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question de syntaxe

Envoyé par Bruno Chaouat 
28 juillet 2009, 02:35   question de syntaxe
Une question aux grammairiens, car plus je réfléchis au problème, moins j'y vois clair. D'avance, merci. Doit-on écrire :

"la morale des devoirs se voit supplantée par la morale des intérêts" ou :
"la morale des devoirs se voit supplanter par la morale des intérêts" ?
Utilisateur anonyme
28 juillet 2009, 07:32   Re : question de syntaxe
Oui, je suis d'accord avec vous Elise, car on peut exprimer la phrase, de sens passif, ainsi :
« La morale ... se voit être supplantée par ... ».
L'infinitif à "supplanter " signifierait une tournure active, et il n'y aurait pas de "par", cette tournure active (dont les sens est l'inverse de la première phrase) donnerait :
« La morale des devoirs se voit supplanter la morale des intérêts ».
28 juillet 2009, 11:09   Re : question de syntaxe
Elissséivna et Anna ont raison. : ée car il s'agit d'une action passive suivie d'un complément d'agent.
28 juillet 2009, 12:05   Re : question de syntaxe
er paraît fautif car il donne pour sujet de "supplanter" le groupe nominal "la morale des devoirs" et assigne à "par la morale des intérêts" une autre fonction, qui serait celle d'un moyen (par la voie de/par l'effet de la morale des intérêts). Autrement dit, "er" donne un sens contraire à votre propos (avec lui, c'est "la morale des devoirs" qui supplante).

Ainsi on écrira : "la morale des devoirs se voit perdre en importance [devant/par l'essor que prend] la morale des intérêts" où l'on voit que "se voit + verbe inf." ne peut avoir d'autre sujet que "la morale des intérêts" et n'admet pour verbe à l'infinitif qu'un verbe qui admettra "morale des intérêts" pour sujet ("décliner", "perdre en importance", etc.).
28 juillet 2009, 12:42   Re : question de syntaxe
Je vous remercie tous inifiniment pour vos lumières. Je penchais pour ée, mais merci de rationaliser ma première inclination.
Utilisateur anonyme
28 juillet 2009, 15:09   Re : question de syntaxe
" Le participe passé, dans la conjugaison passive, s'accorde en genre et en nombre avec le sujet du verbe. "
28 juillet 2009, 19:07   Re : question de syntaxe
Notre bon Grevisse nous dit également que lorsque se voir est ainsi employé, en tant qu'auxiliaire du passif, avec des noms de choses, cela est critiqué au nom de la logique (des choses ne pouvant pas voir).
Utilisateur anonyme
28 juillet 2009, 20:01   Re : question de syntaxe
La morale n'est pas une chose, mais une idée, des idées, or des idées peuvent se réfléchir, en principe.
28 juillet 2009, 21:51   Re : question de syntaxe
La "chose" désignant de la façon la plus générale la manifestation de ce qui est, et les idées étant bien des réalités d'un certain ordre, la morale tombe donc bien sous le concept généralissime de "chose".
A moins que l'on n'en veuille limiter l'extension à la catégorie des "objets", et ceux-ci encore à celle, selon le mot savoureux de W.V.O. Quine, de "chose visuo-tactile", précisément, mais ce serait aller contre l'usage et le sens commun.
Utilisateur anonyme
28 juillet 2009, 22:31   Re : question de syntaxe
Grevisse utilise ici le mot chose au sens d'être inanimé, qui ne peut pas voir, car inanimé, et non au sens général de ce qui est, puisqu'au sens large du mot chose, les êtres animés et doués de vue, sont aussi des choses et non du néant.
Cela m'a également laissée songeuse, le fait que "morale" soit qualifiée de chose, nonobstant le Grevisse. Et la remarque d'Elise m'incite à dire qu'en effet la morale étant une donnée éminemment humaine, "se voir" est employé pour rester dans cette métonymie, puisqu'il s'agit implicitement d'êtres humains porteurs et acteurs de la morale en question.
28 juillet 2009, 23:00   Re : question de syntaxe
A vous suivre, Mesdames, le vieux Kant n'aurait jamais parlé de la chose en soi, ni Léonard de la peinture comme cosa mentale. Mais peut-être le Trésor vous convaincra-t-il mieux : Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 842 cosa « réalité concrète ou abstraite généralement déterminée par le contexte » (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie)
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 00:37   Re : question de syntaxe
par le contexte

Grevisse pense qu'une voiture ne peut pas "se voir" dépassée, alors qu' un pigeon voyageur oui, mais une pensée est elle plus une voiture qu'un volatile ?
29 juillet 2009, 08:11   Cuistrerie
Et puis il y a le vaste monde des "choses" humaines: un "comité", par exemple est-il autre chose qu'une chose, bien que constitué d'humains. Grévisse condamnerait-il alors le comité chargé d'étudier les questions budgétaires s'est vu attribuer la salle B, 4ème étage ? ou encore "l'exploitation de l'homme par l'homme", qui est un concept, au même titre qu'à peu près tout sous la lune, doit-elle se voir retirer le droit de se voir condamnée à la tribune par la succession d'intervenants ? et doit-on proscrire le réchauffement climatique se voit accusé de tous les maux ?

Grévisse, parfois, est un doux cuistre.
29 juillet 2009, 08:28   Re : Cuistrerie
Est-ce le Grevisse qui est un doux cuistre, comme vous le dites, cher Francis, ou bien le lecteur qui parfois confond l'esprit et la lettre ?
29 juillet 2009, 09:48   Normalisation
Bien chère Anna,

Je partage l'avis de Francis. On peut facilement normaliser certains choses (la dimension des prises de courant, par exemple). Vouloir normaliser l'usage de la langue et graver dans le marbre ce qu'on doit dire et ne pas dire expose au ridicule quand se présentent des cas complexes ou originaux.

Je tiens beaucoup à l'exemple de Gide, relatif à "par contre" qui est théoriquement prohibé (mais admis par Grevisse, avec réserves).

Ne trouvez-vous pas une formule du style "mon fils n'a été que blessé au Chemin des Dames, en revanche mon mari a été tué à Verdun ?".

Une langue est faite tout de même pour être parlée et, une fois parlée, comprise. Si on l'enferme dans un mausolée, elle devient une langue morte.
29 juillet 2009, 09:50   Re : Cuistrerie
Puisque l'on aborde l'épineuse question de la cuistrerie (épineuse car on est toujours le cuistre de quelqu'un, surtout peut-être lorsqu'on pratique la cuistrerie morale), enfonçons le clou, et soyons cuistre et demi : c'est bien Grevisse qu'il faut écrire (et même dire), chers elisseievna et Francis.
29 juillet 2009, 10:27   Re : Normalisation
Cher Jean-Marc,
je suis complètement d'accord avec ce qu'avait écrit Francis, et ses nombreux exemples judicieux donnés à la suite de sa définition.
Je n'ai pas le paragraphe du G. que Francmoineau nous a évoqué, pour l'emploi de "se voir". Il me semble que justement sans vouloir graver dans le marbre notre langue, les préceptes du G. sont à appliquer, mais en tenant compte des figures de style employées, (si on veut analyser et surtout comprendre un texte, ou seulement une phrase).

Pour moi c'était de l'ordre de l'explicitation, mais sans désir de mettre la langue sous "cloche", même de cristal.
29 juillet 2009, 10:37   Re : Cuistrerie
Francmoineau ne souffrit point que Grevisse se visse écrit Grévisse par Francis et Elisseievna et, faisant fissa, leur vissa leur vis.
29 juillet 2009, 10:41   Re : Normalisation
Cher jmarc, on peut prendre plaisir à fouiller, à décortiquer, à illustrer les nombreux tours et détours de la langue sans pour autant vouloir l'enfermer dans un mausolée, comme vous dites. Cela dit, j'en viendrais presque parfois à regretter que le français ne fût pas une langue morte, quand je considère les tortures qui lui sont quotidiennement infligées chaque jour par la majorité de ses locuteurs.
29 juillet 2009, 10:44   Re : Normalisation
Se visse ? mais c'est du vice, cher Francisse !
29 juillet 2009, 10:46   Re : Normalisation
Sa l'est.
Je révise la phrase ci-dessous. Confié ou confier ? ou choix indifférent ?

Fournissant sa collaboration au travail d’évaluation technique, le Secrétariat affecte les projets et les avant-projets soumis à des évaluateurs primaires et secondaires d’un pays membre producteur et d’un pays membre consommateur représentés parmi les 12 membres du panel d’experts. De la sorte, sont produites des présentations et expertises approfondies des projets avant de procéder à l’évaluation d’ensemble effectuée par tous les membres en vue de prendre une décision. Cette attribution préalable doit se faire en respectant certains critères qui répondent au souci d’objectivité chez les évaluateurs, en s’assurant notamment que le membre du panel venant d’un pays dont les propositions sont examinées ne se voit pas confier des présentations primaires et secondaires dans l’évaluation technique de ces propositions.
29 juillet 2009, 13:26   Revisor
Pour moi, c'est "confier", c'est l'action qui est "vue", pas forcément le résultat. Cela étant, confiées est tout aussi correct, nous sommes vraiment dans des nuances subtiles...
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 13:34   Re : question de syntaxe
La partie de phrase " confier ...", est une proposition infinitive, complément du verbe "se voir". Le sujet de la phrase n'est pas l'objet du verbe confier, il n'est pas confié ni remis.
La phrase pourrait être développée ainsi "le panel se voit, à lui être remis ..." : on voit que l'infinitif correspond à un sens passif dont les présentations sont les sujets, et non le panel.
Bon, puisque personne ne semble devoir se donner la peine d'ouvrir son "doux cuistre", je me dévoue :

"Se voir sert d'auxiliaire du passif, avec le participe passé ou l'infinitif :

Quatre hommes portaient les brancards et SE VOYAIENT RELAYES par d'autres (Al. DUMAS, Tulipe noire, XXXI). - D'autres [...] SE VOIENT IMPOSER une image affligeante d'eux-mêmes (BEAUVOIR, Tout compte fait, p.16). [Ceci permettant de maintenir l'objet direct.]
Quand se voir est ainsi employé avec des noms de choses, cela est critiqué au nom de la logique (des choses ne pouvant pas voir) : Les idées les plus accréditées [...] SE SONT VUES attaquées, contredites (VALERY, Regards sur le monde actuel, Pl., p. 944)."

(J'ai essayé de conserver les variations typographiques de l'article sans y parvenir tout à fait, vous voudrez bien être indulgents)
Je crois en effet que c'est "confier", car avec "des propositions primaires" comme c.o.d., l'infinitif s'impose. Se voir admettant se comme complément (dès lors que l'on renonce à l'existence des "verbes non essentiellement pronominaux"), il faut, pour que la phrase tienne debout, que soient enchaînés deux-verbes-dont-le-second-est-toujours-à-l'infinitif et dont le statut d'infinitif lui fait admettre le c.o.d. des propositions primaires.

Ainsi de l'expression il se voit confier des tâches impossiblesse est complément du premier verbe; des tâches complément du second.
Pas d'accord avec vous, cher jmarc, confié (et moins encore confiées) ne saurait convenir ici, où c'est le complément d'objet qui décide de l'infinitif.
29 juillet 2009, 13:45   Re : question de syntaxe
et que dites-vous alors de se voir relégué à des tâches ingrates après avoir rendu d'immenses services constitue une injustice, qui paraît pourtant correcte ?

Voyez-vous la différence avec l'exemple précédent ? Pour moi, cette différence, non sémantique, tient au régime indirect de "reléguer", qui n'admet pour complément d'objet direct que le "se" du premier verbe, d'où sa forme en participe.
29 juillet 2009, 13:56   Re : question de syntaxe
Ben oui, Francis, ce n'est plus un C.O.D., mais un C.O.I., comme on disait de mon temps. Mais j'ai moi-même un exemple qui me taraude, dans cette traduction d'un quatrain de Khayyâm (j'en ignore l'auteur) :

La vie s'écoule. Que reste-t-il de Bagdad et de Balk ?
Le moindre heurt est fatal à la rose trop épanouie.
Bois du vin, et contemple la lune en évoquant les civilisations qu'elle a vues s'éteindre.


Là, cher jmarc, je sens pour ma part une incertitude sur le participe passé du verbe voir : vu pourrait faire l'affaire...
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 13:56   Re : question de syntaxe
Quatre hommes portaient les brancards et SE VOYAIENT RELAYES par d'autres (Al. DUMAS, Tulipe noire, XXXI). - D'autres [...] SE VOIENT IMPOSER une image affligeante d'eux-mêmes (BEAUVOIR, Tout compte fait, p.16).

"se voir relégué à des tâches ingrates après avoir rendu d'immenses services "

Il y a une forme passive lorsque le sujet est l'objet de l'action du verbe :
on relaye des hommes, on suplante des hommes, on relègue untel.
Mais s'il y a un complément d'objet du verbe "se voir" sous forme de proposition infinitive, alors le sujet n'est que le complément d'attribution du verbe à l'infinitif : on impose une image à d'autres, on n'impose pas ces autres.

" les civilisations qu'elle a vues s'éteindre."
Accord du participe passé avec le complément d'objet qui le précède.
29 juillet 2009, 14:06   Re : question de syntaxe
Ah, l'art de compliquer les choses... Pardonnez-moi, Madame, mais il m'est difficile d'admettre la pertinence de vos tentatives d'explications sur ces points de délicatesse du français quand vous nous livrez si souvent des messages linguistiquement approximatifs. Je sais qu'en disant cela je me conduis en mufle, mais je n'y tiens plus.

Lisant en parallèle un autre fil, je suis heureux de trouver chez l'ami Obi une bonne illustration de notre propos :

Il nous ramène à la nature propre à chaque sexe, à leurs rôles depuis au moins 10.000 ans qui se voient, (essentiellement pour les hommes, croit-on) très rapidement (en quelques dizaines d'années, et on peut aussi dire, année après année) perdre tout ce qui faisait qu'ils étaient eux-mêmes.
29 juillet 2009, 14:07   Re : question de syntaxe
Pour moi c'est "vu":

Les hommes que j'ai vu mourir, que j'ai contemplé s'entretuer, après les avoir ouï s'entretenir et se promettre la paix.

Un léger doute subsiste toutefois avec le participe présent : les civilisations que j'ai vues s'épanouir, puis contemplées s'éteignant me paraît pas mal.
29 juillet 2009, 14:13   Re : question de syntaxe
Pas d'accord avec la deuxième partie de votre message, cher Francmoineau: dans cet exemple tiré du corpus obiwanien, qui se voient perdre apparaît comme un tout autre cas puisque, à la différence de l'expression de votre quatrain persan, "voir" et "perdre" ont même sujet: le pronom qui. Dans voir s'éteindre les civilisations, les sujets sont disparates.
29 juillet 2009, 14:15   Re : question de syntaxe
Le rappel des règles par IPHARK m'oblige à revoir ce que j'avais écrit ici en réponse à Elisseievna. En résumé, la forme pronominale ("s'éteindre") du second verbe doit relativiser la règle rappelée par IPHARK et permettre un "qu'elle a vu s'éteindre". (voir quoi ? "voir s'éteindre les civilisations" et non "voir les civilisations").
29 juillet 2009, 14:23   Re : question de syntaxe
Quel est le complément d'objet de "voir" ? Certes pas "les civilisations": l'auteur en effet n'écrit pas "les cilivisations qu'elle a vues", mais "les civilisations qu'elle a vu s'éteindre", soit l'extinction de ces civilisations, autrement dit, l'objet n'est point situé avant le verbe mais bien après lui, d'où "vu" invariable, en toute rigueur.
29 juillet 2009, 14:25   Re : question de syntaxe
Le principe n'est-il pas que le participe passé précédé d'un complément direct et suivi d'un infinitif s'accorde quand le complément direct peut être le sujet du verbe à l'infinitif ? Comme dans "les fillettes que j'ai entendues chanter. "
29 juillet 2009, 14:39   Re : Normalisation
Bien dit, Monsieur Marché.
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 14:53   Re : question de syntaxe
Francmoineau, vous ne savez que citer des exemples, que vous n'analysez pas : en êtes vous capable ?

Elle les a vues, et elle les a vu s'éteindre ...
29 juillet 2009, 14:56   Re : question de syntaxe
Il me semble que la distinction est parfois byzantine.

Bescherelle indique que le participe passé des verbes de perception (vu, regardé, aperçu, entendu, écouté, senti), ainsi qu'envoyé, amené, laissé, lorsqu'ils sont suivis d'un infinitif, s'accordent si le nom ou pronom qui précède est sujet de l'infinitif car ce nom est alors senti comme le complément d'objet direct :
La pianiste que j'ai entendue jouer (la pianiste est le sujet de jouer : j'ai entendu qui ? la pianiste jouant ; or que est mis pour pianiste qui est placé avant, donc on accorde).

Mais si le nom ou pronom qui précède est complément d'objet et non sujet de l'infinitif, le participe passé est invariable puisqu'il a comme complément l'infinitif placé après lui :
La sonate que j'ai entendu jouer (j'ai entendu quoi ? jouer ; jouer quoi ? la sonate ; le complément est placé après, on n'accorde pas.

Il me semble que cela éclaire mieux que la question de passif/actif la différence entre les deux citations de Beauvoir. Quant à l'exemple de Francis, je suis d'accord avec l'infinitif. En revanche je mettrais voir au subjonctif :
(...) en s’assurant notamment que le membre du panel (...) ne se voie pas confier des présentations primaires et secondaires dans l’évaluation technique de ces propositions.
29 juillet 2009, 15:10   Re : question de syntaxe
Cher Francis, mais quelle est la différence entre entendre chanter les fillettes et voir s'éteindre les civilisations ? Je doute même qu'on puisse choisir : si l'on peut écrire qu'une civilisation s'éteint, on doit admettre qu'en l'occurrence le sujet a bien vu les civilisations s'éteindre, et non l'extinction des civilisations, non ?
J'ai d'ailleurs l'impression qu'il est compliqué d'écrire une phrase où le complément d'objet direct ne puisse être le sujet du verbe à l'infinitif suivant le participe passé. J'avais retenu celle-ci : les bureaux que j'ai vu fermer. Mais je crois voir une différence entre cette dernière phrase et celle qui vous occupe car un bureau est fermé par quelqu'un.
Par contre, si j'écris les bureaux que j'ai vus vieillir...
29 juillet 2009, 15:12   Re : question de syntaxe
Cher Marcel, êtes-vous d'accord avec ceci:

La Callas, que j'ai entendue chanter à la Scala de Milan en 1956, me fit une forte impression.

mais

La Callas, que j'en entendu chanter la Traviata dans le ventre de ma mère, m'a toujours tapé sur les nerfs.

Si vous êtes d'accord, c'est à cause de l'objet direct (la Traviata) qui, dans la seconde phrase, n'est-ce pas, a pour effet de dissoudre l'accord sur entendue tel qu'il s'opère dans la première phrase. Dès lors les civilisations que j'ai vu s'éteindre est correct puisque nous avons là aussi l'objet direct "s'" qui est à éteindre ce que la Traviata est à chanter...
29 juillet 2009, 15:12   Re : question de syntaxe
Oups, je n'avais pas lu l'intervention de monsieur Meyer.
29 juillet 2009, 15:15   Re : question de syntaxe
Ah oui, c'est bien vu ! J'avais oublié le "s'". Je suis perplexe.
29 juillet 2009, 15:18   Re : question de syntaxe
Cher Iphark, la différence entre entendre chanter les fillettes et voir s'éteindre les civilisations est dans ce s' qui constitue un objet direct du second verbe et qui libère de la contrainte de l'accord sur le premier: les fillettes qu'on a entendues, ou même vues chanter, certes, et obligatoirement selon la règle que vous faites bien de nous rappeler, mais, à mon sens, les fillettes que l'on a vu s'égosiller niaisement sur des airs d'opérettes
29 juillet 2009, 15:23   Re : question de syntaxe
Échec et mat.
29 juillet 2009, 15:24   Re : question de syntaxe
Oui, d'accord avec Francis.
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 15:41   Re : question de syntaxe
"les bureaux que j'ai vu fermer"


Là, la question est celle du sens du verbe : veut on insister sur le fait que l'entreprise periclite, sous entendu d'elle-même ( et ce sera un infinitif) ou sur la decision de terminer le processus et d'achever l'entreprise ( et ce sera un participe) ?

PS : "que j'ai vu s'éteindre", oui, c'est bien plutôt de l'extinction dont on parle, d'accord avec la conclusion de Francis.

[ et pendant que les m... sont aux portes de la ville, Paris discute de la conjugaison des verbes ... ]
29 juillet 2009, 16:16   Re : question de syntaxe
c'est bien plutôt de l'extinction dont on parle

Vous voulez que j'analyse cet exemple, elisseievna ?
Utilisateur anonyme
29 juillet 2009, 16:27   Re : question de syntaxe
Mufle !
29 juillet 2009, 18:29   Diva
Effectivement, l'exemple relatif à la Callas, et qui recueille semble-t-il l'accord général, me trouve aussi d'accord et me laisse sans voix.
30 juillet 2009, 11:55   Re : question de syntaxe
Pas d'accord avec M. Marche : dans les exemples qu'il cite, l'accord doit se faire, sinon on perd du sens. Par exemple, si vous écrivez «la fille que j'ai laissé peindre», vous voulez dire que vous avez autorisé une tierce personne à exécuter son portrait. Alors que si vous écrivez «la fille que j'ai laissée peindre», vous voulez dire que vous avez autorisé la fille en question à se livrer elle-même à la peinture.
Cher Didier,
je tourmente peut-être les drosophiles, mais comment faire s'il s'agit d'un garçon : dans les deux cas "laissé", ne permet pas de discerner le passif de l'actif. A mon avis dans la tournure passive tant pis il faut être clair : la fille (ou le garçon) que j'ai laissé(e) être peint(e). Je reconnais la lourdeur de la phrase, mais je ne vois pas d'autre façon de le dire.
Et puis : est-ce que le participe "laissé" doit vraiment s'accorder avec le C.O.D. d'"avoir laisser" ?
Je n'arrive pas à m'en convaincre.
30 juillet 2009, 15:08   Re : question de syntaxe
Cher Didier, vous jouez sur l'amphibologie particulière à ce verbe du français, "peindre", (les Anglais s'amusent beaucoup à entendre des Français leur dire que "Van Gogh a peint la fille du docteur Gachet", par exemple), qui "confuse the issue" comme on dit outre-manche et n'infirme en rien la solution que j'ai proposée au problème syntaxique qui nous intéresse, soit avoir vue quelqu'une sujet d'un vb intransitif // avoir vu quelqu'une sujet d'un verbe acceptant un cod ou une complétive cod
D'abord, il n'y a aucun c.o.d dans cette phrase qui se rattacherait au second verbe (peindre quoi ?), ce qui rend l'exemple sans objet dans le débat.

Ensuite, veuillez m'éclairer: si j'en crois votre parti pris, cher Didier, vous écrivez les rosiers que j'ai vus croître, mais les rosiers que j'ai vu tailler ?
Je crois qu'il conviendrait de distinguer les verbes qui admettent à leur suite un participe qui s'accorde et ceux qui ne l'admettent pas. Ainsi : les chants que j'ai cru entendre, par exemple, ne peut se concevoir écrit les chants que j'ai crus entendre ; ou bien : la robe que j'ai fait coudre, ne saurait s'écrire la robe que j'ai faite coudre.
Grevisse (encore lui ! désolé... ) irait dans le sens de Didier Goux. Il dit : "Le participe passé conjugué avec avoir et suivi d'un infinitif (avec ou sans préposition) s'accorde avec le complément d'objet direct qui précède quand l'être ou l'objet désignés par ce complément font l'action exprimée par l'infinitif." Bien entendu, ce serait trop simple sans exceptions : les participes fait, laissé, ou encore ceux des verbes exprimant une opinion (cru, pensé, espéré...), ou une déclaration (dit, affirmé...), entre autres, seront plutôt invariables (je dis "plutôt", car là encore, il y a des exceptions dans l'exception, etc.). De sorte que la conclusion à tirer de toutes ces réflexions mêlées de règles, c'est que la règle est assez flottante, et que les exceptions ne sont pas loin de l'être également. Il faut en tout cas reconnaître à notre cuistre favori cette qualité, ou ce défaut, de laisser parfois les questions ouvertes, ou semi-ouvertes, et de laisser bâiller quelques failles dans le mausolée...
Donc selon vous et Grevisse, ce serait bien les civilisations que j'ai vues s'éteindre. Dans ce cas, comment analyser le se qui précède l'infinitif ? n'est-il pas un complément d'objet direct "qui désigne l'être qui fait l'action exprimée par l'infinitif" et qui succède (et non précède comme dans la règle de Grevisse) le participe passé conjugué avec avoir (vu/es) ?

Comment écrivez-vous "les lettres que je les ai vu/e/s s'écrire" ?

Pour moi, c'est, et ça restera "les lettres que je les ai vu s'écrire", comme du reste "les amants que j'ai vu s'écrire des lettres" (mais "ceux que j'ai vus se battre, s'aimer, etc.")
30 juillet 2009, 17:50   Civilisation
En communion avec Francis, "les civilisations que j'ai vues s'éteindre" me semble étrange : ce ne sont pas les civilisations que j'ai vues, c'est le fait qu'elle s'éteignent...
C'est un stade d'analyse grammaticale que je trouve très intéressant, et à l'inverse de toute cuistrerie.
Quand la réponse ne peut être oui ou non, mais élaborée qu'après une réflexion avec des incertitudes sur le bien-fondé du résultat, n'est-ce-pas là l'inverse du dogmatisme du cuistre ?
30 juillet 2009, 18:14   Re : Civilisation
Il me semble que Jean-Marc pose la bonne question.

Je fais de même avec les sujets multiples en écrivant par exemple Alors que le régiment de hussards chargeait, une douzaine sont tombés de cheval : c'est le régiment qui charge mais des hussards qui tombent. C'est logique ; pourtant, en suivant la règle à la lettre, laquelle vous laisse le choix, on pourrait écrire — à mon sens absurdement —Alors que le régiment de hussards chargeaient, une douzaine est tombée de cheval
30 juillet 2009, 19:05   Re : Civilisation
Avez-vous remarqué par exemple, que c'est précisément cette absurdité que nous servent très systématiquement les présentateurs des JT en France ? Savez-vous pourquoi ? Et bien tout simplement parce que leur "texte" est passé au correcteur orthographique automatique, presse-bouton, pour lequel, invariablement, "un millier de personnes a défilé en cortège silencieux cet après-midi pour commémorer bla bla".
30 juillet 2009, 19:18   Re : Civilisation
Je me suis souvent demandé pourquoi les journalistes pratiquaient systématiquement cette aberration, me voilà renseigné et cela m'épate.
30 juillet 2009, 19:19   Re : Civilisation
Ce fil fait couler de l'encre.
Cher Marcel, pour votre phrase je n'ai pas eu le sentiment qu'on pouvait douter : "le régiment" est le sujet, et "de hussards" est son complément de nom (au génitif si, en latin) donc le verbe "chargeait" est au singulier (la douzaine malheureuse, par contre, est bien un singulier, "une douzaine sont tombés —ou ées —" me semble une erreur, ou alors c'est un effet de style ? ).
30 juillet 2009, 19:22   Re : Civilisation
Eh non justement, chère Anna, la douzaine (de hussards) fonctionne ici exactement comme trois (hussards) : Alors que le régiment de hussards chargeait, trois sont tombés de cheval.
30 juillet 2009, 19:28   Re : Civilisation
Mais cher Marcel, ce n'est pas parce que 12 est plus grand que 3, qu'obligatoirement la douzaine doit entraîner un pluriel, enfin "la" ou "une" est un singulier, quand même. Je dis ça, je commence à douter.
30 juillet 2009, 19:36   Attention dos d'âne
Anna, je crois que vous vous trompez de cheval, singulièrement. En effet, si l'on veut dire, par parti pris du singulier: "une douzaine d'entre eux est tombée", en toute rigueur, il faut le dire ainsi et non dire "une douzaine est tombée" - la raison pourrait en être que, pour reprendre votre argument que je crois juste, "de hussards" est complément de nom et ne peut servir d'antécédent au sujet de la proposition qui suit quand ce sujet fait lui-même l'ellipse de ce complément (à savoir "une douzaine de hussards est tombée").

Tandis que dans le régiment Marcel, les hussards chutent de cheval avec plus d'individualité et d'élégance, me semble-t-il.
30 juillet 2009, 19:40   Re : Civilisation
Vous avez le choix : les deux sont admis. Lorsque le collectif prime, lorsque c'est lui qui agit et que les individus qui le composent sont entraînés voire contraints d'agir, le singulier l'emporte normalement : la foule des manifestants reflua ou le régiment de hussards chargea ; mais lorsque les individus ou les unités priment, qu'ils n'agissent pas (ou ne sont pas agis) sous la contrainte du collectif, le pluriel devrait être employé, même si vous avez théoriquement le choix : Un million de personnes sont nées cette années-là ou Faute de place, une douzaine de voyageurs restèrent sur le quai.
30 juillet 2009, 19:42   Re : Civilisation
Chère Anna, dites-vous alors:

Mon village compte 188 habitants: une centaine travaille la terre, une vingtaine est employée municipale, une douzaine est chômeuse et une cinquantaine est bouliste et membre de la société de chasse, enfin une demi-douzaine est accidentée du travail ?
Merci pour vos réponses.
Autre exemple rigolo : j'écrirais la douzaine d'œufs que j'ai achetée mais la douzaine d'œufs que nous avons mangés car dans le premier cas, les œufs sont vendus par douzaines et forment une unité, ce qui n'est pas le cas dans le second .
30 juillet 2009, 19:56   Merci
Oui, les bons comptes font les bons amis, cher Marcel.
30 juillet 2009, 20:39   Sur le toît
Remarquez, bien chers amis, il y a pire, à propos de hussards et d'accords des participes. Certains en viennent à confondre le hussard et la bête. Prenez la phrase :

"Les hussards ne risquaient point de tomber de leur chevaux, car ils étaient très bien montés".
30 juillet 2009, 20:49   Re : Civilisation
Je vous réponds sans hésitation que le singulier me semble juste à chaque fois,
cher Francis.
30 juillet 2009, 20:58   Au masculin
Bien chère Anna,

Essayons l'inverse.

Prenez l'exemple suivant :

"Madame Chirac, Madame Berlusconi, Madame Clinton et des milliers d'autres femmes de politiciens sont bien courageux de supporter les infidélités de leur mari".

Cela me paraît étrange, pourtant "milliers" est masculin et doit donc emporter l'accord...
30 juillet 2009, 21:21   Re : Au masculin
Je ne crois pas, en toute logique, en tout cas, mon cher J.Marc.
Est-ce que le pluriel permet de changer une règle rigide ?
J'avoue que je m'y perds.
P.S. Dans le Grevisse à la page 543 se trouve le chapitre traitant des accords sylleptiques. Voilà de quoi accorder nos violons.
30 juillet 2009, 21:57   Re : Au masculin
La syllepse est une heureuse figure de style qui est prête à vous tirer d'affaire, chère Anna.
30 juillet 2009, 22:27   Re : Au masculin
Tenez, au hasard de récentes pérégrinations, je suis tombé sur ce "quiz" (sic), élaboré par Jacques Drillon, qui apporte, assez succinctement il est vrai, un peu d'eau au moulin des "accordeurs" :

[bibliobs.nouvelobs.com]
04 août 2009, 14:24   Re : Au masculin
"A part deux ou trois grands tableaux datant de la Restauration, de la même inspiration politique et mythographique que la belle statue du roi par Nicolas Raggi, en ville, et dont on sent bien que les Musées nationaux les ont laissés partir sans trop de chagrin, l'essentiel du fonds est de l'ordre de la photocopie agrandie de gravures d'époque, mélangées à d'utiles panneaux didactiques ou à telle méchante réplique, en tout petit, du Devéria du Baptême."
(Renaud Camus, Demeures de l'esprit, France I Sud-Ouest, p. 102)
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