A partir de juin prochain, les nouvelles mesures prévues pour réglementer l'immatriculation des véhicules automobiles entreront en vigueur. En octobre dernier, cédant à la pression de militants de la cause départementale, Michèle Alliot-Marie a accepté qu'un numéro de département figure obligatoirement sur les futures plaques. Il est prévu de faire figurer ce numéro, accompagné du "logo" du département, ces deux éléments figurant l'un au-dessus de l'autre, dans le coin droit de la plaque, en caractères beaucoup plus petits que les chiffres inintelligibles qui identifieront le véhicule.
Un détail me semble curieux, bien dans cet air du temps où il s'agit de "ressentir" les choses, de se choisir une appartenance puis de l'exposer avec ostentation. En effet, la loi prévoit que le propriétaire d'un véhicule pourra choisir le numéro de département, indépendamment de son lieu de résidence mais en fonction de celui "avec lequel il ressent les attaches les plus fortes."
C'est un enchaînement de décisions qui me paraît vraiment caractéristique de l'époque :
Premier acte : le gouvernement propose une loi qui fait disparaître complètement sur la plaque minéralogique toute indication de résidence du propriétaire d'un véhicule. Deuxième acte : les "traditionalistes" se récrient, montent au créneau et font valoir que la population est attachée à ces signes géographiques, ce qui est vrai. Troisième acte : le gouvernement fait une concession à ces militants bien intentionnés mais ajoute une disposition qui ruine les espoirs de ces rêveurs à vouloir encore savoir qui vient d'où. Quatrième acte : une énième occasion d'affirmer des appartenances est née, puisque c'est désormais un choix éventuel, pour ne pas dire une profession de foi, de se sentir du 93 sur la route de Mende, du 06 dans la banlieue de Reims ou du 69 du côté de Sète. Cinquième acte : on tente d'endiguer les éventuelles occasions de compétitions identitaires artificiellement créées en organisant un battage "fun" autour du "hit-parad" des numéros "tendance".
