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Extrait du "Discours de Flaran"

Envoyé par Aline 
24 avril 2008, 17:11   Re : Zut, zut, zut!
Mon souvenir n’était tout de même pas précisément un couteau sans lame auquel il manquait un manche. Il n’y avait pas de coups rageusement tapés sur le sol, ni de flaque d’eau, c’est juste et en ce sens, la mémoire est infidèle. Mais il y avait de l’eau ( la mare de Montjouvain du côté de Méséglise et « certain » reflet sur l’eau), « des coups de canne et de parapluie donnés aux buissons » ; ce parapluie qui fut brandi tandis que le narrateur s’écriait : « Zut, zut, zut, zut » et qu’un paysan évitait de justesse de le recevoir en pleine figure.

«Zut, zut, zut, zut. Mais en même temps, je sentis que mon devoir eût été de ne pas m’en tenir à ces mots opaques et de tâcher de voir plus clair dans mon ravissement. »
Du côté de chez Swann », Combray, P153 Folio)

C’est le sens de cet épisode qui m’intéressait, l’instigation à mettre des mots, les mots les plus justes sur nos émotions. L’émotion brute ne nous apprenant rien de nous ni du monde qui nous entoure.
Proust explique dans les pages suivantes que le souvenir de cette impression devait jouer un rôle important dans sa vie et même être un « inspirateur » (du « Temps retrouvé »).
« C’est cet automne- là (…) que je fus frappé pour la première fois de ce désaccord entre nos impressions et leur expression habituelle. »
Grand merci cher Henri, je vais « ronger » tout à mon aise cette belle citation. Elle est arrivée pendant que je faisais ma « recherche » de flaque d’eau et de parapluie...
Utilisateur anonyme
24 avril 2008, 19:40   Les mots
Ah ! D'accord, je pensais que nous étions plus loin dans la pensée de Proust, désolé.
Il y a bien longtemps que j'ai réalisé que les idées sont possibles grâce aux mots. Peu de mots, peu d'idées, et peu d'expression, peu de liberté, peu de vie intellectuelle ! Cela a été une révélation pour moi, habitué, comme la plupart d'entre nous, à parler tout naturellement, sans me rendre compte de ce que signifiait cette apparente évidence. C''est une idée simple qu'il faut redire, il faut tout le temps tout recommencer.
Utilisateur anonyme
24 avril 2008, 22:08   Re : Concision
Citation

Il y a bien longtemps que j'ai réalisé que les idées sont possibles grâce aux mots. Peu de mots, peu d'idées, et peu d'expression, peu de liberté, peu de vie intellectuelle !

On ne saurait mieux dire, cher Obi Wan, et en si peu de mots !
"J'ai enfin trouvé Aline, dans votre dernière réponse à Marcel Meyer tout ce que j'espérais depuis le début de ce fil : votre pensée sur l'art moderne, claire, loyale et nuancée, et mieux, comment vous le vivez. Vous mesurerez, à mon agressivité, le malentendu, bien plus, le gouffre qui s'est installé entre le public, dont je suis, et l'art qui lui est, je le dis cette fois sans idée de provocation, puisque maintenant je vous comprends beaucoup mieux, administré. Je vous en remercie très sincèrement, et m'en vais placer ceci dans mon ordinateur à Art, sous-dossier "Pharmacie d'urgence". Merci aussi à Marcel Meyer qui vous posait mes questions comme un autre moi-même mais tellement mieux !

"Je m’évertue depuis le début à demander la différenciation entre les fumistes et les véritables artistes (différenciation qui n’est pas toujours évidente pour qui n’a pas suivi le cours de l’histoire de l’art moderne puis contemporain)"

Si nous pouvions travailler à cela, et faire en sorte que le public, le peuple, qui se doute qu'on se fout de lui, qu'on le snobe, ne s'éloigne plus encore de ses élites, à ce sujet aussi. Et quand on parle de perte des repères....
Nous savons tous très bien à quoi aboutit un tel divorce.
"


Che Obi Wan, une ultime intervention sur le sujet, pour vous remercier d’abord de votre dernier message dont j’ai apprécié l’amabilité. Permettez-moi cependant encore une précision, puisque vous prisez la nuance. Ni Yves Michaud, ni moi, ni personne ne détient la vérité en la matière et chacun doit se forger son propre jugement, se faire son propre regard (ce qui ne veut pas dire que tout vaut tout). D’autant plus que l’information est à la portée de chacun désormais. Je préfère dès lors la touche d’humour de la première partie de votre message à la gravité de la seconde ! Non que je n’aime pas la gravité mais, que le « peuple » soit « victime » d’une escroquerie, je n’en crois rien. La production « post-moderniste », - excusez-moi d’insister -, n’est pas faite que de foutaise, personne n’oblige personne à s’y intéresser et, de toute façon, ni vous ni moi n’avons mission d’évangéliser les masses.
Qu’elle désoriente, c’est certain puisque les modes d’évaluation ou d’intelligibilité ont changé au cours des dernières décennies. Et Marcel Meyer et JGL, sans nécessairement les approuver l’ont bien précisé. Qu’un autre mode de présence de l'oeuvre, de nouveaux paramètres définissant par exemple les relations matériaux/espace/temps aient été pris en compte, de même que la linguistique et la philosophie nous obligent à modifier notre perception, à reconsidérer nos réflexes et nos références. Et pour être tout-à-fait claire, si mes faveurs vont aux peintres, aux matiéristes, aux contemporains plutôt qu’aux postmodernes, je ne suis pas pour autant insensible à toutes les propositions actuelles, Dieu m’en garde ! Je sais m’émouvoir devant la poésie des « machineries » raffinées d’une Rebecca Horn, ou celle, plus rude, d’un Penone. (Et je vous conseille éventuellement d’aller y voir de plus près), ou d’un Boltanski (mais ils ne sont pas les plus "pointus", d'accord). Il est de nombreuses installations qui me comblent et des vidéos qui me troublent sincèrement. Je pourrais vous dresser un « catalogue » ( !) mais son utilité serait nulle. Mes collègues praticiens-professeurs, acquis à d’autres pratiques qui, tout étayées qu’elles sont d’une solide formation de dessinateurs n’en touchent pas moins pour certaines à la « performance » ou au « work in progress » (pardon, je ne vois pas de traduction plausible »). Et, c’est sûr, et sans que nous soyons en désaccord sur le fond des choses, ils ne vous tiendraient pas exactement le même discours que moi ; et ces discours n’en détiennent pas moins une autre facette de vérité qui donne, j’ose l’espérer une richesse à notre enseignement en le préservant de tout dogme. C’est parce que le sujet semble vous intéresser que je me suis permis de reprendre la parole et d’expliciter- au risque de lasser - ces choses qui m’importent.
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 11:11   Re : Extrait du "Discours de Flaran"
Il doit y avoir de bonnes ou très bonnes choses dans ces genres d'arts modernes et contemporains, le contraire serait illogique, puisque chaque genre et sous-genres divers de l'art ont leurs génies particuliers qui en incarnent la quintessence, une force unique (par exemple dans le désordre et comme ça me vient : Chuck Berry, Marlon Brando, Marc Aryan, même pour un interprète, comme Serge Regiani etc.) Désormais ce qui viendra après eux ne sera qu'imitation, plagiat, resucée, inintéressante approximation. Je suis d'un éclectisme assez rare figurez-vous, et ne demande pas mieux d'apprendre. Peut-être nous signaleriez-vous, à l'occasion sur ce site, quelques exemples intéressants à l'aide d'une photo,ou d'un lien ?

J'aurais encore voulu vous demander quelques explications concernant votre phrase : "je m’évertue depuis le début à demander la différenciation entre les fumistes et les véritables artistes (différenciation qui n’est pas toujours évidente pour qui n’a pas suivi le cours de l’histoire de l’art moderne puis contemporain)"
- A qui voudriez-vous demander la différenciation ?
- Comment établir, dans la pratique, cette différenciation ?

En attendant, une variante moderne de


ö ma mie ton Amour me grandit
Cher Obi Wan, pourquoi ne pas vous inscrire comme étudiant dans mon école (mais pas avec les Rolling machins dans votre MP3 hein!) ? Il nous faut juste quelques années mes collègues et moi pour tenter d’expliquer tout cela !
(Mais prenez garde à vous ! La semaine dernière, j’ai tiré sur la queue de cheval d’un de mes étudiants occupé à peindre (nonchalamment, trop nonchalamment…)
((N’en dites rien à Corto !))
(((Et surtout, surtout, rien à Renaud Camus !))).
Utilisateur anonyme
28 avril 2008, 18:20   Re : Extrait du "Discours de Flaran"
En matière de tirage par les cheveux il faut vous pardonner, car vous avez sûrement affaire à de futurs artistes dans le genre chère Aline ! Je recevrai donc vos leçons à distance respectueuse et la première, sur cette salle de mariage dégoulinante de bon goût, m'a déjà plu énormément ! En route donc pour de nouvelles aventures !
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