés menacent de mort des acteurs ayant joué le rôle de méchants dans leur feuilleton préféré (ce fut le cas en France dans les années 60 pour l'acteur du feuilleton TV "Jacou le Croquant" incarnant le persécuteur du héros paysan; c'est encore le cas dans certaines campagnes chinoises); soit l'on adhère au pacte fictionnel, en homme civilisé et intègre, dépourvu de mauvaise foi et de désir malsain du pénal, et, si la fiction est déplaisante, on tourne la tête pour l'ignorer.
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 09:56   Re : Le monde du silence
Vous avez raison, cher M. Marche. Le suicide en France n'est pas un droit. Il l'est, avec des cautèles, dans de nombreux autres pays civilisés. Mais, le code pénal français ne condamne pas le suicide en tant que tel, mais uniquement la provocation au suicide. C'est pour ce motif que, lorsqu' un aspirant au suicide ne parvient pas à ses fins, il n'est pas - aussitôt ranimé par les pompiers et les soignants - amené derechef en prison et promptement condamné pour son "crime".

Citation

Article 223-13

(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

Le fait de provoquer au suicide d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide.
Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende lorsque la victime de l'infraction définie à l'alinéa précédent est un mineur de quinze ans.


J'ajouterai que même dans les pays qui reconnaissent le droit au suicide, il est du devoir des pompiers et des soignants de tenter de sauver le suicidaire trouvé à temps. Ceci tout d'abord pour le motif qu'il s'agit peut-être d'un appel au secours ou d'un état passager de dépression. Cependant, lorsque la volonté de mourir a été clairement et à réitérées reprises exprimées, on laisse généralement, dans ces autres pays civilisés, les gens partir en paix. Voici par exemple, comment, dans le canton de Vaud, on respecte la volonté des patients dans les hôpitaux :

Citation

Art. 23

Consentement libre et éclairé 13
a) Personne capable de discernement
1 Aucun soin ne peut être fourni sans le consentement libre et éclairé du patient concerné capable de discernement, qu'il soit majeur ou mineur.
2 En cas de soins usuels et non invasifs, le consentement du patient peut être tacite.
3 Un patient capable de discernement peut à tout moment refuser ou interrompre des soins ou quitter un établissement. Le professionnel de la santé ou l'établissement concerné a alors le droit de lui demander de confirmer sa décision par écrit après l'avoir clairement informé des risques ainsi encourus. Les dispositions concernant la privation de liberté à des fins d'assistance sont réservées.
4 Un échantillon de matériel biologique d'origine humaine ne peut être utilisé qu'aux fins approuvées par la personne concernée et dans le respect de ses droits de la personnalité. Il doit en principe être détruit après utilisation, sous réserve d'une décision contraire de la personne concernée et de la législation spéciale en la matière.
Art. 23a

b) Directives anticipées - Principes 13
1 Toute personne capable de discernement peut rédiger des directives anticipées sur le type de soins qu'elle désire recevoir ou non dans des situations données où elle ne serait plus en mesure d'exprimer sa volonté. Elle doit les rendre facilement accessibles aux professionnels de la santé.
2 Toute personne qui n'a pas déjà un représentant légal peut de la même manière désigner un représentant thérapeutique chargé de se prononcer à sa place sur le choix des soins à lui prodiguer dans les circonstances décrites à l'alinéa premier. Les relations entre la personne concernée et son représentant thérapeutique sont régies par les règles du contrat de mandat gratuit.
3 Les directives anticipées peuvent être modifiées ou annulées à tout moment par leur auteur, sans limitation de forme.
Art. 23b

Effets 13
1 Chaque professionnel de la santé doit respecter la volonté que le patient a exprimée dans des directives anticipées si ce dernier se trouve dans une situation qu'elles prévoient.
2 Si le patient a désigné un représentant thérapeutique, le professionnel de la santé doit lui fournir les informations nécessaires conformément à l'article 21 et obtenir son accord.
3 Lorsque le professionnel de la santé est fondé de penser que les directives anticipées ne correspondent plus à la volonté actuelle du patient ou qu'il existe un conflit d'intérêt entre le patient et son représentant thérapeutique, il doit saisir l'autorité tutélaire.
Art. 23c

c) Personne incapable de discernement 13
1 Si le patient est incapable de discernement, le professionnel de la santé doit rechercher s'il a rédigé des directives anticipées ou désigné un représentant thérapeutique. En l'absence de telles directives ou de représentant thérapeutique, le professionnel de la santé doit obtenir l'accord de son représentant légal ou, à défaut, recueillir l'avis de ses proches après leur avoir fourni les informations nécessaires conformément à l'article 21.
2 Lorsque la décision du représentant thérapeutique, respectivement du représentant légal, met en danger la santé du patient, le professionnel de la santé peut recourir à l'autorité tutélaire.
3 En cas d'urgence ou en l'absence d'un représentant légal, le professionnel de la santé doit agir conformément aux intérêts objectifs du patient, en tenant compte de la volonté présumée de celui-ci.

C'est cela le maitre mot, Francis, pour lequel je me bats et qui suscite chez vous un étonnant prurit répressif : le respect de la volonté librement exprimée.

Quant à moi, l'ami Marche, vous constaterez qu'il sera difficile de me faire condamner sur la base de l'article 224-13 du code pénal français (je signale que je n'ai pas trouvé ce texte dans une édition récente du code pénal sur internet), puisque ma lettre ouverte est postérieure au suicide de Mme Sébire. Vous serez assurément sensible à cette nuance. Ce n'est que lorsque l'apologie du suicide sera condamné pénalement en France - ce que vous appeliez de vos voeux récemment - qu'il sera temps que je me réfugie dans les montagnes suisses.
31 mars 2008, 15:07   Re : "Mort d'une métastase"
M. Marche, vous avez réussi à me faire rire. Cependant, la murène fossilisée aux dents pointues échoue à voir en quoi le comique Timsit s'inclut dans la communauté des trisomiques dans le sketch sus-cité. Je ne vois aucun "entre soi" dans cette histoire. Je ne vois guère de rapport non plus avec un méchant de pièce de théâtre (sauf si Timsit jouait dans ce sketch un rôle d'abruti autosatisfait se vautrant dans la plus abjecte vulgarité, mais alors c'est de lui que nous ririons). (Curieusement, au-dessous d'un certain seuil, plus un raisonnement est faux, plus il est laborieux de le démonter. Corto, à l'aide!).
31 mars 2008, 15:48   Re : "Mort d'une métastase"
Rire de, rire avec... Comment faites-vous la distinction ?
Quand un humoriste joue un raciste par exemple, on rit bien de lui, pas avec lui. Certes, ces sketches sont souvent les plus mal interprétés, Bedos à Marrakech, Desproges et les juifs-juifs, Coluche et le CRS arabe, Muriel Robin et le noir...
Mais ce sont souvent leurs sketches les plus drôles !
31 mars 2008, 18:03   Re : "Mort d'une métastase"
Je crois que le rire est un mécanisme complexe, subtile, qui peut exprimer plusieurs sentiments contradictoires à la fois. On peut être très intelligent et aimer l'humour bête ou très sensible et aimer l'humour noir voire macabre.
Dans le cas du sketch de Timsit le public rit de l'énorme mauvais goût de la blague et du culot avec lequel il est assumé. Il rit du personnage, joué par Timsit, capable de lâcher ingénument, en quelque sorte, une telle énormité, et peut-être rit-il de Timsit lui-même. A aucun moment, me semble-t-il, il ne rit des trisomiques. N'aura-t-on plus droit désormais qu'au rire "light" bon pour la soi disant morale, comme la nourriture "light" sans gras ni goût, est, soi disant, bonne pour la santé? Va-t-on finir par mettre, aussi, le rire au régime ( du totalitarisme bien pensant ) ?
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 18:06   Re : Noir, noir ?
Citation

Quand un humoriste joue un raciste par exemple, on rit bien de lui, pas avec lui
Je ne crois pas M. Robin. Je n'écoute guère les humoristes et n'ait pas votre culture dans ce domaine. Mais, pour avoir vu le sketch de Robin sur le fiancé "noir noir "de sa "fille", il me semble clair que l'on rit avec elle des sentiments racistes du personnage de la mêre. Il y a une connivence et il s'agit peut-être de ce pacte de non offense dont parle Francis Marche.

Mais, il y a assurément un second niveau de lecture et de compréhension de ce sketch, plus trouble. Car, à certains moments ne se dit-on pas, tout bas au fond de soi, que, tout de même, les réactions de cette mère blanche, pour excessives qu'elles soient, ne sont pas totalement injustifiées ? Mais, naturellement, il n'y a rien dans ce sketch de condamnable au sens légal du terme.

Quant à Timsit, cher jfbrunet, j'ignore tout de cet énième amuseur et je ne suis donc pas en mesure de prêter un quelconque concours. Sinon ce cortophobe de Marche m'accuserait de parler sans savoir et il aurait raison. En revanche, je suis peut-être en mesure de vous aider pour modifier votre pseudo. Je l'avais fait, sous l'ancien régime du site, en me connectant avec un ordinateur différent et en inscrivant une nouvelle identité d'accès..
31 mars 2008, 18:31   Re : "Mort d'une métastase"
Il est très drôle (!) que le sketch de Muriel Robin ne marche pas si on remplace noir par autre chose. Au hasard :

« Patricia, ça fait un quart d'heure que tu me parles de ce David,
j'ai très bien compris où tu voulais en venir,
je suis ta mère, donc je te connais, comme si je t'avais faite,
Tu veux savoir si je suis d'accord pour que tu le fréquentes.
Pour que tu ... ? L'épouses ? 2 secondes. (elle pousse des cris pleurnichards)
Patricia, je ne te cache pas que je suis un petit peu surprise que tu fzeifvenu.
Excuse-moi, je te livre les mots un peu comme ils arrivent.

Alors dis-moi : je le connais ? Non. Alors ton père le connaît ? Non plus.
Alors personne ne le connaît !
Oui, je t'avoue que je suis un petit peu surprise, et j'aimerais retourner dans ma cuisine pour en parler avec ton père.

Un problème ? Ça ne vient pas de nous j'espère !
Alors quel problème ? Il est … (cri hystérique) … juif ? 2 secondes (cris pleurnichards)
Tu en es sûre ? Non, je te fais confiance.
Si ça me gêne ? Mais pas du fru, du schkru. S'il est juif, c'est qu'il a de bonnes raisons de l'être !
Mais il est juif-juif, ou juif un peu mélangé ? Ah il est juif-juif, complètement juif. On n'est pas dans la merde !

Mais tu as tout à fait le droit d'épouser un youpin.
Hein ? Comment ça, j'ai dit youpin. Oh ça m'étonnerait que j'ai dit ça, j'ai dû faire un lapsus.
Si, si, j'en parlais encore à midi avec ton père, je lui disais : il y a beaucoup trop de goys dans la famille ! Des goys, toujours des goys, moi je ne peux plus les encadrer ces goys.
Alors moi je le dis tous les jours : vive les juifs !

Dis-moi mais les parents de cet homme juif, ils sont juifs? Eux aussi.
Mais ils le savent ?
Que leur fils épouse une goy ? Ils sont plutôt contents ? Tu penses.
Détrompe-toi Patricia, je cache ma joie. Et d'ailleurs si tu le veux bien, je vais aller dans la cuisine pour aller fêter l'événement avec ton père.

Pardon ? La date des noces ? On n'en est peut-être pas encore là quand même.
Si, vous avez arrêté une date ? Ah ben c'est différent bien sûr !
Et alors, quand est-ce que c'est prévu pour ? Demain ? Tu peux me prendre en photo s'il te plaît ? (elle grimace)

Ben, disons que ça fait pas mal de nouvelles d'un coup.
Comment tu penses faire avec ton père, on est invité, oh youki !
Et toutes ces kippas pour un mariage, d'un coup d'un seul, t'as pas peur que ça fasse un peu d'oeil ? Non.
Ca va être quoi du coup, ton nouveau nom ? Ah.
Donc à ton père, que ce soit bien clair dans sa tête, je lui dis que demain, tu épouses un juif qui s'appelle David Cohen-Lévy. Tu peux me rappeler où se trouve ma cuisine s'il te plaît.

Autre chose ?
Et si on en gardait un petit peu pour demain ? Non ? C'est important ?
Il est de Nevé Shalom - Wahat as-Salam ? Oui, ben ça je vais te dire, c'est pas le plus grave.
Je ne te cache pas que j'avais un petit peu peur que tu m'en files une autre sur le ...
Tu pars t'installer demain dans son village ?
Bon ben je vais aller voir papounet dans ma zizine. »
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 18:37   Re : J'y pense et puis j'oublie
Au hasard :

Moi, ce sont ces deux mots-là qui m'ont fait le plus rire !
C'était fait exprès, cher Alexis, pas comme Onfray... (pour ceux qui ont suivi)
31 mars 2008, 21:39   Re : "Mort d'une métastase"
Pour Cassandre:
Le rire n’est pas subtil en soi, il peut être subtil (y compris dans l’énormité) et les rires les plus subtils sont souvent les plus satisfaisants. La subtilité consiste souvent à se reconnaître dans ce qui est moqué.
Je n’ai pas vu le sketch de Timsit et cela commence à devenir embarrassant de pontifier sur ce sujet. Néanmoins : je n’imaginais pas une seconde que Timsit se moquait des trisomiques (ou alors je n’imagine pas une seconde que cela pourrait vous amuser), mais plus simplement qu’il parlait en partageant avec son audience la certitude implicite, inconsciente, qu’aucun trisomique ni aucun parent de trisomique, ces abstractions, pourrait se trouver dans la salle ou regarder la télévision. Je vous accorde qu’il est très difficile de rigoler in-nocemment quand le monde entier est censé participer à la rigolade. Un dernier point : quand vous vous récriez qu’il ne pourrait jamais s’agir, oh non ! de se moquer des trisomiques, vous êtes la victime (consentante) d’une forme de « correction politique », puisque après tout, se moquer des infirmes et des débiles a été la norme pendant de nombreux siècles. Vous êtes moderne, Cassandre, imaginez un peu !
Utilisateur anonyme
31 mars 2008, 23:20   Re : "Mort d'une métastase"
Impressionnante démonstration, cher jfbrunet. Cassandre ? Moderne ? Quel talent !
31 mars 2008, 23:26   Re : "Mort d'une métastase"
Je suis une femme, cher JFbrunet, et, pourtant, la misogynie d'un Guitry, par exemple, me fait rire. En fait, c'est de lui, Guitry, que je ris, mais c'est d'un rire sans moquerie. Je ne sais si je me fais bien comprendre.
Quant à la vanne de Timsit, si je dis qu'en en riant ce n'est pas des trisomiques que se moque le public, il ne s'agit pas de ma part d' une protestation déguisée de vertu effarouchée, mais d'une simple constatation.
01 avril 2008, 10:01   Re : "Mort d'une métastase"
Excusez-moi chère Cassandre, j'avais cru entendre, sous la "simple constatation", quelque chose comme une approbation morale que dans cette histoire personne ne se moquât des trisomiques, qui est ce que je qualifiais de "moderne".
Je ne crois pas que les femmes soient tout à fait dans la même position par rapport aux blagues misogynes (ni, pour me faire bien comprendre, les belges par rapport aux blagues anti-belges) que les trisomiques par rapport aux blagues anti-trisomiques.
Enfin, Guitry c'est toute une époque... je ne suis pas sûr que son strict équivalent contemporain vous amuserait beaucoup.
01 avril 2008, 10:21   Re : "Mort d'une métastase"
Je crois, cher Corto, cher JFbrunet, que la question d'être moderne ou anti moderne, ne s'est jamais posée pour moi. Je déteste toutes les postures, quelles qu'elles soient, sauf, à la rigueur, si elles ont le panache de faire encourir des risques sérieux à celui qui les affiche. J'essaie de me déterminer par raport aux faits . Et si vous me dites que je n'y arrive pas toujours, je veux bien vous l'accorder.
» Si le suicide était un droit, le code pénal (art. 224-13 s.) n'incriminerait pas la provocation au suicide. Si le suicide était un droit, les pompiers et les soignants qui parviennent souvent à sauver ceux qui ont tenté de mettre fin à leurs jours devraient être poursuivis pour atteinte à la liberté personnelle.

Excellent. C'est un peu la méthode de substitution d'éléments pertinents, qui a fondé la linguistique, et qui est toujours l'une des bases du structuralisme. Dans le même ordre d'idées, pour répondre à des revendications tout aussi provocantes : si la prostitution était un travail « comme les autres », il faudrait exclure des allocations de chômage ceux et celles qui s'y déroberaient lorsqu'un poste se présente...
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