Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué n° 568 : Sur une décision de la Cour de cassation

Le parti de l'In-nocence voit dans la décision récente de la Cour de cassation gratifiant d'un état civil les « enfants sans vie » une contradiction éthique difficilement surmontable avec le droit à l'avortement.

Le parti de l'in-nocence déplore d'autre part, dans cette décision, un nouvel exemple hautement caractéristique de la dérive de l'ensemble de l'institution judiciaire vers un rôle au premier chef compassionnel, voire thérapeutique, qui de toute évidence est peu compatible avec une administration sereine de la justice. En effet, c'est au prétexte de faciliter le rituel et tristement conventionnel « travail du deuil » — dont on s'étonne que personne n'ait encore songé à demander pour lui, comme pour tout travail, une rémunération... — qu'est instituée cette nouvelle catégorie de l'état civil qui, de manière fortement symbolique elle aussi, et pareillement dans l'air du temps, exclut le nom de famille et ne permet que le prénom.
« Enfant né sans vie », c'est aussi ridiculiser une fois de plus la langue française...
Semble se poser ici la question éthique fondamentale: quand et où commence la vie? La réponse à y apporter relève de la mission des comités chargés de se pencher sur les problèmes de bio-éthique qui émaillent le débat scientifique et social sur l'euthanasie ou l'avortement.

Aidons-les. Rendre le dernier souffle, c'est mourir. Que l'on définisse alors la naissance, le point initial du parcours de vivant mêmement et par antiphrase, comme dans certaines très anciennes philosophies orientales: venir à la vie, se constituer être humain, devrait être marqué, borné, avant de l'être par le cri primal, par le premier souffle. Un être humain, ici un foetus, qui n'a jamais respiré n'a donc jamais été un être humain. L'être humain, s'il a été en vie, s'il peut prétendre à un état civil pour ce qu'il a été avant que de s'éteindre, doit avoir pris part à l'atmosphère de l'ici-bas, par un respir, au moins un. Ce qui à l'évidence n'est pas le cas de "l'enfant né sans vie".

Cela n'empêche pas l'avortement, s'il n'est un crime, d'être une belle saloperie. Dans un pays d'adoptionnite aiguë en pays exotique, le gouvernement placarde les faïences du métro parisien d'affiches appelant la population à trouver réjouissant d'alléger le ventre des femmes françaises du poids de l'inconnu et de la panique qui y dort en menaçant d'exister. Qui avorte en France? et qui adopte en Afrique, au Cambodge ou en Colombie à coup de gros sous? Les mêmes: les desouches et desouchettes aux prises avec la préférence exotique, savoir l'auto-détestation, variante de la trouille de se perpétuer.

Que pensent les Africains "en séjour" à Paris de ce que certaines familles françaises de souche ont tenté de faire avec des enfants Tchadiens en contrepoint des efforts actuels du gouvernement français de faire "réaccepter" l'avortement libre gratuit et surtout libre de culpabilité ou de malaise? Doivent bien rigoler tiens, avec leur sens inné du paradoxe comique.
Question sans objet, en effet, ou absurde en termes de morale naturelle, ou paradoxale. Ou plutôt : qui ne peut recevoir de définition que dans un système social donné. Pourquoi, d'ailleurs, privilégier le "respir", qui n'est même plus un critère de vie à notre époque ?

Aucun problème chez les Chinois, par exemple (relisons les Lettres édifiantes et curieuses des jésuites en Chine, où l'on voit que les bons pères ramassaient les nouveau-nés dans les poubelles tous les matins afin de les baptiser avant leur mort et ainsi de comptabiliser leurs âmes dans le registre des âmes sauvées par la Compagnie), ou chez les Romains (pas d'enfant proprement dit avant l'élévation par le pater familias)...

Quant à la prise de position de la Cour de cassation, je n'y vois qu'une offensive déguisée, ou objective, des anti-avortement. Car tout désir, et donc le désir d'enfant, porte en lui-même le deuil de son objet. Mais pourquoi donc lui donner un statut légal ?

Le terme lui-même porte l'estampille de son origine frelatée. Car il y a un mot, en français, attesté depuis l'époque classique, pour désigner ce dont il s'agit, c'est celui de « mort-né ». Mais il faut forclore la mort, n'est-ce pas ? Ainsi l'on ne meurt plus : on « disparaît »...

Quelle époque !

Ajout : il y a, je crois, un espace réservé aux mort-nés dans les cimetières, il me semble que c'est aussi une pratique ancienne de l'Église. Il s'agit donc, en ce cas, de supprimer la différence entre les morts et les mort-nés...
Trouvé ceci sur Wikipedia, à l'article « Limbes » :

Citation

Mais que faire des embryons et des fœtus ? C'est sur ce problème que s'est penché un certain Emanuello Cangiamila dont l'Embriologia sacra, traduite en français par l'abbé Dinouart en 1775, a fait longtemps autorité. Il fallait vérifier dans ce qu'avait rejeté la femme s'il ne se trouvait pas un embryon, même minuscule, et le baptiser sub conditione (car on n'était pas sûr qu'il était vivant) en disant : « Si tu vivis… » ; lorsqu'on n'était pas sûr qu'il s'agissait d'une forme humaine on précisait encore : « Si tu es homo et vivis… » ou « Si tu es homo et capax… ».
Vous écrivez "aucun problème chez les Chinois" puis vous décrivez une pratique des pères jésuites en Chine. Il aurait donc fallu écrire "aucun problème chez les Jésuites". Comme vous le rappelez justement, il s'agissait d'une comptabilité, d'une obligation de rapport et de résultat, interne à la Compagnie.

Je disais que la vie, le souffle et l'âme sont interchangeables chez les Chinois anciens, par exemple, ce qui a le mérite de borner les choses: la période de vie ici bas devient rigoureusement définissable comme celle intercalaire entre la première inspiration et l'expiration finale.

En 1775, les biologistes (et les hommes l'Eglise avec eux) croyaient en l'existence d'homoncules lovés dans la tête du spermatozoïde humain (voir la théorie de la préformation), et le vulgaire à celle des elfes et des lutins lovés dans les troncs d'arbres en forêt. En 1775, les savants "manquaient de repères". En 2008 aussi.
Vérification faite, Pierre Louis Moreau de Maupertuis réfuta habilement la théorie de la préformation dès 1745, dont acte.

[fr.wikipedia.org]
Citation

Vous écrivez "aucun problème chez les Chinois" puis vous décrivez une pratique des pères jésuites en Chine. Il aurait donc fallu écrire "aucun problème chez les Jésuites". Comme vous le rappelez justement, il s'agissait d'une comptabilité, d'une obligation de rapport et de résultat, interne à la Compagnie.

Cher Francis, la comptabilité de la Compagnie n'appartient qu'à elle, en effet ; en revanche, la pratique de ne pas s'embarrasser de cette chose qui n'est pas un enfant, au point de le mettre, en toute simplicité, à la voierie, était bel et bien chinoise, c'était pour moi le point.
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