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Tibet : que cherche-t-on exactement ?

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
A la lecture de diverses dépêches, il semblerait que nos relations avec la Chine se dégradent à grande vitesse.

Je ne comprends vraiment pas ce que nous cherchons : pour la Chine, c'est maintenant une question de "face" et, communistes ou non, ils ne peuvent plus reculer.

De mon point de vue, les actions du style de celle du maire de Paris sont de véritables provocations, et tout cela va conduire :

- à de réels ennuis pour la France (économiques mais aussi politiques, la Chine va se faire un plaisir de nous rendre la pareille dans des organismes internationnaux où le consensus est de rigueur) ;

- à un durcissement inévitable au Tibet et à l'intérieur.


Je ne suis pas un grand spécialiste de l'extrême-orient, mais j'ai cru, à diverses reprises et par diverses lectures, discerner que cette notion de "face" est absolument indispensable. Il me semble avoir lu, dans "le sabre et le chrysanthème" je crois, que blesser physiquement était excusable mais faire perdre la face, non.

En lançant une campagne médiatique à tout crin, en étalant des images, on a un effet contre-productif : les Chinois se sentent agressés et font bloc.

A mon sens, une campagne discrète, sur le thème du donnant-donnant, aurait été bien préférable : on peut penser ce qu'on veut du Gouvernement de Pékin, mais on doit considérer que, du point de vue des droits civils, il y a eu des changements depuis la révolution culturelle.


Je pose donc une question : à quel point MM. Delanoë, Ménard et consorts vont-ils aller ?



Les opinions des orientalistes sont les bienvenues.
"Je pose donc une question : à quel point MM. Delanoë, Ménard et consorts vont-ils aller ? "

C'est aux autorités chinoise qu'il faudrait poser la question, elles qui orchestrent les réactions des "masses en colère": à elles de dire jusqu'où elles comptent aller. Ces J.O. s'annoncent comme un fiasco pour ce pays, qui n'est prêt ni dans ses infrastractures, ni "dans sa tête", pour le dire vite. Les Chinois le pressentent et, anticipant le fiasco, se sont donnés un bouc émissaire en prévention du désastre: la France.

Se faire le champion de l'anti-Chine est gênant dans l'immédiat mais peut être très payant à plus long terme. Le monde entier "subit" ce pays, qui inonde cent nations de produits qui violent les normes de sécurité, y compris des produits alimentaires, tue les industries nationales par la délocalisation et la concurrence des salaires, pille les brevets, défait de la main gauche les contrats qu'il a signé de la main droite, s'asseoit sur ses engagements, fait ami-ami avec des dictatures militaires et islamistes, pille l'Afrique de ses ressources naturelles tout en se faisant encore plaindre dans les instances internationales comme pays pauvre-et-anciennement-opprimé, pratique la torture des opposants et ne donne rien gratuit à personne tout en étant assis sur des montagnes d'or , se refusant à tout rôle de bailleur de fonds dans les institutions internationale. Son jeu ne va bientôt plus berner personne, et si la France est la première à lui tenir tête, même par maladresse ou incurie, ce peut être un "blessing in disguise" (un bienfait caché).
22 avril 2008, 15:44   Singe et poulet
Bien cher Francis,


Je reviens à votre parabole des singes et du poulet. Ne pensez-vous pas que la Chine pourrait être tentée de nous voir jouer ce rôle aviaire ?

Par ailleurs, pensez-vous que la méthode retenue (c'est à dire celle de la manifestation médiatique) soit la plus adaptée ?


Enfin, dernière question, quel est le sentiment japonais sur toute cette affaire ? j'imagine que, comme les Chinois leur reprochent sans cesse le Sac de Nankin, ils doivent avoir un point de vue...

Voici la dépêche AFP en provenance de Tokyo ce jour :

TOKYO - Japan will allow pro-Tibet protests when the Olympic torch arrives this weekend, marking a change from recent legs of the relay, but will limit the rallies’ size, officials and activists said today.



Demonstrators plan a ceremony at a famed Buddhist temple, which backed out of plans to be the starting point for Saturday’s relay, to mourn victims of China’s recent crackdown in Tibet.


"Protesting doesn’t pose any particular problem," Japanese Foreign Minister Masahiko Komura told reporters.


He warned, however, that police would intervene if violence broke out at the relay in Nagano, a central mountain town that hosted the 1998 Winter Olympics.


Akemi Takahashi, a member of Students for a Free Tibet Japan, said Nagano police had told the group that it would only allow rallies of "around five people" near the torch.


Police told demonstrators that areas near the relay route "will be occupied by activities of the IOC" (International Olympic Committee), she told AFP. "We have the right to make big demonstrations, but not close to the relay route," she said.


Kyodo News, quoting local officials, said that hotels in Nagano have also been asked to keep a close eye on the identification of foreign guests.


The latest relay legs have been run amid high security following chaotic protest scenes in Western cities, particularly London and Paris.


On the torch’s Asian journey, Indonesian police on today broke up a peaceful rally by pro-Tibet demonstrators in Jakarta.


A day earlier, police in Kuala Lumpur said they detained a Japanese family waving Tibetan flags at the relay who had been hit by Chinese nationals with plastic batons.


High-profile protestor Robert Menard, head of Paris-based Reporters Without Borders, is planning to come to Japan to hold a rally.


Menard and two others disrupted the flame-lighting ceremony in Greece by unfurling a banner with Olympic rings replaced by handcuffs, setting the stage for demonstrations throughout the torch relay.


Justice Minister Yukio Hatoyama denied reports that Japan was considering barring Menard from entering the country. "If he had received a criminal sentence, it would be a different story, but as of now there are no grounds to discuss denying him entry," Hatoyama told reporters.


Japan has been trying to repair ties with China, which are uneasy due in part to memories of Japanese aggression. Chinese President Hu Jintao is due to pay a rare visit to Tokyo from May 6.


The Japan Buddhist Federation, the nation’s largest Buddhist body, gave a letter to Prime Minister Yasuo Fukuda on Tuesday calling for a swift resolution to problems in Tibet, which last month saw the biggest protests in nearly two decades against China’s controversial rule.


"We, Japanese Buddhist monks, feel deep sorrow over the serious situation in which clashes in (Tibet capital) Lhasa and its vicinity have caused many casualties," Daijo Toyohara, head of the association, said in the letter.


"I would like you to make efforts to reach a humanitarian resolution as soon as possible through peaceful dialogue without the use of force," he said.


Buddhist monks said yesterday that they would hold a ceremony of mourning for Tibetans on Saturday at the seventh-century Zenkoji temple, which backed out of being the starting point for the relay.
Utilisateur anonyme
22 avril 2008, 16:09   La Chine et Gracian.
"cette notion de "face".

Voici quelques recommandations bien utiles pour celui qui, en Chine, désirerait de s'essayer à cet art du langage qu'est la négotiation : parler à demi-mot, faire bonne figure, éviter ce qui est contraire aux bienséances, dépasser les divergences - bref, respecter la face d'autrui (équilibre délicat entre le silence, porteur de trop d'ambiguïté, et la prolixité, lassante et dangereuse). Ainsi cette manière de s'exprimer est tenue pour supérieure au parler vulgaire, trop attaché à expliciter, et n'est possible qu'entre personnes appartenant à une même culture (ou de même "niveau culturel"), partageant des valeurs et des usages communs.
Comme par enchantement (enfin presque) la culture chinoise rejoint ici le sage conseil de B. Gracian, conseil selon lequel il faut "une retenue délicate, à ne dire que ce qui suffit précisément pour être entendu par un esprit délié".
M. Girard, adjoint au maire de Paris, s'est abstenu lors du vote tendant à conférer au dalaï-lama la qualité de citoyen honoraire de la ville de Paris.

M. Girard a confié au "Journal du Dimanche" que le dalaï-lama était "particulièrement réactionnaire".
"Le dalaï-lama est à mes yeux, comme Benoît XVI, particulièrement réactionnaire. Ce sont des hommes avec des règles et des principes, des dogmes, voire des doctrines. D'où leur rigidité envers des sujets tels que la contraception et l'homoparentalité."
22 avril 2008, 17:16   Panthéon ante-mortem
La ville de Paris a pris l'habitude de déclarer citoyens d'honneur un certain nombre de personnes qui présentent la double caractéristique :

- d'être politiquement correctes ;

- d'appartenir à un pays avec lequel la France a tout intérêt d'avoir de bonnes relations.

Nous avons déjà eu droit à M. Mumia Abou Jamal.

Voici ce que dit le site de la ville de Paris :

Ce prisonnier politique américain, ancien journaliste, a été condamné à mort en 1982. En 2008, sa condamnation à mort a été commuée en réclusion criminelle à perpétuité. En le soutenant, Paris tient à rappeler son combat contre la peine de mort.

On notera que le "prisonnier politique" avait été ramassé sur un trottoir, blessé, près du corps du policier Faulkner, mort. Le "prisonnier politique" avait déclaré aux personnes qui le conduisaient à l'hôpital : ""I shot the mother fucker, and I hope the mother fucker dies."[
Utilisateur anonyme
22 avril 2008, 20:22   Re : Abstention de Christophe Girard
Il faudrait sûrement avoir mauvais esprit pour supposer que le fait que Christophe Girard soit aussi directeur de stratégie du groupe LVMH (qui possède une vingtaine de boutiques de luxe en Chine) puisse avoir un quelconque rapport avec cette prise de position.
« Se faire le champion de l'anti-Chine est gênant dans l'immédiat mais peut être très payant à plus long terme. »

Voilà la voix de la sagesse.
L'ennui est que c'est un autre président qui en profiterait... Ainsi va la démocratie médiatique moderne.

Il paraît que les Chinois sont en train de raser les forêts de Madagascar...
Utilisateur anonyme
22 avril 2008, 20:47   Re : Tibet : que cherche-t-on exactement ?
Quelques slogans relevés sur les pancartes que brandissaient les participants aux récentes manifestations anti-françaises en Chine : "France =Nazie", "Napoléon=Pervers", "Jeanne d'Arc=Prostituée", "Free Corsica"...
22 avril 2008, 21:13   Désaccord
Bien cher Francis,


Je me permets de persister dans un de nos rares points de désaccord.

Il est effectivement évident que les manifestations en cause sont téléguidées, mais j'ai bien peur qu'on entre dans le cercle infernal de la provocation.

Que les Chinois aient des torts au Tibet, je n'en doute pas. Qu'on doive revenir à la situation d'avant 1951 ne me paraît pas non plus concevable.


Ce que vous dites, dans votre message, m'ébranle. J'étais au Japon lors de l'affaire des raviolis frelatés (je pense que vous voyez ce que je veux dire, et je pense que vous faites allusion à cela). Ce qui est en cause, ce n'est pas tant la politique de la Chine au Tibet que la politique de la Chine en général.

Sur ce point, mon analyse diffère de la vôtre.

Je me permets un parallèle que vous jugerez peut-être audacieux : la Chine est un peu dans la situation du Japon des années 30, lancé dans une fuite en avant, avec le point commun de l'absence de matières premières en quantité suffisante (pour vous démontrer ma noirceur, je pense même que les Américains avaient très bien compris cela, et poussèrent le Japon à la faute).

A mon avis, la Chine va avoir tôt ou tard des problèmes de surchauffe, et va se trouver confrontée à de vastes difficultés sociales. Ce sera le moment de se manifester.

Pour l'instant, tout ce que je vois comme résultat concret dans toute cette agitation, c'est que les Chinois semblent se ressouder autour de cette affaire (je regarde un certain nombre de blogs et de forums, même les Chinois des Etats-Unis s'y mettent !).
Noir vous l'êtes en un sens, mais moins cependant que ceux qui vont jusqu'à penser que les Etats-Unis attisent les violences au Tibet par Dalaï Lama interposé, font "mousser" les médias internationaux sur ce dossier et "mouillent" les Français qui devront "essuyer" les tirs hostiles de la rhétorique chinoise, dommageables pour les intérêts français en Chine.

Si je pouvais conseiller une lecture en ces temps, comment dire, typiques et ordinaires: "L'oeil du Consul", journal du Consul de France Auguste François au Yunnan durant les années qui ont encadré la Révolte des boxers (1896-1904), paru en 1989 et édité par le Musée Guimet. Un téléfilm a été tiré de ce journal, avec des images d'époque prises par Auguste François. Tout ce à quoi l'on assiste aujourd'hui, Auguste François le décrit, le détaille, l'explique et qui plus est, montre comment il convient de se comporter quand se déchaîne la tempête des masses chinoises manipulées.
[www.livres-chapitre.com]

Je ne saurais mieux vous dire: les mémoires d'Auguste François vous éclaireront davantage sur les événements que nous vivons que toutes les
analyses produites aujourd'hui par les "experts" sur la Chine.

Un autre ouvrage a été tiré de ces documents: "Le Mandarin blanc".

Concernant les produits chinois: le Japon, la ménagère japonaise, boycotte activement les produits "made in China", tant qu'elle le peut, sans qu'il ait été nécessaire de mener une campagne pour cela.
23 avril 2008, 17:16   Gyoza maudit
Méfiez-vous des gyoza !


Le consul en cause est indisponible, mais j'ai laissé une alerte.


A propos de la Chine, que pensez-vous des aventures du juge Ti ? je les ai longtemps boudées, avant d'apprendre par un ami amoureux de la Chine que van Gullik était en fait quelqu'un de très féru d'extrême-orient, un diplomate qui avait essayé de reprendre la trame du roman policier chinois traditionnel.
Utilisateur anonyme
23 avril 2008, 17:55   Consul
Cher jmarc

J'ai vu un exemplaire de ce livre, mis en vente par un particulier, sur le site priceminister.
Non Alexis, vous n'avez pas pas mauvais esprit, vous avez l'esprit juste et pénétrant, plus que vous ne le soupçonnez vous-même.
23 avril 2008, 18:17   Re : Gyoza maudit
Van Gulik est l'auteur de "La Vie sexuelle dans la Chine ancienne", que vous avez peut-être lu. Le titre un peu racoleur cache une excellente étude sur les moeurs dans les classes aisées. Oui, le juge Ti, publié en 10/18 à l'époque. Je ne suis pas particulièrement amateur. A noter qu'un excellent auteur (chroniqueur et humoriste très connu à Hong Kong), Nuri Vittachi, originaire du Sri Lanka, a repris la recette, à mon sens avec plus de bonheur que Van Gulik. Ses livres ont été traduits en français.
Utilisateur anonyme
23 avril 2008, 21:15   Van Gulik is too much... ?
"Van Gulik est l'auteur de "La Vie sexuelle dans la Chine ancienne", que vous avez peut-être lu. Le titre un peu racoleur cache une excellente étude sur les moeurs dans les classes aisées"

Dear Francis saviez-vous que F. Jullien aurait tendance, lui, à minorer l'importance de cet ouvrage, ouvrage qui selon lui présenterait le tableau d'une Chine très/trop idéalisée (pour ne pas dire fantasmée par l'Occident).
Il faudrait que je retrouve cela...
Oui, je sais. F. Jullien n'a sans doute pas tout à fait tort sur ce point. Van Gulik romance beaucoup. J'ai lu cet ouvrage il y a trente ans (déjà!) avec de grands yeux naïfs et neufs sur la Chine. Il me semble quand même que les tableaux de la société des Song du Sud que propose Van Gulik étaient documentés et ne manquent pas de cohérence et d'un certain "effet de vérité" (je me souviens notamment de cette remarque sur les maisons de thé dont l'atmosphère de raffinement dispensait leurs hôtes d'y entretenir un pur commerce sexuel - que l'émoustillage est le seul vrai commerce galant recherché, que, loin de toute considération morale au sens où on l'entend aujourd'hui en Occident, l'orgie sensuelle et la catharsis qu'elle procure, au fond, ne sauraient pratiquement, constituer un passe-temps d'homme civilisé - l'émoustillage nourrit les forces vitales, la licence les épuise; cette morale serait une éthique vitaliste).
Utilisateur anonyme
24 avril 2008, 08:23   Joli mot.
"l'émoustillage est le seul vrai commerce galant recherché"

Emoustillage ?- oui, c'est bien là le terme qui convient.
Une mise au point amère mais solide, me semble-t-il.
Superbe article, en effet.

« Au lendemain de la Révolution culturelle, seuls 12 des 6 259 lieux de culte du bouddhisme tibétain avaient été épargnés. »

(Je pense à l'islam en Inde... des milliers de tempes détruits, de la religion la plus tolérante du monde...)

J'extrais ceci encore :

« Les Français n’étant pas les seuls dans le monde à manifester en faveur du Tibet, j’ai demandé à qui de droit pourquoi les Chinois s’en prenaient surtout aux intérêts français. Voici la réponse qui m’a été donnée : « La direction chinoise est pragmatique. Sachant que la France est un pays faible, à la gouvernance incertaine, les Chinois s’en sont pris au faible. C’est plus facile que de s’en prendre aux forts. »
Alors que faire ? Envoyer à Pékin une délégation de haut niveau pour demander pardon à l’empereur ! Bref, tout cela, c’est ce qu’on appelle une politique de Gribouille…

Christian Lambert
Ancien Ambassadeur »
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