La "rue arabe", métonymie pour "opinion publique arabe", est passionnée, elle s'enfamme facilement, elle est la colère des peuples, la voix des sans voix, la hantise des gouvernants, le contre-poids aux tyrans, etc. L'essence de la "rue arabe" n'est pas dans cette "scie" de siencieux du social oriental, mais dans la réalité, vraie, avérée, attestée, de la France "multiculturelle" actuelle.
Lyon. Hier, samedi, vers midi, je suis allé à pied de la rue Chevreul (près du Rhône) à la gare de la Part-Dieu (ça prend 40 minutes), en allant tout droit, à partir de la rue de Marseille. Ce sont les noms que j'ai lus sur le plan le ville, place Gabriel Péri, rue Paul Bert, Boulevard Gambetta, place Voltaire, rue E Dolet, noms qui évoquent en moi toutes les formes de résistance française de l'histoire (à l'Allemagne, à la Prusse, à l'Inquisition, à la Bêtise, etc.), qui m'ont incité à choisir cet itinéraire.
Très rapidement, en arrivant près de la place Péri (quartier de la Guillotière) et en constatant que j'étais le seul autochtone à marcher sur le trottoir, j'ai compris que la réalité des rues démentait l'essence et le sens des noms qu'elles portent : la rue Paul Bert n'est plus qu'une juxtaposition de restos à bouffe rapide et exotique (kebabs, parfums et saveurs d'Orient, pâtisseries dégoulinantes de miel, orientales à en vomir), de boutiques de téléphonie, de magasins de costumes de cérémonies et de créations de caftans (de la "sape" de mariage, hommes et femmes, faussement luxueuse, tapageuse, m'as-tu vu, arrogante, pittoresquement orientale : j'ai eu le sentiment qu'une même famille possédait toutes ces mêmes boutiques, sans doute pour assécher le marché et empêcher toute concurrence), de libraires orientales (en fait strictement islamiques : aucun livre haram n'était exposé). Plus aucune boutique non hallal. Les immeubles de bon standing ne sont plus entretenus, les portes des immeubles sont ouvertes ou défoncées. Embouteillage interminable, coups de kalaxon, cris... En bref, au coeur de Lyon, de Péri ou de Gambetta à Voltaire et à Dolet, en passant par Paul Bert, c'est la rue arabe dans sa réalité sordide et déprimante, celle de l'enfermement sur soi, de la privatisation de l'espace public, du marquage ethnique et religieux.
A l'aller, j'avais fait une expérience opposée, en traversant le quartier français : rue Mazenod, berges du Rhône, espace public, soigneusement entretenu, de la discrétion et de la courtoisie, où chacun peut rester sur son quant-à-soi et être lui-même.
A la fin de la guerre et pendant les années 1950. j'ai entendu, au cours des repas de famille, les mêmes anecdotes sans cesse répétées par des adultes qui, en 1942, sortaient à peine de l'enfance et qui se souvenaient tous des conseils que leur donnaient leurs parents avant la promenade : "si vous croisez les verts-de-gris, vous changez de trottoir ou vous prenez la première rue adjacente". Rue Paul Bert, même en changeant de trottoir, même en prenant la rue adjacente, il est impossible de les éviter. Les barbus en djellaba, les femmes voilées, les gens de là-bas, etc. occupent tout l'espace public. Ils ne laissent rien à qui ne serait pas eux.