Le site du parti de l'In-nocence

Karajan

Envoyé par Marcel Meyer 
20 avril 2008, 01:45   Karajan
Fusion des fils
Utilisateur anonyme
05 avril 2008, 14:56   Karajan
Article paru, hier, dans le Temps, quotidien suisse :

"Herbert von Karajan, la beauté du monstre

Attention, relance commerciale: le mythique chef d'orchestre aurait eu 100 ans aujourd'hui. Il aimait diriger les yeux fermés. Faut-il l'écouter de même?

Pierre Michot
Vendredi 4 avril 2008
Rubrique: Eclairages

A partir des années 1960 et jusqu'à sa mort, en 1989, Herbert von Karajan était devenu une telle image qu'il paraissait incarner à lui tout seul la musique classique. Son nom sur l'étiquette jaune de Deutsche Grammophon suffisait à garantir, pour les innombrables acheteurs de ses innombrables disques, interprétation indiscutable, beauté orchestrale et perfection technique.

Chef à vie de l'Orchestre philharmonique de Berlin, qu'il emmenait en tournée dans le monde entier, il avait été présent à Bayreuth et à Milan, puis directeur de l'Opéra de Vienne, et restait tout-puissant au Festival de Salzbourg. Pour mieux tout contrôler, il voulut aussi mettre en scène, puis porter à l'écran et réaliser lui-même les films des opéras et des concerts qu'il dirigeait. Toujours à l'affût des dernières conquêtes technologiques, il a très vite compris que la télévision se devait de relayer la radio et le disque pour étendre l'audience de la musique classique.

S'il avait été moins beau, si sa chevelure avait été moins argentée, ses yeux moins bleus, son élégance vestimentaire moins impeccable; s'il n'avait pas symbolisé le prestige de la culture dans l'Allemagne du miracle économique et incarné avec tant d'aisance le musicien classique en phase parfaite avec la modernité; s'il avait conduit moins de coupés grand sport, piloté moins d'avions, barré moins de skippers, Herbert von Karajan aurait-il occupé la place hégémonique qu'il a eue en tête des institutions, dans les bacs des disquaires et en couverture des magazines?

Déjà reconnu avant la guerre (un critique avait parlé dès 1938 du Wunder Karajan), assez tôt dénazifié après, lancé sur le marché du disque par Walter Legge qui lui confia en studio Mozart, Strauss et Verdi pour des enregistrements qui restent des modèles, il fut célébré au concert et à l'opéra comme la synthèse de Toscanini (pour la passion de la précision) et de Furtwängler (pour l'ampleur du souffle).

Ce natif de Salzbourg, comme son éminent compatriote, se tourna autant vers le sud que vers l'Allemagne, au point d'être considéré en Italie comme exceptionnel dans Verdi et Puccini, mais aussi dans Mascagni et Leoncavallo, qu'il avait à cœur de remettre au premier rang. Car son amour des chanteurs le faisait respirer avec eux, sa science de l'orchestre faisait sonner la fosse comme jamais, son sens de la pulsation dramatique portait l'opéra à des sommets nouveaux.

On fête donc son centenaire par une série de célébrations sur les lieux mêmes de sa gloire (Berlin et Vienne, Salzbourg et Lucerne), les trois marques discographiques qu'il colonisa multiplient les rééditions, inédits et coffrets spéciaux (lire l'encadré ci-dessus), les chaînes de télévision diffusent concerts et documentaires, on publie livres et témoignages, et sa femme, Eliette, y va de ses souvenirs.

Or quelques voix discordantes refusent de ressusciter le mythe. Celui qui crie le plus fort, c'est le critique londonien de l'Evening Standard, Norman Lebrecht, grand casseur de baguettes légendaires, qui appelle à se méfier du «monstre» dont il dénonce «les poses de spiritualité simulée, le commercialisme rampant, la culture rétrograde et la nullité morale».

Bigre. Tentons d'y voir clair et, au-delà du marketing sautant sur l'occasion pour relancer les ventes de disques et de vidéos, parlons surtout de musique. A bientôt vingt ans de sa mort - survenue, c'est tout un symbole, quelques mois avant la chute du Mur -, comment évaluer son héritage? A ne considérer que ses deux successeurs à la tête des Berliner Philharmoniker, Abbado et Rattle, on voit bien ce qui a changé: refus d'une semblable déification du chef, ouverture du répertoire vers les compositeurs vivants et surtout prise en compte de l'évolution des critères interprétatifs sous l'influence de la relecture «historiquement informée» des classiques.

Car l'essentiel du style de Karajan, c'était la culture du beau son, le fondu des registres orchestraux, la prédominance des cordes, l'épaisseur des basses, et surtout le souci d'un legato qui unifie et égalise la ligne musicale en gommant toute aspérité. Et cela autant pour Mozart que pour Brahms, pour Beethoven que pour Mahler. Lebrecht le formule ainsi: « Karajan tend à homogénéiser la musique, la forçant à un idéal de beauté et éliminant sa diversité de caractères.»

La pratique des instruments d'époque, les effectifs réduits, les critères retrouvés en matière d'articulation et de saveur des timbres - tout l'art des «baroqueux» que Karajan a toujours méprisé - ont conduit ses successeurs, dans Bach et Mozart, dans Haydn et Beethoven, et cela avec le même orchestre, à privilégier l'allégement de la matière sonore, la clarté des textures, le dosage du lié et du piqué, l'alacrité des rythmes. Pour mieux faire entendre le crin de l'archet et la peau des timbales, pour retrouver la verdeur du hautbois et le cuivré des cors.

A réentendre ses disques, il faudra pourtant nuancer. Karajan était très différent d'un répertoire à l'autre, d'une de ses époques à l'autre. Répertoire? Si l'on peut être devenu moins sensible à ses Haydn et ses Mozart, ses Schubert et même ses Beethoven si fameux, on persiste à rester stupéfait devant la ductilité de ses Brahms, l'architecture savamment déployée dans Bruckner, l'énergie explosive des grands poèmes symphoniques de Richard Strauss, la magie des transitions dans Wagner, le raffinement scintillant dans Puccini, les climats envoûtants dans Debussy, la touffeur angoissée dans Schönberg.

Epoque de sa carrière? A l'opulence presque étouffante des enregistrements de la dernière période s'oppose la ferveur vigoureuse des années 1950: l'Orchestre Philharmonia se prête alors à une quête de la perfection qui se réalise dans les inégalés Cosí, Rosenkavalier, Ariadne, Fledermaus, Falstaff. Quand Karajan voudra refaire les mêmes opéras, le miracle aura peine à se renouveler. L'élan dramatique tendra à se figer, la densité symphonique menacera de momifier les chanteurs.

Quant aux réalisations scéniques de Karajan, préservées en quelques vidéos tournées en studio dans un play-backsouvent maladroit, les trente ou quarante ans écoulés se font cruellement sentir. L'Or du Rhin, seul vestige du projet d'un Ring complet, est aussi somptueux musicalement que d'une affligeante vacuité théâtrale. Mascagni et Leoncavallo s'en sortent mieux, même si la transposition au petit écran de la Cavalleria rusticana que Strehler avait réussie à la Scala juxtapose sans cohérence décors naturels et carton-pâte, tandis que Pagliacci, porté par l'incandescence de Vickers, se joue dans une agitation un peu brouillonne où Karajan, non content de diriger, de mettre en scène et de réaliser, se prend pour Hitchcock en apparaissant lui-même en figurant.

Car ce qu'il faudra oublier pour mieux apprécier la vraie grandeur du chef, c'est bien ce narcissisme envahissant. Significative à ce propos, la manière dont il se faisait filmer à la tête de son orchestre. Lorsqu'il dirige une œuvre chorale, sa mimique et son regard bleu semblent essentiels pour établir le contact avec ses chanteurs.

Il en va tout autrement lorsqu'il conduit une symphonie. Le chef aux yeux fermés. C'est l'image de lui qu'il a voulu laisser, au gré des nombreux films et captations de concerts dont il a personnellement réglé les séquences. Rien de plus égocentrique: non pas le feu du regard et la grâce du sourire pour communiquer avec les musiciens, mais une totale concentration sur un monde intérieur que traduit mal un visage clos sur lui-même, une moue rébarbative et immuable, un corps penché en avant, les mains brassant le flux musical semblant plus le ramener à soi que l'ouvrir vers autrui."

Je ne sais pas si j'ai un chef préféré, mais si j'en avais un, ce serait Eugen Jochum.
Utilisateur anonyme
05 avril 2008, 15:05   Re : Karajan
« Car l'essentiel du style de Karajan, c'était la culture du beau son, le fondu des registres orchestraux, la prédominance des cordes, l'épaisseur des basses, et surtout le souci d'un legato qui unifie et égalise la ligne musicale en gommant toute aspérité. Et cela autant pour Mozart que pour Brahms, pour Beethoven que pour Mahler. Lebrecht le formule ainsi: "Karajan tend à homogénéiser la musique, la forçant à un idéal de beauté et éliminant sa diversité de caractères." »

Bigre !
Utilisateur anonyme
06 avril 2008, 11:29   Re : Karajan
Pardon, Corto, pour ma réponse trop laconique, qui ne dit pas grand-chose, seulement mon agacement devant ces critiques ridicules qu'on lit à longueur de pages sur la direction de Karajan.

"La culture du beau son"… La formule sent son journalisme à l'imagination pauvre et à l'oreille bouchée, qui ne sait que répéter ce qu'il a déjà entendu. Karajan préfère voyager en Rolls Royce qu'en Skoda, c'est un fait. Pour ma part, je m'en réjouis, puisque je suis du voyage.

Puisque le disque est aujourd'hui la seule référence pour la plupart des mélomanes, faites donc l'expérience, écoutez la cinquième symphonie de Sibélius, par Karajan et le Philharmonique de Berlin, fermez les yeux, et dites-moi si, vraiment, il est question de beau son… ou d'autre chose.

Quant au legato, oui, Karajan a un legato tout à fait extraordinaire, c'est indéniable. Le legato est la première qualité qu'on doit demander à un musicien. Savoir jouer legato signifie tellement plus que de savoir jouer legato… Mais passons. Écoutez maintenant l'ouverture des Noces, toujours par Karajan, mais sans le Philharmonique de Berlin, dans l'enregistrement qu'il en fit au commencement des années 50, avec Erich Kunz, Schwarzkopf, Seefried, George London, je ne sais plus quel est l'orchestre, le Philharmonia, peut-être, ou le Philharmonique de Vienne. Écoutez cette ouverture, comme vous ne l'aurez jamais entendue, comme vous ne l'entendrez plus jamais, et dites-moi si vraiment, Karajan, c'est ce que raconte ce journaliste, plus haut ! Dites-moi, par exemple, si vous avez déjà entendu un chef qui ait un tel sens du rythme, un tel sens de la forme, et qui sache à ce point faire parler à son orchestre le langage qu'il a en lui.
Utilisateur anonyme
06 avril 2008, 12:28   Re : Ouvrir l'oreille
Merci pour cette belle leçon qui m'aidera à écouter, Boris. Je cours aux exercices pratiques conseillés.
Utilisateur anonyme
06 avril 2008, 15:03   Pour ceux que ça pourrait intéresser…
Quelques petits films intéressants trouvés sur le Net.
Utilisateur anonyme
06 avril 2008, 22:05   Re : Karajan
Comme ce fil est mort-né, j'en profite, ne m'en veuillez pas, Cher Corto.

Entendu ce soir, à France-Musique, quelque chose d'extraordinaire.

Le sujet était les mélodies de Fauré, chantées par Magali Léger, accompagnée de Michael Lévinas. Comme d'habitude, Jean-Michel Damian fait le malin, on a l'habitude. D'abord, "j'apprends" de la bouche de Damian que "Chanson d'amour" "fait partie du deuxième livre de La Bonne Chanson". Première révélation.


Puis, après qu'il a bien entendu tourné en dérision les explications ("intellos") de Lévinas sur la phrase de Verlaine et le phrasé fauréen, un violoniste présent (Jean-Marc Phillips-Varjabédian) nous apprend, c'est la deuxième révélation de la soirée, qu'"aujourd'hui on ne parle pas du tout de la même manière selon qu'on appartient à telle ou telle classe sociale"… Et que Panzéra avait l'accent "titi-parisien".

Je crois que je vais aller me coucher.
07 avril 2008, 11:15   Re : Karajan
Cher Boris

J'ai beaucoup d'admiration pour Karajan et pour son legato, dont vous rappelez très judicieusement l'inégalable perfection, mais - faute d'une oreille suffisamment éduquée sans doute? - je n'arrive pas à me défaire d'une sorte de crispation lorsque j'écoute une symphonie de Beethoven jouée sous la direction du Maitre (je dis Beethoven parce que c'est le compositeur que je connais le moins mal). Quelle vigueur, mais quelle précipitation! A chaque fois j'ai l'impression de manquer un peu d'air, de zones d'ombres, de temps mort, de gravité, de liberté. Ce merveilleux legato est aussi une redoutable forme d'emprise, vous ne trouvez pas? Je vous pose la question car je suis vraiment curieux de connaitre votre avis sur ce point.
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 11:32   Beethoven
Eh bien, Cher Olivier, au moins ce que vous dites n'est pas courant ! Précipitation ? Vous avez des exemples ?

J'avoue que je suis un peu surpris. Ce n'est certes pas la première idée qui me vienne quand je pense à Karajan dans Beethoven, mais il est vrai qu'il les a enregistrées à de nombreuses reprises, et que je connais pas toutes ses versions. Parlez-vous d'un concert ?

Ou alors pensez-vous au premier mouvement de la Cinquième (Philharmonia), parce qu'il ne joue pas le thème avec le rubato qu'on entend parfois ?
07 avril 2008, 12:07   Re : Karajan
Pour tout dire, Cher Boris, je suis à mon tour surpris de votre surprise : il doit y avoir quelquechose que je ne comprends vraiment pas car j'ai trouvé toutes les symphonies de Beethoven jouées sous la direction de Karajan trop rapides (un peu trop rapide, devrais-je dire, car à ce degré de perfection, on est dans les infimes nuances). Et rapide n'est peut-être pas non plus le terme le plus adéquat; peut-être est-ce justement le liant qui donne cette impression de vitesse, de fluidité sans aspérités (mais précisément, je crois que la musique de Beethoven appelle des aspérités, des gouffres,... c'est terrible de devoir parler de la musique sans en connaitre le langage!)
07 avril 2008, 12:41   Re : Karajan
En ce qui concerne le premier mouvement de la Cinquième, oui, c'est bien cette absence du rubato qui doit me gêner.
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 12:43   Re : Karajan
Beethoven n'est pas Brahms… Les gouffres dont vous parlez ne doivent rien au rubato. Ils sont écrits.

Que diriez-vous de Zinman alors ?!
07 avril 2008, 13:18   Re : Karajan
Hélas je ne connais pas Zinman.

Pour tenter une autre remarque, il me semble que la dimension tragique de Beethoven est en partie effacée par l'affirmation lumineuse du style de Karajan. Il me redonne envie d'écouter Klemperer. Et d'envahir la Pologne (non je plaisante).
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 13:27   Re : Karajan
« Hélas je ne connais pas Zinman. »

Et il se plaint !

Réécouter Klemperer et Furtwängler, oui, mille fois oui. Sans cesse.

Je ne veux pas vous convaincre que Karajan est le meilleur dans Beethoven, mais tout de même, écoutez le larghetto de la deuxième symphonie. Beethoven, c'est aussi ça, non ?
07 avril 2008, 13:37   Re : Karajan
Cher Boris,

J'ai bien peur d'ajouter ma voix au concert des non-enthousiastes. J'aurais du mal à en expliquer les raisons de manière technique. Le manque de clarté peut-être ? Une insouciance des détails et de la structure ? Une émotivité déplacée ? Désolé de m'exprimer ainsi - ce qui doit vous faire bien rire. Ce n'est pas que je n'aime pas les prestations de Karajan mais plutôt que je préfère celles de Klemperer, Kleiber ou Solti.
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 13:43   Re : Karajan
« Une insouciance des détails et de la structure ? »

Il faut savoir ! Le(s) détail(s) ou la structure ? Il me semble au contraire que Karajan a un sens inné et très impressionnant de la forme, de la structure, si vous tenez à ce terme. Pour la clarté, mon Dieu, je ne sais pas, je ne suis pas certain de bien comprendre de quoi vous parlez…

De quel Kleiber parlez-vous ? Du fils ou du père ?
07 avril 2008, 13:45   Re : Karajan
Le fils, Cher Boris, le fils!
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 14:05   Olivier et William Kleiber
Ah, si vous êtes de mèche, alors…
07 avril 2008, 15:00   Re : Karajan
De quel Kleiber parlez-vous ? Du fils ou du père ?

Du fils. D'ailleurs vous m'apprenez qu'il y avait eu un père.

Il faut savoir ! Le(s) détail(s) ou la structure ? Il me semble au contraire que Karajan a un sens inné et très impressionnant de la forme, de la structure, si vous tenez à ce terme. Pour la clarté, mon Dieu, je ne sais pas, je ne suis pas certain de bien comprendre de quoi vous parlez…


Pour dire les choses simplement, j'ai l'impression que sont favorisés, au détriment des détails -et donc de la clarté-, l'émotivité et les effets.
07 avril 2008, 16:57   Re : Karajan
Si vous comparez la version de Karajan de la neuvième de Mahler à celle de Boulez, vous comprendrez facilement ce que j'essaye de dire. D'un autre côté, cette dernière m'ennuie profondément; peut-être est-ce Boulez l'original dans l'affaire ? Ayant été élevé au Boulez, ce que je perçois comme sur-émotivité n'est peut-être que la norme.
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 17:04   Re : Karajan
Bon, si Marcel me censure, maintenant, je retourne à mon élevage de poussière.
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 17:05   Marcel
Pour la peine, Marcel !

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07 avril 2008, 21:22   Re : Karajan
Citation

Si vous comparez la version de Karajan de la neuvième de Mahler à celle de Boulez, vous comprendrez facilement ce que j'essaye de dire. D'un autre côté, cette dernière m'ennuie profondément; peut-être est-ce Boulez l'original dans l'affaire ? Ayant été élevé au Boulez, ce que je perçois comme sur-émotivité n'est peut-être que la norme.

J'aime beaucoup le "vous comprendrez facilement". Bien entendu, tout le monde est censé comprendre tout cela facilement. Désolé, pas moi. En matière de musique, je comprends plutôt difficilement. Et même, assez souvent, pas du tout. Vous ne dites rien, jamais, alors que Boris Joyce parle de la musique (je veux dire qu'il en PARLE : il ne fait pas juste du bruit avec.) Ce fil de discussion me passionne : il me semblerait intéressant qu'il se poursuive...
Utilisateur anonyme
07 avril 2008, 21:55   Re : Karajan
Je comprends parfaitement la comparaison que me propose William, mais j'avoue que je suis un peu échaudé. Si Marcel Meyer efface mes messages aussi facilement, les seuls que j'écrive sérieusement, qui plus est, je ne me sens pas le courage de continuer cette discussion.
08 avril 2008, 00:52   Re : Karajan
Je ne comprends pas, quelles seraient les raisons de supprimer vos messages ?
08 avril 2008, 01:26   Re : Karajan
Aucune raison, j'ai fait une fausse manoeuvre dont le résultat a été la disparition d'un message. Je m'en suis expliqué directement auprès de l'intéressé et l'ai prié de m'excuser.
Utilisateur anonyme
08 avril 2008, 17:17   forte ou fortissimo ?
Pendant que Didier Goux a le dos tourné, j'en profite pour poser une question qui n'a pas grand-chose à voir avec la direction d'orchestre, mais qui me taraude chaque jour que Dieu fait :

Écrivez-vous Kempf avec un f ou deux f, à la fin ? Kempff ou Kempf ? Je vois qu'on pratique un peu partout les deux orthographes, sans parvenir à me décider.

   [NB. À Cassandre : Non, Cassandre, je ne parle pas du livre du Chancelier AH, je parle de Wilhelm K, le pianiste…]

(Si quelqu'un a la solution, qu'il se dépêche de me répondre, avant que mon message ne soit effacé par erreur…)
08 avril 2008, 17:59   Re : forte ou fortissimo ?
Les Allemands écrivent Wilhelm Kempff.
Utilisateur anonyme
08 avril 2008, 18:01   Re : forte ou fortissimo ?
Tous les Allemands, Rogemi ?
08 avril 2008, 18:24   Re : forte ou fortissimo ?
Il y a aussi le site "officiel", avec la reproduction de sa signature.
Utilisateur anonyme
08 avril 2008, 18:27   Re : forte ou fortissimo ?
Ah, merci bien. La cause semble donc entendue. Et pourtant, j'ai vu, même sur des pochettes de disques, son nom écrit avec un seul f ! On se demande comment c'est possible !
08 avril 2008, 19:37   Qui dit mieux
Pffffffff...
Utilisateur anonyme
08 avril 2008, 20:25   Re : Qui dit mieux
Maurizio Pollini dirige et joue les concertos n° 12, 21 et 24 (il y en a un quatrième, mais j'ai oublié lequel), avec le philharmonique de Vienne. (DGG). Il joue les cadences de Salvatore Sciarrino.

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08 avril 2008, 21:56   Re : Karajan
Citation
Tous les Allemands, Rogemi ?
J'arrive un peu en retard sur ce fil mais, cher Boris, ne persistez pas dans l'erreur Marcel a raison on écrit bien Kempff avec deux F... basta!
Utilisateur anonyme
08 avril 2008, 22:21   Re : Karajan
Ah non, basta !, c'est mon expression, cher Rogémi.

Cher Boris, pour sortir des conducteurs les plus illustres (je devrai peut-être écrire "médiatiques"), avez-vous eu l'occasion d'entendre les 9 symphonies par Janos Ferencsik et l'orchestre de l'Etat Hongrois ? Il y a un souffle, une force, Après tant d'années, j'en suis encore tout décoiffé.

Et puis, avec la claire conscience d'abuser, puis-je encore vous interroger sur la Neuvième dirigée par Eugen Jochum et sur la Septième dirigée par Günter Wand ?

PS Mort-né ce fil ?
Utilisateur anonyme
09 avril 2008, 00:28   Nous sommes tous des Rogemis errants
Ah bon alors si basta, Basta, je ne veux surtout pas persister dans l'ERREUR, Rogemi !
Utilisateur anonyme
09 avril 2008, 13:33   Jochum et Wand
J'allais justement vous poser la question, Cher Corto : pourquoi Jochum est-il votre chef préféré ?

Je suis très loin de connaître tous les chefs, vous savez, Corto, je suis tout sauf ce que l'on appelle un mélomane. Je ne me suis intéressé aux disques, faute de mieux, qu'assez récemment, et l'exhaustivité en ce domaine ne m'intéresse pas. Jochum, j'en ai des souvenirs très lointains, puisque nous avions pas mal de disques de lui à la maison*. Quant à Günter Wand, je peux dire tout simplement que je ne le connais que de nom. C'est donc à vous qu'il revient de nous en parler.

(*) Et malheureusement, ce n'est pas moi qui ai hérité de la collection paternelle.
Utilisateur anonyme
09 avril 2008, 13:53   Musique
Je me permets d'insister, car je sais qu'il y a ici de nombreux amateurs de musique : j'ai collectionné une certain nombre de vidéos qu'on trouve sur le Net, dont certaines sont vraiment de petits bijoux.

Cette nuit, j'ai trouvé ceci, dont je n'ai pas besoin de dire qu'il s'agit vraiment de quelque chose d'extraordinaire :





De nombreux préludes de Debussy par Michelangeli sont visibles, avec celui-ci…

Courez-y avant qu'ils ne disparaissent !
09 avril 2008, 16:07   Re : Musique
Quel dommage, cher Boris, que le son soit si mauvais sur mon ordinateur. je ne sais pas pourquoi.
Utilisateur anonyme
09 avril 2008, 16:14   Re : Musique
Chère Cassandre, ça dépend des vidéos. Certaines sont épouvantables, mais il y en a beaucoup de très correctes. Ne vous laissez pas décourager par la qualité technique, je vous en prie.

Par exemple, il me semble que les Préludes de Debussy par Michelangeli sont tout à fait acceptables, non ?

Bien entendu, pour le son, il se peut que votre ordinateur ne soit pas un champion. Rares sont les computers qui possèdent une bonne qualité d'écoute.
Utilisateur anonyme
09 avril 2008, 17:48   Re : Jochum et Wand
Pourquoi Jochum, cher Boris ? J'avais un ami organiste qui m'avait fait découvrir les Passions et qui, pour Bach, ne jurait que par Jochum tant il trouvait qu'il était aérien et qu'il restituait toute la spiritualité de cette musique. J'aime beaucoup comparer les interprétations et j'ai dû entendre, alors, la plupart des versions enregistrées des Passions. Et, en effet, je crois que Jochum élève l'âme et qu'il soulève l'orchestre de terre. Les chanteurs ont des voix d'anges et les choeurs d'enfants sont cristallins. Par comparaison, la version (ou les deux versions ?) de Karajan me semble lourde et empreinte de matérialité.

J'aime aussi Jochum dans l'Oratorio de Noël où la joie éclate à chaque note. Dans Mozart également, cette fluidité, cette limpidité....

Jochum a aussi beaucoup dirigé Bruckner, mais je ne peux rien en dire, car je ne suis pas un grand amateur de ce compositeur.

Quant à Wand, je le connais beaucoup moins bien, mais j'ai une toquade pour sa Septième qu'il fait vibrer magistralement. Je m'avance toutefois en terrain peu connu, car je manque de points de comparaison. C'est pourquoi, je sollicitai votre avis de musicien à son sujet !

Mais, vous l'aurez compris, tout ce que je dis est le fait d'un amateur plus assidu qu'éclairé et qui lit difficilement une partition....
Utilisateur anonyme
10 avril 2008, 12:01   Passion
Mais dites-moi, Corto, pour vos Passions, là, vous n'avez jamais songé à écouter de la musique moderne ?
Utilisateur anonyme
10 avril 2008, 23:09   Re : Baroque
Vous voulez dire les baroqueux sautillants, comme Herreweghe, cher Boris ? Oui, naturellement. Mais......, non, finalement......
Utilisateur anonyme
11 avril 2008, 20:02   Sautillants
Je ne sais pas quoi dire, Corto…

Vous trouvez Herreweghe sautillant, c'est vrai ? Oh, remarquez, je comprends très bien que vous n'aimiez pas. Mais tout de même, l'avez-vous écoutée, vraiment, cette Saint-Matthieu (sa première version) ? Ou vous laissez-vous influencer par Harnoncourt et quelques autres ?
11 avril 2008, 23:04   Re : Karajan
Citation
Courez-y avant qu'ils ne disparaissent !

je suis un peu désorienté par toutes ces arborescences qui s'étirent dans le temps. Je suis sans arrêt contraint de revenir en arrière pour suivre la suite des évenements.

Il faut que j'installe Mozilla sur mon ordinateur car le logiciel du nouveau forum est beaucoup trop intelligent pour mon vieux Microsoft Explorer qui est un browser complétement dépassé....

Cher Bernard,
Comment fait-on pour mémoriser sur son disque dur un vidéo-clip avant que celui-ci disparaissse de Youtube ou Dailymotion?
Utilisateur anonyme
11 avril 2008, 23:28   Re : Sautillants
Parmi les bijoux que vous avez rassemblé pour nous, cher Boris, j'ai été impressionné par Kempff. Merci infiniment.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 00:04   Re : Sautillants
La version de 1985 avec la Chapelle Royale, conduite par Herreweghe ?

Ecoutez, par exemple, dans le choeur d'entrée le :

"Seht ! Wohin ? ...auf unsre Schuld"

n'est-ce pas un peu trop sonore, précipité et un peu sautillant ?

puis écoutez Jochum, plus lent, plus grave et plus ample, plus émouvant.

Enfin Harnoncourt en 2001, dans une formation sans doute comparable à Herreweghe, mais plus doux, plus tendre....

Et pour l'émotion pure, Mengelberg en 1939 avec le Concertgebouw d'Amsterdam !

Mais je ne fais qu'étaler ma subjectivité et mon absence de compétence, cher Boris.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 00:28   Re : Sautillants
Mais bon, les voix chez Herreweghe sont très belles pour la plupart...
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 13:42   Re : Sautillants
C'est troublant.

Harnoncourt me semble vraiment un pitre, alors que je crois Herreweghe très proche d'une réussite absolue (dans cette version-là). Chaque fois que j'entends sa version, j'embarque pour une traversée extraordinaire, dont je ne reviens pas tout à fait. Je vous concède cependant qu'il faut absolument éviter de le regarder diriger. (Quand ça arrive, on se demande comment c'est possible. Philippe Herreweghe, c'est l'exception qui confirme la règle : en général, il suffit de voir un chef diriger pour savoir si va être bon (F. Reiner…), mais là, c'est un mystère, pour moi. Jamais vu direction si horrible donner d'aussi bons résultats.)

Aimez-vous Barbara Schlick ?
12 avril 2008, 13:54   Re : Karajan
Un des sommets absolus, pour Herreweghe, ce sont, à mon avis, les motets de Bach... Le Komm, Jesu Komm me donne le frisson, à chaque fois...
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 15:11   Re : Blute nur, du liebes Herz !
Citation

Aimez-vous Barbara Schlick ?

Plutôt mignonne, votre Barbara, Boris (du moins en 1985 et sur la photo du livret. Quant à la voix, oui, c'est une des plus belles voix de soprano, - limpide, puissante, aérienne - qu'il m'ait été donné d'entendre dans la musique de Bach. Une voix d'ange.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 15:31   Re : Blute nur, du liebes Herz !
Barbara Schlick possède une des voix les plus lumineuses que je connaisse. C'est très impressionnant. Je pense quelle serait en mesure d'éclairer New York, après un attentat d'Al Quaïda qui priverait la ville d'électricité.

Je n'ai jamais compris qu'elle n'ait pas la carrière qu'elle mérite.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:56   Re : Blute nur, du liebes Herz !
Voilà un point d'accord parfait, cher Boris. D'ailleurs, il faut que j'arrête de l'écouter dans la version d'Herrreweghe, car je vais finir par vous donner raison sur la beauté de cet enregistrement.
12 avril 2008, 18:57   Re : Baroque
Cher Corto,
En Belgique, nous avons quelques spécialistes en "Baroque". Il y a d'ailleurs un engouement ici pour cette musique. Avez-vous jamais écouté René Jacobs (qui fut un très beau haute-contre avant de devenir chef)?
Mais je ne fais que passer et ne peux vous en dire plus aujourd'hui .
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 19:01   René-Pol Jacobs et la Marque jaune
Très beau je ne sais pas, mais alors quelle voix pénible !
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 19:17   Re : Cosi fan tutte
Oui, chère Aline, j'ai en particulier sa version de Cosi. Bien, bien, mais je préfère celle de Karajan en 1955 ou de Böhm de 1963 ou, pour répondre d'emblée à l'objection de la "musique moderne" de Boris (quoique...), celle de Solti de 1996.

Je suis sans doute de ceux qui ne participent pas participer à l'engouement prépondérant pour le baroque. Finalement, c'est une mode comme une autre et quand elle passera, on verra mieux, les scories qu'elle charrie. Ainsi dans la version de Cosi dirigée par Jacobs, je retrouve un peu de cette agitation grinçante qui me déplait dans le baroque. Mais je caricature pour aller vite, car l'on m'attend en ville pour dîner. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 22:05   Re : Cosi fan tutte
Tiens, en parlant de chefs :
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Rarement vu quelque chose d'aussi atroce !
12 avril 2008, 23:21   Re : Cosi fan tutte
Cher Corto
Il me semble déraisonnable de douter des mérites des baroqueux ou d'attendre que la "mode" passe pour les mesurer, presque un demi-siècle après le début de cette mode (les premiers enregistrements de Leonhardt datent des années 50). Sans vouloir me substituer à Boris Joyce comme conseiller musical, je vous recommande chaudement, comme exemple de ce qui se fait de mieux en la matière, la Cantate BWV 82 ("Ich habe genug") dans la version qu'en a donnée jadis Franz Brüggen à la tête du "Baroque Orchestra". Le dialogue à la fois serpentin, liquéfié et nerveux de Max Van Egmond (bariton) et Paul Dombrecht (hautbois) sur fond des remous et ressacs de l'orchestre rend inécoutables nombre de versions "classiques".
Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 10:17   Re : Baroque encore
Mais, cher jfbrunet, je ne doute pas des mérites des baroqueux. Je ne fais que souvent préférer des versions plus symphoniques aux petits orchestres baroques qui, pour exister au sens contemporain du terme, en font parfois un peu trop. Mais je ne doute pas que la version de la Cantate BWV 82 dont vous me suggérez l'écoute soit une réussite.

A propos, j'ai trouvé cet intéressant article sur Harnoncourt, l'interprétation de la musique baroque et, en filigrane, certaines réticences légitimes que l'on peut éprouver face à cette mode :

La musique baroque: une musique contemporaine?
L’interprétation chez Harnoncourt

On a coutume de considérer Harnoncourt comme l’initiateur du renouveau de la musique baroque dans la deuxième moitié du XXe siècle — ou, en tout cas, on a coutume de le considérer comme l’initiateur de ce renouveau, de tous, le plus exemplaire: dans la deuxième moitié du XXe siècle, il se présente, de tous, comme le plus connu, comme le plus reconnu — voire: comme le plus légendaire. En un sens: qui dit musique baroque dit Harnoncourt; qui dit Harnoncourt dit musique baroque. De toute évidence: Harnoncourt entrera, à ce titre, dans l’histoire de la musique. Mais il arrive, comme on a vu, que l'histoire se trompe — ou plutôt: il arrive que l’histoire, je veux dire: l’histoire officielle, réécrive l’histoire… Tel semble, ici, être le cas. Tel semble, ici, être le problème: Harnoncourt entrera dans l’histoire de la musique, oui, il y entre, même, mais il y entre arrangé — mais il y entre caricaturé. Je veux, ici, mettre en évidence ce problème. Je veux, ici, rendre Harnoncourt à sa virulence — je veux le rendre à sa totalité — je veux le rendre à sa radicalité.

Aussi, afin de le comprendre, afin de se dépendre de sa caricature, reprenons un peu tout ce que nous venons de dire. Reprenons un peu ces expressions que nous utilisons de façon courante et que nous utilisons de façon irréfléchie — je veux dire: l’expression de musique baroque et l’expression de renouveau de la musique baroque — oui: ces expressions reprenons-les. Attachons-nous, ici, à mieux les comprendre. Attachons-nous, ici, à mieux en entendre le sens. Nous verrons, de cette façon, quel rôle Harnoncourt y a joué — ou encore: nous verrons quel rôle il y joue. Nous verrons, de cette façon, toute la signification — la signification réelle de la vision que Harnoncourt propose de la musique — une vision de toute la musique.


Par musique baroque, on entend, en règle générale, la musique qui va de 1600 à 1750 environ. En opposition à ce qui se passe dans le cas de la peinture — la peinture où le vocable baroque a un sens: chronologique comme esthétique — ce même vocable, baroque, ne joue, dans le cas de la musique, que comme une convention — ou mieux: ce vocable ne joue, dans le cas de la musique, que comme une étiquette. Il se présente comme une étiquette chronologique — qui désigne, pêle-mêle, toutes les productions de cette période — je veux dire: qui les désigne sans considération aucune de la différence esthétique qui passe entre elles: les unes catholiques, les autres luthériennes; les unes françaises, les autres italiennes. En musique, le vocable baroque rassemble, pêle-mêle, tout un tas de productions très différentes entre elles. A cause de ce statut, à cause du statut de convention du vocable, nous comprenons bien que la musique baroque elle-même ne recevra, du coup, que des frontières chronologiques très imprécises. Elle ne recevra, du coup, que des frontières chronologiques très variables — très discutables. Tantôt, on ira en deçà de 1600; tantôt, encore, on ira au-delà de 1750… Nous voilà, en conséquence, bien prévenus: le vocable baroque ne désigne pas, en musique, une chose — je veux dire: une chose qui ait un sens, qui ait un sens en elle-même– au contraire: si ce vocable a un sens, il ne le trouve pas ici — mais il le trouve ailleurs — ailleurs que dans cette époque dite baroque — il le trouve, je crois, dans cette autre époque: celle qui lui a accolé le mot ; celle qui, grâce au mot, a projeté, en ce passé, un peu de ses propres préoccupations — celle qui lui a prêté un peu de ses propres interrogations… Nous comprenons bien que c’est là toute une histoire — mais que c’est là une autre histoire… Nous voilà, en tout cas, je le répète, bien prévenus. Nous utiliserons, ici, l’expression de musique baroque: en dépit de sa signification variable, en dépit de sa signification discutable — oui: nous l’utiliserons — mais en connaissance de cause: en tant que convention, en tant que pure convention.

Par renouveau de la musique baroque, on entend, de même, en règle générale, la modification qui a eu lieu, dans la deuxième moitié du XXe siècle, dans la manière d'interpréter les œuvres de la période baroque. Essayons, ici, de mettre en évidence en quoi consiste cette modification. Prenons un exemple: la Passion selon St Matthieu de Bach. En 1970, il existe une manière habituelle, ou encore: une manière traditionnelle d'interpréter celle-ci: la manière de KLEMPERER ou la manière de FURTWÄNGLER. Dans les deux cas, on utilise un orchestre de taille importante: on utilise, dans les deux cas, l'orchestre symphonique. L’interprétation de la Passion selon St Matthieu en garde, en conséquence, une sonorité elle-même importante; elle en garde une sonorité elle-même symphonique. De même, on utilise, ici, les instruments modernes — les instruments modernes: prenons-en, là encore, un exemple. Le violon. Par violon moderne, on entend le violon tel qu’il a été mis au point au XIXe siècle — ou encore: on entend, par violon moderne, le violon tel qu’il a été mis au point après Bach. En opposition au violon baroque, qui utilise des cordes en boyau, le violon moderne utilise des cordes métalliques. De même: en opposition au violon baroque, qui présente une inclinaison du manche quasi nulle, le violon moderne présente une inclinaison du manche assez importante. Autre chose importante ici: l’archet. L’archet baroque est courbe, tandis que l’archet moderne est droit. Le droit contre le courbe, ou le courbe contre le droit: voilà qui résume assez bien, je crois, la querelle du moderne contre le baroque ou du baroque contre le moderne qui anima les années 70 comme elle anima, encore, les années 80... Nous comprenons bien, en tout cas, à la lumière de ces différences de fabrication, que le violon moderne ne possède pas la même sonorité que le violon baroque. Nous comprenons bien, aussi, à cause de ces mêmes différences de fabrication, que le violon moderne ne permet pas les mêmes techniques de jeu que le violon baroque. Le violon moderne, à cause de sa sonorité homogène, favorise un jeu linéaire — un jeu linéaire: je veux dire un jeu où on étire toutes les notes. Il favorise, aussi, les tempi modérés. Le violon baroque, au contraire, ne le permet pas. Il favorise, grâce à sa sonorité contrastée, une interprétation elle-même contrastée. Il favorise une interprétation où on réfrène le legato– où on préfère, aussi, les tempi rapides. Enfin et surtout: chacun de ces deux instruments, le violon baroque comme le violon moderne, chacun de ces deux instruments, dis-je, entraîne, enfin et surtout, à cause de ces mêmes contraintes techniques, des types d’articulations propres — chacun de ces deux instruments entraîne des types d’articulations différentes. Nous comprenons bien, de cette manière, en quoi consiste le problème des instruments modernes. Ce problème se résume de la manière suivante: à cause des instruments modernes on transforme l’œuvre. On la transforme, oui, à cause de ceux-ci, au niveau de la sonorité comme au niveau du phrasé — du phrasé ou plutôt: au niveau du sens. KLEMPERER ou FURTWÄNGLER ont donné de la Passion selon St Matthieu— ils ont même donné de toute l’œuvre de Bach — des interprétations symphoniques. Ils en ont donné des interprétations romantiques — des interprétations wagnériennes — des interprétations, en apparence, à la limite du contre sens… Nous comprenons bien, en conséquence, en quoi consiste la modification qui a eu lieu dans la deuxième moitié du XXe siècle dans la manière d’interpréter les œuvres de la période baroque. Nous comprenons bien, dis-je, en quoi consiste le renouveau de la musique baroque. On a développé une nouvelle manière d’interpréter ces œuvres, en apparence, plus fidèle, en apparence plus vraie, une nouvelle manière de les interpréter — qui mobilise, non plus des instruments modernes, mais des instruments baroques — ou plutôt: qui mobilise des copies, je veux dire: des copies modernes de ces instruments. On a développé une nouvelle manière de les interpréter — qui dégage les œuvres baroques des interprétations symphoniques — qui les dégage des interprétations romantiques: non plus des interprétations wagnériennes mais des interprétations anti-wagnériennes…

En 1970, Harnoncourt donne les premières interprétations sur instruments baroques de la Passion selon St Matthieu de Bach. A cette même époque, à côté de la Passion selon St Matthieu, Harnoncourt se consacre, aussi, à faire entendre de cette manière nombre des euvres de Bach — mieux encore : il se consacre à faire entendre en de nouvelles interprétations sur instruments baroques nombre des œuvres de la même période.

Voilà les raisons pour lesquelles, en règle générale, on considère Harnoncourt comme le père du renouveau de la musique baroque. Voilà les raisons pour lesquelles, en règle générale, on le vénère. Harnoncourt, le premier, a réutilisé les instruments baroques. Harnoncourt, le premier, en a tiré toutes les conséquences techniques.

Mais le renouveau de la musique baroque se limite-t-il, chez Harnoncourt, aux instruments baroques? Se limite-t-il, chez Harnoncourt, à ces conséquences techniques?

Je ne crois pas.

Afin de mieux le voir, afin de mieux le savoir: reprenons un peu tout ça. Reprenons tout ça dans l’ordre — dans l’ordre du temps.

Dès 1953, Harnoncourt fonde, en compagnie de camarades issus, tout comme lui, de l'orchestre de Vienne, un petit orchestre — matrice de ce qui deviendra, en 1957, date de ses premières auditions publiques, le Concentus Musicus de Vienne. Dès 1953, ce petit orchestre se présente comme un laboratoire. Ce sera, jusque 1957, le lieu de toutes les expérimentations musicalespour Harnoncourt comme pour ses camarades : on y expérimente de nouvelles sonorités — on y expérimente, aussi, de nouvelles techniques. On y redécouvre les instruments baroques — on y redécouvre, de même, les techniques de jeu appropriées — ou plutôt, ces techniques de jeu, on les y réinvente. On explore les vieux traités — on manie, en tous sens, ces vieux instruments.

Au temps de ses premières auditions publiques, le Concentus Musicus interprète, de préférence, les œuvres de musiciens autrichiens de la période baroque. Toutes choses inconnues à cette époque– je veux dire : les œuvres en question comme les musiciens autrichiens en question… A cette époque, en conséquence, le Concentus Musicus rencontre de totales approbations du côté du groupe limité qui se trouve à ses auditions — qui les écoute. On croira même, à cette époque, en Autriche, que ce petit groupe intello — je veux dire: le Concentus Musicus — travaille, de manière toute patrimoniale, à la valorisation de la mémoire musicale nationale. Mais non! Le quiproquo se dissipe, en 1962, lorsque le Concentus Musicus interprète, pour la première fois, une œuvre célèbre — une œuvre célèbre de ce musicien guère autrichien — pireencore : de ce musicien célèbre comme tout– je veux dire: Bach. En 1962, le Concentus Musicus interprète, pour la première fois en audition publique, les CONCERTOS BRANDEBOURGEOIS. C’est peu dire que c’est un véritableémoi, un véritable effroi : c’est un véritable tollé. Il va sans dire que l'interprétation que le Concentus Musicus en propose bouscule sans hésitations toutes les habitudes de l’auditoire — elle bouscule toutes les traditions. L’interprétation de ces CONCERTOS BRANDEBOURGEOIS mobilise à peine 12 instrumentistes– 12 instrumentistes baroques: ça va sans dire. Il va sans dire, aussi, que Harnoncourt a revu, à cette occasion, toute la partition. Oui, à cette occasion, Harnoncourt a corrigé la partition imprimée, la partition éditée. Il a corrigé la partition courante. Il en a, en un sens, retiré toute l’édition– je veux dire: il en a retiré toutes les réalisations ajoutées, toutes les indications ajoutées. Tout le commentaire accolé à l’œuvre, tout ce texte ou mieux: tout ce paratexte parasitaire a été évacué. A l’édition courante de l’œuvre, Harnoncourt préfère, ici, ses propres réalisations. Harnoncourt préfère, ici, ses propres indications. Nous comprenons bien, en conséquence, que l’auditoire ait été étonné. Nous comprenons, même, que l’auditoire ait été choqué: il a assisté à une audition de Bach inédite — mieux: il a assisté à une audition inouïe.

Ici se situe, je crois, ce que souhaite Harnoncourt. Ce que souhaite Harnoncourt, c’est cette dimension inédite, c’est cette dimension inouïe de la musique. C’est de rendre la musique étonnante — c’est de la rendre, même, un peu choquante. De toute évidence, à cette audition de 1962, ça a réussi.

Suite à l’audition de 1962, l’auditoire du Concentus Musicus se divise en deux. Tant que le Concentus Musicus en était resté à de la musique baroque autrichienne ou à de la musique élisabéthaine — ce qui signifie, aux yeux du mélomane: à de la musique inconnue — ou ce qui signifie encore, aux yeux du mélomane: à de la petite musique, à de la musique de pure curiosité, tant que le Concentus Musicus, dis-je, en était resté là, il pouvait ne susciter que l’unanimité de l’auditoire limité que ce genre de curiosité attire — ou encore: il pouvait ne susciter que la gentille indifférence de tous ceux que ce genre de curiosité ennuie. En s’attaquant à Bach, en s’attaquant à un musicien connu, à un musicien reconnu — à une idole, à une icône — presque, oui, presque: à un Dieu, en s’attaquant, dis-je, à Bach, le Concentus Musicus modifiait, de fait, la situation. Le Concentus Musicus modifiait, de fait, sa propre situation. Suite à l’audition de 1962, l’auditoire du Concentus Musicus se divise, je le répète, en deux: une partie va suivre le Concentus Musicus en cette voie nouvelle; une autre partie, au contraire, refusera de le suivre. Eclate, ici, une véritable querelle — oui: une véritable querelle de la musique baroque. Elle déchaînera les passions. Elle les déchaînera, ces passions, pendant près de trois décennies — je veux dire: pendant les trois décennies 60, 70, 80.

A cause de cette querelle, la question de la nouvelle musique baroque gagne beaucoup en audience. Mais, à cause de cette querelle, la question gagne aussi beaucoup en virulence.

>On assistera, très vite, à une véritable polarisation de la querelle — qui opposera, désormais, les pro-Harnoncourt aux anti-Harnoncourt — ou plutôt: qui opposera, désormais, les baroqueux aux anti-baroqueux. Comme il arrive, souventes fois, en ce genre de querelle, comme il arrive à cause même de cette véritable polarisation, ceux qui le défendront ne le comprendront guère mieux, souventes fois, que ne le comprendront ceux qui le critiqueront. On tombera, très vite, en pleine caricature. On assistera, très vite, à une véritable fixation, hystérique, sur les apparences, oui, je le répète, sur les apparences — sur l’inessentiel plutôt que sur l’essentiel — sur la lettre plutôt que sur l’esprit. Ce malheureux destin représente, je crois, le destin malheureux de toute pensée puissante, de toute pensée paradoxale: elle se change — ou plutôt: on la change — on la change en petite pensée, étroite, en pensée doxale — ou encore: on la change en non pensée, à partir du moment où ce sont des disciples, sans empire, qui s’en emparent, à partir du moment où ce sont des disciples qui s’en régalent. On tombe, alors, dans le pharisianisme de la lettre. On tombe, alors, dans le philistinisme. On a égaré l’esprit. Je me demande si la pensée de Harnoncourt, chez ses disciples, n’a pas succombé à cette gangrène — je me demande si la pensée de Harnoncourt, chez ses disciples, n’a pas passé.

Si le renouveau de la musique baroque, de toute évidence, a eu lieu, si la nouvelle musique baroque, en un sens, a triomphé, est-ce là la réalisation de ce que Harnoncourt a voulu faire? Si, tous, de nos jours, nous jouons Bach ou ses contemporains sur instruments baroques — ou plutôt: si, tous, de nos jours, nous jouons sur instruments copiés de ces instruments baroques — si, tous, de nos jours, nous écoutons, Bach ou ses contemporains joués de cette façon: de cette façon baroque — si nous nous retrouvons, à nouveau, dans une tradition, je veux dire: si nous nous retrouvons, à nouveau, dans une tradition auditive, est-ce là, encore, la réalisation de ce que Harnoncourt a voulu faire? Je me demande si, pris au piège de la querelle, je me demande si, pris au piège même de ce renouveau, Harnoncourt a été entendu. Harnoncourt n’a-t-il pas, au contraire, été réduit? N’a-t-il pas été réduit à une idole — à une icône: inoffensive?

Il y a, je crois, une seule façon de répondre à toutes ces interrogations — à ces interrogations lancinantes ou encore : à ces interrogations angoissantes.

Il y a une seule façon: c’est de l’écouter.

Oui, c’est d’écouterHarnoncourt : c’est d’écouter Harnoncourt en sa pensée — telle que sa pensée se diffuse, peu à peu, au gré de ses textes théoriques.

***

Harnoncourt a rédigé nombre de ses textes théoriques dans le cadre de la querelle de la musique baroque. Dans ce cadre, il a rédigé nombre de ceux-ci comme de brèves notices où il essaie de mettre en évidence ses propres idées — rejetant, tantôt, les idées des anti-baroqueux — mais rejetant tantôt, aussi, les idées des baroqueux.

A ses yeux, les baroqueux courent le risque de s’arrêter aux apparences: ils courent le risque de s’arrêter aux seuls instruments — aux seuls instruments baroques, à la sonorité — à ses yeux: ils courent le risque de s’arrêter aux questions techniques — je veux dire: aux questions de techniques de jeu. Nous nous sommes, nous-mêmes, tantôt, laissés prendre au piège de ces apparences, tandis que nous causions de renouveau — tandis que nous causions de modification. Si modification il y a — si renouveau il y a: à ses yeux, il ne se situe pas là.

Harnoncourt a dénoncé, en ses textes théoriques, la fétichisation possible des instruments baroques — la fétichisation possible des techniques de jeu baroques. Les instruments, comme les techniques, ne sont, chez lui, que le moyen de tout autre chose — ce ne sont, chez lui, que le moyen — ou mieux: les expressions de raisons plus profondes.

Ces raisons plus profondes, Harnoncourt les a, je le répète, exposées en ses textes théoriques. En 1982 et en 1984, Harnoncourt a repris une partie de ceux-ci — ceux des années 60/70 — en volume: dans le DISCOURS MUSICAL et dans le DIALOGUE MUSICAL. On attend encore une parution en volume de la partie de ceux-ci la plus récente — ceux des années 80/90. On les attend encore, dis-je, et on les attendra longtemps. Depuis longtemps, depuis les années 80, Harnoncourt semble bien ne plus se vendre. Harnoncourt semble bien, en un sens, être passé de mode.

Je ferai, tout de suite, deux remarques à propos de ces deux livres : le DISCOURS MUSICAL et le DIALOGUE MUSICAL — ou plutôt: je ferai, tout de suite, deux remarques à propos de la totalité de ses textes théoriques.

Première remarque. Cet ensemble de textes a été, jusques ici, assez peu étudié — ou, à tout le moins, assez peu étudié comme un tout. On ne trouve, à ma connaissance, aucun commentaire — aucun commentaire suivi de tout ceci.

Deuxième remarque. Cet ensemble de textes présente, néanmoins, encore que de façon diffuse, à la façon de petites touches, une théorie cohérente de la musique — je veux dire que cet ensemble de textes présente, néanmoins, en une réelle unité, une théorie de la musique en sa totalité.

Cette théorie, attachons-nous, ici, à la mettre, un peu, en évidence — attachons-nous, ici, à en dire, un peu, le résumé.

Le point de départ de Harnoncourt ne se trouve pas dans un intérêt historien pour le passé — il ne se trouve pas dans un intérêt historien pour l’époque baroque. Au contraire: le point de départ de Harnoncourt se trouve dans l’époque contemporaine — il se trouve dans ce que Harnoncourt considère être une crise: une crise contemporaine de la musique.

En quoi consiste, à ses yeux, cette crise contemporaine de la musique?

Cette crise consiste, à ses yeux, en un oubli du contenu de vérité de celle-ci.

Selon Harnoncourt, la musique ne se limite pas, de façon essentielle, à être un divertissement — un divertissement agréable — non: elle ne se limite pas à être agréable aux sens. Au contraire. Selon Harnoncourt, elle consiste, de façon essentielle, à déranger le sujet de l’écoute, à déranger l’auditeur. Le sujet de l’écoute, l’auditeur, la musique vise à le faire bouger, à le faire douter — elle vise à le remettre en cause — elle vise à le faire sentir autrement, à le faire réfléchir autrement. En un sens, la musique consiste, de façon essentielle, à faire vivre. Elle tient toute dans cette fonction stimulante — non pas dans une fonction divertissante — non pas dans une fonction assoupissante. Voilà, selon Harnoncourt, en quoi consiste la musique. Voilà, selon Harnoncourt, en quoi consiste le contenu de vérité de celle-ci.

Tout le problème tient à ce que ce contenu de vérité, à l’époque contemporaine, a été évacué. Tout le problème tient à ce que la pratique de la musique, à l’époque contemporaine, a changé.

Harnoncourt relève, dans la pratique contemporaine de la musique — je veux dire: dans la pratique courante de celle-ci — Harnoncourt relève deux aspects de cette crise contemporaine, de cette crise contemporaine de la musique: deux aspects de ce fâcheux oubli du contenu de vérité de celle-ci.

Aspect n°1: le problème de la réitération. Une première caractéristique forte de la pratique contemporaine de la musique consiste, selon Harnoncourt, en la réitération incessante de celle-ci.

Cette réitération incessante doit, ici, s’entendre de deux manières.

Elle doit s’entendre, première manière, au niveau de la pratique même du concert. Au niveau de la pratique du concert, Harnoncourt remarque une évolution voire même une quasi révolution depuis le XIXe siècle: jusque là, l’essentiel des programmes de concerts était constitué de musique vivante — je veux dire: l’essentiel en était, jusque là, constitué de musique nouvelle. Depuis le XIXe siècle, remarque Harnoncourt, la situation a changé. La situation a changé, en ceci que la musique du passé a pris de plus en plus de place au sein des programmes de concerts. Elle occupe même, de nos jours, la première place au sein de ceux-ci. La situation a changé en ceci que l’on a relégué la musique contemporaine à une part dérisoire — ou plutôt: en ceci que l’on a relégué celle-ci au loin, mise à part, au coin, là où ne la visite guère que son public — que son public à elle. En résumé, à l’époque contemporaine, on passe plus de temps à réécouter de la musique du passé que l’on ne passe de temps à écouter de la musique nouvelle. A l’époque contemporaine, on préfère la sécurité — on préfère la tranquillité que procure la réitération du même aux joies plus belles — aux joies plus folles que procure la nouveauté — je veux dire: aux joies que procure la connaissance… Mais cette tendance à la réitération du même se retrouve, pire encore, au niveau même du choix de ces œuvres du passé. De ces œuvres du passé, on reprend toujours, à peu près, le même petit nombre de rengaines; on reprend toujours, à peu près, le même petit nombre de succès– celles auxquelles on a été habitué. La réitération incessante de la musique entraîne, ici, la réitération incessante du choix. Nous comprenons bien, en conséquence, le problème que la réitération pose, au niveau de la pratique du concert. Nous comprenons bien que la réitération, en un sens, a tué la pratique du concert elle-même — ou plutôt: que la réitération, en un sens, a tué la musique — elle a dénaturé celle-ci. On ne va plus au concert pour écouter de la musique — on ne va plus concert pour entendre… Mais on y va pour réécouter, on y a va pour réentendre. Dans de telles conditions, la musique perd tout contenu de vérité. On la ramène à un divertissement — on la ramène à un chatouillement. Pure vanité! Dans de telles conditions, la musique perd son effet moral — son effet moral: je veux dire: sa capacité à nous faire sentir le monde, autrement — sa capacité à nous faire réfléchir au monde, autrement. Elle perd, ici, sa dignité — sa dignité spirituelle.

Mais la réitération incessante de la musique — cette réitération si périlleuse à la musique elle-même, au contenu de vérité de celle-ci, à sa dignité spirituelle, cette réitération doit aussi s’entendre, ici, deuxième manière, au niveau de la pratique du disque. La pratique du disque aggrave cette tendance. Le disque, qui a été inventé en 1877 puis qui se développe, depuis, de manière exponentielle, le disque permet, désormais, de réécouter de manière incessante les mêmes œuvres. Mieux — ou pire: de ces mêmes œuvres, le disque permet, désormais, de réécouter sans cesse la même interprétation — devenue interprétation de référence. Le disque provoque, en conséquence, un fétichisme de l’interprétation. Le fétichisme de l’interprétation désigne, ici, ce phénomène qui consiste, à force de l’entendre, oui, à force de l’entendre sans cesse, à prendre une interprétation possible de l’œuvre pour la seule interprétation possible de cette œuvre — ou encore: ce phénomène qui consiste à prendre cette interprétation pour l’œuvre elle-même. Il désigne cette espèce de maladie qui écrase la richesse de sens sous un sens unique sans cesse ressassé — sans cesse réitéré — cette espèce de maladie qui guette, ici, toute la musique. De même, le disque provoque, comme on a vu, un véritable phénomène de surdité. Un véritable phénomène de surdité: je veux dire qu’à force de l’écouter, qu’à force de l’écouter sans cesse, l’œuvre ne sera même plus perçue — ou plutôt: l’œuvre ne sera même plus entendue… Le disque provoque une écoute inattentive de l’œuvre — sans réelle attention au sens — où l’œuvre devient comme une décoration sonore, où l’œuvre devient, en un sens, incolore.

Nous comprenons bien, en conséquence, en quoi la réitération incessante de la musique entraîne une crise de la musique à l’époque contemporaine. Les deux principales expériences que nous avons de la musique — je veux dire: l’expérience du concert comme l’expérience du disque — ces deux expériences que nous en avons ont été contaminées par un phénomène de réitération — oui: elles en ont été contaminées! Au concert, comme au disque, on réécoute sans cesse les mêmes œuvres. Au concert, comme au disque, de ces mêmes œuvres, on réécoute sans cesse, les mêmes interprétations — puisqu’aussi bien, l'interprète est aussi un écouteur — un écouteur de disque — puisqu’aussi bien l’interprète est aussi nourri — ou plutôt: gavé de ces mêmes interprétations que le disque propose… Nous comprenons bien, en conséquence, en quoi, au sein de ce contexte, est devenue difficile, combien est devenue rare une expérience de la musique où la musique délivre un contenu de vérité, où la musique nous fasse sentir le monde autrement, où la musique nous fasse réfléchir au monde autrement — nous comprenons bien, dis-je, en quoi, au sein de ce contexte, est devenue difficile, combien est devenue rare une expérience où la musique nous délivre — une expérience où la musique nous élève…

Mais la crise de la musique à l’époque contemporaine ne se limite pas, selon Harnoncourt, à ce problème de la réitération du même — tout au contraire: le problème de la réitération du même, selon Harnoncourt, en entraîne encore un autre.

Aspect n°2: le problème de la tradition. Une deuxième caractéristique forte de la pratique contemporaine de la musique consiste, selon Harnoncourt, en la mise en place, du côté de l'interprète, de traditions de jeu. Cette expression de mise en place de traditions de jeu désigne ce phénomène qui consiste, du côté de l’interprète, à reproduire, de façon automatique — ou mieux: de façon quasi mécanique, un ensemble de schémas ou de réflexes interprétatifs donnés — je veux dire: un ensemble de schémas ou de réflexes interprétatifs que la tradition a donné — ou elle désigne, encore, ce phénomène qui consiste, du côté de l’interprète, à être pris au piège de ses préjugés — à être pris au piège de toutes ces choses, de toutes ces choses que la tradition présente comme évidentes, ou comme naturelles, mais qui sont tout sauf évidentes — mais qui sont tout sauf naturelles. A force de reprendre l’œuvre, à force de la reprendre de génération en génération, il se forme, au dessus de celle-ci, un genre de concrétion pareille à celle que nous voyons au dessus de ces objets qui, longtemps, ont séjourné sous l’eau — concrétion à cause de qui nous ne voyons plus la forme originelle de ses objets, concrétion à cause de qui nous ne les voyons plus comme ces objets ont été: longtemps avant — avant ce séjour sous l’eau. De même, ici, la tradition cache l’œuvre à la vue de l’interprète. Elle y a ajouté de nombreuses indications. Elle y a ajouté de nombreuses solutions. La tradition, en un sens, efface, ici, les problèmes — ces problèmes où tient toute la richesse de l’œuvre. La tradition, en un sens, la prédécoupe. Elle prépare l’œuvre à l’interprétation. Mais: ce faisant, elle en limite aussi la possibilité — ce faisant, sans que l’interprète le sache ou sans que l’interprète le reconnaisse, la tradition, ici, limite l’interprétation.

Nous comprenons bien, en conséquence, que la tradition, qui peut être orale ou qui peut être écrite, renforce, à cause de cette limitation, la réitération. La tradition encourage l'interprète à donner des interprétations ressemblantes à peu près — elle encourage l'interprète à donner des interprétations à peu près équivalentes. En conséquence: si la tradition a comme origine la réitération, si elle en dérive, la tradition renforce, ici, la réitération elle-même.

Nous comprenons bien, aussi, que se retrouve, ici, le thème du fétichisme de l'interprétation. La tradition provoquera un fétichisme de l’interprétation du côté de l'interprète — elle qui recouvre l’œuvre sous ses fausses évidences; elle qui recouvre l'oeuvre sous un sens appauvri. La tradition provoquera même, du côté de l’interprète, un phénomène de surdité à celle-ci — un phénomène de surdité: au sens où l’interprète plaquera, au dessus de l’œuvre, le sens que la tradition indique, au sens où l’interprète reproduira le sens que la tradition préconise… Mais sans entendre l’œuvre elle-même.

Quelle leçon tirerons-nous de tout ceci?

Nous en tirerons cette leçon que prise au sein de sa réitération — que prise au sein de la tradition– la musique, à l’époque contemporaine, se trouve en crise. A cause de sa réitération, à cause de la tradition, la musique a perdu tout contenu de vérité — elle a perdu sa capacité, toute spirituelle, à remettre en cause le préjugé. La musique, en un sens, je veux dire: la musique en sa dignité — en sa dignité spirituelle — la musique, à l’époque contemporaine, semble être devenue improbable; elle semble même être devenue impossible.

Que faire?

Aux yeux de Harnoncourt, le renouveau de la musique baroque représente, au sein de la deuxième moitié du XXe siècle, une tentative de répondre à cette crise.

Au sein de la deuxième moitié du XXe siècle, en cette crise, le renouveau de la musique baroque présente, aux yeux de Harnoncourt, deux avantages principaux.

Avantage n°1. Le renouveau de la musique baroque permet, à l’interprète comme à l'auditeur, de découvrir de nouvelle œuvres — je veux dire: il permet de découvrir toutes les œuvres du passé, toutes les œuvres de cette époque baroque, jusque là inconnues — jusque là méconnues. La musique baroque se présente, en un sens, comme une mine de répertoire: une mine de répertoire qui échappe aux problèmes que pose le répertoire classique — qui échappe à ces problèmes que sont la réitération ou que sont la tradition. De cette première manière, le renouveau de la musique baroque réintroduit de la nouveauté dans l’expérience de la musique — il réintroduit, dans cette expérience, de l’inouï. De cette première manière, le renouveau de la musique baroque réhabilite le contenu de vérité de celle-ci.

Avantage n°2. Le renouveau de la musique baroque permet aussi, à l’interprète comme à l'auditeur, de découvrir de nouvelles interprétations — je veux dire: il permet de découvrir de nouvelles interprétations des œuvres déjà connues de cette époque — des œuvres déjà connues de la musique baroque. Je pense, ici, par exemple, aux œuvres de Bach ou, par exemple encore, aux œuvres de Haendel. Grâce au renouveau de la musique baroque, toutes ces œuvres, Bach ou Haendel, il est désormais possible de les réentendre — ou plutôt, ces œuvres, il est désormais possible de les entendre: comme œuvres inouïes — comme œuvres nouvelles.

Telle sera, selon Harnoncourt, la fonction essentielle de l’utilisation des instruments baroques.

Du point de vue de l’interprète, l’instrument baroque se présente comme une contrainte à cause même de sa nouveauté. Mais c’est là une contrainte libératrice — qui l’oblige à réexaminer ses préjugés à propos de telle ou telle œuvre — qui l’oblige à réexaminer ses préjugés à propos de ses indications courantes comme de ses réalisations courantes — toutes ces fausses évidences. A cause même de sa nouveauté, l’instrument baroque oblige l'interprète à réexaminer sa technique traditionnelle — quitte, cette technique, à la corriger. De même, l’instrument baroque oblige l’interprète à réexaminer la partition de telle ou telle œuvre — sa partition courante — quitte, là encore, à la corriger.

Du point de vue de l’auditeur, c’est un peu la même chose — un peu la même chose: en ceci que, grâce aux instruments baroques, l’auditeur entendra une interprétation nouvelle — en ceci, aussi, que l’auditeur entendra, grâce aux instruments baroques, cette interprétation nouvelle en une sonorité nouvelle.

Nous comprenons bien, en conséquence, quelle sera, selon Harnoncourt, la fonction essentielle de l’utilisation des instruments baroques. Ce sera, du côté de l’interprète comme du côté de l’auditeur, un moyen de se rendre libre vis-à-vis de ses préjugés — un moyen de se rendre libre vis-à-vis de la tradition, vis-à-vis de la réitération. Ce sera, du côté de l'interprète comme du côté de l’auditeur, un moyen de vérité.

En conséquence: les instruments baroques ne sont pas utilisés, ici, en eux-mêmes — ils ne sont pas utilisés, ici, pour eux-mêmes — mais pour l’effet de vérité — pour l’effet de vérité morale qui pourra en être retiré au sein de la deuxième moitié du XXe siècle — ce siècle qui pourra, grâce à eux, réentendre — ou mieux: qui pourra entendre, grâce à eux, les œuvres du passé non pas interprétées de façon habituelle mais les œuvres du passé interprétées de façon nouvelle.

En résumé: les instruments baroques tirent, ici, leur nécessité, ils tirent, ici, leur légitimité de la prise en considération de la situation de la musique au sein de la deuxième moitié du XXe siècle — ou encore: de la prise en considération de la situation morale de l’interprète comme de la situation morale de l’auditeur. En cette époque où l’interprète en ignore tout, en cette époque où l’auditeur en ignore tout, l’instrument baroque gagne, ici, sa nécessité — l’instrument baroque gagne, ici, sa légitimité — je veux dire: sa nécessité ou sa légitimité du point de vue du contenu de vérité — le seul point de vue qui vaille, oui, le seul point de vue qui vaille en musique.

Nous comprenons bien, en conséquence, que nous sommes loin, ici, de la représentation courante que nous nous faisions du renouveau de la musique baroque chez Harnoncourt. Chez Harnoncourt, le renouveau de la musique baroque ne se ramène pas à la question des instruments baroques — question des instruments baroques somme toute accessoire. Les instruments baroques ne sont que des moyens — ce ne sont que des moyens: au service du contenu de vérité de la musique; au service de la musique elle-même. Au sein de la deuxième moitié du XXe siècle, ils tirent leur nécessité, ils tirent leur légitimité de ce qu’ils peuvent, à ce moment, être utiles à ce contenu de vérité de la musique — de ce qu’ils peuvent, à ce moment, être utiles à la musique elle-même. Mais les instruments baroques ne sont pas la musique elle-même– ce ne sont pas des absolus: des absolus comme au sein de la représentation courante que nous nous en faisions. En un sens, si, un jour, les instruments baroques devenaient un obstacle à la musique, si, un jour, les instruments baroques devenaient un obstacle au contenu de vérité de celle-ci, il faudrait, alors, les mettre de côté — il faudrait, alors, les jeter, ou, en tout cas, les rejeter.

Il ne faut pas, ici, tout confondre. Il ne faut pas, ici, confondre le moyen avec la fin — la fin avec le moyen. La fin, la seule fin, c’est la musique, c’est le contenu de vérité de celle-ci. La fin, la seule fin, c’est de sortir la musique de la crise où se trouve la musique, c’est de la sortir de la réitération, de la tradition. Les instruments baroques ne sont, ici, que des moyens — ce ne sont, ici, que des moyens accessoires. En un sens, les instruments baroques sont transitoires.

En conséquence: Harnoncourt ne cherche pas, au travers des instruments baroques, à atteindre une quelconque vérité absolue — une quelconque vérité absolue: je veux dire: à atteindre une pseudo authenticité historique. Cette pseudo authenticité historique — où on a, maintes fois, cherché à le réduire — il l’a, maintes fois, récusée — il l’a, maintes fois, rejetée comme illusoire.

Harnoncourt ne pense pas que soit possible une interprétation objective de l’œuvre — une interprétation objective de l’œuvre: cela signifie: une interprétation qui donne le sens: le sens soi-disant véritable de l’œuvre — ou encore cela signifie : une interprétation qui donne de l'oeuvre une image sonore elle-même soi-disant véritable– fidèle aux conditions historiques de sa création, fidèle aux conditions historiques de sa première réalisation. Harnoncourt ne pense pas que soit possible une telle interprétation. Une telle interprétation se révèle, à ses yeux, être un leurre — ou plutôt: elle révèle, à ses yeux, être une conception naïve de la vérité — elle révèle, à ses yeux, être une conception naïve de l’interprétation elle-même.

A cette conception naïve de l’interprétation, qui cherche une vérité absolue, qui cherche une authenticité absolue, Harnoncourt oppose, ici, en conséquence, sa propre conception.

Aux yeux de Harnoncourt, toute interprétation est nécessairement subjective — toute interprétation est nécessairement subjective: cela signifie que toute interprétation trouve sens dans un point de vue — je veux dire: dans un point de vue historique. Cela signifie, encore, que toute interprétation dérive au moins autant de la position historique de l’interprète que de la position historique de l’œuvre elle-même. Elle dérive au moins autant de ce que l'interprète sent ou pense que de ce que l’œuvre consent ou avance. Autrement dit, chaque époque historique interprète les œuvres du passé à sa manière, en fonction de ses intérêts — de ses propres intérêts: ou en fonction de ses propres catégories– ces œuvres, chaque époque les réassume — elle se les réapproprie. Autrement dit, encore, toute interprétation déforme l’objet qu’elle interprète — ou mieux: elle le réforme. Toute interprétation lui redonne un sens — ou plutôt: elle lui donne un sens renouvelé. C’est de cette manière que l'interprétation confère à la musique son contenu de vérité. C’est de cette manière que l'interprétation confère sens au son. Elle crée ou mieux: elle recrée l’objet qu’elle interprète.

Nous sommes loin, désormais, de cette approche naïve qui considère le renouveau de la musique baroque comme un retour à une pseudo authenticité — je veux dire: à une pseudo authenticité historique. Nous sommes loin, désormais, de cette approche qui le considère comme un retour à une vérité elle-même historique. Si le renouveau de la musique baroque possède une vérité historique, ce n’est certes pas au sens où les interprétations qui en dérivent seraient en conformité avec le passé, ce n’est certes pas au sens où les interprétations qui en dérivent seraient en conformité avec un référent révolu — mais: c’est au sens où elles sont en conformité avec le présent, c’est au sens où elles sont en conformité avec les nécessités de la situation contemporaine– je veux dire: avec les nécessités de la situation contemporaine de la musique, avec les nécessités de sa crise. Alors, en ce sens là, oui, alors, ce renouveau possède une vérité historique — mais nous sommes loin, ici, de la représentation courante que nous nous en faisions.

Nous comprenons bien, en conséquence, ce que cherche à faire Harnoncourt. Ce que cherche à faire Harnoncourt, c’est de rendre à la musique son contenu — je veux dire: son contenu de vérité. C’est de la délivrer de la réitération, de la tradition. C’est de la délivrer de cette conception de l’interprétation aliénante qui la réifie sous une croûte commentante ou sous une concrétion qui la chosifie. C’est de la rendre à elle-même. De là cette conception libératrice de l’interprétation. De là cette conception de l’interprétation qui la remet, sans cesse, en état crise — ou mieux: qui la remet, sans cesse, en état critique. L'état critique représente l’état naturel de la musique. La crise de la musique au XXe siècle tient au recul de cet état critique — elle tient au recul de cet état naturel. Il s’agira, en conséquence, chez Harnoncourt, grâce à une conception elle-même critique de l'interprétation, de rendre la musique à nouveau capable de vérité — de la rendre à nouveau capable de nous faire sentir le monde autrement ou de nous faire réfléchir au monde autrement. Il s’agira, chez Harnoncourt, grâce à une conception elle-même critique de l’interprétation, de rendre la musique à la vie — à la vie elle-même.

Au travers des instruments baroques, Harnoncourt ne cherche, en réalité, que ça: une solution à la crise de la musique au XXe siècle. Harnoncourt ne cherche, en réalité, que la réhabilitation du contenu de vérité: du contenu de vérité de la musique — de toute la musique.

Nous comprenons bien, en conséquence, que c’est derrière les apparences, accessoires, transitoires, que c’est derrière, même, le renouveau de la musique baroque, que se situe le cœur de la pensée de Harnoncourt. Le cœur de la pensée de Harnoncourt se situe au creux de cette préoccupation pour la musique tout entière, au creux de ce souci pour sa vérité. Le renouveau de la musique baroque se présente, ici, comme une conséquence de cette préoccupation — de ce souci. Il ne se présente pas comme la totalité.

Il faut peut-être, au sein du renouveau de la musique baroque, mieux distinguer l’inessentiel de l’essentiel. Il faut peut-être, au sein de ce renouveau, mieux distinguer la lettre de l’esprit — l’esprit qui anime la lettre– ou mieux: l’esprit qui la dépasse.

Une chose saute aux yeux, je crois, à la lumière de cette distinction. A la lumière de cette distinction, ce qui saute aux yeux c’est toute la proximité — ou mieux: c’est toute la parenté qui passe entre ce qui préoccupe, ici, Harnoncourt et ce qui préoccupe ADORNO.

On retrouve, chez Harnoncourt et chez ADORNO, un même souci de la crise de la musique à l’époque contemporaine. De même, on retrouve, chez Harnoncourt et chez ADORNO, une même analyse de cette crise: elle consiste, chez l’un comme chez l’autre, dans la perte du contenu — je veux dire: dans la perte du contenu de vérité de la musique; elle consiste, chez l’un comme chez l’autre, dans le problème de la réitération — dans le problème de la reproduction automatique — ou mieux: de la reproduction mécanique de la musique. Au rebours de cette crise — au rebours de la crise de la musique à l’époque contemporaine — on retrouve, chez Harnoncourt et chez ADORNO, un même souci de l'effet de vérité — de l’effet de vérité morale que la musique, en sa spiritualité peut induire, que la musique, en sa spiritualité, peut produire sur celui qui écoute, sur celui qui la goûte.

De même, la théorie critique de l’interprétation, telle qu’elle est développée chez Harnoncourt, en opposition à la théorie traditionnelle de l’interprétation, cette théorie rappelle la théorie critique, telle qu’elle est développée chez ADORNO, en opposition à la théorie traditionnelle.

Souvenez-vous!

Chez ADORNO, la théorie critique se caractérise, en opposition à la théorie traditionnelle, par la conscience de sa propre historicité. Elle se caractérise par sa réflexivité. Tandis que la théorie traditionnelle se pense comme énonciation de la vérité pérenne de son objet, tandis que la théorie traditionnelle ne tient pas compte de sa propre position historique de sujet de la théorie, la théorie critique, au contraire, tient compte de cette position: la théorie critique tient compte de sa propre position historique de sujet de la théorie — elle se pense, en conséquence, comme énonciation historique de la vérité elle-même historique de son objet.

De même, chez Harnoncourt, la théorie critique de l’interprétation se caractérise, elle aussi, en opposition à la théorie traditionnelle de celle-ci, par la conscience de sa propre historicité. Elle se caractérise, elle aussi, par sa réflexivité. Tandis que l’interprétation traditionnelle ne tient pas compte de la position historique de l’interprète, l’interprétation critique, au contraire, tient compte de cette position. L’interprétation critique accorde même une place centrale, elle accorde même une place essentielle à cette position historique de l’interprète.

Ce qui revient à dire que, dans une pratique saine de la musique, on modifie sans cesse le sens de celle-ci — tout comme la vie elle-même sans cesse se modifie. Ou ce qui revient encore à dire que, dans une pratique saine de celle-ci, la musique échappe à toute réitération — elle échappe à toute tradition. Elle conserve, ainsi, sa capacité à produire un effet de vérité — un effet de vérité morale. Elle conserve, ainsi, sa capacité à nous faire sentir le monde autrement — à nous faire réfléchir au monde autrement.

De la même manière que, chez ADORNO, la théorie critique se présente comme une solution pour la philosophie, afin d’échapper à l’anéantissement, à la réification ou à la commercialisation, de la même manière, chez Harnoncourt, l’interprétation critique se présente, en opposition à l’interprétation traditionnelle, comme une solution pour la musique, afin d’échapper à ce même anéantissement — à cette même réification ou à cette même commercialisation.

Harnoncourt a-t-il connu ADORNO? A-t-il eu connaissance de sa pensée? Interrogation légitime, je crois, face à cette proximité, face à cette parenté.

Il ne le semble pas. Il semble, plutôt, que cette proximité, que cette parenté de pensée dérive non pas de la même méditation — mais plutôt de la reprise des mêmes thèmes, de la reprise des mêmes anathèmes — elle dérive plutôt de la méditation du même.

Au reste, on notera, entre eux, en dépit de toute cette proximité, en dépit de toute cette parenté, on notera, entre eux, une différence essentielle.

ADORNO s’intéresse principalement à l’analyse des causes économiques puis des causes techniques de la crise contemporaine de la musique. Il montre, en maître, de quelle façon l'avènement de la société bourgeoise, de quelle façon l’avènement de la société capitaliste, de la société techniciste, a supprimé, a annihilé, même, le contenu de vérité de la musique — jusques à faire de celle-ci un loisir divertissant, jusques à faire de celle-ci un loisir assoupissant. En toute logique, on s’attendrait à ce que, sur la base de cette analyse, on s'attendrait à ce que, sur la base de cette critique de la société bourgeoise, ADORNO en appelle à une modification révolutionnaire de celle-ci — seule solution collective possible au problème. Mais, cette modification révolutionnaire, cette seule solution collective possible au problème, ADORNO ne la convoque pas — ne la propose pas. Bref, ADORNO nous laisse, ici, face aux problèmes, sans solution concrète — ou même: sans solution du tout. Il nous laisse, ici, face à une insupportable angoisse — tout comme je vous laissais, moi-même, face à un insupportable suspense tandis que je finissais la séance précédente. Excusez-moi…

Chez Harnoncourt, ça se passe de manière différente. Si Harnoncourt partage, comme ADORNO, un même rejet de la société de consommation de masse, un même rejet de la société capitaliste — de la société techniciste — rejet qui, chez Harnoncourt, dérive d’une certaine forme de catholicisme — ou mieux: d’une certaine forme de franciscanisme — si Harnoncourt, dis-je, partage, comme ADORNO, ce même rejet, il s’intéresse principalement, à l’analyse des causes morales de la crise contemporaine de la musique. Des causes morales — dis-je: comme on a vu, Harnoncourt s’intéresse principalement à la question de la tradition; comme on a vu, Harnoncourt s’intéresse principalement à la question de la réitération — étudiée du point de vue de l’écoute, étudiée du point de vue de l’individu. Bref, Harnoncourt déplace, je crois, le problème — ou plutôt: il déplace la solution du problème. Il propose, ici, non pas une solution collective, non pas une solution politique — mais une solution individuelle — mais une solution morale. Chez Harnoncourt, il ne dépend que de l’interprète ou que de l’auditeur, par une quasi ascèse, de pouvoir être libre — de rendre sens à la musique — de rendre à celle-ci un contenu de vérité. Chez Harnoncourt, il ne dépend que de l’interprète ou que de l’auditeur, par le savoir, de se mettre en dehors, au moins autant que possible, de la société capitaliste — de se mettre en dehors, au moins autant que possible, de la société techniciste.

Mais cette solution individuelle, cette solution morale est-elle opérante? Est-elle suffisante? Interrogation légitime — je crois — là encore…

Mais Harnoncourt, en tout cas, Harnoncourt dessine, ici, une tentative de solution concrète — il dessine, ici, une tentative de solution tout de même!

Nous comprenons bien, à la lumière de ces brèves considérations, à la lumière de ces brèves réflexions, que la théorie critique de l’interprétation produite — ou mieux: déduite, ici, chez Harnoncourt, en opposition à une théorie traditionnelle de l’interprétation, comme tentative de solution morale concrète à la crise de la musique, nous comprenons bien que cette théorie ne s’appliquera pas à la seule musique baroque: elle s’appliquera, bientôt, à toute la musique. Le renouveau de la musique baroque ne se présente pas, en conséquence, chez Harnoncourt, comme un tout isolé. Il se présente, au contraire, comme la première étape du renouveau de toute la musique.

Dès 1980, Harnoncourt passe les bornes — je veux dire: dès 1980, Harnoncourt passe les bornes de la musique baroque.

Dans les années 80, il interprète les œuvres de MOZART. Il interprète de la musique classique. Dans les années 90, il interprète les œuvres de BEETHOVEN. Il interprète, aussi, les œuvres de SCHUBERT ou celles de SCHUMANN. Il interprète, aussi, les oeuvres de BRUCKNER ou celles de BRAHMS. Il interprète de la musique romantique.

Au sein de la musique classique, comme au sein de la musique romantique, Harnoncourt met en œuvre les mêmes principes, expérimentés au sein de la musique baroque, Harnoncourt met en œuvre la même conception critique de l’interprétation — je veux dire: une conception de l’interprétation critique de la tradition, critique de la réitération.

Toutes ces interprétations, de MOZART, de BEETHOVEN, de SCHUBERT ou SCHUMANN, de BRUCKNER ou BRAHMS, toutes ces interprétations provoquent, on s’en doute, de nombreuses résistances. Elles les provoquent, on s’en doute, parce que ce répertoire, après tout, constitue un lieu privilégié de la tradition — les fausses représentations y sont très présentes, les représentations toutes faites y sont très puissantes — parce que ce répertoire, après tout, se constitue de musiciens vénérés comme des idoles — de musiciens vénérés comme des icônes. Les interprétations que propose Harnoncourt, ces interprétations iconoclastes, choquent les âmes bien sentantes — elle choquent, iconoclastes, les âmes bien pensantes… Il y a, ici, un crime de lèse divinité. Ces interprétations, on les rejette, en conséquence, comme nulles. La masse bien sentante, la masse bien pensante les considère telles. On préfère voir Harnoncourt retourner à sa musique baroque. On préfère le voir retourner là. Là où il ne nous embête pas. Là où il ne nous casse pas tout…

MOZART, BEETHOVEN, SCHUBERT, SCHUMANN, BRUCKNER, BRAHMS: il me vient, tout à coup, un doute à l’esprit. Il me vient, tout à coup, à l’esprit que ce sont tous là des musiciens allemands (au sens large). Oui: Harnoncourt a consacré la majeure partie de ses interprétations — de ses interprétations critiques — à des musiciens allemands (au sens large)…

Est-ce là un signe de patriotisme? Est-ce là un signe de nationalisme?

Je ne crois pas.

En 1995, Harnoncourt a prononcé, au festival de Salzburg, un discours où il s’est dévoilé — où il s’est expliqué. Il s’agit, pour Harnoncourt, de dénazifier la musique. Dénazifier la musique: ça signifie rejeter la conception divertissante — ça signifie rejeter la conception assoupissante de celle-ci. Il s’agit, pour Harnoncourt, de rendre à la musique son contenu — son contenu de vérité. A commencer par la musique allemande — à commencer par cette musique qui, plus que toute autre, a été touchée — qui, plus que toute autre, a été dénaturée: mise au service de fin militaires; mise au service de fins totalitaires. En 1995, suite à ce discours, Harnoncourt est viré — oui: Harnoncourt est viré du festival de Salzburg.

Nous comprenons bien, en conséquence, que la conception de l’interprétation de Harnoncourt, nous comprenons bien que cette conception de l’interprétation rencontre encore, en musique classique ou en musique romantique, de nombreuses résistances.

Elle pousse très loin ses exigences morales vis-à-vis de l’interprète. Elle les pousse très loin: elle qui demande à l’interprète de remettre en cause ses préjugés les mieux assurés — elle qui lui demande de se remettre en cause lui-même — elle qui demande une quasi purification de l’intellect — au sens où la réclame SPINOZA — une purification de l'intellect, dis-je, enfin délivré de ses folles imaginations — enfin délivré de ses fausses représentations.

Jusques ici, je le répète, le monde de la musique traditionnelle de n’a pas entendu ce souffle — il n’a pas entendu le souffle de cette réforme — il ne l’a pas voulu. Au contraire: le monde de la musique traditionnelle a essayé de réduire Harnoncourt au rang de légende vivante du baroque, un point c’est tout. Un point c’est tout, dis-je, ce qui consiste à le faire taire — ce qui consiste à le faire disparaître. Il a essayé de réduire Harnoncourt à une idole — ou mieux: à une icône: en vue de se préserver, oui, en vue de préserver sa propre tranquillité.

Mais la musique baroque elle-même a-t-elle échappé à cette quasi contre-réforme? Elle en court, je crois, le danger. Elle en court le danger: elle qui arrive à sa troisième génération — elle qui arrive au sein de l’institution, au sein de l’école — elle qui commence à être une évidence…

Ce qui décidera de sa progression ou ce qui décidera de sa régression — je veux dire: de la régression ou de la progression de l’esprit — de l’esprit que le renouveau de la musique baroque a allumé au sein de la musique, ce sera la résistance morale ou individuelle de ses exécutants — ce sera la résistance morale ou individuelle de ses représentants.

Au sein de cette résistance, l’analyse — je veux dire: l’analyse philosophique concrète de la musique a, peut-être, un petit rôle à jouer. Oui: elle a, peut-être, ici, un petit rôle, sans cesse, à rejouer.

CONCLUSION GENERALE

Voici que nous touchons au terme, oui, voici que nous touchons au terme de cette première série de conférences.

Nous nous sommes, ici, attachés à reprendre un certain nombre de questions touchant la musique allemande. A travers elle, à travers la musique allemande, nous nous sommes, même, attachés, ici, à reprendre un certain nombre de problèmes touchant toute la musique elle-même.

Chemin faisant, nous avons avancé quelques hypothèses — nous avons même, chemin faisant, avancé quelques thèses.

Mais face à l’immensité de la tâche, face à la complexité réelle de ces matières, il convient de faire preuve, ici, de défiance — il convient de faire preuve, ici, de méfiance. Sans doute, il se trouve, au sein de ces conférences, de nombreuses approximations — sans doute, il se trouve même, au sein de celles-ci, un peu de propositions fausses.

Ce que je me suis surtout attaché à faire, ici, c’est à prendre conscience de tous ces problèmes — c’est à prendre conscience de tous les problèmes que recèle — ou plutôt: de tous les problèmes que recouvre notre représentation courante de la musique allemande — notre représentation courante de toute la musique elle-même. Ce que je me suis surtout attaché à faire, ici, c’est à remettre en cause mes propres préjugés.

En ceci, de toute évidence, cette première série de conférence se présente comme un premier exercice — ou comme un premier tour. Elle appelle, de toute évidence, un retour.

La complexité de ces matières, sans cesse en train de se faire ou en train de se défaire, cette complexité appelle même, je crois, des allers et retours — sans cesse — des allers et retours.

Tout comme l’état de crise est l’état naturel de la musique — l’état de crise est aussi l’état naturel de la pensée — de la pensée critique.

Dans cette perspective, dans la perspective de cette pensée critique, je conclurai, en conséquence, ce petit exercice de pensée par l’énoncé de Thèses — par l’énoncé de 6 Thèses à propos de la musique.

Comme le rappelle ALTHUSSER, une Thèse est une proposition dogmatique qui, étant dogmatique, ou encore: qui, étant une prise de position, est aussi, de cette manière, une proposition critique. Une thèse, en ce sens, dessine un champ : elle dessine un champ de discussion.

Il s’agit, avec elles, de poser les problèmes — mieux: il s’agit, avec elles, de poser des bornes pour une résolution — pour une résolution plus juste de ces problèmes.

6 Thèses à propos de la musique

Thèse n°1: Il y a une crise de la musique à l’époque contemporaine.

Thèse n°2: La crise de la musique à l’époque contemporaine tient à la perte du contenu de vérité de celle-ci.

Thèse n°3: La perte du contenu de vérité de la musique tient à un triple contexte: économique / technique / idéologique.

Thèse n°4: Ce triple contexte réduit la musique à une matérialité divertissante — il la réduit à une matérialité aliénante.

Thèse n°5: Il existe une première manière de sortir de cette crise: la modification du contexte économique / technique. C’est la voie politique.

Thèse n°6: Il existe, comme condition de possibilité de cette première manière, une deuxième manière de sortir de cette crise: la modification du contexte idéologique. C’est la voie morale — ou philosophique.

François Coadou
Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 12:43   ÉCOUTER
Oui, je ne peux qu'insister moi aussi : écouter, réécouter le Concentus Musicus de Vienne. S'apercevoir à quel point c'était mauvais, mauvais à tous les sens du terme.
Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 17:53   S'il fallait absolument choisir, ce qu'à Dieu ne plaise…
Cher Corto, je ne prétends surtout pas trancher dans le débat qui vous oppose aux thuriféraires du new baroque way of life dans la musique, mais je tiens cependant à dire qu'entre deux maux, je choisirais sans grande hésitation celui qui consiste à se passer des Harnoncourt, Jacobs, Brüggen, Hogwood, Coin, Koopman, Kuijken, Leonhardt, Herreweghe, etc., en dépit du grand bonheur que j'y trouve, personnellement.

J'ai dit, et je redis, et je maintiens que la Saint Matthieu de Philippe Herreweghe est un petit miracle de musicalité, d'intelligence, d'équilibre, et de sensualité, et que les voix y sont fort belles, et bien appareillées. Néanmoins, malgré le talent de ce chef, je préfère me passer de lui que de ceux que vous mentionnez par ailleurs…


Vraiment pas convaincu par l'article que vous nous soumettez…
Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 22:13   Re : Un maître persuasif
Ne renoncez à rien, cher Boris et ne renoncez surtout pas à nous donner à entendre !
D'ailleurs vous êtes un maître très persuasif, puisque vous, sans la moindre taloche, avez déjà convaincu Bernard Lombart avec Gould et moi, je ne suis pas loin de rendre les armes pour la Saint Mathieu de Herreweghe (les voix surtout m'enchantent) !
Ah bon ! Et moi qui aime tant son timbre, si particulier qu’on le reconnaît entre mille.
14 avril 2008, 16:01   Re : Cosi fan tutte
Je pense qu’il ne s’agit pas d’une mode, cher Corto, ou alors, elle dure depuis longtemps. L’oreille s’est faite à la sonorité de ces instruments anciens et quant à moi, je m’y suis tellement habituée qu’à présent, j’aurais du mal à écouter les opéras de Haendel ou de Monteverdi interprétés par les instruments traditionnels.
Mais en ce qui concerne la direction pétillante et pleine de vitalité de Jacobs dans Mozart, il me semble qu’elle lui rend toute sa jeunesse et sa fraîcheur. Il utilisait, notamment dans la Flûte (donnée à la Monnaie et mise en scène par William Kentridge il y a deux ans), le pianoforte pour quelques improvisations surprenantes et réjouissantes précédant l’un ou l’autre air.
Utilisateur anonyme
14 avril 2008, 16:08   Re : René-Pol Jacobs et la Marque jaune
Mais vous avez le droit de l'aimer, cette voix, Aline, je ne faisais que donner mon avis. Je la trouve tendue, serrée, et cette tension me paraît un grave défaut. (J'ai toujours l'impression, quand je l'entends, que quelqu'un est en train de lui serrer le cou.) Et puis, même en tentant d'oublier cela, ce timbre me paraît être le type-même du falsetto, précisément, c'est-à-dire de quelque chose qui sonne faux, qui n'est pas naturel. Je me suis toujours demandé où René Jacobs avait la tête

Ah oui, pour la reconnaître, on la reconnaît, en effet ! (On reconnaît aussi assez bien Sheila ou Mireille Mathieu.)

Excellente idée, qu'il a eue, de se mettre à la direction d'orchestre.
14 avril 2008, 19:16   Re : Un maître persuasif
» puisque vous, sans la moindre taloche, avez déjà convaincu Bernard Lombart avec Gould

Plus exactement, grâce à Boris, j'ai trouvé autre chose chez Gould : ses compositions. Pour Bach interprété par Gould, je crois que Boris aurait beaucoup de mal à me faire tourner casaque... Je dois déjà supporter le générique de Répliques !
Utilisateur anonyme
14 avril 2008, 20:12   Re : Un maître poussif
Quel cancre, quel rebelle, ce Bernard !

Bon bon bon, les compositions de Gould, d'accord, ouais, c'est vaguement (et passablement) intéressant, on va dire. Mais enfin, je les donnerais volontiers toutes pour une phrase des Goldberg.

En parlant de ça, y a-t-il un Canadien dans la salle ?
Utilisateur anonyme
14 avril 2008, 22:40   Re : Cosi for ever
Il me coûte, chère Aline, de ne pas être totalement de votre avis. Certes, vous avez raison en ce qui concerne le terme de "mode" pour désigner l'envahissement de la musique baroque qui semble avoir formaté les oreilles contemporaines au point de rendre peu audibles d'admirables versions plus symphoniques. Quant à Cosi, l'un de mes opéras favoris, j'aimerai que vous tentiez l'expérience d'écouter l'une des versions que je mentionnais plus haut dans ce fil. Quant à la version de Jacobs, je rejoins assez la critique suivante :

Citation

A sa sortie, cette version a suscité beaucoup d’enthousiasme et quelques grincements de dents. Force est de reconnaître qu’on ne peut rester indifférent devant l’interprétation de René Jacobs. La distribution, disons le tout de suite, est excellente avec notamment la noble Fiordiligi de Véronique Gens et l’Alfonso sournois de Pietro Spagnoli. Ce qui irrite dans cette version, c’est la brutalité presque constante avec laquelle Jacobs malmène son orchestre. En outre les sonorités rugueuses du Concerto Köln sont beaucoup trop mises en relief et donnent à l’ensemble un aspect bruyant malvenu. Pour les chanteurs seulement !

Pour une analyse critique de toutes les versions disponibles de Cosi :

[www.forumopera.com]
14 avril 2008, 22:55   Re : Cosi for ever
Cher Corto,
je précise bien dans mon message précédent que c'est Haendel et Monteverdi que j'aurais du mal à présent d'écouter en version "classique" et surtout en salle, où le son des instruments anciens me chavire.
Mais ayez toutes vos assurances, j'ai les Noces par Böhm, avec Fischer-Dieskau, (et celles par Muti 1987). Et j'ai le Cosi par Karajan avec Schwartzkopf (c'est le premier qu'on acquiert, non?).
15 avril 2008, 10:38   Re : Un maître poussif
» les compositions de Gould, d'accord, ouais, c'est vaguement (et passablement) intéressant, on va dire.

C'est vous, alors, qui avez tourné casaque ?
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 11:20   Re : Un maître poussif
Non, rassurez-vous, Bernard, je ne crois pas avoir changé d'avis en ce domaine ; je m'amusais seulement à placer ces adverbes que je lis souvent depuis quelque temps, et qui, vous me l'accorderez, ne signifient à peu près rien.

Je trouve toujours les compositions de Gould passionnantes, en cela qu'elles se situent radicalement ailleurs, dans le panorama de la musique contemporaine des années 60, et qu'elles sont en outre écrites avec un savoir harmonique qui fait bien souvent défaut aux compositeurs de cette époque.

Cependant, je ne crois pas vous avoir dit que je les préférais à son piano. Il faudrait quand-même un jour que vous reconsidériez votre position sur "l'interprétation baroque" de Bach, qui me semble, pardonnez-moi, bien "théorique", et un peu abstraite.
15 avril 2008, 18:36   Re : Un maître poussif
» Il faudrait quand-même un jour que vous reconsidériez votre position sur "l'interprétation baroque" de Bach, qui me semble, pardonnez-moi, bien "théorique", et un peu abstraite.

Je trouve, cher Boris, que ces épithètes, en l'occurrence, sont paradoxales. Car s'il y a une interprétation "théorique" et "abstraite" de Bach, c'est bien celle de Gould, il me semble, qui ne veut rien savoir de ce qui pourrait être une idée, fût-elle la mieux attestée, du style "baroque" (je pense, par exemple, aux ornements, qui sont bien décrits dans la littérature de l'époque, bien décrits aussi par un musicologue comme Geoffroy-Dechaume, et pour lesquels il n'y a pas beaucoup d'hésitation à avoir quant à leur style, même s'ils offrent beaucoup de latitude). Gould ne considère que la cohérence du style d'imitation, ce qui est sans doute une option parfaitement défendable, mais, simplement, ne me plaît pas. En revanche, je n'ai rien, à priori, par exemple, contre le Bach joué en jazz (mais je n'en connais pas de vraiment bon !) - Ce n'est donc pas, je crois, de la rigidité théorique de ma part.
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 18:54   Re : Un maître poussif
« Gould ne considère que la cohérence du style d'imitation, ce qui est sans doute une option parfaitement défendable, mais, simplement, ne me plaît pas. »

Pardon, mais je ne comprends pas cette phrase. Que signifie-t-elle ?

« Car s'il y a une interprétation "théorique" et "abstraite" de Bach, c'est bien celle de Gould, il me semble »

Ah, tiens ! En quoi est-elle théorique ? Abstraite ?
15 avril 2008, 19:22   Re : Un maître poussif
Pourriez-vous, s'il vous plaît, en dire plus sur ses compositions : lesquelles écouter et comment ?
15 avril 2008, 19:25   Re : Karajan
Je pense que le style « d'imitation » est un concept utilisé par les historiens de la musique, parlant de Bach, Vivaldi, etc., où les voix vont s'imitant l'une l'autre. Je trouve que c'est cet aspect, et ce seul aspect, que met en valeur Gould. Il en joue même beaucoup trop, car là où les musiciens "baroqueux" n'en font qu'un prétexte à de la belle musique, lui, Gould, montre qu'il a bien vu, ici et là, l'imitation de telle ou telle voix. Cela donne parfois des basses ou des mains gauches que je trouve parfois proprement effrayantes (voir justement, le générique de Répliques...)

C'est en quoi je trouve cette option d'interprétation "théorique", et "abstraite", car elle ne cherche pas la chair de la musique ; elle cherche seulement, si j'ose dire, à faire valoir la ligne, la répétition de la ligne mélodique, l'imitation, quoi... Vous voyez un peu ce que je veux dire ?
Utilisateur anonyme
15 avril 2008, 21:04   Re : L'accord parfait
Ouf ! Chère Aline, pas l'interstice d'une divergence entre nous. Oui, le Cosi par Karajan avec Schwartzkopf est le premier que l'on acquiert. Quant à Monteverdi et Haendel, certes, l'interprétation baroque leur sied parfaitement.
A propos, l'Opéra de Lausanne donne Jules César la semaine prochaine et Lausanne est bien plus proche de Bruxelles que Vienne....
15 avril 2008, 22:00   Re : Karajan
Waw ! Vous aurez Andréas Scholl !
Nous avons eu à la Monnaie en janvier la merveilleuse production amstellodamoise, dirigée par René Jacobs, mise en scène par les Herrmann. Le rôle de Cléopâtre était chanté par Danielle de Niese, ensorcelante (et dont la virtuosité autant que la hauteur des chaussures-bijoux nous ont donné le vertige).
Ce spectacle fut un grand bonheur à tous points de vue, les « affetti baroques » portés à leur plus haut point par une mise en scène raffinée, des éclairages malléables, alternant savamment les tonalités froides et chaudes, un travail chorégraphique associé à des espaces coulissants amenant chaque fois en contrepoint le protagoniste de la scène suivante, le tout sur une note tenue de Jacobs. Une merveille ! Pour amplifier la richesse de sa palette sonore, il a « tout simplement » doublé certains instruments.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 13:00   Re : L'accord parfait
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 13:39   Re : Karajan
Mais l'imitation est un procédé d'écriture, un style de composition, qui n'a qu'un rapport de seconde main avec l'interprétation, Bernard.

Mon Dieu, votre affirmation est tellement excessive que je ne sais trop quoi dire ! « Je trouve que c'est cet aspect, et ce seul aspect, que met en valeur Gould. » Si effectivement vous n'entendez que cela chez Gould le pianiste, alors je comprends qu'il ne vous plaise pas, car vous décrivez là un studieux élève de piano de sixième année !

Gould joue par prédilection la musique contrapuntique, par opposition à la musique "harmonique". Ce n'est pas un hasard s'il joue de cette manière.
Je suis d'ailleurs surpris de votre exemple (la première variation des Goldberg) puisqu'il s'agit précisément de la première des trois classes de variations, les "instrumentales", les variations dans lesquelles l'imitation tient un rôle négligeable. Ce qu'on entend parfaitement, en revanche, c'est le thème (à la basse), qui lui est de nature harmonique. (Par parenthèse, je trouve que Finkielkraut a choisi d'oreille de maître son indicatif, puisque tout, dans les Variations Goldberg, marche par trois, et qu'un vrai dialogue fait nécessairement place au tiers, qu'il fût ou non présent.)

Non, je n'en démords pas, Gould, ici, n'a rien, mais alors rien du tout d'un pianiste abstrait ! C'est tout le contraire ! Et spécialement dans cette version-là (1981) de ses quatre enregistrements des Goldberg. C'est vous qui êtes abstrait. Vous me parlez de Geoffroy-Dechaume, vous pourriez aussi bien m'en citez encore une demi-douzaine, mais ne vous est-il jamais arrivé de vous rendre compte que Gould fut l'un des tout premiers à ornementer d'une manière très baroque, précisément ?! Avant Geoffroy-Dechaume, j'aurais d'ailleurs commencé par citer Bach lui-même, qui note, sur je ne sais plus quelle partition, la manière dont il veut qu'on réalise ses ornements ! Gould a enregistré les Goldberg pour la première en 1954. Croyez-vous vraiment qu'en 1954, on trouvait beaucoup de pianistes qui faisait à peu près ce que Bach avait écrit ???

J'ai souvent discuté avec des baroqueux (je vous parle d'il y a de cela vingt ans) qui étaient, au contraire, très étonnés d'entendre que Gould les avait en quelque sorte devancés.
16 avril 2008, 13:55   Re : Karajan
Je suis heureux de voit que nous commençons à nous comprendre, même si nous entendons le mot "abstrait" quasiment dans deux sens opposés...

» l'imitation est un procédé d'écriture, un style de composition, qui n'a qu'un rapport de seconde main avec l'interprétation

Cela va de soi. Mais c'est ce que je vois Gould mettre en valeur avant tout.

» mais ne vous est-il jamais arrivé de vous rendre compte que Gould fut l'un des tout premiers à ornementer d'une manière très baroque, précisément ?!

Non, précisément, je ne m'en suis jamais rendu compte. Il faudrait que vous me montriez cela... Tout espoir n'est pas perdu...

» Croyez-vous vraiment qu'en 1954, on trouvait beaucoup de pianistes qui faisait à peu près ce que Bach avait écrit ???

Certainement pas ! D'ailleurs, il n'écrivait pas grand chose de tel, n'est-ce pas ? Justement parce que le style dans lequel sa musique devait être jouée allait de soi...

Pour me dédouaner des reproches que vous me faites, je vous signale que j'aime infiniment les interprétations de Walcha, qui est très très loin des baroqueux...
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 13:56   Enregistrer les Youtube
« Cher Bernard,
Comment fait-on pour mémoriser sur son disque dur un vidéo-clip avant que celui-ci disparaissse de Youtube ou Dailymotion? »

Pardon de me substituer au Colonel, mais votre question revient très souvent, autour de moi. Sur Mac, je sais comment faire, mais vous êtes sur PC, si je ne m'abuse, Rogemi. Cependant, il n'y a pas de raison, ça doit être possible aussi.
Utilisateur anonyme
16 avril 2008, 14:01   Re : Karajan
« Certainement pas ! D'ailleurs, il n'écrivait pas grand chose de tel, n'est-ce pas ? Justement parce que le style dans lequel sa musique devait être jouée allait de soi...  »

Vous êtes de mauvaise foi. Je viens de vous dire que, contrairement à ce que vous nous affirmez, et qui est un lieu commun qui a la vie dure, Bach a décrit précisément la manière dont il voulait qu'on ornemente. Ça ne compte pas ?

Les Geoffroy-Dechaume sont donc moins importants que Bach ?

« Pour me dédouaner des reproches que vous me faites, je vous signale que j'aime infiniment les interprétations de Walcha, qui est très très loin des baroqueux... »

Ça ne vous dédouane en rien, justement. Ce n'est pas une affaire de goût, ce dont je parle.

« « l'imitation est un procédé d'écriture, un style de composition, qui n'a qu'un rapport de seconde main avec l'interprétation »

Cela va de soi. Mais c'est ce que je vois Gould mettre en valeur avant tout.  » »

(C'est vous, Bernard, qui avez parlé d'imitation…) C'est ce que vous voulez voir ! Gould essaie (pardon, j'ai honte de parler comme ça !) de mettre en valeur, si tant qu'il essaie quoi que ce soit, la musique elle-même ! Bach écrit du contrepoint, que cela vous plaise ou non, il n'écrit pas de la mélodie accompagnée, il n'écrit pas de la musique homophonique, il n'écrit pas de la musique rococo. Gould fait entièrement confiance à Bach, et à mon humble avis (comme dirait Obi), il a raison.

Il est très révélateur, d'ailleurs, que vous parliez de ses mains gauches. On ne pense pas la musique contrapuntique, fût-on pianiste, ou claveciniste, ou organiste, en ces termes. Gould a, entre autre, la chance inouïe d'être absolument libre de sa technique.
Utilisateur anonyme
17 avril 2008, 14:06   Œuvres de Glenn Gould
Il existe plusieurs sortes d'œuvres gouldiennes.
Si l'on met à part ses écrits et ses films, on peut les diviser en deux grandes parties : les compositions traditionnelles, et les créations radiophoniques.

Je suppose que ce sont les compositions traditionnelles qui vous intéressent, Marcel.

Il a très peu écrit. Son œuvre la plus fameuse est son opus 1, un quatuor à cordes. Mais il existe aussi une sonate pour piano (inachevée), deux pièces pour piano, une sonate pour basson et piano, et, dans un registre plus humoristique, le quatuor vocal "So, you want to write a fugue ?" et le "Lieberson Madrigal".

Je me permets néanmoins d'insister sur ses trois célèbres pièces de radio : "The Idea of North" (dont vous pouvez écouter un extrait ici), "The Latecomers" et "The Quiet in the Land".
19 avril 2008, 20:27   Simple question
Serait-il possible que le fil intitulé Karajan soit "remonté" en première page ? Je le trouve personnellement passionnant et je crains que, s'enfonçant dans les profondeurs, il ne se tarisse alors qu'il a encore probablement des choses à dire...
Utilisateur anonyme
20 avril 2008, 09:51   Re : Fusion des fils- Interlude
Bon, si le site est irradié, que vais-je bien pouvoir faire de ma journée ? Promener dans la montagne ou lire près du feu, ou les deux ?

A titre d'interlude pendant cet incident technique, en codicille à ohne Ende d'Orimont, je vous propose un extrait du Journal du 30 janvier 1917 de Gustave Roud :
Citation

- mais je ne veux que mon silence, le même cercle de pensée dévorantes, mon pas toujours seul sur toute les routes et qu'un soir je meurs aboyé par les chiens du village, sans qu'on ait voulu répondre à mon seul bonsoir, et parce qu'il est mortel de faire de sa vie un immense miroir de toute vie et qu'on a horreur de l'homme sans biens, sans maison, qui le soir venu n'a pas de porte à refermer sur un strict bonheur mais s'efface sans hâte dans la Nuit éloignant des murs et des rues son visage impénétrable et ce qui est pire
- sans humilité
20 avril 2008, 10:17   Re : Karajan
Merci à qui de droit !
Citation
mais vous êtes sur PC, si je ne m'abuse, Rogemi. Cependant, il n'y a pas de raison, ça doit être possible aussi.
Bien sûr, cher Boris, et je suis douloureusement contraint de me coltiner depuis plus de 10 ans avec Windows qui est un système d'exploitation bourré de défauts.

Je réitére ma question: avec quel logiciel peut-on enregister des vidéo-clips en ligne sur youtube, dailymotion etc...
Utilisateur anonyme
20 avril 2008, 10:21   Re : Passe-droit
Ah bon, c'est le fil à la carte, pas un incident technique ?
Didier Goux bénéficie d'un coupe-file qui tient du passe-droit. Ah ! Ici aussi il y a la noblesse et la valetaille...
20 avril 2008, 10:32   Re : Karajan
Citation
Rogemi
avec quel logiciel peut-on enregister des vidéo-clips en ligne sur youtube, dailymotion etc...

Ce logiciel a l'air conçu pour.
Utilisateur anonyme
20 avril 2008, 11:26   Plus de 10 ans avec Windows !
On ne vend pas des Macintosh, en Allemagne ?
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