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Richard Millet et le destin de la France

Envoyé par Marcel Meyer 
« Quelle insanité ai-je proférée en constatant que ce pays n’est pas encore le Brésil ou Cuba mais une nation de race blanche avec des minorités étrangères ! Que l’émigration africaine soit, par exemple, un drame pour les immigrés comme pour les Français de souche, qu’une immigration chrétienne soit préférable à une immigration musulmane, voilà qui me paraît relever du bon sens, tout comme le fait que la France ne doive pas se renier elle-même pour maintenir la paix civile menacée par ces minorités. Je me rappelle que le moment où j’ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu’on m’avait appris qu’elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l’histoire de France, j’ai cessé de pouvoir dire "nous", sans rien trouver qui remplaçât ce signe d’appartenance heureuse, et dès lors entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. La France que vous me proposez d’aimer, celle que vous me désignez comme la France de demain en me montrant ce groupe de jolies Maghrébines et de jeunes Noires habillées de manière provocante, cette France-là m’est étrangère : pour reprendre votre langage en le retournant contre vous qui me pensez "raciste", je dirai que j’y vis dans un apartheid mental, moi que le destin muséal et multiculturel de ce pays horrifie, qui ne crois nullement au repli sur soi, qui ai été élevé dans le cosmopolitisme beyrouthin. Mais je suis bien obligé de reconnaître que tout ce que j’aime est piétiné quotidiennement au nom du consensus antiraciste et par la peur de déplaire à l’islam. C’est vous qui avez fait mourir ce pays en moi, bâtisseurs d’empires boursiers, gauchistes apostats et technocrates si inconséquents que vous avez laissé se déliter cette langue qui, à elle seule, disait Joseph de Maistre, définit une nation. George Orwell, lui, pour me référer à un auteur moins compromettant, disait que la dégradation d’une langue va de pair avec la décomposition politique. Qu’est-ce qui agitait donc l’angélique prêcheur qui me vantait la créolisation de la France ? Moins la haine de la France que son désir de voir disparaître des types tels que moi qui errent comme un loup sur les terres du passé, prétendait-il, alors que j’ai toujours été à la lisière, à l’orée, prêt à bondir dans le futur. »

Richard Millet, L’opprobre, Essai de démonologie, Éditions Gallimard, 2008, pp. 85-87.
Il se prépare donc une "affaire Millet" ?
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 17:56   Affaire Millet, salle 112
Sauf qu'aujourd'hui il me semble que dire cela n'est plus tout à fait devenir l'Unique.

Ça ne m'empêche pas d'applaudir Millet.
En effet, B. C. il est temps de sonner les Inrock pour mettre de l'ordre là-dedans. Ce Millet a passé les bornes, celles du "ne-pas-vouloir-aimer". Il a enfreint tous les droits et tous les devoirs, compactés en celui, droit-devoir, d'aimer ce que la doxa impose. Il faut aimer ce qu'il est convenu d'aimer: la perle de verre au nombril métis ou exotique en même temps que l'interdit de voir comme exotique ce nombril, cette perle; c'est, tenant tout dans ce nombril perlé, la France qu'il faut aimer, c'est l'amour sans choix: si t'aimes pas, t'es une pute gauloise et raciste. Tu dois aimer ce que tu te prends dans la gueule. Tant pis pour toi si t'aimes pas. Si t'aimes pas, t'as perdu, t'es perdu, t'es l'in-aimable, l'intouchable, le sans-chair, le perdu, le sans-pays.
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 21:31   Re : Richard Millet et le destin de la France
"Ce Millet a passé les bornes, celles du "ne-pas-vouloir-aimer"


C'est pourtant notre impuissance à aimer "ça" qui nous fait tendre vers cette image sublime, et superbement irréelle, de nous-mêmes, ou vers quelque idée d'un triomphe qui vaille encore la peine de vivre...



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Je vous propose un extrait vidéo qui vaut vraiment le déplacement.

Il s'agit de la présentation par Jean Raspail de son livre "Le Camp des saints" dans une émission de tv ayant pour maître de cérémonie le célèbre Max Gallo qui se montre tel qu'il fut/est cad un carriériste, un ami du désastre des plus méprisables.

Pour visionner ce vidéo-clip on clique [url=
]ICI[/url]
15 avril 2008, 23:09   La vraie Droite
Saisissante confrontation.
Et en guise d'invite à la lecture du Camp des Saints, ce petit extrait du livre trouvé sur le site de Jean Raspail :

"Jubilation. Les vrais amateurs de traditions sont ceux qui ne les prennent pas au sérieux et se marrent en marchant au casse-pipe, parce qu'ils savent qu'ils vont mourir pour quelque chose d'impalpable jailli de leurs fantasmes, à mi-chemin entre l'humour et le radotage. Peut-être est-ce un peu plus subtil : le fantasme cache une pudeur d'homme bien né qui ne veut pas se donner le ridicule de se battre pour une idée, alors il l’habille de sonneries déchirantes, de mots creux, de dorures inutiles, et se permet la joie suprême d'un sacrifice pour carnaval. C'est ce que la Gauche n'a jamais compris et c'est pourquoi elle n'est que dérision haineuse. Quand elle crache sur le drapeau, pisse sur la flamme du souvenir, ricane au passage des vieux schnoques à béret et crie « woman's lib ! » à la sortie des mariages en blanc, pour ne citer que des actions élémentaires, elle le fait d'une façon épouvan­tablement sérieuse, «conne » dirait-elle si elle pouvait se juger. La vraie Droite n'est pas sérieuse. C'est pour­quoi la Gauche la hait, un peu comme un bourreau haïrait un supplicié qui rit et se moque avant de mourir. La Gauche est un incendie qui dévore et consume som­brement. En dépit des apparences, ses fêtes sont aussi sinistres qu'un défilé de pantins à Nuremberg ou Pékin. La Droite est une flamme instable qui danse gaiement, feu follet dans la ténébreuse forêt calcinée."
Article intéressant du même auteur sur le sujet :

Le Figaro n° 18619 du jeudi 17 juin 2004

DEBATS ET OPINIONS

IDÉES « Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ? » Une série du « Figaro »


Jean Raspail :
LA PATRIE TRAHIE PAR LA RÉPUBLIQUE

J'ai tourné autour de ce thème comme un maître-chien mis en présence d'un colis piégé. Difficile de l'aborder de front sans qu'il vous explose à la figure. Il y a péril de mort civile. C'est pourtant l'interrogation capitale. J'ai hésité. D'autant plus qu'en 1973, en publiant Le Camp des saints, j'ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites.

Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu'« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d'une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu'au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée de la population du pays, le reste étant composé d'Africains, Maghrébins ou Noirs et d'Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l'islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.

La France n'est pas seule concernée. Toute l'Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas rapport de l'ONU (qui s'en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment , mais ils sont systématiquement occultés et l'Ined pousse à la désinformation. Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l'Europe des Quinze est l'un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l'incurie des « gouvernances » et qu'il lui faudra affronter dans son âge d'homme...

Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l'homme, de « l'accueil à l'autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l'antique charité chrétienne, n'auront plus d'autre ressource que de baisser les frais et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050. Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu'on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s'obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu'elles nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera pas facile.

Face aux différentes « communautés » qu'on voit se former dès aujourd'hui sur les ruines de l'intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c'est nous qu'on intègre à « l'autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s'agira en quelque sorte je cherche un terme approprié d'une communauté de la pérennité française. Celle-ci s'appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore.

Cela ne plaira pas. Le clash surviendra un moment ou l'autre. Quelque chose comme l'élimination des koulaks par des moyens légaux appropriés. Et ensuite ?

Ensuite la France ne sera plus peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l'ermite qui vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d'une espèce à jamais disparue qui s'appelait l'espèce française et n'annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom. Ce processus est déjà amorcé.

Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu'en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c'est que les derniers isolats résistent jusqu'à s'engager dans une sorte de reconquista sans doute différente de l'espagnole mais s'inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus. Ce n'est pas moi qui m'en chargerai, j'ai déjà donné. Son auteur n'est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j'en suis sûr...

Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c'est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d'hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n'ose dire cyniquement, à l'immolation d'une certaine France (évitons le qualificatif d'éternelle qui révulse les belles consciences) sur l'autel de l'humanisme utopique exacerbé. Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l'Etat (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l'organisme encore sain de la nation française.

Même si je peux, à la limite, les créditer d'une part de sincérité, il m'arrive d'avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot renégat, mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République. Les « valeurs républicaines » se déclinent à l'infini, on le sait jusqu'à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d'abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n'est qu'une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d'idéologie, idéologie avec un grand « I », l'idéologie majeure. Il me semble, en quelque sorte, qu'ils trahissent la première pour la seconde.

Parmi le flot de références que j'accumule en épais dossiers à l'appui de ce bilan, en voici une qui sous des dehors bon enfant éclaire bien l'étendue des dégâts. Elle est extraite d'un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d'une jeune Française issue de l'immigration, ce jour-là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République... »

Puisque nous en sommes aux citations, en voici deux, pour conclure : « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d'êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Président Boumediene, mars 1974.)

Et celle-là, tirée du XXe chant de l'Apocalypse : « Le temps des mille ans s'achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée. »

Jean RASPAIL
Citation
La Droite est une flamme instable qui danse gaiement, feu follet dans la ténébreuse forêt calcinée."

J'ai un peu de mal à le suivre sur ce terrain mais que la gauche soit peuplée de pisse-froids c'est l'évidence même.

Cher Olivier,
Merci beaucoup pour ce passage remarquable tiré du Camp des Saints mais l'article du Figaro est en ligne depuis longtemps sur le site du PI dans la rubrique "L'air du temps."
Ah c'est exact, veuillez m'excuser. J'aurais du me douter que cet article n'était pas passé inaperçu!
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 23:40   Re : Richard Millet et le destin de la France
Le must, c'est anarchiste de droite.
16 avril 2008, 06:27   Florilège
Page 13 de L'Opprobre, Richard Millet énumère les insultes dont il est accablé (sa personne et son oeuvre) depuis la publication de L'Orient désert et du Désenchantement de la littérature : « pseudo prophète égaré dans ses vaticinations idéologiques, langue de pute, écrivain en perte d’altitude, polémiste d’hôtel de luxe, crépusculaire, lugubre, tartuffe, plein de ressentiment, désorienté, incohérent, irrecevable, prêchant dans le désert, détestable, écrivain au propos éculé, irresponsable, tombé dans l’exagération rhétorique, haineux, légèrement paranoïaque, pathétique, déprimé, hérétique, réactionnaire, vindicatif, négativiste teigneux, aigri, ouvertement lepéniste, misanthrope, homophobe, révisionniste, détestant son époque, suicidé enfin ». Il conclut ainsi : « j’aurai tout entendu, aurai été traité de tous les noms, et cependant je n’entends rien. Le bruit de l’unanimité est assourdissant, donc vain. La violence de l’ordre, le nouvel ordre moral, voilà ce que je combats ».
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 08:49   Re : Richard Millet et le destin de la France
"polémiste d’hôtel de luxe"

Là, effectivement, une maladie comme celle-ci ne peut se soigner que par la mort, ou par la guérison.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 10:12   Raspail / Gallo
Merci à vous, Rogemi, pour avoir déniché cette merveille, la confrontation de Raspail et de Max Gallo. Quelqu'un sait-il de quand date l'émission ?


    Wagner, une maladie qui peut se soigner par la guérison ? Je prends !
16 avril 2008, 11:15   Re : Raspail / Gallo
"Quelqu'un sait-il de quand date l'émission ?"

De 1973, c'est l'année de parution du roman.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 11:36   Re : Raspail / Gallo
L'émission date en fait de 1977, date de la première réédition du Camp des saints. Je trouve Rogémi un peu sévère avec Gallo : il y a trente ans de cela, beaucoup de ceux dont nous approuvons aujourd'hui ici les positions ne se seraient-ils pas exprimés comme lui face à Raspail ? Il me semble même que les fleurets sont mouchetés entre les deux hommes (ils avaient à l'époque le même éditeur). Et, malgré ses objections, Gallo reconnaît que l'ouvrage de Raspail est "un grand roman".
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 11:43   Re : Raspail / Gallo
Merci Alexis. Oui, moi aussi je trouve Rogemi très sévère avec Gallo.
16 avril 2008, 12:06   Re : Raspail / Gallo
Oui, pardon, ce n'est pas 1973. Mais la réédition par Robert Laffont ne date-t-elle pas de 1978 ? Je suis d'accord pour estimer Max Gallo plutôt modéré. Imagine-t-on ce que n'importe quel journaliste dirait aujourd'hui ?
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 13:05   Re : Richard Millet et le destin de la France
"Wagner, une maladie qui peut se soigner par la guérison ?"


Je parlais d'une guérison idéologique, sorte d'éradication du Mal par le Bien (la formulation est un peu maladroite, c'est vrai...).
Citation
Imagine-t-on ce que n'importe quel journaliste dirait aujourd'hui ?

Vous dites que j'ai été sévére ?
Il faut bien écouter les propos de Gallo qui accuse Jean Raspail, rien de moins, d'être éliminationiste cad de vouloir la liquidation physique des pauvres hères qu'il décrit dans son roman. Il a, en outre, l'outrecuidance de lui faire une lecon de rectitude politique sur ce qu'un écrivain a le droit ou non d'écrire.

Soit les mots ont une importance soit ils n'en ont pas. Autrement nous tombons dans le relativisme total.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 13:42   Re : Richard Millet et le destin de la France
Avant le relativisme total, il y a la contextualisation, Cher Rogemi.

Il ne lui fait pas "une leçon de morale sur ce qu'un écrivain a le droit ou non d'écrire", il lui dit très explicitement que l'écrivain est responsable de la lecture que les lecteurs font de son travail. C'est peut-être à discuter, mais il ne s'agit pas de ce que vous dites.
Ah cher Boris,
Il ne faut pas vous chercher car on va vite vous trouver.
Vous savez je n'aimes la facon désinvolte avec laquelle Gallo tournique sur son fauteuil en fixant Raspail avec un zeste de dédain. Cela me met les nerfs en pelote.

Et ne venez surtout pas me dire que je suis trop sensible...
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 14:55   Re : Richard Millet et le destin de la France
Mais moi aussi, Cher Rogemi, le Gallo tourniquant m'agace. Cependant, depuis trente ans, il a quand-même changé, le Gallo, non ?

Vous êtes trop sensible !
Moi, ce qui m'a surtout frappé, c'est que Jean Raspail a eu du temps pour parler. Son récit s'est déployé à son rythme, Gallo ne l'a pas interrompu. Imaginez Ardisson ou Ruquier à la place de Gallo...
Citation
Imaginez Ardisson ou Ruquier à la place de Gallo...
Cher Marcel,

A l'époque en 1977 ou 78 les émissions d'infotainment n'existaient pas encore et Jean Raspail est venu présenter seul la ré-édition de son livre.

Les émissions littéraires avaient encore un certain niveau et on était loin de l'histrionisme actuel. Vous aurez remarqué que Jean Raspail a lu un texte préparé à l'avance. Il n'en reste pas moins que Max Gallo a rempli ses devoirs de défenseur de la doxa régnante.

Il faut dire que Jean Raspail était un écrivain reconnu et aimé des francais puisqu'il est venu au moins 7 fois chez Bernard Pivot. Les temps ont changé et Jean Raspail a expliqué lui-même dans un entretien qu'il refusait systématiquement les invitations télévisées.
Jean Raspail : la Patagonie, patrie imaginaire
5 mars 2005

Entretien avec Jean Raspail

Romancier et initiateur en France du mythe Patagon, Jean Raspail est sans conteste une des meilleures plumes de la littérature française.

Parmi les ouvrages récents qu’il a publiés, on note entre autres Sires, Le Roi au-delà de la mer, L’anneau du pêcheur, Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte ouest qui n’était plus gardée et Adio Tierra del Fuego, paru chez Albin Michel. Nous l’avons rencontré pour nous entretenir avec lui de ce qui l’anime et de ce en quoi il croit.

LIBRES - Comment expliquez-vous que certains de nos contemporains fassent profession de s’en prendre à notre culture et à nos traditions ?

JEAN RASPAIL - De leur part, il est certain que le but recherché est de casser quelque chose. Dans l’absolu, ils n’ont rien à faire de rien, le but qu’ils recherchent est de casser le maximum de nos traditions. Ce sont les mêmes qui s’attaquent à des quantités d’autres choses fort différentes.

LIBRES - Comment expliquez-vous le développement d’un intégrisme vert qui semble aujourd’hui rejaillir sur une partie du monde politique et des médias ?

JEAN RASPAIL - Je pense tout simplement que cela doit s’expliquer par l’étonnante bêtise qui entoure toute cette ridicule écologie détournée de son sens profond.

LIBRES - Vous, dont les ouvrages sont porteurs d’une conception de l’homme enraciné, ne pensez-vous pas que sur les terrains où prospèrent les verts, il y a place pour une autre pensée…

JEAN RASPAIL - Certainement. Du point de vue politique, sans vouloir tout ramener à la droite et à la gauche, certains ont oublié que l’écologie et le régionalisme d’avant guerre étaient à droite. L’écologie et le régionalisme d’alors s’enracinaient dans une tradition de protection du passé qui ne remettait pas en cause l’espace national.

LIBRES - Nombre de vos personnages, tel Philippe Pharamond, conduisent une quête. Quelle opposition ou quel parallèle existe-t-il entre conduire une quête et partir en chasse ?

JEAN RASPAIL - La longue traque d’un gibier, lorsque l’on se met sur sa piste, dépasse la notion du fait que l’on veut tirer le gibier à la fin de la journée. Pour moi, cela ressemble à une piste mythique.

LIBRES - A quand remonte, selon vous, la rupture unissant les Français et leurs traditions, à la Révolution?

JEAN RASPAIL - On ne peut pas tout ramener à la Révolution. La Révolution a détruit un nombre considérable de choses, mais il n’empêche que certains effets de la Révolution n’étaient pas mauvais. D’une certaine façon, je pense que la Révolution, a permis de réconcilier le Français du peuple avec une nature qui ne lui appartenait pas jusque là.

LIBRES - Comprenez-vous ceux qui affirment vouloir défendre ” L’Homme ” sans prendre en compte sa culture, ses traditions et sa terre ?

JEAN RASPAIL - Tout cela est inséparable. L’homme, pour moi création divine, n’existe qu’avec tous les éléments que vous venez de citer.

LIBRES - Longtemps, la vocation du peuple Français a été celle d’être le peuple de la mémoire. Pensez-vous que c’est toujours le cas ?

JEAN RASPAIL - Non. Aujourd’hui, pour moi, il existe deux France. Deux France qui ne sont d’aucune manière celle de droite et celle de gauche. Il existe une France qui a encore la mémoire, cette France-là se rétrécit. Lorsque l’on voit les jeunes générations monter, on est frappé par le fait qu’elles se désintéressent complètement de la mémoire nationale.

Sans pouvoir analyser ce phénomène, je pense que cela nous retombera gravement sur le nez. Lorsque les dernières classes d’âge à être solidaires du passé de notre pays auront disparu, on constatera qu’une majorité des jeunes n’en a rien à faire. Je rencontre souvent des jeunes gens complètement ignorants, et ce qui me frappe, c’est que cela leur est égal. La mémoire fiche le camp à une vitesse rapide.

LIBRES - Le mythe Patagon, c’est un refuge, un exil ou une quête ?

JEAN RASPAIL - C’est tout cela. C’est un défi, un détour, un artifice, un clin d’œil, un pied de nez, un amusement… C’est une nationalité de rechange pour ceux qui ne se sentent pas très bien dans la France moderne. Ce que je peux dire, c’est que comme il devient difficile d’être patriote français, je constate qu’il y a de plus en plus de Patagons. La Patagonie est une patrie imaginaire et purement symbolique.

LIBRES -Rien à voir donc avec l’exil irlandais de Michel Déon…

JEAN RASPAIL - Non.

LIBRES - Quelle est l’image de la Patagonie qui vous a le plus marqué ?

JEAN RASPAIL - C’est difficile de faire un choix. C’est le dernier pays aussi peu peuplé dans le monde. C’est tout simplement beau.

LIBRES - Quel est exactement votre rapport à la nature ?

JEAN RASPAIL - C’est un rapport purement imaginaire. Je veux dire par là que je ne suis pas un homme de la nature, mais il m’est nécessaire de savoir qu’elle existe. J’habite dans une ville. Je n’aime pas beaucoup marcher en forêt, cela m’embête. Je ne veux pas dire que pour moi la nature est une notion artificielle, mais elle est recréée en moi. J’aime beaucoup décrire la nature, cela me procure des émotions, et je n’ai même pas besoin de la voir pour écrire cela.

LIBRES - Que sous-tend, pour vous, le terme Tradition ?

JEAN RASPAIL - C’est quelque chose de reçu qu’il vous faut impérativement transmettre. Les traditions qui ne se transmettent pas sont des déserts inutiles.

LIBRES - En fait, vous êtes plutôt nostalgique ?

JEAN RASPAIL - Je le confesse humblement : c’est vrai que je ne comprends pas grand chose au monde qui vient. J’en arrive même à penser que hélas, les jeunes générations, avec leur absence de mémoire, sont adaptés au monde qui vient. Il faudra peut-être être comme cela pour arriver à avoir encore du plaisir à vivre.

LIBRES - Pour vous, quels sont les derniers héros de notre société ?

JEAN RASPAIL - Sur le plan moral, éthique et intellectuel ce sont ceux qui s’éloignent de la masse et de la grisaille ambiante. Ce sont ceux qui ne sont pas solidaires des engouements auxquels on assiste. Pour moi, les engouements de masse sont toujours épouvantables. Avant la guerre, on a connu le communisme et le nazisme, aujourd’hui on voit en arriver d’autres, ce que j’appelle les Nuremberg festifs. Aussi incontrôlable et aussi peu réfléchie que possible, la masse m’ennuie et me fait peur. Voilà pour le côté moral et affectif.

Pour ce qui est de la vie de tous les jours, je trouve qu’il existe encore de belles occasions d’héroïsme. Je trouve, par exemple, que les marins, même ultra sponsorisés, même parlant comme des coureurs cyclistes, restent des héros.

LIBRES - Vous avez l’impression que nos traditions disparaissent…

JEAN RASPAIL - Le Camembert me semble tenir le coup… Je crois qu’il est inutile de désespérer car il restera toujours une part relativement importante de Français qui parlera français, qui sera solidaire du passé, qui conservera un certain nombre de traditions, la façon de penser qui est la notre, une certaine courtoisie… tout ce qui est inhérent à la vraie qualité de Français. En face, on aura des bernard-l’ermites, sans mémoire. Après tout, cela est leur problème.

Entretien Exclusif Novopress
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 16:16   Re : Le Camembert me semble tenir le coup
« Le Camembert me semble tenir le coup… »

Tu parles !

Combien de Camemberts au lait cru reste-t-il ?

Plus sérieusement, quelle drôle de conclusion ! Cette "part relativement importante de Français qui parlera français, qui sera solidaire du passé, qui conservera un certain nombre de traditions, la façon de penser qui est la notre, une certaine courtoisie… tout ce qui est inhérent à la vraie qualité de Français", est-ce qu'elle peut simplement exister, sans lait cru, je veux dire sans ce qui a permis à cette France-là d'exister ? Je ne comprends pas son raisonnement.
Mais cher Boris c'est ironique. Vous connaissez le vieil adage: "L'ironie est un sucre qui rend le dégoût moins amer"
En tout cas j'aime assez le "Nuremberg festif", terme que Muray aurait pu inventer.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 17:43   La qualité perdue
"Cette "part relativement importante de Français qui parlera français, qui sera solidaire du passé, qui conservera un certain nombre de traditions, la façon de penser qui est la notre, une certaine courtoisie… tout ce qui est inhérent à la vraie qualité de Français"... et qui a déterminé cette belle arrogance et prétention typiquement française.

On peut d'ailleurs se demander si ce qui fait souffrir les Français n'est pas, par dessus tout, d'avoir été privés de l'exercice de l'arrogance par les populations néo-maghrébines qui, dans cette discipline et si on leur laisse un champ d'action, sont en effet de redoutables compétiteurs.
Malgré mon admiration pour la prose de Millet, je dois dire que les extraits cités par Pierre Assouline dans son blog récent son accablants d'imbécilité (notamment son hypothèse du complot américano-saoudien contre les Twin Towers). J'attends de lire le livre, cependant.
Ah, Assouline part en guerre contre Millet ? Voilà une raison de plus, et une forte, pour se précipiter sur les livres de Millet.

Cela dit, il peut lui arriver d'écrire des bêtises, mais infiniment moins souvent qu'à Assouline.
Citation
Cela dit, il peut lui arriver d'écrire des bêtises, mais infiniment moins souvent qu'à Assouline.

C'est le moins que l'on puisse dire. Mais, cher Bruno Chaouat, ne nous dites pas que vous frequentez assidûment le blog d'Assouline, un des amis du désastre les plus zélés ?

Pour nous changer un peu les idées un entretien donné à la revue La Nef pour son numéro 187 (novembre 2007) par Richard Millet.

Le désenchantement ou la grâce

Richard Millet

Richard Millet était admirable jusqu’ici pour au moins deux raisons : comme auteur de grands romans ; et comme éditeur à l’instinct sûr, chez Gallimard. En cette rentrée, il défraie la chronique avec deux ouvrages, L’Orient désert et Désenchantement de la littérature, où son dégoût du monde moderne lui est l’occasion d’évoquer une foi catholique tourmentée. Il a bien voulu nous en dire quelques mots.


Vous avez publié deux livres à la rentrée, L’Orient désert et Désenchantement de la littérature. Celui-ci vous a valu de violentes attaques dans la presse pour ce que vous y pointiez une certaine « décadence » française, qui touche du même mouvement littérature et chose politique, dites-vous. Cela vous surprend ?

En vérité, nous sommes en guerre. Je crois qu’il y a les amis de la vérité et les autres. Mais les camps sont très mouvants : je suis un camp à moi tout seul. Et c’est pour ça que je dérange. On est seul non seulement quand on écrit mais aussi quand on publie. Le Système, aujourd’hui, fait en sorte qu’il n’y ait plus d’écoles, ni de groupes, ni même d’écrivains : on reste dans la solitude. Il y a cependant deux types de solitude : la solitude petite-bourgeoise, l’individualisme narcissique, qui est celle de l’ennemi ; et la véritable solitude, recherchée ou admise qui, elle, est une force.

Auparavant, on aurait pu dire que vous étiez un camp littéraire, avec cette conception de la langue qui vous tient tant à cœur. Vous êtes aujourd’hui un camp politique, en plus.

Politique, oui, mais au sens le plus large du mot. J’ai peu à peu compris que je vivais dans un pays qui est mort. Qu’est-ce qui est mort dans ce pays pour que je le dise mort ? Le renoncement au christianisme, me semble-t-il, par négligence ou hostilité permanente. À partir du moment où l’on renonce à ce qui a fait que nous sommes français, c’est-à-dire à un universalisme chrétien, fût-ce dans sa dimension uniquement culturelle, autre chose se met en place : un « espace » qui s’appellerait France au sein de l’entité économique qu’est l’Union européenne. Dès lors que l’on a évacué la question spirituelle, je me sens nu. Cette inquiétude vient de loin, et je ne suis le seul à la formuler : George Steiner en a déjà parlé, quoiqu’il ne soit pas chrétien. C’est la fin de l’humanisme, si tant est qu’on puisse faire se recouper humanisme et chrétienté. Peter Sloterdijk, que je cite dans Désenchantement, a lui aussi théorisé la chose. Il faut paradoxalement accepter cette destruction qui s’annonce, pour ne pas rester dans l’entre-deux, dans un état de survie artificielle. La France n’est plus la fille aînée de l’Église : elle se renie constamment, elle se vautre dans l’incantation idéologique des droits de l’homme, dans l’expiation, dans la mort. C’est quand j’ai constaté que la civilisation dans laquelle j’étais né, c’est-à-dire la civilisation rurale française, était morte, que je me suis demandé si ce n’était pas toute la France qui mourait : la France en tant que nation littéraire et universelle. La France est momifiée dans son propre mythe. Je m’en suis rendu compte peu à peu, notamment en voyageant en Europe, en Amérique, au Liban.

Un événement a-t-il déclenché cette prise de conscience ?

Non, il suffisait de sortir du bois, ce que j’ai fait depuis 1986, avec le Sentiment de la langue. Ce livre a longtemps été mal compris, comme s’il était une apologie de je ne sais quel esprit national, de défense de la langue française. Je m’y interrogeais seulement sur un certain nombre de spécificités françaises, sur leur perte, sur le regret qu’on peut en avoir. Depuis vingt ans, je sentais que quelque chose se passait, mais je ne pouvais pas ou ne voulais pas le voir : c’est très difficile d’accepter de voir mourir certaines choses. Je le disais déjà dans Lauve le pur (2000), roman qui a irrité les belles âmes. Et puis, il y a trois ans, dans Le dernier écrivain, j’ai commencé d’évoquer l’effondrement du christianisme en Europe, donc l’effondrement de la civilisation européenne. Aujourd’hui, je le fais de façon très nette : l’unanimité des réactions hostiles est très intéressante, parce qu’elle consiste d’abord en un refus de lire. On ne m’attaque pas sur ce que je dis vraiment, mais sur ce qu’on voudrait que je sois : révisionniste, lepéniste, traître à la cause littéraire, suicidaire, etc. Et on ne lit pas davantage L’Orient désert, livre qu’on joue contre Désenchantement.

Croyez-vous que vous soyez réactionnaire ?

Que veut dire « réactionnaire » aujourd’hui ? Je me situe parmi les vrais modernes, ceux qui ouvrent les yeux : les solitaires, les mystiques, les lecteurs de Bataille, de Simone Weil, plutôt que de Sartre et de Camus. Les grands manieurs de langue. Le cœur de ma réflexion a toujours été de savoir comment on maîtrise une langue. C’est ce qui m’a toujours hanté. On est toujours devant un processus impossible, et écrire, c’est tenter de réduire l’écart entre une pratique personnelle et l’impossibilité de maîtriser la langue.
Néanmoins, je peux regretter que le subjonctif disparaisse, ou que bien des locutions, des tournures, des mots, soient évacuées par les écrivains contemporains : ce sont des nuances qui s’évaporent, des richesses considérables qui s’oublient. Mais cela ne veut pas dire que je m’y accrocherai à tout prix. Ce qui peut choquer aujourd’hui, c’est que je m’interroge sur le rôle de la légitimité démocratique dans la débâcle littéraire : c’est le fond du problème, et personne ne l’a relevé, dans les attaques dont j’ai été l’objet, et dans les missiles qu’on a lancés sur moi. S’interroger sur la démocratie, c’est se demander si c’est l’horizon indépassable de notre monde politique. Il y a quelque chose d’inquiétant à voir cet infini cortège de droits de l’homme, de l’antiracisme, de l’humanitarisme, à voir partout s’étendre, y compris militairement, l’Empire du Bien, alors que les chrétiens d’Orient, par exemple, sont plus que menacés.

Vous pointez un genre d’incompatibilité entre démocratie et littérature.
Dans ses dérives incantatoires, la démocratie est nocive pour la littérature. La question de la masse et de la démocratie, du règne de la quantité, de l’individualisme, devrait être interrogée davantage. C’est une chose sur laquelle James s’était penché en son temps, mais il ne pouvait pas prévoir l’accroissement formidable du niveau de vie, des antibiotiques, de la dictature médiatique, de l’eugénisme. Nous sommes devant le nouveau monde que Huxley avait génialement prévu.
Le fond du problème, c’est de savoir comment la démocratie pourra préserver la liberté individuelle au sein d’un processus de massification de l’humain, sans parler des problèmes de nutrition, d’eau ou de climat. Est-ce qu’il ne faudra pas pousser la démocratie jusqu’à son point de contradiction dictatorial, totalitaire ?

Vous qui réclamez le droit à la solitude en tant qu’écrivain, le droit de vous en aller comme disait Baudelaire, cette situation du monde vous concerne-t-elle, finalement ?

La masse me terrifie ; elle est une agression esthétique. Je dois à tout prix me situer par rapport à elle. Mais Baudelaire réclamait aussi le droit de se contredire. La contradiction entre le chrétien qui devrait aimer l’homme et celui qui pourrait haïr l’humanité, c’est l’état dans lequel je vis quotidiennement. Je ne prétends pas vivre en paix avec moi-même, ni avec autrui. J’aime cette tension-là, malgré tout, parce qu’elle me force à réfléchir, et empêche que je sois installé dans quoi que ce soit. Il est évident que quand on est dans le petit village de Qalb Lozeh, en Syrie, et quand on est dans le septième arrondissement, on ne pose pas le même regard sur l’humanité. Dans le RER, à sept heures du soir, vous avez envie de posséder un lance-flammes… À Qalb Lozeh (qui signifie en arabe le cœur de l’amande), vous avez envie de vous agenouiller et de prier.

Votre christianisme est-il quelque chose qui appartient seulement à l’enfance, au passé ?

C’est quelque chose de très actif en moi, c’est même de plus en plus actif. Je suis particulièrement sensible à ce qui vient de l’enfance et ne cesse d’en rayonner. Surtout à mesure que s’aggrave sa déliquescence, et sa réduction à une dimension seulement sociale. J’ai été scandalisé par la récente construction d’une église sans cloche à Sartrouville afin de ne pas choquer les musulmans. Ce genre de problème montre bien jusqu’à quel point on peut descendre quand on baisse sa culotte au nom d’idées de tolérance. Je suis plutôt hostile à Vatican II : je crois profondément au mystère ; lorsqu’on veut démocratiser, vulgariser les mystères, ils disparaissent. Plus de prêtres, plus de mystères, la messe ennuie tout le monde et les chants modernes y sont ridicules. Quand on entre dans une église au Liban, on sent quelque chose qui vibre, comme en Pologne, du moins quand j’y étais, en 2000. Nos églises sont des tombeaux, que c’est vide ! Dans le Haut-Limousin, tout est fermé. J’ai fait rouvrir l’église du village pour faire baptiser ma fille, il y a cinq ans.

Benoît XVI vous touche-t-il à ce sujet-là ?

Benoît XVI est un intellectuel, et cette articulation de la théologie et du mystère était tout à fait indispensable à la tête de l’Église. Et puis, quelqu’un qui sait jouer Mozart ne peut pas être tout à fait mauvais, de toute façon (rires). Quant à ceux qui attaquent le pape au nom de la tolérance laïque, je leur réponds : « Imaginez un instant qu’il abandonne la moindre de ses positions. On n’a plus besoin de lui. C’en sera fini des dogmes. »
Une lectrice me demandait récemment : « Mais pourquoi dites-vous que nous sommes chrétiens ? Moi, je ne suis pas chrétienne, même si je suis baptisée. Le pape, l’inquisition, les interdictions... Et puis, je ne comprends pas ce que vous voulez dire à propos des racines chrétiennes de l’Europe. » Je lui ai répondu : « Mais vous êtes chrétienne, au moins culturellement. » Elle n’en démordait pas : « Mais non, je suis pour le mélange des cultures, pour le métissage. » J’ai laissé tomber, même si c’était une femme qui faisait des efforts pour me lire. Ce sont des gens qui ne savent même plus d’où ils viennent. Ils ne lisent plus, ne regardent plus, n’écoutent plus le monde. Ils sont sourds et aveugles. Ils ne savent même plus ce qu’est une église, même d’un point de vue artistique. Une mémoire entière est en train de s’abolir. Benoît XVI se doit d’être intransigeant. Mais le prochain pape, après Benoît XVI, si le politiquement correct et les Américains s’en mêlent, risque d’être noir, homosexuel, marié et d’extrême-gauche. Vous verrez (rires).

Vous n’avez pas vraiment foi dans l’Église ?

J’aimerais avoir plus de foi en l’Église. En tout cas, je la respecte. Je lui reste fidèle, envers et contre tout. Je plaisantais à peine : si l’Église ne cesse pas de tendre vers un protestantisme déguisé, à quoi bon, encore une fois, l’Église romaine ? Un prêtre doit être quelqu’un qui me dépasse infiniment et non un homme comme moi. Cela aussi, c’est un effet de la perversion démocratique qui veut que tout vaille tout, y compris n’importe quoi. N’importe qui peut faire ce que vous faites, écrire des livres, peindre, barbouiller quelque chose, taper sur des tamtam. Le premier venu ne saurait être prêtre. Dans la décadence qui altère la démocratie, l’Église, la religion et la littérature, il faut chercher où est l’ennemi. L’ennemi est dans le politiquement correct, au sens où il s’agit d’une entreprise de déstabilisation de toute spiritualité. C’est une entreprise plus profonde, plus violente que ce que l’on croit. Comme Bernanos, je crois vraiment au diable, je crois qu’on peut rencontrer un maquignon, un inconnu comme en rencontrait un l’abbé Donissan, au coin d’un chemin, le soir, en Corrèze ou à Paris. Les puissances du mal sont constamment à l’œuvre. Il faut se le rappeler quotidiennement.

Il y a cependant chez vous, on le sent dans L’Orient désert, une répulsion vis-à-vis de l’ascétisme…

J’ai écrit ce livre en grande partie pendant la guerre de juillet 2006 au Liban et en Syrie. Je vivais la déréliction amoureuse comme une ascèse imposée. Je n’ai aucun goût pour l’idéal ascétique, même si j’aime la solitude et le silence de façon quasi monacale. Rien que j’admire plus que Port-Royal . Mais je reste un écrivain. Un être dévoré par la chair. Un guerrier plus qu’un moine. J’ai autrefois manié les armes dans Beyrouth en guerre. Je suis un lecteur des mystiques, et très proche de ce que les femmes ont à dire là-dessus. Le rôle du corps dans cette affaire est souvent négligé par les hommes, alors que les femmes, comme on le voit avec les deux Thérèse, le prennent toujours en compte. On oublie souvent que les ascètes ou les mystiques ont eu des corps. Ceux qui ont approché Simone Weil ont peut-être une petite idée de ce que ça peut être. Ce genre de personnage devait irradier. J’ai été très frappé par ce qu’un prêtre maronite, que je cite dans L’Orient désert, m’avait dit à propos du regard de René Girard, devant qui il avait célébré la messe à Paris : il disait qu’il voyait au-delà.

Les attaques dont vous avez été victime à propos de Désenchantement vous ont-elles blessé ?

Pas du tout. D’abord, elles font marcher le livre ! Et puis les ennemis montrent leur visage. Non seulement on ne peut rien dire de vrai, dans le Système, mais les critiques ne lisent pas ce qu’on écrit, et pour mon cas, essaient de jouer l’éditeur contre l’écrivain. On essaie de me déstabiliser ici même, chez Gallimard, en feignant de se demander comment mes auteurs peuvent me supporter : ils aiment travailler avec moi, qu’on se rassure ! Mais personne ne pose les questions de fond dans ce milieu mafieux, consanguin, falsificateur. Désenchantement de la littérature, c’est au départ une leçon que j’ai donnée en public, et personne n’a réagi violemment sur le moment dans la salle. Il n’y a pas eu de scandale. Ce n’est pas moi qui suscite le scandale : c’est l’ennemi. La ruse suprême du démon, c’est de vous faire croire que vous êtes le diable. La patience est un exorcisme.
Il y a un proverbe arabe que j’aime beaucoup : « Ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord du fleuve et tu finiras par voir passer le cadavre de ton ennemi. »

Propos recueillis par Jacques de Guillebon
Richard Millet, pardonnez-moi de recourir à un classisme très Camusien, est un paysan qui, un beau jour, a découvert Paris et la grandeur de l’Art et ne s’en est jamais remis. Il utilise une belle langue aux consciencieux pleins et déliés pour donner, dans les deux romans que j’ai lu de lui, un portrait laborieusement Dantesque de la campagne française et exprimer sa haine mal digérée, mêlée de confuse fierté, pour ses origines modestes. Je me souviens de cadavres laissés à l’air libre parce que la terre est gelée, inondant le village d’une puanteur plus qu’improbable en la circonstance et d’un garçon boucher forniquant très graphiquement avec une carcasse sanguinolente, parmi de nombreux passages presque insupportables de fausseté. Chaque fois qu’il ouvre la bouche, je souffre pour lui.
Utilisateur anonyme
17 avril 2008, 08:37   Re : Richard Millet et le destin de Richard Millet
Je rejoins sur ce point l'analyse de JF. Quand on pense de surcroît que cet ascète et cet admirateur de Port-Royal passe ses journées dans son bureau des éditions Gallimard à lire et à corriger des manuscrits dont la plupart doivent représenter pour lui de véritables "agressions esthétiques", on ne peut qu'éprouver à son égard la plus vive compassion.
« Ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord du fleuve et tu finiras par voir passer le cadavre de ton ennemi. »

Je croyais que c'était un proverbe chinois, le docteur Marche peut-il donner son avis?

Millet prend quelques postures agaçantes, mais sur le fond, ses analyses me paraissent en accord avec la plupart des positions qui sont défendues ici, au moins concernant la langue, le dogmatisme anti-raciste, la mémoire nationale, la littérature contemporaine. J'ai du mal à comprendre ce que vous lui reprochez exactement.
Boris, si vous pouviez changer de sujet. Il y a ce soir trente jours au moins que je n'ai vu ni senti de camembert et que je n'ai non plus entendu personne prononcer le mot. Le mot crémeux de "camembert" dans votre message me ferait presque venir les larmes ce soir. Je sais que vous me comprenez, même si le mal est fait.

"Rompre le jeûne du camembert et retrouver le sens des proverbes", comme aurait dû l'écrire quelque part Claudel (pas le beurre, l'autre). Ce soir, il y aura tu tatseu takati, poisson à la chair sang-de-boeuf, sans ventre ni dos, mi-cuit, comme une lame tendre, dont les tranches se consomment froid, égayées de miniscules rondelles de ciboulette. On regrette ici que le camembert ait existé: on vivrait beaucoup mieux sans cette idée que, quelque part, il existe.
Utilisateur anonyme
17 avril 2008, 12:31   Pas de camembert pour Mr Marche !
Francis, je suis le roi de la gaffe, vous le savez, je n'y peux rien.

Je vois que l'éventail des jugements sur Richard Millet s'élargit quelque peu. Peut-être serais-je mieux compris aujourd'hui, si je dis à nouveau qu'il me fait de plus en plus l'effet d'un faux grand écrivain. J'ai toujours senti, même quand je l'ai aimée, une prose laborieuse, enflée et s'écoutant écrire. Il fait partie pour moi de ceux qui éblouissent les gogos. Pardon, je sais bien que certains d'entre vous l'admirent, mais je n'y peux rien, je trouve cette écriture surfaite.

Je suis plus de ceux qui approuvent ses jugements que de ceux qui goûtent son œuvre.
Citation
Je suis plus de ceux qui approuvent ses jugements que de ceux qui goûtent son œuvre.
Je dois avouer que je n'ai rien lu de Millet et je suis dans l'incapacité de dire quoique ce soit sur son oeuvre.

Par contre, comme vous Boris, j'approuve en général ses prises de positions et ses appréciations exprimées lors d'interviews ou entretiens.
Cher Olivier,
Ah ben moi, si j’étais In-nocent je me hâterais fissa d'afficher mes distances avec le très embarrassant essayiste Millet (j’ai déjà dit ce que je pensais de son œuvre romanesque). Mais comme je le suis peu, je me contente de rigoler. Comment choisir dans cette rivière de perles ? Ces « jolies Maghrébines » qui ont troqué sans crier gare leur voile contre des tenues « provocantes » ? L’hypothèse Lovercraftienne d’un pape HOMOSEXUEL? Ou l’incontournable « Empire du Bien », qui s’étend maintenant « militairement» , on imagine de Paris-Plage à Bagdad, Teufeurs pro-musulmans et très-chrétiens néo-cons Yankees main dans la main. On ne sait plus, ce n’est pas grave, il avance en pataugeant dans les concepts, « bienpensance »… Empire du Bien »… « totalitarisme »…« décadence »…« Vatican II »… Tous les mots-clefs sont là, on vous a reçu, cinq sur cinq.
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