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Entretien - Aldo Naouri aux parents : Soyez autoritaires

Envoyé par Gérard Rogemi 
Entretien - Aldo Naouri aux parents : Soyez autoritaires

Dans son nouveau livre, « Eduquer ses enfants » (Odile Jacob), le pédiatre le plus célèbre de France explique pourquoi nos enfants vont mal et encourage les parents à assumer, sans crainte, leur rôle d’éducateurs.

Il a appelé de ses voeux le retour du père, critiqué la sacro-sainte alimentation à la demande, fustigé la toute-puissance des mères et émis des hypothèses sur le rôle positif de la douleur à l’accouchement. Depuis vingt-cinq ans, le pédiatre Aldo Naouri déboulonne un à un les fondamentaux de la naissance et de l’éducation contemporaines. Qu’importe si les experts hurlent au sacrilège et lui contestent sa légitimité à convoquer l’inconscient-s’il a lui-même fait une psychanalyse, il n’a jamais exercé en tant que psy-, Naouri continue de prêcher. Au nom de ces parents qui, désorientés par trente ans de théories contradictoires dans l’art d’accommoder les bébés, font un succès phénoménal à chacun de ses livres dits « réactionnaires ». Dans « Eduquer ses enfants », qui paraît le 20 mars chez Odile Jacob, Naouri les exhorte plus que jamais à reprendre la main et à répondre fermement, dès la naissance, à la « toute-puissance infantile » de leur progéniture. Parce que les « enfants à problème » d’aujourd’hui, ces enfants difficiles, agités et malheureux dont Naouri déplore le nombre grandissant, seraient en fait des enfants mal élevés. Tout bêtement.

Le Point : Nos enfants vont-ils si mal ?

Aldo Naouri : Je le crois, oui. En quarante ans de pratique, je les ai vus changer. Leur santé physique s’est considérablement améliorée, mais ils présentent, depuis dix ou quinze ans, des troubles du comportement et du développement qu’on ne leur connaissait pas autrefois.

Par exemple ?

Des difficultés relationnelles, des retards d’acquisition du langage, des problèmes scolaires ou d’hyperactivité. Ce sont souvent de petits obsessionnels, et ils ont globalement plus de mal, depuis quinze ou vingt ans, à devenir autonomes. La preuve ? L’incroyable développement des professions qui visent à leur « rééducation », comme la psychomotricité ou l’orthophonie.

Selon vous, plutôt que de les envoyer chez le psy, les parents auraient dû remplir leur rôle d’éducateurs, et ce dès la toute petite enfance. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Que s’est-il passé ?

En toile de fond de ce « défaut d’éducation », il y a deux événements fondamentaux, et en tout premier lieu la maîtrise totale, dès 1975, de la contraception. Je m’en réjouis, évidemment. Mais elle change tout ! L’enfant n’est plus une conséquence involontaire de la sexualité des adultes, il est un pur produit de leur volonté, placé par conséquent au sommet de l’édifice familial. Et puis nous sommes passés durant la même période d’une société de pénurie à une société d’abondance. Je m’en réjouis aussi ! Sauf que, dans une société de pénurie globale comme celle que nous connaissions avant les années 70, le message intrinsèque à l’éducation était : « Tu ne peux pas tout avoir. » Un statut était donné d’emblée à la frustration, à ce que les psychanalystes appellent le manque, qui est selon moi essentiel à l’éducation d’un enfant dès son plus jeune âge. Aujourd’hui, le message de notre société de consommation, et donc des parents eux-mêmes, qui peinent à y résister, c’est : « Non seulement tu peux tout avoir, mais, comme nous, tu as droit à tout. »

Vous suggérez que ce sont les classes moyennes qui peinent le plus à éduquer leurs enfants.

Absolument. Parce qu’elles ont été les grandes bénéficiaires de l’enrichissement général. Comment ne pas entraîner leur enfant dans cette abondance toute neuve ? Au risque de choquer, je pense que les couches supérieures de la société, qui avaient déjà du patrimoine et n’ont pas connu cet enrichissement brutal, s’en sont mieux sorties parce qu’elles ont continué à introduire de la frustration dans l’éducation, que cela plaise ou non aux enfants.

Votre théorie s’applique peut-être aux beaux quartiers, mais des pans entiers de la société sont aujourd’hui exclus de l’abondance. Les enfants des quartiers difficiles sont frustrés, et ils ne vont pas bien !

Je suis issu moi-même de la misère, je m’en suis sorti, et je suis loin d’être le seul de ma génération. Mais j’ai grandi à une époque où le message était : « On ne va pas tout avoir, mais on va se battre pour avoir le plus possible . » Ce qui est terrible, c’est de grandir dans la privation alors que la société vous fait croire que vous avez droit à tout. Il y a de quoi devenir fou.

Pourquoi tant de parents se plaignent-ils de ne pas avoir d’autorité ?

Ce qui fonde l’autorité, ce n’est pas la colère, ce n’est pas la claque ou la fessée, que je réprouve, c’est la hiérarchie au sein de la famille, et surtout la conscience que l’on a d’elle. Lorsqu’on n’a pas le moindre doute sur son bon droit à exercer l’autorité, lorsque l’on n’est pas dans une entreprise de séduction de son enfant, cela fonctionne. Tant de parents se livrent à des négociations, à des marchandages avec leurs enfants ! Mais on ne négocie qu’avec un individu qui est à égalité avec vous !

Ce qui n’est pas le cas d’un enfant ?

Un petit enfant est une personne digne de respect. Mais non, il n’est pas encore un sujet, il n’est donc pas notre égal.

Mais n’est-ce pas votre faute à vous, les pédiatres, les psys et autres experts de l’enfance, si les parents ne se sentent plus légitimes ? En démontrant à coups de livres et de grandes théories que vous savez et que vous faites mieux qu’eux, n’est-ce pas vous qui les avez infantilisés, dépossédés de leur rôle ?

Absolument ! Mais ne me mettez pas dans le lot ! Toute mon oeuvre, depuis trente ans, consiste justement à tenter de rétablir les parents dans leur statut, à leur redonner confiance en eux. J’avais dit à Françoise Dolto : « Depuis que vous sévissez sur les ondes, les parents sont devenus mutiques, alors je leur déconseille de vous écouter ! » Elle avait un tel talent que les parents, se sentant incapables de faire aussi bien qu’elle, étaient paralysés. Or je préfère des parents qui se trompent, mais qui s’assument dans leur bon droit, eux « en haut » et l’enfant « en bas », plutôt que de se réfugier derrière des recettes de psys.

Vous affirmez même, vous, le féru de psychanalyse, que la place qu’a prise l’inconscient dans notre société est un obstacle à l’éducation !

Mais l’éducation n’est pas de la thérapeutique ! Elle est un blocage des pulsions ! Le mot qui a peut-être fait le plus de dégâts dans les familles est le mot « traumatisme ». On a tellement eu peur d’en faire subir aux enfants, alors qu’ils supportent très bien la frustration, qu’on les a empêchés de grandir... C’est comme cela que l’on en arrive à montrer aux pédiatres des enfants de 8 ans avec un biberon ou une tétine dans la bouche parce qu’on ne sait pas comment faire pour qu’ils s’en passent sans les « traumatiser ». Alors qu’il suffit de les leur enlever !

Vous avez des mots très durs pour les parents, mais ce sont surtout les mères qui, comme d’habitude dans vos écrits, sont accusées de tous les maux. On dirait qu’après les avoir fréquentées quarante ans dans votre cabinet vous ne pouvez plus les voir !

Au contraire, je compatis à leur sort et je veux les aider ! On les a soumises à une pression si grande, à la fois maternelle et professionnelle, que pour pouvoir tenir elles ont trouvé un moyen simple de soigner leur narcissisme : se faire aimer de leur enfant en le comblant en tout, en se mettant à sa totale disposition. C’est une catastrophe !

Pourtant les femmes d’aujourd’hui travaillent, s’investissent en dehors de leurs enfants. Comment pourraient-elles se mettre à leur disposition ?

En essayant de rattraper chaque soir, en une heure et demie, leurs dix heures d’absence ! Quelle erreur ! J’ai toujours essayé de les convaincre que leur présence n’avait pas autant d’importance qu’elles le croient, et que leur bébé, cinq minutes après les retrouvailles, était avec elle exactement comme si elles n’étaient pas parties. Elles n’ont rien à « rattraper ».

On sent bien, en revanche, votre empathie pour les pères... C’est quand même un peu fort, nous sommes à peine sortis de la société patriarcale, hommes et femmes sont depuis trois minutes à égalité dans l’éducation de leurs enfants, et vous plaignez déjà ces pauvres pères !

Je veux bien admettre l’empathie. Mais non, pères et mères ne sont pas à égalité ! Les relations intra-utérines laissent des traces indélébiles chez l’enfant, qui sait d’emblée qui est sa mère et ne pourra d’ailleurs plus jamais s’en « débarrasser », alors qu’un père, pour un bébé, est un étranger. La mère doit donc l’investir dans son discours, et la société le soutenir dans son statut, qui n’est pas interchangeable avec celui de la maman. Nous faisons le contraire, et tout le monde y perd. Souvenez-vous du rapport du juge Bruel sur la violence dans les banlieues, en 1998. Le diagnostic était sans ambiguïté : manque de pères !

Pourtant, les pères d’aujourd’hui sont beaucoup plus présents, s’investissent beaucoup plus auprès de leur enfant !

C’est merveilleux, mais encore une fois, s’ils ne sont pas investis et reconnus dans leur statut par le discours maternel et la société dans son ensemble, s’ils sont considérés comme des mères bis, cela n’a pas de portée sur l’éducation de l’enfant. Un père peut être présent en permanence et n’avoir pas voix au chapitre. J’en ai vu tellement ! Ce n’est pas en instaurant un congé de paternité de quinze jours qu’on va rétablir leur statut. C’est en incitant la société et les mères à accepter qu’ils jouent leur rôle dialectique dans l’éducation : tracter la mère vers sa féminité et briser le face-à-face mère/enfant.

Et si ce « défaut d’éducation » perdure, que risque notre société ?

Un individu dont la toute-puissance infantile n’a pas été jugulée par l’éducation continue, à l’âge adulte, à vivre dans l’angoisse, l’individualisme et l’obsession. Je les reconnais vite, ces adultes-là ! Si les parents ne réinvestissent pas leur rôle, notre société risque une rupture du lien social, que l’on pressent déjà. Et elle risque de devenir ingouvernable.

Au fond, qu’est-ce, pour vous, qu’un enfant bien élevé ?

C’est un enfant serein
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Tout ce qu'il ne faut pas faire avec son bébé


Aldo Naouri prend le contre-pied de tous les « mauvais réflexes » des parents

Alimentation à la demande
Dès le début du troisième mois, elle devrait faire place à une alimentation réglée-au quart d'heure près.

Ne pas faire du sein de la maman-ou du biberon-une « station-service » à laquelle le bébé puise dès qu'il en a envie !

Le cadeau à l'aîné au moment de la naissance du deuxième
Catastrophique ! L'enfant sent notre crainte que cette naissance le fasse souffrir - ce qui ne sera pas forcément le cas - et devine qu'on l'achète. C'est la porte ouverte à la pire des jalousies.

Le doudou

Si tant est que le bébé en ait besoin, pas question de maintenir le fameux « objet transitionnel » cher à Donald Winnicott [pédiatre et psychanalyste anglais notamment connu pour son travail sur la relation d'attachement mère-enfant, NDLR] au-delà des 2 ans de l'enfant.

Le biberon du matin maintenu jusqu'à 5 ou 6 ans

Epouvantable ! Il doit être supprimé au plus tard à la fin de la deuxième année. Idem pour la sucette. Mieux vaut un enfant qui ne boit pas de lait le matin qu'un enfant qui continue de téter alors qu'il sait boire au bol.

Parler au nourrisson

Quand on a quelque chose à lui dire, oui ! Mais le soûler de paroles et commenter vainement le moindre de ses gestes, « je t'enlève ton chausson, je te fais un baiser », non !

Justifier un ordre

Un ordre justifié n'est plus un ordre. On peut éventuellement donner une explication si l'enfant la demande, mais seulement une fois que l'ordre a été exécuté, et elle doit être rapide.

Marchander : « Si tu fais ça, tu auras ça »

Dramatique ! C'est montrer à l'enfant que l'on ne se sent pas dans son droit, c'est le placer à égalité et l'inviter à négocier en permanence.

Nourrir l'enfant à tout prix

Mieux vaut sortir gentiment un enfant de sa chaise haute s'il n'aime pas sa purée, quitte à ce qu'il attende le repas suivant pour se nourrir. S'il est trop tard et que l'on a accoutumé l'enfant à choisir son menu dès son plus jeune âge, alors tant pis. Qu'il se nourrisse exclusivement de jambon-purée pendant des années, jusqu'à ce qu'il se lasse... On ne doit pas introduire de rapport de forces dans l'alimentation.

Ritualiser le coucher

Le brossage des dents, le pyjama, la chanson, l'histoire, le câlin, la petite lumière pour dormir, etc. Erreur ! Ces rituels qui colonisent aujourd'hui les chambres d'enfants pour les rassurer au moment du coucher en font de vrais obsessionnels. Et donnent un statut à leur peur ! Mieux vaut le soir fermer la porte de l'enfant et le laisser gérer son temps comme il le souhaite-à condition qu'il ne revienne pas au salon-jusqu'à ce qu'il s'endorme

Tout ce qu'il ne faut pas faire avec son enfant

Le câlin du matin dans le lit des parents

Les psychologues sont unanimes pour l'interdire. C'est plus facile à dire qu'à faire. J'estime qu'on peut l'autoriser à une condition : être habillé décemment. L'enfant ne doit jamais, même à cet âge, avoir accès à l'intimité de ses parents. On ne se rend pas compte à quel point un corps nu d'adulte, qui plus est de parent, peut être troublant, déstabilisant pour un enfant.

Frapper un enfant qui frappe

Fréquemment adoptée par les parents, elle n'est pas la solution. De même que mordre un enfant qui mord pour lui montrer ce que ça fait. L'enfant qui se comporte ainsi est un timide inhibé qui découvre son intérêt pour l'autre et essaie d'entrer en contact. Il faut lui expliquer qu'il a raison de chercher à se faire des amis, mais qu'il s'y prend mal, et lui proposer une autre approche, la caresse, par exemple. Il corrigera de lui-même son comportement.

Sacraliser le premier jour à l'école

Un matin comme un autre. Et le soir il suffit de lui demander comment sa journée s'est passée. A trop vouloir en faire on prend le risque de communiquer sa propre anxiété à son enfant. La crainte du parent peut à elle seule traumatiser l'enfant.

Dédramatiser les mauvaises notes

Une mauvaise note ne doit pas passer pour quelque chose d'anodin. Au minimum, elle doit faire l'objet de commentaires. Au pis, d'une punition s'il y a accumulations et que l'enfant ne fait aucun effort.

Lui donner raison contre l'enseignant

Les professeurs sont là pour enseigner et l'enfant pour être enseigné. Cette hiérarchie n'a pas à être remise en question au prétexte que la maîtresse donne trop de travail ou qu'elle est trop sévère. La meilleure attitude en toutes circonstances est de défendre l'enseignant auprès de l'enfant, dès la première année à l'école. Faute de quoi on ne le prépare pas à la réalité du monde du travail.

Intervenir dans les conflits entre frères et soeurs

Au contraire. Il ne faut surtout pas se mêler de régler les disputes à propos des jouets, par exemple, car elles sont formatrices. L'enfant prend conscience de son environnement, de la place qu'il y occupe et apprend à créer des alliances. On les laisse se disputer à leur guise, sauf si cela devient intolérable. A ce moment-là le parent doit intervenir. Quitte à les punir tous, sans avoir à le justifier autrement qu'au nom de son propre confort. Réagir en tant que parent égoïste rétablit la saine hiérarchie parent/enfant.

L'anniversaire avec toute la classe

Il ne faut pas que l'anniversaire ressemble à une noce. Sinon vous le mettez dans une position intenable, au centre de tout, dans un sentiment vertigineux de toute-puissance. Mieux vaut une petite fête avec trois copains qu'avec vingt gamins. Mais les parents veulent souvent renvoyer une image positive de leur enfant et d'eux-mêmes vis-à-vis des autres parents

Tout ce qu'il ne faut pas faire avec son préadolescent

Lui interdire de grignoter toute la journée

Tout dépend. Si le jeune adolescent a des dépenses énergétiques importantes qui lui permettent de manger plus, tout en n'ayant aucun problème de poids ou de santé, pourquoi interdire ? Sinon, il faut l'empêcher de grignoter et d'acheter des produits de grignotage. Car se contenter de lui dire d'arrêter le chocolat et en avoir plein les placards est totalement inutile.

L'autoriser à ne pas prendre tous ses repas en famille

Absolument pas. Quel que soit son âge. Cela paraît dictatorial, mais peu importe. J'ai assez vu des personnalités se déliter chez des adolescents qui manquaient de repères. Le repas de famille en est un. En outre, il est une formidable occasion d'échanges.

Lui interdire de choisir lui-même ses vêtements

Ce qu'un enfant déteste par-dessus tout, c'est être différent des autres. Il voudra donc être lui aussi « à la mode ». Pourquoi l'en empêcher ? Ce qui n'interdit pas d'avoir un discours critique sur la pression publicitaire qui transforme les petites filles et les petits garçons en « déjà adultes »...

Il lui faut un téléphone portable

Aucun intérêt avant l'adolescence. Le parent ne doit pas céder. Eduquer, ce n'est pas séduire. C'est le contraire. Les parents sont condamnés à être aimés et haïs par leurs enfants, quand ils les punissent ou qu'ils leur interdisent quelque chose. Et ils ne peuvent éviter ni l'un ni l'autre.

Ne pas donner d'argent de poche

Pourquoi ? Ce n'est pas inutile pour aborder avec lui la question de l'argent en général. A condition que ce ne soit pas avant 9-10 ans. A lui de décider ce qu'il veut en faire.

Libre accès à la télé ou à l'ordinateur

Là encore, ne pas avoir peur de se montrer autoritaire. C'est au parent de décider combien de temps l'enfant peut regarder la télé. Il faut des règles : trois heures par jour, uniquement le week-end, ou forcément avec l'un des parents. On dose en fonction de l'âge et des résultats à l'école. En revanche, ne jamais oublier que la télé, comme l'ordinateur, est une distraction à laquelle l'enfant a droit s'il a fait tout ce qui devait être fait : le bain, les devoirs...

Parler avec lui de sexualité

C'est devenu courant, et c'est à éviter. Il s'est créé tout un marché de livres pour enfants sur le sujet. A un préado qui vous demande conseil : « Trouve-toi une copine ou un copain pour en parler » est la seule bonne réponse. Pas question de devenir le confident des amours de son enfant, pas plus qu'il ne doit l'être pour ses parents. Il faut que la barrière soit la plus étanche possible. Et ne jamais recevoir le petit flirt à la maison, ou alors pas en tant que tel. Si vous commencez à intervenir dans les amours de votre préado, vous serez avec lui dans son lit quand il aura sa première relation sexuelle.

L'autorisation de minuit

Pas question, même avec un préadolescent. Il va à une boum avec ses copains, il doit être rentré à une heure précise-22 heures, par exemple. S'il va au cinéma, et que la séance finit à 19 heures, c'est 19 h 15 à la maison. Et ce n'est pas négociable. Ce qui caractérise le préadolescent, c'est un sentiment de profonde insécurité, il a donc besoin de parents responsables. Le brider le sécurise.

J.-D. Nasio « Naouri

Le psychiatre et psychanalyste J.-D. Nasio a lu le livre d'Aldo Naouri.

« 80 % des enfants que je suis me sont adressés pour des problèmes de comportement en famille. Non pour de vraies pathologies. Ils n'ont d'ailleurs souvent besoin que d'une ou deux séances pour que le problème soit réglé, pas d'une psychothérapie. Ces enfants souffrant de problèmes caractériels sont devenus l'essentiel de ma clientèle depuis dix ou quinze ans. Je ne peux donc faire que le même constat qu'Aldo Naouri ! Et l'expliquer, comme lui, par une survalorisation de l'enfant et une autorité défaillante au sein des familles. Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec les méthodes qu'il préconise. Il adresse à mon sens des mots trop durs aux parents, alors que pour les rétablir il faut, je crois, commencer par les respecter. Et puis je ne peux pas défendre le terme de "frustration". Je lui préfère celui de perte. Un enfant ne peut mûrir qu'à coup de pertes successives : lorsqu'il a compris qu'en perdant quelque chose il gagne autre chose, alors il grandit. Les parents ne doivent pas essayer de lui épargner cette douleur. »
12 avril 2008, 17:18   Autorité
C'est très intéressant, même si certains points sont "en deça" des pratiques anciennes, qui apparaissent paradoxalement comme des usages nouveaux.

Deux exemples :

- la ritualisation : pendant des centaines d'années, il y a eu la prière du soir !

- forcer à manger : j'appartiens à une génération qui mangeait ce qui était servi, sans discuter.


Par ailleurs, il y a des choses d'une grande sagesse, comme :

"Ce qu'un enfant déteste par-dessus tout, c'est être différent des autrese, ce qui explique effectivement beaucoup de comportements.

Notez enfin que l'auteur critique le châtiment du type "je tire les cheveux pour montrer l'effet que cela fait". Cela rappelle un débat récent.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:02   Re : Autorité
« Forcer à manger : j'appartiens à une génération qui mangeait ce qui était servi, sans discuter. »

Je trouve cela tout à fait légitime.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:48   Re : tapette éducative
Naouri, que Rogémi m'avait aimablement signalé, est un faux dur : il est opposé à la moindre petite tapette éducative.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 19:00   Tapette en effet !
La Dolto, elle, elle te filait des châtaignes, en douce, dès que la caméra tombait en panne. Ah, c'tait aut'chose, ça. Et Lacan, y pinçait ses patients, quand y z'avaient pas assez de thune dans les poches.
12 avril 2008, 19:36   Bacchides
Rien de bien nouveau sous le soleil, comme nous le disait déjà Plaute :

LYDUS.

Je ne le sais que trop. Car autrefois on commençait déjà de briguer les suffrages du peuple et les dignités, qu'on obéissait encore à son précepteur. Mais aujourd'hui, voyez un marmot à peine âgé de sept ans ; si l'on a le malheur de le toucher, il casse la tête de son maître avec sa tablette. Va-t-on se plaindre aux parents ? Tel est le langage que le père tient à son fils : « Bien! je reconnais mon sang (56) ; c'est ainsi que tu dois repousser l'injure. » On fait venir le précepteur : « Ah çà ! vieil imbécile, lui dit-on, garde-toi de frapper mon fils, parce qu'il a montré du coeur. » Et le précepteur s'en va, la tête enveloppée d'un linge huilé (57), comme une lanterne (58). Voilà comment on lui fait justice. De cette manière peut-il avoir quelque autorité ? c'est l'écolier qui commence à battre son précepteur.



On voit qu'on n'a pas attendu les amis du désastre !
12 avril 2008, 19:49   Re : Bacchides
Merci pour cette très intéressante citation, bien cher Jean-Marc. Mais personne n'a jamais, à ma connaissance, prétendu que le désastre actuel était fait de comportements, d'obsessions, de travers inédits. Rien ne ressemble davantage à une période de décadence qu'une autre période de décadence.
12 avril 2008, 19:53   Romantic
Cela me fait penser aux déboires d'un vieux professeur de lettres classiques, originaire du nord du pays et affecté dans le sud, qui dicta, circa 1940 (je l'eus comme professeur presque trente ans plus tard) "une charrue de forme antique" et qui vit revenir des copies avec le nouveau matériau "formantic", les élèves n'ayant pas compris sa diction.

A part cela, bien cher Marcel Mayer, je ne pense pas qu'on puisse dire que Plaute soit un auteur de la Rome décadente.

Je tiens en rayon Ausone et Quintillien, qui étaient pédagogues et fermement opposés au châtiment des enfants.
12 avril 2008, 20:00   Insultes au maître
Bien cher Marcel,

Vous noterez que les "loulous", ainsi que les forums modernes nomment les chères têtes blondes, eurent de tout temps l'insulte facile.

Néraudau, dans son remarquable ouvrage "Etre enfant à Rome" rapporte ces recherches de Della Corte qui retrouva sur les murs de la maison de L. Albucius Celsus ces "tags" à l'adresse du précepteur C. Julius Helenus :

"Julius est un mignon", "Helenus vieux mignon", "Julius vaurien", "fellateur".
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 20:47   Corbeaux suceurs
Ah oui, les fellateurs, ceux qui écrivaient ces vilaines lettres phallonymes pendant la dernière guerre ?
12 avril 2008, 20:53   Phallonymes
Bien cher Boris, avez-vous lu "Les Ambassades" ?
12 avril 2008, 20:58   Re : Romantic
Oui, vous avez raison. Je pensais à la décadence de la république que dénonce Cicéron avec d'autres, mais il y a un siècle de décalage.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 21:20   Re : Phallonymes
Non, Jmarc, je ne sais pas de quoi ni de qui il s'agit.
12 avril 2008, 22:58   Re : Bacchides
Si Plaute c'est l'époque de la "décadence", le parallèle nous laisse espérer encore quelques beaux jours.
La manif lycéenne: l'aboutissement d'une longue éducation qui ne saurait être entamée trop tôt. Trouvé sur le blog de l'Ecrivante

[20six.fr]

Fiers

Il me regarde en fronçant les sourcils. Il me tient tête avec fierté. Ses yeux, bleus dans le sourire, ont noirci sous la colère.

Son corps est tendu, compact, ramassé, contre moi. Il n'est pas d'accord. Il a cinq ans. C'est mon fils. Il ne mettra pas son pyjama.
Ainsi en a-t-il décidé. A tort. Il le comprend vite. Le regard, un éclair, qu'il a jeté vers moi, a perçu ma patience à bout de course. Mon courroux, qui enfle, ébranle sa jeune détermination. Il persiste néanmoins ; les bras croisés en barricade, sa bouche vermeille boude, vindicative. Pourtant, la conviction de sa puissance illimitée a fondu. Il sait maintenant qu'il n'aura pas gain de cause, se rappelle qu'un caprice trop joué finit sèchement, pèse le risque d'un excès flamboyant, radical, tentant, certes, mais d'un gain éphémère, opte pour une défaite négociée.
Il s'arque-boute pour agripper son pyjama et une dernière salve :

-on peut dire non tout de même !

Je l'adore !
Je l'adore pour son air outragé de fier petit manifestant âpre de liberté.
Je nous félicite d'avoir su faire éclore dans cet homme miniature, la conscience admirable que le non peut être légitime.

Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 14:24   Re : Moi et mon Gnonfont ("Fier petit manifestant âpre de liberté")
Bien vu…
13 avril 2008, 21:07   Ambassades
Dans "Les Ambassades", on voit l'un des employés de la légation d'Athènes, grand tépanné de guerre, dessiner à la fin de bien des mots, des petits phallus (lettres phallonymes) .

Quand vous avez parlé de l'occupation, j'ai aussitôt pensé à Roger Peyrefitte et à cette anecdote, au sujet de ces lettres phallonymes.
Utilisateur anonyme
14 avril 2008, 15:40   La meilleure attitude en toutes circonstances
"Lui donner raison contre l'enseignant

Les professeurs sont là pour enseigner et l'enfant pour être enseigné. Cette hiérarchie n'a pas à être remise en question au prétexte que la maîtresse donne trop de travail ou qu'elle est trop sévère. La meilleure attitude en toutes circonstances est de défendre l'enseignant auprès de l'enfant, dès la première année à l'école. Faute de quoi on ne le prépare pas à la réalité du monde du travail."



- Bon, ma chérie, j'espère que tu as bien compris. Tu ne dois pas casser les couilles de ton professeur d'éducation physique, il a été très clair là-dessus et ne compte pas sur moi pour m'opposer à ses consignes.
Ah, oui, très bien vu, Cher Orimont. Je suis surpris que Naouri, avec lequel je suis globalement d'accord, faut-il l'écrire, ne dise rien de la question, capitale à mes yeux, du "niveau de langue" qui a cours en famille. Chaque fois que j'ai l'occasion, dans les restaurants d'autoroute par exemple, d'entendre comment on s'exprime entre parents et enfants, je suis horrifié. C'est aussi l'histoire, que j'ai dû raconter quelque part, du proviseur qui fait venir les parents d'une adolescente qui a fait des bêtises, les trouve, à sa relative surprise, tout à fait prêts à reconnaître les torts de leur progéniture, mais répètant :

« Ah, la petite pute ! Non mais c'est pas vrai ça, vous y croyez, vous, une petite pute pareille ? »
Autre version :

- Bon, ma biche, j'espère que t'as compris. Tu dois pas casser les couilles à ton prof de gym, il a été très clair, et faut pas compter sur moi pour te défendre.
Utilisateur anonyme
17 avril 2008, 00:02   Re : Entretien - Aldo Naouri aux parents : Soyez autoritaires
Attention vous avez dit progéniture...
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