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Gouguenheim au Mont Saint-Adolf

Envoyé par Michel Le Floch 
Je trouvais l'enthousiasme de Cassandre pour le livre de Sylvain Gouguenheim suspect. Eh bien voilà ! Grâce à la vigilance du Monde et de deux grands universitaires nous savons maintenant que l'auteur d'Aristote au Mont Saint-Michel est louche. Très louche même avec des fréquentations franchement malsaines. Bref ce mec est un quasi-FACHISTE, partisan de la guerre des civilisations. Peut-être même est-il un stigmatiseur de burqa.
Il faut remercier Le Monde car c'est comme cela qu'on l'aime.
VI-GI-LANT.

Une démonstration suspecte
LE MONDE DES LIVRES | 24.04.08 |

Armé d'une solide réputation de sérieux (acquise par ses travaux sur la mystique rhénane), fort également d'une position institutionnelle prestigieuse, Sylvain Gouguenheim entend réviser une idée largement reçue et même redresser une véritable injustice de l'histoire : l'Europe chrétienne du Moyen Age n'a pas reçu l'héritage grec, passivement, des Arabes ; elle a toujours conservé la conscience de sa filiation grecque ; mieux, elle s'est réapproprié, de sa propre initiative, ce legs qui lui revenait de droit, accueillant les savants grecs fuyant l'islam, entreprenant de retrouver la lettre des textes grecs en les traduisant directement en latin. C'est la gloire oubliée de Jacques de Venise et de l'abbaye du Mont-Saint-Michel.


Si l'on suit Sylvain Gouguenheim, la civilisation islamique se serait avérée incapable d'assimiler l'héritage grec ou d'accepter Aristote, faute de pouvoir accéder aux textes sans les traductions des chrétiens d'Orient, faute de pouvoir subordonner la révélation à la raison (ce qu'au passage personne ne put faire en Europe avant le XVIIIe siècle). Il devient dès lors possible de rétablir la véritable hiérarchie des civilisations, ce que fait Sylvain Gouguenheim en prenant comme mètre étalon leur degré d'hellénisation. A sa droite, l'Europe, dont la quête désintéressée du savoir et la modernité politique plongent leurs racines dans ses origines grecques et son histoire chrétienne. A sa gauche, l'islam, quatorze siècles de civilisation qu'il convient de ramener à ses fondations religieuses sorties nues du désert, à son littéralisme obsessionnel, à son juridisme étroit, à son obscurantisme, son fatalisme, son fanatisme.

Dans son éloge de la passion grecque de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim surévalue le rôle du monde byzantin, faisant de chaque "Grec" un "savant", de chaque chrétien venu d'Orient un passeur culturel. On sait pourtant que dans les sciences du quadrivium, en mathématiques et en astronomie surtout, la production savante du monde islamique est, entre le IXe et le XIIIe siècle, infiniment plus importante que celle du monde byzantin. Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation. Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat.

On ne peut nier la diversité ethnique et confessionnelle de la civilisation islamique sans méconnaître son histoire. Dans sa révision de l'histoire intellectuelle de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim passe pratiquement sous silence le rôle joué par la péninsule Ibérique, où on a traduit de l'arabe au latin les principaux textes mathématiques, astronomiques et astrologiques dont la réception allait préparer en Europe la révolution scientifique moderne.

D'Aristote, Sylvain Gouguenheim semble ignorer que la pensée scolastique du XIIIe siècle a moins retenu la lettre des textes que le commentaire qu'on en avait déjà fait, comme celui d'Averroès, conceptualisant les contradictions entre la foi et une pensée scientifique qui ignore la création du monde et l'immortalité de l'âme. Alain de Libera l'a montré, c'est moins l'aristotélisme qui gagne alors l'université de Paris que l'averroïsme : le texte reçu par et pour son commentaire.

Le livre aurait pu s'arrêter là et n'aurait guère mérité l'attention, tant il nie obstinément ce qu'un siècle et demi de recherche a patiemment établi. Mais Sylvain Gouguenheim entreprend également de mettre sa démonstration au coeur d'une nouvelle grammaire des civilisations, où la langue et les structures mentales qu'elle porte jouent un rôle déterminant. La langue, dont la valeur ontologique expliquerait l'inanité des traductions d'un système linguistique à un autre, d'une langue indo-européenne (le grec) à une langue sémitique (l'arabe) et retour (le latin). La langue, à la recherche de laquelle Sylvain Gouguenheim réduit la longue quête de savoir des chrétiens de l'Occident médiéval, quand Peter Brown montre à l'inverse comment le christianisme a emprunté les chemins universels de la multitude des idiomes. La langue, à laquelle Gouguenheim ramène le génie de l'islam, qui n'aurait jamais échappé aux rets des sourates du Coran.

L'esprit scientifique, la spéculation intellectuelle, la pensée juridique, la création artistique d'un monde qui a représenté jusqu'à un quart de l'humanité auraient, depuis toujours, été pétrifiés par la Parole révélée. Le réquisitoire dressé par Sylvain Gouguenheim sort alors des chemins de l'historien, pour se perdre dans les ornières d'un propos dicté par la peur et l'esprit de repli.

Dans ces troubles parages, l'auteur n'est pas seul. D'autres l'ont précédé, sur lesquels il s'appuie volontiers. Ainsi René Marchand est-il régulièrement cité, après avoir été remercié au seuil de l'ouvrage pour ses "relectures attentives" et ses "suggestions". Son livre, Mahomet. Contre-enquête, figure dans la bibliographie. Un ouvrage dont le sous-titre est : "Un despote contemporain, une biographie officielle truquée, quatorze siècles de désinformation". Or René Marchand a été plébiscité par le site Internet de l'association Occidentalis, auquel il a accordé un entretien et qui vante les mérites de son ouvrage. Un site dont "l'islamovigilance" veille à ce que "la France ne devienne jamais une terre d'islam". Qui affirme sans ambages qu'avant la fin du siècle, les musulmans seront majoritaires dans notre pays. Qui appelle ses visiteurs à combattre non le fondamentalisme islamique, mais bel et bien l'islam. Qui propose à qui veut les lire, depuis longtemps déjà, des passages entiers de l'Aristote au Mont Saint-Michel.

Les fréquentations intellectuelles de Sylvain Gouguenheim sont pour le moins douteuses. Elles n'ont pas leur place dans un ouvrage prétendument sérieux, dans les collections d'une grande maison d'édition.


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Gabriel Martinez-Gros, Professeur d'histoire médiévale à l'université Paris-VIII

Julien Loiseau, Maître de conférences en histoire médiévale à l'université Montpellier-III




Gabriel Martinez-Gros Julien Loiseau
Article paru dans l'édition du 25.04.08
Et il répond en plus !

"On me prête des intentions que je n'ai pas"
LE MONDE DES LIVRES | 24.04.08 |
Sylvain Gouguenheim, comment réagissez-vous à la polémique suscitée par votre livre ?

Je suis bouleversé par la virulence et la nature de ces attaques. On me prête des intentions que je n'ai pas. Pour écrire ce livre, j'ai utilisé des dizaines d'articles de spécialistes très divers. Mon enquête porte sur un point précis : les différents canaux par lesquels le savoir grec a été conservé et retrouvé par les gens du Moyen Age. Je ne nie pas du tout l'existence de la transmission arabe, mais je souligne à côté d'elle l'existence d'une filière directe de traductions du grec au latin, dont le Mont-Saint-Michel a été le centre au début du XIIe siècle, grâce à Jacques de Venise. Je ne nie pas non plus la reprise dans le monde arabo-musulman de nombreux éléments de la culture ou du savoir grecs. J'explique simplement qu'il n'y a sans doute pas eu d'influence d'Aristote et de sa pensée dans les secteurs précis de la politique et du droit ; du moins du VIIIe au XIIe siècles. Ce n'est en aucun cas une critique de la civilisation arabo-musulmane. Du reste, je ne crois pas à la thèse du choc des civilisations : je dis seulement - ce qui n'a rien à voir - qu'au Moyen Age, les influences réciproques étaient difficiles pour de multiples raisons, et que nous n'avons pas pour cette époque de traces de dialogues telles qu'il en existe de nos jours.



Certains s'étonnent de vous voir citer et remercier René Marchand, auteur de pamphlets contre l'islam.

M. Marchand fait partie des gens qui ont attiré mon attention sur les problèmes de traduction entre l'arabe et le grec et sur les structures propres à la langue arabe. Voilà pourquoi je le remercie, parmi d'autres. Je l'ai cité en bibliographie car je me dois d'indiquer tous les articles et tous les livres que j'ai consultés. Cela ne fait pas de chaque volume cité un ouvrage de référence. Je m'étonne qu'on s'attarde sur ce point, alors que j'utilise de nombreux livres remarquables, dont ceux de Dominique Urvoy, de Geneviève Balty-Guesdon, ou d'autres spécialistes.


Comment expliquer que plusieurs mois avant sa parution, des extraits de votre livre se soient retrouvés sur un site d'extrême droite ?

J'ai donné depuis cinq ans - époque où j'ai "découvert" Jacques de Venise - des extraits de mon livre à de multiples personnes. Je suis totalement ignorant de ce que les unes et les autres ont pu ensuite en faire. Je suis choqué qu'on fasse de moi un homme d'extrême droite alors que j'appartiens à une famille de résistants : depuis l'enfance, je n'ai pas cessé d'être fidèle à leurs valeurs.



Propos recueillis par Jean Birnbaum
Utilisateur anonyme
25 avril 2008, 11:25   Nuance
"Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation. Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat."

Ah ! ça c'est vraiment malin !
25 avril 2008, 11:40   Corbeaux
Seigneur, quand froide est la prairie...

Polémique sur les "racines" de l'Europe
LE MONDE DES LIVRES | 24.04.08 | 17h59 • Mis à jour le 24.04.08 | 18h05


Dans son édition du 4 avril, sous le titre "Et si l'Europe ne devait pas ses savoirs à l'islam ?", "Le Monde des livres" publiait le compte rendu d'un ouvrage de Sylvain Gouguenheim, professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon. Intitulé Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne, le livre venait de paraître aux éditions du Seuil dans la prestigieuse collection "L'Univers historique".


Cet article a suscité une vive émotion dans une partie de la communauté universitaire. Ainsi, quarante historiens et philosophes des sciences, emmenés par Hélène Bellosta (CNRS), nous ont fait parvenir un texte intitulé "Prendre de vieilles lunes pour des étoiles nouvelles, ou comment refaire aujourd'hui l'histoire des savoirs", dans lequel ils expriment leur "surprise". S'élevant contre les thèses de Sylvain Gouguenheim, qu'ils assimilent aux "propos d'un idéologue", ils écrivent : "Il n'est aucun philosophe ou historien des sciences sérieux pour affirmer que "l'Europe doit ses savoirs à l'islam" ; la science en tant que telle se développe selon ses voies propres et ne doit pas plus à l'islam qu'au christianisme, au judaïsme ou à toute autre religion. En revanche, l'idée que l'Europe ne doit rien au monde arabe (ou arabo-islamique) et que la science moderne est héritière directe et unique de la science et de la philosophie grecques n'est pas nouvelle. Elle constitue même le lieu commun de la majorité des penseurs du XIXe siècle et du début du XXe siècle, tant philosophes qu'historiens des sciences, dont le compte rendu du Monde reprend tous les poncifs."

De même, le médiéviste Alain de Libera, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études, par ailleurs directeur de collection au Seuil, fustige "un plaisant exercice d'histoire fiction", digne des "amateurs de croisades", et propre à déclencher la "mobilisation huntingtonienne" du choc des civilisations.

"Encore un pas et l'on verra fanatiques religieux et retraités pavillonnaires s'accorder sur le fait que, après tout, l'Europe chrétienne, qui bientôt n'aura plus de pétrole, a toujours eu les idées...", ironise-t-il. "Je croyais naïvement qu'en échangeant informations, récits, témoignages, analyses et mises au point critiques, nous, femmes et hommes de sciences, d'arts ou de savoirs (...), nous, citoyens du monde, étions enfin prêts à revendiquer pour tous, comme jadis Farabi pour les Arabes, le "grand héritage humain". C'était oublier l'Europe aux anciens parapets. (...). Cette Europe-là n'est pas la mienne", écrit encore Alain de Libera. Une position partagée par les historiens Gabriel Martinez-Gros et Julien Loiseau, dont nous avons publions la tribune, et qui résument à leur manière la plupart des arguments utilisés par leurs collègues.

Nous donnons également la parole à Sylvain Gouguenheim. Quant aux éditions du Seuil, enfin, elles manifestent leur perplexité : " Je ne comprends pas très bien toute cette agitation, affirme Monique Labrune, responsable des sciences humaines. De notre côté, nous n'avons que des échos positifs sur ce livre. C'est un peu étrange. Je voudrais être sûre qu'il n'y a pas autre chose que le livre derrière tout cela. J'aimerais avoir toutes les clefs..."

Jean Birnbaum
Article paru dans l'édition du 25.04.08
Fallait s'y attendre...
Ce qui ne laisse pas beaucoup d'espoir pour la qualité intellectuelle de ce qu'on appelle « la communauté universitaire », du moins en Europe... Un Gouguenheim en fait encore partie, mais pour combien de temps ? Décidément, l'élite est à chercher ailleurs...
J'oubliais : merci à Petit-Détour.
Je vous en prie mon cher Lombart.

[...] (ce qu'au passage personne ne put faire en Europe avant le XVIIIe siècle).
Et puis les Vigies sont brillantes. Et dire que nous pensions que Locke, Leibniz, Descartes, Pascal étaient européens...
Le fait qu'Alain de Libera, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études, par ailleurs directeur de collection au Seuil, fustige "un plaisant exercice d'histoire fiction", digne des "amateurs de croisades", et propre à déclencher la "mobilisation huntingtonienne" du choc des civilisations n'est pas très étonnant : Sylvain Gouguenheim place en exergue de son introduction ceci, qui est de ce monsieur :

« Que les "Arabes" aient joué un rôle déterminant dans la formation de l'identité culturelle de l'Europe [est une chose] qu'il n'est pas possible de discuter, à moins de nier l'évidence.» A. de Libera Penser au Moyen Âge.

Tout y est : les racines arabo-musulmanes de l'Europe et, bien entendu le fait que cela ne se discute pas (c'est vrai que c'est indiscutable, en quelque sorte, j'ai envie de dire, quelque part.)
Le remarquable tour de passe-passe dont cette affaire est l'occasion, c'est qu'à sa faveur la thèse selon laquelle la connaissance occidentale de l'Antiquité doit tout à l'islam est instituée en thèse officielle, en incontestable acquis que M. Gouguenheim prendrait le risque extrême de venir battre en brèche. Or cette thèse est sans doute une espèce de doxa de l'historiographie moderniste idéologique, mais elle n'est rien moins qu'acquise, elle est elle-même une contre-thèse, qui va contre toute l'histoire de la pensée traditionnelle, laquelle fait très peu de place au rôle de l'islam dans la transmission du savoir antique. Bref la contestation de positions récentes nullement consacrées en droit a pour effet paradoxal de les ériger en tradition établie.
Ce qui me fait trembler, c'est que les universités européennes sont en passe de se ravaler au rang des « universités des black studies » et de l'africanocentrisme, thèses dénoncées sur Radio Courtoisie par un Bernard Lugan. (N'est-ce pas Rogemi qui nous en avait donné le fil ?) L'Amérique aurait été découverte par les Africains sur des pirogues, les Pharaons étaient tous noirs, les Grecs devaient tout à l'Égypte noire, l'Europe, donc, doit tout à l'Afrique, etc. Nous n'en sommes réellement pas loin, pas loin du tout...
Et vous oubliez de dire que Bruxelles a été fondée en 500 avant JC par des Touaregs partis de l'ancien Mali. Lequel était à l'époque un immense Empire qui dominait tout le pourtour méditerranéen, notamment par une production intellectuelle qui fut pillée par Aristote, qui lui-même était black.
Ne pas oublier les gender studies qui apportent plus d'une pierre au bel édifice construit par la conjonction de la dictature de la bonne pensée avec la discrimination positive et la grande déculturation.
Nous allons bientôt rejoindre ce brillant étudiant irakien qui s'était rendu fameux il y a une trentaine d'années pour avoir pondu une thèse sur les origines arabes ("mauro-andalouses" ?) de Shakespeare, en commençant par exposer doctement que son nom Sheik Es-Pire ne pouvait laisser planer là-dessus aucun doute possible.

C'est vrai quoi, on va quand même pas mettre des parapets anglais à Shakespeare si ? bande d'hungtintonniens va!
25 avril 2008, 13:15   Construction du genre
Cher Marcel, vous devriez assumer votre identité lesbo-musulmane. Vous vous sentiriez beaucoup mieux.
orimont bolacre écrivait:
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> "Dans sa démystification de l'hellénisation de
> l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et
> "islamique", ce qui relève de la religion et ce
> qui relève de la civilisation. Les chrétiens
> d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils
> sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante
> de la société de l'islam et étroitement intégrés
> au fonctionnement de l'Etat."
>
> Ah ! ça c'est vraiment malin !

C'est bon. On a compris. Celui qui, en terre musulmane, plante un arbre dans sa cour, a planté "un arbre islamique". Admirable !

Cassandre pourrait-elle nous verser des lumières sur ce phénomène - l'Islam qui repeint tout, la totalité de tout se qui se tient sur ses terres, à ses couleurs - qui a fait dire à certains, à commencer par la presse internationale, que, par exemple, la bombe atomique mise au point au Pakistan par des scientifiques pakistanais était la première bombe atomique islamique.?

Ces bédouins sans territoire defini autrement que par l'expansion permanente estampillent à leur lettre tout ce qu'ils touchent, avec aujourd'hui l'absurde complicité de l'université française, et tout ce qu'ils touchent et estampillent compose ainsi leur territoire. La terre, le sols eux-mêmes n'ont pas besoin d'exister en tant que tel pour permettre ce processus : l'appropriation nominale et symbolique est le territoire islamique.

Relisez la citation ci-dessus: elle dit que toute oeuvre de l'esprit élaborée sur le sol conquis est oeuvre islamique sui generis; elle définit l'appropriation totalitaire comme forme d'usurpation d'autorité dans laquelle se superposent et sont fondus en un tout et dans un même élan le butin des oeuvres ravies à leurs auteurs et le territoire rapiné. L'espace islamique apparaît donc comme un espace total où les limites du butin, du pillage, définissent les frontières du territoire.
Ce qui est effrayant dans cette affaire, c'est la lecture que font, du livre de M. Gouguenheim, les deux Bac + 30, Paris et Montpellier, en médiévistique, au point que l'on peut se demander s'ils savent lire ou s'ils ont compris quelque chose à ce qu'ils ont lu.

Je cite : "Si l'on suit Sylvain Gouguenheim, la civilisation islamique se serait avérée incapable d'assimiler l'héritage grec ou d'accepter Aristote, faute de pouvoir accéder aux textes sans les traductions des chrétiens d'Orient, faute de pouvoir subordonner la révélation à la raison (ce qu'au passage personne ne put faire en Europe avant le XVIIIe siècle)".
M. Gouguenheim ne dit pas cela : il dit 1) que la pensée d'Aristote a été passée par le filtre de l'islam; 2) que les textes qui traitent de "pouvoir civil" ou de "démocratie" ont été totalement ignorés; 3) que seules les thèses scientifiques qui ne contrevenaient pas aux dogmes de l'islam ont été retenues; 4) que les ouvrages d'Aristote qui ont eu du succès dans les pays arabes ont été la Poétique, l'art rhétorique et tout ce qui se rapporte à la logique; 5) à propos du "logos" grec, traduit en arabe par "parole", il montre que la signification qui a été donnée en Islam n'a que de lointains rapports avec le sens grec.

Je cite : "dans son éloge de la passion grecque de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim surévalue le rôle du monde byzantin, faisant de chaque "Grec" un "savant", de chaque chrétien venu d'Orient un passeur culturel".
M. Gouguenheim 1) n'écrit pas d'éloge; 2) il évalue à quelques centaines par siècle, entre le VIe et le XIIe s, le nombre de "savants", aussi bien à Byzance qu'en Asie mineure ou en Europe, qui avaient des lumières sur les quelques questions de savoir ou de connaissances qui étaient agitées alors.

Je cite : "D'Aristote, Sylvain Gouguenheim semble ignorer que la pensée scolastique du XIIIe siècle a moins retenu la lettre des textes que le commentaire qu'on en avait déjà fait, comme celui d'Averroès, conceptualisant les contradictions entre la foi et une pensée scientifique qui ignore la création du monde et l'immortalité de l'âme. Alain de Libera l'a montré, c'est moins l'aristotélisme qui gagne alors l'université de Paris que l'averroïsme : le texte reçu par et pour son commentaire".
M. Gouguenheim ne dit rien de cela, pour une raison simple, que chacun comprendra immédiatement : son "enquête" (au sens où Hérodote emploie le mot "histoire") porte une période nettement délimitée : entre le VIe et le XIIe siècles. Pour ce qui est d'Averroès, il montre que 1) celui-ci ne connaissait pas le grec, mais utilisait des traductions d'Aristote en arabe; 2) qu'au fil du temps, ces traductions, excellentes quand elles étaient le fait d'Hunayn Ibn Ishaq, le médecin syriaque, habitué à transposer le grec dans une langue sémitique, étaient de plus en plus éloignées du texte grec, surtout après le Xe s. et que la pensée d'Aristote y était déformée. Le fait que les maîtres de la scolastique y aient accordé du crédit ne prouve rien, sinon qu'ils auraient dû sans doute oublier toutes ces traductions de traductions de traductions et revenir au texte d'Aristote.

Je cite : "Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation.
M. Gouguenheim ne démystifie pas l'hellénisation de l'islam; il montre qu'il n'y en a pas eu. Il ne confond pas "musulman" et "islamique" (d'ailleurs, où est la différence ?), il distingue "arabe" et "musulman" et montre que ce qui est attribué à l'islam doit être porté au crédit d'arabes qui n'étaient pas musulmans. Il distingue aussi nettement l'islam (religion) de l'Islam (civilisation) et se garde d'attribuer à l'une ce qui est propre de l'autre.

Je cite : "Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat".
Alors là, ce n'est plus de l'histoire, c'est du délire sorti des cerveaux embrumés d'imbéciles endurcis et indécrottables.

Je cite : "le réquisitoire dressé par Sylvain Gouguenheim sort alors des chemins de l'historien, pour se perdre dans les ornières d'un propos dicté par la peur et l'esprit de repli".
Non seulement ces Bac + 30 ne savent pas lire, mais ils ignorent le sens de "réquisitoire" et ils pataugent dans la métaphore. Faut-il qu'ils creusent partout des fosses communes dès qu'ils parlent pour concevoir les "ornières d'un propos" ?


En fait, ce qui déplaît dans ce livre, ce n'est pas ce qui est démontré (et que les historiens savent depuis plus d'un siècle - apparemment, Paris 8 et Montpellier 3 doivent se trouver sur la lune, puisque leurs historiens l'ignorent), mais 1) l'annexe 1; 2) la dernière partie.

L'annexe 1 traite du best seller de Mme Sigrid Unke : Le soleil d'Allah brille sur l'Occident (en allemand en 1960; en français depuis 1963), qui a pour sous-titre "notre héritage arabe" (en fait islamique) et qui forme la matrice des thèses qu'examine M. Gouguenheim. Or, cette dame, née en 1913 et morte en 1999, a été membre du Parti socialiste national des travailleurs allemands, a soutenu une thèse en 1941 sous la direction d'un théoricien du racisme, était l'amie d'Himmler, abhorrait le judéo-christianisme, voulait faire revenir la Germanie à ses racines païennes et avait été chargée par Himmler de nouer des contacts avec Al Husseini, le grand oncle d'Arafat, ancien officier de l'armée ottomane (du temps du génocide arménien), qui fut aussi mufti de Jérusalem et comptait sur les Allemands pour débarrasser le Proche Orient de ses juifs.
J'imagine que les deux lumières de Paris 8 et de Montpellier 3 n'ont guère apprécié ce subtil compagnonnage.

Dans la dernière partie, M. Gouguenheim réfléchit sur la notion de civilisation "méditerranéenne", montrant que la Mer Méditerranée n'a jamais été, en elle-même, un lieu de civilisation; que des civilisations différentes et parfois opposées les unes aux autres ont fleuri sur les rives de cette Mer; et que le centre de l'Europe n'est pas, comme on veut nous le laisser accroire, sur les bords de la Méditerranée, mais au Nord, au Mont Saint Michel, à Paris, à Amiens, à Oxford, à Vienne, à Berlin, etc.
Vous voyez, cher JGL, qu'il n'y avait pas vraiment lieu de brocarder Roger-Pol Droit, qui fait réellement, à la place où il se trouve, un travail salutaire...
Vous avez raison de défendre RP Droit. A posteriori, son CR est bien meilleur que celui de nos deux lumières en obscurantisme moyen-âgeux (ces trois derniers mots ne sont pas à prendre au pied de la lettre, évidemment).
P.-S. Si vous cherchez le Monde des Livres, c'est sous l'onglet « Pratique », après « Météo », entre « Cinéma » et « Voyages »...
25 avril 2008, 14:40   Achat
En tout cas, je vais de ce pas acheter ce livre.

Francis, savez-vous que, parmi les délires islamistes figure celui-là :


Les islamistes voient, c'est bien connu, des juifs partout dans les sphères du pouvoir aux Etats-Unis. Il y a eu Kissinger, il y a Bloomberg... et, curieusement, il y a eu "Jew-Liani". Ce n'est pas une blague.
25 avril 2008, 14:45   Fin d'un monde
L'Hésiode de la Théogonie, l'auteur sacré de la Linga Upanishad et les rédacteurs d'apocalypses pourraient ajouter, pour définir l'âge de fer, le kali yuga ou les temps de l'Antéchrist, après « les parents ne se reconnaîtront plus dans leurs enfants » et « les vaches ne seront plus respectées que parce qu'elles produisent du lait » la phrase suivante : « et les thèses de doctorat seront le fruit de groupes de pression »...
25 avril 2008, 15:14   Re : Achat
Je n'ai pas encore lu le livre (je l'aurai seulement demain) mais le commentaire de Gigehel me paraît parfait. Quant à Francis, il a saisi l'essence de la mentalité islamique pour laquelle tout ce qui vient des infidèles, y compris le savoir, est butin de guerre que les musulmans ont vocation à s'approprier de droit divin en s'en attribuant les mérites. A supposer qu'il y ait eu en partie transmission par les Arabes, c'est, de toutes façons, à leur corps défendant qu'elle s'est faite et non pas délibérément par souci de sauver un patrimoine de l'humanité comme les occidentaux ont eu, les premiers, le souci de veiller à la conservation des oeuvres d'art des civilisations qui leur étaient étrangères.

Au fait, dans toute cette histoire, on en arrive à oublier le principal, à savoir : les racines grecques de la civilisation arabo-msulmane d'avant le déclin. De deux choses l'une : ou elles ont été déterminantes et on attend que les historiens arabes se penchent sur elles pour faire connaître le rôle de la pensée grecque dans leur civilisation et propager cette connaissance dans le monde arabo-musulman ; ou elles n'ont pas été déterminantes et alors comment les Arabes auraient-ils pu transmettre ce qu'ils ignoraient ?
Le livre de M. Gougenheim ne cite qu'un seul livre d'Alain de Libera, Penser au Moyen Age qui est un livre en partie polémique et déjà ancien. Il ne cite pas son excellente introduction à la philosophie médiévale (intitulée La philosophie médiévale aux PUF) qui date de 1993 et qui fait état du travail de Jacques de Venise (la soi-disant découverte de M. Gougenheim). Je cite ce livre aux pages 348-349 :
"En dehors des traducteurs de Tolède, trois Latins héllénistes ont traduit des textes directement à partir du grec. Le premier de ces traducteurs qui ont vraisemblablement rassemblé leurs matériaux à Byzance, voire en Sicile, lors de séjours plus ou moins prolongés, est Jacques de Venise. Traducteur d'Aristote, il était présent à Constantinople en 1136, lors du débat ayant opposé Anselme de Havelberg à l'archevêque de Nicomédie. Il traduisit les Seconds Analytiques, les Réfutations sophistiques, une partie de la Métaphysique (la Metaphysica vetus) et la plupart des textes composant les Parva naturalia."

A la page 359, Alain de Libera propose un tableau équilibré de la réception d'Aristote en Europe :
"Si l'on regarde son destin à partir du XIIe siècle l'Aristoteles latinus présente trois visages linguistiques, culturels et philosophiques distincts. L'Aristote gréco-latin est acquis en deux étapes. Il y a d'abord celui de la période tardo-antique et du haut Moyen Age, l'Aristote de Boèce, pui, au XIIe siècle, les nouvelles traductions gréco-latines, souvent lacunaires et difficiles, de Jacques de Venise. A partir du XIIIe siècle, le travail de Guillaume de Moerbecke ouvre une période de révision et de critique textuelle. Entre les deux extrêmes se trouve, au début du siècle, l'Aristote arabo-latin - celui d'Averroès - avec Michel Scot."

Page 362, Alain de Libera modère déjà en 1993 l'enthousiasme de M. Gougenheim en prenant la mesure exacte de l'apport de Jacques de Venise :
"Faute d'unité de langue (le latin de Michel Scot n'est pas celui de Jacques de Venise, ni celui de l'anonyme traducteur de la Media), le texte d'Aristote est souvent inintelligible."

Une question importante dont Roger-Pol Droit semble n'avoir pas conscience est la suivante : le texte a beau avoir été traduit, était-il lu ? Etre lu pour le texte d'une autorité, surtout au Moyen Age, cela suppose un commentaire. Thomas d'Aquin et Albert le Grand (cf. le monument d'Alain de Libera sur ce dernier) lurent Aristote grâce aux commentaires d'Averroès et d'Avicenne. Nous les connaissons d'ailleurs sous leurs noms latins et non sous leurs noms arabes.

Que ces deux commentateurs arabes aient permis aux philosophes et aux théologiens de lire Aristote à partir du XIIIe siècle, au moins, n'a jamais signifié pour Alain de Libera, ni pour aucun médiéviste sérieux, que l'Occident dans son ensemble dût quoi que ce soit aux Arabes (ou aux Arabo-musulmans) dans leur ensemble. Ce sont des individus brillants dans un contexte qui ont fait avancer la connaissance et ont permis à d'autres individus, dans un autre contexte, d'avancer à leur tour.

La malhonnèteté de M. Gougenheim, dans son livre, est de ne pas citer (peut-être de ne pas avoir lu, mais ce serait très grave alors) les autres livres d'Alain de Libera (et de quelques spécialistes reconnus de philosophie médiévale). Il aurait permis de voir que la thèse qu'il prétend réfuter n'est pas celle d'Alain de Libera dont le propos cité est destiné à combattre une cariaturale vision des Arabes comme ayant toujours été en retard. Il fut un temps où cette vision prévalait.
Il ne s'agit pas de dire qu'ils furent toujours en avance pour autant, simplement de dire qu'ils prirent part au dialogue intellectuel dont nous sommes le produit : dialogue qui consista à approfondir le savoir grec, à le commenter, à en résoudre les apories (l'invention de l'algèbre fut une solution arabe à un certain nombre de problèmes de mathématique grecque, par exemple), et à transmettre les questions et solutions aux générations suivantes et aux voisins.
Utilisateur anonyme
25 avril 2008, 16:09   Re : subtil compagnonnage
Merci à M. Virgil de sa précieuse intervention.
Je suis toujours un peu surpris de constater, sur ce site élitaire, le peu de précautions prises par rapport à un auteur ou un ouvrage, pour peu qu'il contribue à l'affermissement des idées qui y prévalent. A chacun sa doxa !
Si la doxa actuelle était que les Arabes ont pris part au dialogue intellectuel dont nous sommes le produit, il n'y aurait aucune controverse. Mais ce n'est pas du tout cela. Ouvrez n'importe quel manuel d'histoire utilisé aujourd'hui dans les collèges de France : on y lit qu'Aristote et la pensée grecque en général sont connus en Europe grâce aux traductions arabes. C'est ce qu'on apprend à nos enfants, c'est ce que répètent tous les jours les journalistes, c'est ce qu'a dit à la télévision Luc Ferry (suscitant une réplique cinglante de Rémy Brague) : heureusemnet qu'il y a eu l'Islam des Lumières, faute de quoi nous en serions encore aux ténèbres moyenâgeuses. D'où l'affirmation selon laquelle "Les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes" (Chirac).

Que M. de Libera soit, dans certains de ses livres, plus nuancé, c'est bien possible. Mais la phrase citée par Sylvain Gouguenheim et que j'ai rappelée plus haut (« Que les "Arabes" aient joué un rôle déterminant dans la formation de l'identité culturelle de l'Europe [est une chose] qu'il n'est pas possible de discuter, à moins de nier l'évidence.») va beaucoup plus loin qu'une affirmation destinée "à combattre une cariaturale vision des Arabes comme ayant toujours été en retard". Il s'agit bien de cela ! C'est une crétinerie et c'est exactement le genre de ces crétineries d'universitaires qui, encore simplifiées et caricaturées par les auteurs de manuels scolaires puis encore davantage par les médias, ont créé la doxa d'aujourd'hui.
Merci à Marcel Meyer qui, comme souvent, met exactement, à mon sens, les choses au point.
C'est exactement cela. Et les attaques qu'on peut lire dans le Monde (qui adore faire mousser, surtout en ce domaine) ne sont que les réactions d'un corps malade à un rappel de vaccin.
Utilisateur anonyme
25 avril 2008, 18:15   Re : Gouguenheim au Mont Saint-Adolf
Merci à vous tous pour cette éclairante et passionnante discussion.
" Nous les connaissons d'ailleurs (Averroès et Avicenne) sous leurs noms latins et non sous leurs noms arabes. "

Précisément. L'Europe , si peu qu'elle dût aux Arabes, a eu l'honnêteté de reconnaître sa dette. En européanisant les noms d'Ibn Rushd et d'Ibn Sina, elle a fait d'eux des Européens d'honneur en quelque sorte. Par contre aucun Ibn Sirta (Aristote) aucun Ibn Gahli (Gallien) aucun Ibn Ahmed (Archimède), entre autres, dans la mémoire arabo-musulmane. Ces savants n'ont pas été faits arabes d'honneur. La civilisation islamique a pratiquement ignoré Averroès et s'est empressée de l'oublier. Donc, comme je l'ai écrit plus haut, soit la culture grecque n'a presque pas marqué les Arabes, soit ils ont fait en sorte de ne pas avoir à reconnaître leur dette.
J'ajoute que Marcel Meyer a parfaitement mis les choses au point. A supposer qu'il y ait à apporter quelques nuances à certaines affirmations de Gougenheim, ça n'enlève rien à la véracité d'ensemble de sa thèse (encore une fois archi connue des islamologues d'hier, mais quasiment interdite, on le voit, aujourd'hui pour des raisons purement idéologiques) et ne vaut certainement pas d'anathémiser l'auteur comme le font ses adversaires.
Et JGL a très simplement identifié la vraie cause de cet anathème : quelques soupçons d'accointance avec le MAL, et voilà une belle tête à couper pour ces Fouquier-Tinville bac + 30.
Je ne voudrais pas enfoncer des portes ouvertes d'autant plus que tout a déjà été plus ou moins dit sur le sujet dans ce fil, en particulier le dernier post de Marcel Meyer est d'une logique irréfutable. Cependant je me permets de mettre en ligne un article de l'historien Jacques Heers paru en 2002.

La fable de la transmission arabe du savoir antique, Jacques Heers

Nouvelle Revue d’Histoire, n° 1, juillet-août 2002

A en croire nos manuels, ceux d’hier et plus encore ceux d’aujourd’hui, l’héritage de la Grèce et de Rome fut complètement ignoré dans notre monde occidental, de la chute de l’empire romain et du développement du christianisme jusqu’à la «Renaissance» : nuit du Moyen Âge, mille ans d’obscurantisme !

Et d’affirmer, du même coup, que les auteurs de l’Antiquité ne furent connus que par l’intermédiaire des Arabes, traducteurs appliqués, seuls intéressés, seuls capables d’exploiter et de transmettre cette culture que nos clercs méprisaient.

Parler d’«Arabes» est déjà une erreur. Dans les pays d’islam, les Arabes, lettrés et traducteurs, furent certainement bien moins nombreux que les Persans, les Egyptiens et les chrétiens de Syrie et d’Irak. La plupart des textes grecs ont d’abord été traduits en langue syriaque, parler araméen de la ville d’Edesse, qui a largement survécu à l’islam et ne disparaît qu’au XIIIe siècle. Au temps d’al Ma’mum, septième calife abbasside (813-833), Hunan ibn Isbak, le plus célèbre des hellénistes, hôte privilégié de la Maison de la Sagesse à Bagdad, était un chrétien. Il a longtemps parcouru l’Asie Mineure pour y recueillir des manuscrits grecs, qu’il traduisait ou faisait traduire sous sa direction. Nos livres parlent volontiers des savants et traducteurs de Tolède, qui, au temps des califes de Cordoue, auraient étudié et fait connaître les auteurs anciens. Mais ils oublient de rappeler que cette ville épiscopale - comme plusieurs autres et nombre de monastères - était déjà, sous les rois barbares, bien avant l’occupation musulmane, un grand foyer de vie intellectuelle toute pénétrée de culture antique. Les clercs, demeurés chrétiens, très conscients de l’importance de transmettre cet héritage, ont tout simplement poursuivi leurs travaux sous de nouveaux maîtres.

On veut nous faire croire aux pires sottises et l’on nous montre des moines, copistes ignares, occupés à ne retranscrire que des textes sacrés, acharnés à jeter au feu de précieux manuscrits auxquels ils ne pouvaient rien comprendre. Pourtant, aucun témoin, aux temps obscurs du Moyen Age, n’a jamais vu une bibliothèque livrée aux flammes et nombreux sont ceux qui, au contraire, parlent de monastères rassemblant d’importants fonds de textes anciens. Il est clair que les grands centres d’études grecques ne se situaient nullement en terre d’islam, mais à Byzance. Constantin Porphyrogénète, empereur (913-951), s’est entouré d’un cercle de savants, encyclopédistes et humanistes ; les fresques des palais impériaux contaient les exploits d’Achille et d’Alexandre. Le patriarche Photius (mort en 895) inaugurait, dans son premier ouvrage, le Myriobiblion, une longue suite d’analyses et d’exégèses d’auteurs anciens. Michel Psellos (mort en 1078) commentait Platon et tentait d’associer le christianisme à la pensée grecque. Nulle trace dans l’Église, ni en Orient ni en Occident, d’un quelconque fanatisme, alors que les musulmans eux-mêmes rapportent nombre d’exemples de la fureur de leurs théologiens, et de leurs chefs religieux contre les études profanes. Al-Hakim, calife fatimide du Caire (996-1021), interdisait les bijoux aux femmes, aux hommes, les échecs, et aux étudiants, les livres païens. A la même date, en Espagne, al-Mansour, pour gagner l’appui des théologiens [musulmans], fit brûler par milliers les manuscrits grecs et romains de la grande bibliothèque de Cordoue. L’Occident chrétien n’a connu aucune crise de vertu de ce genre.

Les « Arabes » ont certainement moins recherché et étudié les auteurs grecs et romains que les chrétiens. Ceux d’Occident n’avaient nul besoin de leur aide, ayant, bien sûr, à leur disposition, dans leurs pays, des fonds de textes anciens, latins et grecs, recueillis du temps de l’empire romain et laissés en place. De toute façon, c’est à Byzance, non chez les « Arabes », que les clercs de l’Europe sont allés parfaire leur connaissance de l’Antiquité. Les pèlerinages en Terre sainte, les conciles œcuméniques, les voyages des prélats à Constantinople maintenaient et renforçaient toutes sortes de liens intellectuels. Dans l’Espagne des Wisigoths, les monastères (Dumio près de Braga, Agaliense près de Tolède, Caulanium près de Mérida), les écoles épiscopales (Séville, Tarragone, Tolède), les rois et les nobles, recueillaient des livres anciens pour leurs bibliothèques. Ce pays d’Ibérie servait de relais sur la route de mer vers l’Armorique et vers l’Irlande, où les moines, là aussi, étudiaient les textes profanes de l’Antiquité.

Peut-on oublier que les Byzantins ont, dans les années 550, reconquis et occupé toute l’Italie, les provinces maritimes de l’Espagne et une bonne part de ce qui avait été l’Afrique romaine ? Que Ravenne est restée grecque pendant plus de deux cents ans, et que les Italiens appelèrent cette région la Romagne, terre des Romains, c’est-à-dire des Byzantins, héritiers de l’empire romain ?

Byzance fut la source majeure de la transmission

Rien n’est dit non plus du rôle des marchands d’Italie, de Provence ou de Catalogne qui, dès les années Mille, fréquentaient régulièrement les escales d’Orient, et plus souvent Constantinople que Le Caire. Faut-il les voir aveugles, sans âme et sans cervelle, sans autre curiosité que leurs épices ? Le schéma s’est imposé, mais c’est à tort. Burgundio de Pise, fils d’une riche famille, a résidé à Constantinople pendant cinq années, de 1135 à 1140, chez des négociants de sa ville. Il en a rapporté un exemplaire des Pandectes, recueil des lois de Rome, rassemblé par l’empereur Justinien, conservé pieusement plus tard par les Médicis dans leur Biblioteca Laurenziana. Fin helléniste, il a traduit les ouvrages savants de Gallien et d’Hippocrate et proposa à l’empereur Frédéric Barberousse un programme entier d’autres traductions des auteurs grecs de l’Antiquité. Cet homme, ce lettré, qui ne devait rien aux Arabes, eut de nombreux disciples ou émules, tel le chanoine Rolando Bandinelli, qui devint pape en 1159 (Alexandre III).

Rendre les Occidentaux tributaires des leçons servies par les Arabes est trop de parti pris et d’ignorance : rien d’autre qu’une fable, reflet d’un curieux penchant à se dénigrer soi-même.

Jacques Heers
En somme, les Arabes nous refont avec la culture grecque le même coup qu'avec l'Ancien et le nouveau Testament que Mahomet à pillés à tort et à travers, mais plutôt que de reconnaître sa dette envers les juifs et les chrétiens, il a préféré soutenir que c'étaient eux les faussaires qui avaient trafiqué les textes pour cacher qu'Abraham, Moïse et Jésus étaient des musulmans qui annonçaient la venue du Prophète de l'islam.
Ces derniers temps, chère Cassandre, des travaux scientifiques , dont ceux de E.M. Gallez notamment ("Le Messie et son prophète", éditions de Paris), révèlent de mieux en mieux la vérité des origines historiques de l'islam.

Ci-contre le lien d'une courte présentation vidéo (2, 5 min.) par le père E.M. Gallez [url=
]Des origines de l'islam[/url].

Le père E. M. Gallez dispose d'une site internet [url=http://www.lemessieetsonprophete.com/index.htm][b]Le messie et son prophète[/b][/url] sur lequel il expose les théses de son livre sur l'origine de l'islam.

Il remet même en question l'existence historique de Mahomet [sic]?
» En somme, les Arabes nous refont avec la culture grecque le même coup qu'avec l'Ancien et le Nouveau Testament

Remarquez que les Juifs peuvent dire la même chose, mutatis mutandis, du christianisme par rapport à l'Ancien Testament : c'est ce que Sibony, dans un article paru en 1978 dans Analytiques, appelle "le coup christique" (Celui qu'on attendait, c'est moi...)
» dont ceux de E.M. Gallez notamment...

Je serais curieux de savoir ce qu'en pensent des historiens sérieux comme Anne-Marie Delcambre...
Cher Bernard,

Gallez et Delcambre semblent très bien se connaitre et donnent [?]ensemble des interviews sur la oueb-radio canadienne Rockick.

Je vais vérifier...

En attendant vous pouvez aller télécharger une émission sur le sujet I-C-I

Pendant une heure environ EM Gallez présente ses théses.
Merci, Rogemi, j'irai voir, sans faute.
À première vue, Gallez, auquel je n'ai consacré que deux minutes et cinquante secondes, prend Mahomet pour un étudiant en Écritures, ce qui me semble tout de même une sorte de projection freudienne de sa part...

(D'où vient ce Gallez ? Il dit « Jésus-Christ'tt », ce que je croyais caractéristique des protestants... Les catholiques disent « le Christ'tt », mais Jésus-Chri(t) »...)
"Les catholiques disent « le Christ'tt », mais Jésus-Chri(t)"

C'est ce que je croyais moi aussi. Mais l'archevêque de Paris, que j'ai entendu dire la messe de minuit à Notre-Dame à Noël dernier, dit "Jésus-Christe".
"mais ils
> sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante
> de la société de l'islam et étroitement intégrés
> au fonctionnement de l'Etat."

C'est la meilleure !
S'ils sont partie prenante de la civilisation islamique c'est parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, puisque les musulmans ont fait des pays chrétiens conquis des pays totalement dominés par l'islam ; 2) de plus ils ne sont partie prenante qu'en tant que citoyens de troisième zone à savoir des "dhimmis" .
Che Bernard, je ne suis pas d'accord . Quoi qu'en dise Sibony, dont , par ailleurs j'apprécie les analyses, le nouveau testament n'est en rien un pillage de l'Ancien (Il suffit de les lire) mais, en revanche les chrétiens, quelle qu'ait été leur stigmatisation des juifs, reconnaissent parfaitement leur dette à l'égard du judaïsme.
D'accord avec Cassandre : les Chrétiens n'ont pas "pillé" la Thora, ils l'ont reprise telle qu'elle leur avait été transmise. C'est montrer pour la première révélation un vrai respect et même, une forme de révérence pour le peuple qui l'a reçue, malgré l'antisémitisme théologique qui a longtemps sévi. Considérer en revanche, comme le font les musulmans, la Thora et le Nouveau Testament détenus par les juifs et les chrétiens comme des falsifications postérieures à la révélation et forgées par ceux qui lui ont été infidèles, tout en puisant très largement dans les deux corpus mais en modifiant parfois de façon considérable ce qu'on y a puisé, voilà, bel et bien de la "falification" accompagnée d'un grossier sophisme pour le justifier.
Je crois qu'il serait bon de lire Penser au Moyen Age dans son ensemble plutôt que d'en isoler une seule phrase de conclure à la pensée de l'auteur à la seule lumière de celle-ci. Puis-je me permettre de souligner que la mention les "Arabes" porte des guillemets dans le texte d'Alain de Libera. il ne s'agit donc pas seulement des Arabes musulmans, mais de tous les Arabes, y compris les Coptes, les Syriaques, etc. Il est question d'une aire linguistique, pas d'une religion.

Ensuite, dois-je rappeler sur ce site qu'une phrase doit être lue resituée dans son paragraphe, son paragraphe dans sa page et sa page dans le livre entier afin d'être en mesure d'en saisir le sens ?
Dois-je rappeler ici les dangers de la lecture parcellaire, s'appuyant, pour juger de la pensée d'un auteur, sur des extraits, ignorant le contexte de ceux-ci et les autres livres de l'auteur ?

C'est ce qu'on a fait ici, puisque la plupart avouent avoir parler du livre de Gougenheim sans l'avoir lu (ce que fit Cassandre) et qu'aucun ne semble connaître les écrits d'Alain de Libera, auxquels on pourrait ajouter les écrits de Kurt Flasch, d'Irène Rosier-Catach, d'Alain Bourreau, de Ruedi Imbach, qui enseignent en à Paris et en Allemagne, et dont les livres parlaient déjà de la transmission directe des textes grecs en latin tout en soulignant que cette transmission fut incomplète (pas tous les textes d'Aristote et d'autres, et pas toujours dans des versions très lisibles) et que ce sont les traductions et commentaires traduits de l'arabe (l'Averroès latin, notamment), qui permirent, à partir du XIIIe siècle de lire et de comprendre Aristote et d'autres.
L'islam n'a rien à voir là-dedans. La philosophie ne dut rien à l'islam pour la transmission de ses textes, mais elle ne dut pas davantage au christianisme (responsable de la fermeture des dernières écoles à Athènes).

Certains ici me semblent prendre leurs désirs (ou leurs fantasmes) pour un savoir historique. Si je partage certaines vues exposées ici, je suis peiné du manque de rigueur de nombreux intervenants sur cette affaire et très supris de ce mépris des universitaires, soupçonnés a priori de parti-pris idéologique.
J'ai eu l'honnêteté de reconnaître que je n'avais pas lu le livre de Gougenheim mais que j'avais bien l'intention de le lire. Si j'ai donné mon avis c'est que la thèse qu'il défend est connue de moi depuis toujours. Or les historiens d'hier (ou d'avant-hier) n'étaient animés d'aucun préjugé idologique puisque l'islam ne posait aucun problème à la société de leur époque vu qu'il y était à peu près inexistant. Ils se contentaient donc de faire leur travail d'historiens aussi objectivement que possible. Je renvoie à la conférence d'Ernest Renan à la Sorbonne, lequel avait déjà exposé de façon lumineuse cette thèse qui pulvérise celle du fameux " Le soleil d'Allah brille sur l'occident", que j'ai lu en son temps.
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 12:09   Re : De la rigueur avant toute chose.
Citation

Certains ici me semblent prendre leurs désirs (ou leurs fantasmes) pour un savoir historique. Si je partage certaines vues exposées ici, je suis peiné du manque de rigueur de nombreux intervenants sur cette affaire et très surpris de ce mépris des universitaires, soupçonnés a priori de parti-pris idéologique.
C'est exactement ma position. C'est très bien de s'en prendre à "une espèce de doxa de l'historiographie moderniste idéologique", mais s'il est avéré que Sylvain Gouguenheim le fait de manière peu rigoureuse, voire peu honnête, en prétendant "découvrir" Jacques de Venise alors que l'oeuvre et l'influence de cet auteur ont déjà été considérées dans les travaux d'Alain de Libera, il est probable qu'au final la thèse dominante en sorte renforcée...

Le danger de la chapelle idéologique guette; merci à M. Virgil d'ouvrir la porte pour laisser entrer un peu d'air frais sur l'autel où la messe est dite.
Où avez-vous lu que Sylvain Gouguenheim prétend avoir découvert Jacques de Venise ?
Mais moi aussi, je suis d'accord avec Cassandre et Marcel Meyer, voyons ! Il n'est pas question de dire que les chrétiens aient "pillé" l'Ancien Testament : les textes établis sont d'ailleurs identiques dans les traditions chrétienne et juive, que je sache. Et Sibony ne dit pas autre chose, du moins dans mon souvenir. (Je possède le texte, je puis aller vérifier, si l'on me le demande.) Mais cela induit tout de même deux visions spirituelles du monde, que, partant des mêmes textes, l'on attende le Messie ou non. Le Christ vient fermer une tradition et en ouvrir une nouvelle, au moins lorsque Paul de Tarse fit du personnage du Christ, grand Juif s'il en est, une religion de prosélytes.

Ce respect des textes est, bien entendu, la grande différence avec les procédés des mahométants, pour qui les textes, quels qu'ils soient, ont tendance à devenir du combustible pour leur machine (sens ad libitum). Le point de comparaison étant uniquement le recadrage des textes antérieurs.
Cher Bernard, je me doutais bien qu'il y avait un malentendu.
Citation
Le danger de la chapelle idéologique guette; merci à M. Virgil d'ouvrir la porte pour laisser entrer un peu d'air frais sur l'autel où la messe est dite.

Peut-on laisser passer ces propos déplacés ?
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 13:05   Re : De la rigueur avant toute chose.
C'est ce que j'ai cru comprendre en lisant ceci, mais il s'agit plutôt d'une redecouverte :

Citation

Jacques de Venise, passeur oublié
LE MONDE DES LIVRES | 03.04.08 |

Cet homme "mériterait de figurer en lettres capitales dans les manuels d'histoire culturelle", écrit Sylvain Gouguenheim. Personne, pourtant, ne connaît plus le nom de Jacques de Venise le Grec, qui vécut au XIIe siècle, alla en mission à Constantinople et travailla ensuite au Mont-Saint-Michel, de 1127 à sa mort, vers 1150.

Ce qu'on lui doit ? Rien de moins que la traduction intégrale, du grec au latin, d'un nombre impressionnant d'oeuvres d'Aristote, parmi lesquelles la Métaphysique, le traité De l'Ame, les Seconds analytiques, les Topiques, les traités d'histoire naturelle ou encore la Physique. Ces traductions, dont certaines sont accompagnées de commentaires, furent réalisées, selon les cas, de vingt ans à quarante ans avant celles de Gérard de Crémone, à Tolède, à partir des traductions en arabe.

Il faut ajouter que les traductions de Jacques de Venise ont connu un "succès stupéfiant". Alors que bien des oeuvres médiévales ne nous sont connues que par trois ou quatre manuscrits, on en dénombre une centaine pour la Physique, près de trois cents pour les Seconds analytiques. Diffusés dans toute l'Europe, lus par les plus grands intellectuels du temps, ces travaux méritaient d'être mis en lumière. Ce qu'a fait Sylvain Gouguenheim en rappelant l'importance de cet homme qui traduisait Aristote au Mont-Saint-Michel.
Roger-Pol Droit
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 13:10   Re : Excomunication et provocation tirées par les cheveux
Vous allez me faire excommunier, cher Rogémi pour une petite provocation, un peu tirée par les cheveux ?

A propos, j'ai obtenu une transaction dans mon procès : l'employeur a retiré le le congé avec effet immédiat et à indemnisé ma cliente..
Citation
A propos, j'ai obtenu une transaction dans mon procès : l'employeur a retiré le le congé avec effet immédiat et à indemnisé ma cliente..

A la bonne heure, très bonne nouvelle...
Reprenons le fil du débat.

1. Notre ami Petit Détour nous donne à lire une prise de position, tout idéologique et hallucinante, de deux historiens contre le livre de M. Gouguenheim. Le titre qu'il a choisi "Gouguenheim au Mont Saint Adolf" est éloquent. Un procès du type procès de Moscou est en préparation : les commissaires politiques de Paris 8 et Montpellier 3 fourbissent leurs armes...

2. Il suffit d'avoir lu le livre de M. SG et de comparer la lecture que l'on en a faite à ce qu'en disent MM Loiseau et Martinez pour comprendre immédiatement que la chasse aux sorcières (à la sorcière, en l'occurrence, qui, en plus, porte un nom "juif") est ouverte. On lui fait dire ce qu'il ne dit pas; jamais une seule phrase de lui n'est citée; ce qui est exposé, ce ne sont pas ses thèses ou ses analyses, mais les sous-entendus, les a priori, les préjugés, etc. que MM Loiseau et Martinez, qui voient en lui le nouveau ça qui sort en reptations lentes du ventre encore fécond de la bête, lui prêtent, et qui ne sont pas dans son livre. Comme je ne suis pas inquisiteur, je n'ai pas cherché à vérifier s'il nourrissait effectivement dans son for intérieur les mauvaises intentions qui lui sont prêtées : croisade, guerre des civilisations, 11 septembre à l'envers, etc.

3. Dans le fil, les différents intervenants, qu'ils aient lu ou non le livre incriminé, n'ont pas dérogé aux règles du savoir critique.

4. M. Gouguenheim, lui, cite des textes, sans jamais les déformer et en prenant soin de les resituer dans le contexte. Il cite de M. de Libera une phrase importante du livre, Penser au Moyen Age, qui date de 1991, et non de Mathusalem; et en notant que M. de Libera a bien écrit "Arabes" entre guillemets, ce dont il infère à juste titre que M. de Libera était sans doute conscient de l'ambiguïté de ce terme. Ce qu'il met en question dans la phrase de M. de Libera, c'est "l'évidence" dont jouit (on ne comprend pas pourquoi) la doxa énoncée et (je cite) "qu'il n'est pas possible de discuter" : à savoir que les Arabes ont joué un rôle déterminant dans l'identité culturelle de l'Europe. Voilà ce qu'écrit M. de Libera; voilà ce dont doute M. Gouguenheim. C'est tout à son honneur (l'honneur du second, s'entend) : le libre examen, le doute, le scepticisme, la volonté de revenir aux faits, la liberté de conscience, c'est quand même autre chose qu'une évidence qu'il n'est pas possible de discuter. Le premier assène un argument d'autorité; le second fait usage de la liberté d'examen.

5. L'essentiel dans le livre de M. SG n'est pas M. de Libera, qui n'est cité que dans l'introduction pour ouvrir la "problématique", mais ce sont les thèses de MM Arkoun, Chebel, Roux, de Mme Abdel Aziz, des auteurs de manuels d'histoire, etc. qui ressuscitent la vieille image idéologique du Moyen Age européen, sombre, obscurantiste, ignare, bête, bestial, etc. qui n'est plus le négatif démoniaque de l'Europe de la Renaissance et des Lumières, mais celui de l'Islam des Lumières ou de la lumière de l'islam.

6. A propos de Jacques de Venise et des moines du Mont Saint Michel, ce que montre M SG, c'est le succès de leurs traductions, copiées et recopiées, dont on a retrouvé des exemplaires dans toute l'Europe et qui ont servi de matrice, bien avant les traductions de l'arabe venues d'Espagne, au développement des connaissances en médecine, astronomie, métaphysique, etc. Quant à l'obscurité que M. de Libera prête ou prêterait aux traductions faites du Mont Saint-Michel, il n'a sans doute jamais fait l'expérience des traductions, commentaires ou interprétations que le cadi Ibn Rouchi (car il était cadi, juge religieux, rémunéré pour appliquer la charia) fait d'Aristote, à partir de traductions fautives : ou alors, s'il y a vu un sens cohérent, c'est qu'il est vraiment fort.
Non, pas à proprement parler une redécouverte non plus mais une recherche, apparemment très sérieuse (cet homme est un historien professionnel de haut niveau) sur le personnage et son oeuvre. Il montre notamment que ses traductions ont connu une diffusion importante (dans le cercle, limité à quelques centaines ou quelques milliers d'individus, de ceux qu'Aristote intéressait). Monsieur virgil nous a appris qu'Alain de Libera modère déjà en 1993 l'enthousiasme de M. Gougenheim en prenant la mesure exacte de l'apport de Jacques de Venise : "Faute d'unité de langue (le latin de Michel Scot n'est pas celui de Jacques de Venise, ni celui de l'anonyme traducteur de la Media), le texte d'Aristote est souvent inintelligible." D'abord, je ne comprends pas très bien ce que signifie modérer en 1993 un enthousiasme qui s'exprime dans un ouvrage paru en 2008, enthousiasme qui résulte d'une recherche que M. de Libera ne semble pas avoir faite. Ensuite, l'argument selon lequel le texte d'Aristote reste inintelligible parce que ses différents traducteurs ne pratiquent pas le même latin est assez obscur en soi et ne me paraît pas, de toute façon, s'appliquer spécifiquement à la traduction réalisée par Jacques de Venise mais à toutes, y compris celles qui seront faites en Espagne à partir de l'arabe, non ?
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 13:39   Re : Gouguenheim au Mont Saint-Adolf
Si ce que vous dites est exact, cher JGL, je ne peux que me rallier et commander sans délai le livre de M. Gouguenheim.
Bien entendu, je n'avais pas lu le dernier message de JGL, avec lequel je suis entièrement d'accord, qu_and j'ai posté le mien.
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 13:41   Re : Gouguenheim au Mont Saint-Adolf
Citation

Ensuite, l'argument selon lequel le texte d'Aristote reste inintelligible parce que ses différents traducteurs ne pratiquent pas le même latin est assez obscur en soi et ne me paraît pas, de toute façon, s'appliquer spécifiquement à la traduction réalisée par Jacques de Venise mais à toutes, y compris celles qui seront faites en Espagne à partir de l'arabe, non ?
Oui.
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 13:48   Re : Gouguenheim au Mont Saint-Adolf
Toutes mes félicitations si vous le permettez Corto, j'aurais voulu être un petite souris pour voir ça !
Je connais bien l'islam mais je ne prétends pas en avoir une connaissance encyclopédique. Néanmoins j'essaie de ne jamais rien avancer qui ne soit au minimum étayé par des arguments de bon sens. Je peux évidemment me tromper, mais alors j'attends que l'on m'oppose des arguments aussi plausibles que les miens, parce que j'accepte tout débat et que je ne suis pas du genre, moi, à traiter implicitement mes contradicteurs de nazis pour les déligitimer, ce que font les contradicteurs de monsieur Gougenheim.
Non, je ne prête pas systématiquement des préjugés idéologiques aux historiens, mais j'avance un argument plausible : aujourd'hui avec la déferlante immigratoire, l'islam pose problème à notre société. Tous ceux acquis à l'idéologie de l'immigrationnisme multiculturel, idéologie dominante depuis trente ans, pour ne pas dire écrasante, ont donc tendance à valoriser l'islam, les Arabes et leur culture afin de faire avaler aux générations montantes la pillule de l'islamo-arabisation de la France. Or je pense que les historiens, sans doute eux aussi nombreux à être acquis à cette idéologie, risquent fort d'être moins objectifs que les historiens d'une époque où la necessité de valoriser l'islam pour le faire accepter à des populations rétives n'avait pas lieu d'être. Je ne dis pas que j'ai forcément raison mais je dis que c'est un raisonnement plausible. De plus quand les arguments de bon sens rejoignent une bonne partie des analyses d'historiens sérieux, le bon sens, encore lui, me suggère qu'il y a de fortes chances pour que ce soit ceux-ci qui aient raison. Par exemple la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du sud, Taïwan, entre autres, prouvent qu'elles ont été de grandes civilisations en profitant de la conjoncture économique favorable pour renouer avec un passé prestigieux. C'est la même conjoncture, que je sache, pour les pays arabo-musulmans qui ont, en plus, le pétrole. Or si ceux-ci sont incapables, et c'est peu dire, de renouer pas avec leur passé prestigieux, le bon sens me souffle que la raison en est, soit qu'il sont devenus une race dégénérée, croyance à laquelle je me refuse absolument parce que elle relèverait vraiment pour le coup de l'idéologie nazie, soit que ce passé prestigieux n'a été que très peu de leur fait. Et si, de plus, des historiens sérieux soutiennent cette idée, il me semble qu'il n'est pas oiseux de la trouver un peu, beaucoup ou entièrement, juste .
Puis-je me permettre de renvoyer JGL aux ouvrages d'Alain de Libéra qui est l'un des meilleurs spécialistes mondiaux du Moyen Age et de la philosophie au Moyen Age ? Il est traducteur et éditeur de textes, en dialogue constant avec les meilleurs éditeurs de textes. Sans son travail et celui de ceux qui travaillent avec lui, nous n'aurions rien à dire du Moyen Age dont il contribue à fournir les pièces à interpréter et qu'il aide à interpréter.
Il connaît admirablement la tradition scolastique, la mystique rhénane (sujet d'un de ses premiers livres), Albert Le Grand, Thomas d'Aquin, Averroès, Duns Scot. Son travail est en dialogue permanent avec d'autres catholiques comme Olivier Boulnois (spécialiste de Duns Scot, entre autres). Ils sont tous difficilement souçponnables d'islamophilie (ou -phobie d'ailleurs).

Combien parmi ceux qui affirment ici avec une assurance très définitive se sont donné la peine d'aller lire ces livres, tels La querelle des universaux,, Foi et raison (livre qui met en perspective l'une des dernières encycliques du dernier pape) d'Alain de Libéra, se sont donné la peine de lire son Dictionnaire du Moyen Age (aux PUF, dirigé par lui, Michel Zink et Claude Gauvard (où d'ailleurs S. Gouguenheim a écrit sur les chevaliers teutonniques, mais pas sur Jacques de Venise - d'autres plus compétents s'en sont chargé, en l'occurence une certaine Cécile Bonmariage)) ?

Qu'on attaque sans doute injustement S. Gouguenheim est une chose, qu'on relève toutes les omissions, les fausses révélations, etc. en est une autre. Il me semble qu'un universitaire, qui plus est exhibant ses titres sur la quatrième de couverture de son livre, se doit de faire preuve de la plus grande rigueur méthodique et de la plus grande honnêteté. Qu'on l'attaque sur sa rigueur, ses erreurs, ses limites, voilà qui relève du débat intellectuel le plus légitime.
Il est regrettable qu'on ne s'en tienne pas là.
Il l'est aussi que parce qu'on l'attaque peut-être pour de mauvaises raisons, on décidât qu'il est absolument exempt de tout reproche et qu'on s'abandonnât au pougadisme intellectuel en ironisant sur les titres universitaires de ceux qui l'attaquent. Je ne connais pas les deux auteurs de l'article et n'ai aucune raison de les respecter plus que S. Gouguenheim ; par contre, A. de Libéra n'est pas un obscur tâcheron. C'est en France (en l'occurence en Suisse), le digne héritier Gilson.
» Sans son travail et celui de ceux qui travaillent avec lui, nous n'aurions rien à dire du Moyen Age

Heureusement, il y a plusieurs écoles...
En ce qui me concerne, je ne vois aucun inconvénient à lire cet auteur et sans doute le ferai-je. Mais pourquoi diable, ne pas faire dialoguer, dans une émission quelconque, monsier Gougenheim, monsieur Brague, madame Delcambre, ou madame et monsieur Urvoy avec monsieur de Libera et d'autres historiens que cite Virgil ? Voilà qui ferait avancer le débat. Or on ne met jamais face à face les personnes qui n'ont pas le même avis sur les Arabes et sur l'islam, sans doute parce qu'il y a une volonté de ne faire nentendre que l'avis favorable mais aussi parce que ceux qui défendent le point de vue contraire se sentiraient trop désavantagés, étant obligés, eux, de marcher sur des oeufs pour ne pas risquer les foudres du politiquement correct et peut-être les menaces.
La phrase relevée par Bernard Lombart est très caractéristique d'une des facettes les plus frappantes de la mentalité des actuels tenants du pouvoir dans le monde des sciences humaines : avant eux, il n'y avait rien, rien que les ténèbres de l'ignorance dans lesquels les "dominants", les "mandarins" maintenaient l'humanité en général, et le monde universitaire en particulier. Grâce à la Providence, ils sont arrivés et depuis, le niveau monte.
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 18:03   Re : Jusqu'au changement de paradigme....
Merci beaucoup, cher Obi Wan. Inspiré par tous les précieux conseils qui m'avaient été prodigués ici, j'ai produit au préalable des pièces préconisant et justifiant les punitions corporelles modérées (et même un arrêt de la Cour Suprême du Canada....), le terrain était ainsi bien préparé...
Mais, après tout ce que j'ai lu, je ne peux qu'inciter à la plus grande prudence tous les pédagogues et cela tant que le paradigme actuel, qui nous fabrique une génération d'associaux, n'aura pas été renversé. Mon conseil : n'avouez jamais s'il n'y a pas eu de témoins et minimiser autrement. Je vous ai parlé de ce client qui avait corrigé son fils après que celui-ci l'ait traité de connard. Sûr de son bon droit, il a raconté en détail au juge d'instruction les gifles et les coups de pieds donnés au fils. Il risque de se retrouver prochainement devant le tribunal pénal.
Il y a plus de trente ans, j'ai eu connaissance des travaux des philosophes, logiciens et linguistes sur les universaux : on (re)découvrait la grammaire médiévale, les débats entre nominalistes et réalistes, l'art rhétorique d'Aristote, etc. J'ai lu de M. de Libera deux articles et une présentation assez complète de la scolastique dans l'Universalis. Qu'il soit l'un de ceux qui, au monde, connaissent le mieux la question ne l'autorise pas à "fustiger" dans le livre de M. SG "un plaisant exercice d'histoire fiction", digne des "amateurs de croisades", et propre à déclencher la "mobilisation huntingtonienne" du choc des civilisations. Il n'a pas lu le livre, ou s'il l'a lu, c'est comme les idéologues communistes lisant Souvarine, Kravchenko, Soljenitsyne... Il n'a sans doute pas lu Huntington non plus. Quand les professeurs et autres se vautrent dans les écuries des commissaires politiques, c'est l'indice qu'aucun savoir n'est plus possible et que les dogmes doivent tenir lieu de connaissances. Voilà qui, ajouté à "l'évidence" "qu'il n'est pas possible de discuter", charge un peu trop la barque.

Je signale que des pétitions circulent actuellement dans le milieu intellectuel et universitaire qui mettent M. SG au pilori, au risque de le désigner éventuellement à la vindicte d'illuminés.
» Je signale que des pétitions circulent

Et quelle est la Roudinesco, cette fois ?
Citation
des pétitions circulent actuellement dans le milieu intellectuel et universitaire qui mettent M. SG au pilori,

C'est tout le bas-clergé universitaire, ceux qui n'ont pas encore pu obtenir la réputation médiatique qui ouvre les portes des maisons d'édition, qui se vautrent dans la dénonciation, dans la délation et qui signent à tours de bras ces pétitions.
Si on prend la peine de lire les historiens de la philosophie que j'ai cités, Alain de Libéra, Ruedi Imbach, Olivier Boulnois, Cyril Michon, Joël Biard, etc. on se rend compte qu'ils se prétendent pas qu'avant eux il n'y avait rien : ils rendent hommage à Gilson, à Paul Vignaux, à Jean Jolivet, etc. la génération qui les a précédés.
Ce que visait à établie mon propos, c'est le fait qu'ils accomplissent, à la suite de leurs aînés, un travail de première main. Jacques de Venise, par exemple, a bien dû être édité (à partir de manuscrits souvent difficiles à lire) et son texte établi. Or, ceux que je viens de citer, en plus d'un vrai travail d'interprétation (ils ne sont pas tous d'accord et appartiennent à diverses écoles et tendances politiques), accomplissent un travail de mise à disposition des textes qui mérite d'être souligné.
Je trouve donc injuste l'accusation de mandarinat qui leur est faite. Le monde des médiévistes (en philosophie au moins) est l'un des plus ouverts et des moins sclérosés que je connaisse. Les médiévistes sont souvent curieux, exigeants et rigoureux.
Je comprends leur colère à la lecture de l'article de Roget-Pol Droit qui n'y connaît rien, qui n'a jamais édité un texte de sa vie et se contente de se faire mousser à peu de frais.
Le passage du livre de S. Gougenheim sur l'arabe est assez tendancieux, puisqu'il laisse entendre que l'arabe ne se prêterait pas à la philosophie, seulement à la poésie. Ce type d'argument sur le génie des langues est assez fûmeux, pour le moins.
Les langues sont ce que nous en faisons. Humboldt nous l'apprit il y a bien longtemps. Les peuples qui ne firent rien de leur langue en sont responsables, pas la langue !
Bravo ! Eh bien, cher Corto, puisque vous semblez bénéficier d'une oreille bienveillante auprès de certaines au moins des autorités confédérales, ne pourriez-vous pas leur glisser un mot à propos de Jean Ziegler ? Qu'un allumé pareil, qui s'est toujours trompé dans ses diagnostics, qui a été le complice actif de toutes les dictatures pourvu qu'elles se fussent proclamées anti-impérialistes, qui est gravement compromis avec le sanguinolent guignol qui règne en Libye, qui a soutenu à plusieurs reprises le négationnistes Garaudy, et qui, exerçant des fonctions à l'ONU lui permettant de diriger la distribution de l'aide alimentaire, a systématiquement écarté de celle-ci les pays dont les régimes politiques lui déplaisaient, notamment le Burundi et la République Centafricaine, qu'un allumé pareil, dis-je, ait bénéficié du soutien du gouvernement suisse pour sa nomination au comité des Nations-Unies pour les droits de l'homme, où il occupe un des trois sièges alloués à des occidentaux paraît absolument incompréhensible, d'autant qu'il a acquis sa célébrité initiale en écrivant un livre gravement diffamatoire à l'égard de son pays. Vous me direz peut-être qu'au fond c'est très bien ainsi puisque cela dit tout de cet organisme onusien. Certes, mais que cela dit-il du gouvernement suisse ?
» Roget-Pol Droit qui n'y connaît rien, qui n'a jamais édité un texte de sa vie et se contente de se faire mousser à peu de frais.

Encore du dénigrement ! Je ne sais si Roger-Pol Droit est philologue ni s'il a édité des textes du Moyen Âge, mais qu'est-ce que cela fait ? Il est philosophe, et son compte rendu du livre de Gouguenheim était très honnête. De plus, ce n'est pas lui qui "fait mousser", mais Le Monde (auquel il participe, je sais, mais pas comme faiseur de mousse).
" ... m'est connue depuis toujours."

Bouh ! la faute de syntaxe !

" ... est connue de moi depuis toujours "
Dans son livre, pages 184-186 (dernier chapitre : "problèmes de civilisation"), M. SG s'interroge sur les traductions : "une source de progrès ou d'erreurs ?". Il rappelle que les traductions de Jacques de Venise contiennent parfois des erreurs qui sont aussi des contre-sens, mais il cite une spécialiste (d'Alverny) qui "signale que les traducteurs arabes ou Gérard de Crémone n'ont pas proposé des versions beaucoup plus exactes".

C'est dans ce court chapitre qu'il cite Minio-Paluello, un des spécialistes de la réception d'Aristote au Moyen Age (il écrivait dans les années 1950-70) : "L. Minio-Paluello, de son côté, déplorait "la verbosité propre à la langue arabe", guère adaptée, selon lui, au discours philosophique". SG a peut-être tort de citer cet érudit à l'ancienne manière. Le citant, il assume ce qui est dit, mais ce qui est dit n'a rien d'infâmant. C'est à peu de choses près la critique qu'adressaient à la langue arabe (pervertie par la soumission) les intellectuels arabes (et musulmans) eux-mêmes, dont le Cheikh Mohammed Abdou, qui, à la fin du XIXe s, ont milité en faveur de la "nahda" : du "redressement" intellectuel et moral des peuples arabes, qui gémissaient sous le joug ottoman.

SG cite l'exemple des Seconds Analytiques, traduits en latin par Gérard de Crémone à partir de traductions en arabe de ce texte faites à partir d'une traduction en syriaque du texte grec. Voilà la conclusion de SG : "la traduction syriaque est fidèle au texte grec; celle d'Abou Bichr (en arabe) s'en éloigne, mais reste solide. En revanche, la traduction arabe anonyme, qui délaye la version d'Abou Bichr, est fort différente de l'original grec. Malheureusement, G. de Crémone l'a beaucoup suivie. Aussi, bien que plus proche d'une transcription mot à mot, le texte de Jacques de Venise est meilleur que le sien. A tous égards, il valait mieux partir du grec".
Ce qui me semble être une conclusion de bon sens et c'est ce qui a été fait, heureusement pour nous, à la "Renaissance".

Le procès fait à SG à qui l'on reproche d'adhérer à "l'essentialisme" de telle ou telle langue n'a aucun fondement - sur ce point précis du moins. Il suffit de lire son livre. L'on n'y lira rien qui mérite le bûcher, le pilori ou le Goulag ou l'infâmie éternelle ou les feux de l'Enfer. Son étude est très technique et, en plus, elle est confirmée par les expériences que nous faisons chaque jour : nous savons tous à quoi nous en tenir pour ce qui est des traductions de traductions de traductions de traductions.
Je crois, cher JGL, que Virgil faisait allusion au paragraphe "Systèmes linguistiques et modes de pensée : la barrière de la langue" pp. 136-137.
Le point qui m'intéresse tout spécialement est celui des sources de Thomas d'Aquin. J'ai un peu pratiqué Thomas d'Aquin (et Aristote, évidemment), et quand il cite "le Philosophe", son texte, repris quasiment en discours indirect, semble tout de même très précis. Quelles étaient ses sources, en Italie, à lui, en particulier ? Gouguenheim (mais je n'ai pas encore lu son livre entièrement) s'arrête, justement, je crois, avant le 13e siècle... Le fait que Thomas d'Aquin ait pu lire des commentaires d'Averroès ne signifie pas que son texte d'Aristote (en traduction latine) venait de lui (ni celui d'Albert le Grand, ni celui de Bonaventure)... Les traductions arabes ont surtout eu pour influence, je crois de fourvoyer les philosophes dans des querelles insolubles à propos de l'Intellect agent... (Siger de Brabant...)
Merci, cher ami, de cette correction. Je n'avais pas accordé une grande importance à ces deux pages qui reprennent des thèmes chers aux linguistes et connus depuis longtemps. La thèse de SG est exprimée par Benveniste en des termes plus généraux ("catégories de pensée et catégories de langue", in Problèmes de linguistique générale, I, 1966). Je cite : "en fait, essaie-t-on d'atteindre les cadres propres de la pensée, on ne ressaisit que les catégories de la langue".
Utilisateur anonyme
26 avril 2008, 23:10   Re : Jusqu'au changement de paradigme....
Vous avez parfaitement raison, cher Marcel Meyer. C'est un grand mystère, car M. Ziegler ne bénéficie d'aucun crédit auprès d'une grande majorité des citoyens suisses. Mais comme vous le savez, le gouvernement helvétique est un directoire de concordance qui réunit deux membres socialistes, deux radicaux, un démocrate-chrétien et deux conservateurs. Allez savoir à quels savants calculs le soutien du Conseil fédéral à la nomination de Jean Ziegler à l'Onu a pu répondre !Peut-être qu'il n'y avait aucune place disponible pour un bouffon au cirque Knie ?

Le château de Roccasecca près d'Aquino avait vu naître en 1225 un nouveau sujet du roi des Deux-Siciles. Sa famille, toute dévouée aux Hohenstaufen, retira le jeune Tommaso du Mont-Cassin lorsque les Bénédictins en furent chassés par Frédéric, et l'envoya à l'Université de Naples que ce dernier venait de fonder. D'emblée Thomas d'Aquin se trouva plongé là dans l'enseignement de l'aristotélisant Pierre l'Irlandais, et dans le cercle de traducteurs de Frédéric. C'est contre le gré de sa propre famille et celui du roi que le « bœuf de Sicile » devait ensuite prendre l'habit de saint Dominique. Étudiant à Cologne, il y rencontre Albert le Grand, issu d'une puissante maison souabe acquise, elle aussi, à l'empereur-roi ; maître et disciple se retrouveront plus tard à Rome et à l'Université de Paris, où ils introduiront l'aristotélisme chrétien, opposé à l'averroïsme. À Rome, Thomas avait fréquenté la cour d'Urbain IV, ce Champenois qui avait été archidiacre à Liège (1247) et qui, pontife, fit renaître les études philosophiques en Italie ; à cette cour, Thomas se lia avec le dominicain Guillaume de Moerbeke, excellent helléniste qu'il décida à traduire Aristote directement du grec en latin ou à réviser les traductions existantes. On sait l'importance de cette entreprise.

Il faut évidemment se demander d'où venaient les manuscrits grecs qui ont nourri l'activité de traducteur de Guillaume. La réponse à cette question passe à nouveau par la Sicile.

Le roi Manfred partageait les curiosités scientifiques de son père. II avait lu et peut-être traduit lui-même de l'hébreu en latin le De pomo alors attribué à Aristote, tandis qu'une équipe de traducteurs continuait à s'activer à la cour de Palerme. Certains noms ont survécu. On doit à Barthélemy de Messine la version latine de la Grande Morale, des Problèmes et d'autres œuvres pseudo-aristotéliciennes ; sans doute faut-il lui attribuer entre autres une traduction, anonyme, du De mundo, dont il existe une deuxième version qui pourrait être de Nicolas de Sicile, travaillant dans le même cercle. Nicolas est également l'auteur des copies les plus anciennes que nous possédions de l'Éthique à Eudème et de l'Économique [16].

Les négociations du pape Urbain IV, irréductiblement hostile aux Hohenstaufen, avaient finalement abouti à faire accepter la couronne des Deux-Siciles par Charles d'Anjou, frère de saint Louis. Manfred ayant péri dans la bataille de Bénévent (1266), Charles d'Anjou disposa de la bibliothèque constituée au XIIe siècle par les rois normands et passée ensuite aux Souabes. Les précieux manuscrits grecs de ce fonds furent donnés au successeur d'Urbain IV, le pape Clément IV, qui les intégra à la bibliothèque Vaticane ; ils y sont spécifiquement mentionnés dans des inventaires de 1295 et de 1311. Cette donation venait enrichir une collection déjà existante et former avec elle l'ensemble auquel eut accès Guillaume de Moerbeke [17].

Compensations du destin. La Sicile qui n'avait pas accueilli Aristote vivant allait contribuer, avec l'Espagne, à transmettre à l'Occident le flambeau aristotélicien, à travers les soubresauts de sa tumultueuse histoire. Au temps même où l'hellénisme s'y meurt, Bessarion, évêque de Mazzara (province de Trapani), futur archimandrite de S. Salvatore à Messine, dédie au souverain des Deux-Siciles Alphonse V d'Aragon sa traduction de la Métaphysique, révision de celle de Moerbeke : les trésors des librairies insulaires avaient fait, au-delà de Rome, leur étonnant chemin.


Source : Sauvetage d'Aristote : le rôle du vecteur sicilien par Marie-Paule LOICQ-BERGER, chef de travaux honoraire de l'Université de Liège.
C'est moi qui souligne.
Ma critique de Roger-Pol Droit consiste en ceci que, ignorant les questions de la transmission des textes grecs par plusieurs voies (traduction, copie, etc.), en plusieurs vagues (par exemple en logique, on distingue la logica vetus et la logica novus, d'après les deux vagues de traductions d'oeuvres logiques du Philosophe), il recense un livre dont il ne prend pas le temps ni la peine de vérifier le bien-fondé et le sérieux. Certaines de ses affirmations sont tout simplement fausses : Jacques de Venise n'était pas inconnu avant le livre de S. Gouguenheim et personne n'affirme, parmi les médiévistes philosophes, que l'Occident dût tout aux Arabes ou aux "Arabes", encore moins à l'Islam, moins encore à l'islam. Laissant entendre que de telles thèses auraient cours, on a beau jeu de les réfuter.
M. Roger-Pol Droit fit preuve de la même légèreté et de la même honnêteté dans l'affaire Faye dont il ne vérifia aucune des traductions, aucune des citations (très souvent lues à rebours de leur contexte, etc.).
Je m'étonne qu'on se permît d'attaquer A. de Libéra sans lire ses livres, de porter aux nues un livre aux méthodes peu fiables dont l'une des annexes est très tendancieuse - mais ne serait rien si la démonstration qui précède était rigoureuse. La connaissance de l'arabe de S. Gouguenheim ne semble pas très poussée si bien qu'il ne cite jamais les textes eux-mêmes, mais ses commentateurs. Il ignore donc tout ce qui attend encore d'être édité et traduit.
Un Rémi Brague connaît et lit l'arabe. Il n'est pas d'accord sur tout avec A de Libéra et les deux débattent, mais débattent à partir d'une véritable connaissance des textes.
La faiblesse du livre de Gouguenheim (que je n'ai pas fini de lire) est sa connaissance très approximative des questions doctrinales dont les textes sont les témoins, les supports et les enjeux. Il semble surtout animé par un souci démonstratif unique : montrer que l'Occident ne doit rien aux Arabes.
Je renvoie à la fameuse video de Brague sur Dailymotion où ce dernier rappelle à juste titre que nous ne leur devons pas tout, mais que nous ne leur devons pas rien.
Personne, parmi les médiévistes sérieux, n'affirme que nous leur devrions tout.
Montrer la grandeur d'Averroès ou d'Avicenne ne signifie pas une islamophilie maladive.
Je ne sais pas si les intervenants de ce forum sont conscients des difficultés auxquelles sont soumis les spécialistes des auteurs arabes du Moyen Age.
A. de Libera se voit souvent traiter d'allié de Tarik Ramadan et Kurt Flasch refuse sans cesse des ponts d'or offerts par l'Iran qui aimerait le récupérer. Les deux luttent pour n'être pas récupérés, rappellent sans cesse que la grandeur d'un auteur ne saurait signifier que le contexte dans lequel il naît partage son génie, etc.
Les attaques auxquels le livre de Gouguenheim les soumettent les privent d'un public éclairé et mesuré : ils sont pris entre les islamistes et les anti-islam.
Ils n'aspirent qu'à un public qui LIT et qui lit tout.
"Il semble surtout animé par un souci démonstratif unique : montrer que l'Occident ne doit rien aux Arabes. "

Et après ? Que l'on soit en désaccord avec cette thèse justifie-t-il de le traiter implicitement de nazi ? cela justifie-t-il de faire circuler une pétition contre lui ? Et depuis quand approuver l'idée du choc des civilisations serait un crime ? Tout cela porte un nom : chasse aux sorcières.
« [Un article] signé par Roger-Pol Droit, qui ne va pas faire plaisir à tout le monde et qui remet en cause des décennies de politiquement correct pro-islamique. Évidemment tout le monde aurait du se souvenir que la civilisation grecque a subsisté de façon autonome jusqu’en 1453 et communiquait avec l’Europe occidentale ! Mais les préjugés pro-Islam sont les plus forts. »

Tout est dit en trois lignes : c'est sur le blog d'Assouline.
Excusez-moi, cher Bernard Lombart, mais je ne trouve pas la phrase que vous citez sur le blog d'Assouline. J'y trouve en revanche un long article à charge, exactement conforme à ce qu'on pouvait attendre de ce membre de la crème des amis du désastre.
Dans cette controverse entre intellectuels organiques, partisans de la "thèse arabe", et historiens, on ne doit pas oublier que jamais les échanges entre le monde occidental et l'empire "byzantin" n'ont cessé. Il ne faudrait pas que nos mentalités, trop marquées par des rideaux de fer en tous genres, nous fassent voir les univers méditerranéens comme des zones étanches entre elles. Par exemple, je trouve dans l'ouvrage dirigé par Alain Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe, les observations suivantes sur l'Italie du sud :

"L'élan nouveau est donné par la reconquête du X°s : alors fleurit le monachisme basilien d'Italie, dont les traces sont, encore aujourd'hui, les nombreuses cryptes peintes dont la plus ancienne, celle de Carpignano, est datée de 959 ; au IX°s, leur multiplication témoigne du nombre croissant des hellénophones : certaines, comme c'est le cas à Casanarello entre 1058 et 1064, portent de nombreux gaffiti dévotionnels en grec. De Pouille comme de Calabre, les moines grecs, célèbres chez les Latins pour leur rigueur, gagnent les zones latinisées, s'installent à Bari, en Lucanie, à Tarente, jusque dans le massif du Vulture ; avec eux voyagent les nombreux manuscrits hagiographiques produits par leur scriptoria que les écoles de traduction de Naples, de Rome, du mont Cassin traduisent avec passion. Le plus célèbre de tous, Nil de Rossano, écouté des princes lombards, respecté et reçu par les bénédictins du Cassin, fonde vers 995 le monastère basilien de Grottaferrata, près de Rome où, de son côté, il recueille des livres qu'il fait calligraphier. Car les basiliens sont un exemple pour une église romaine qui songe à se réformer : ils lui réapprennent discipline et chant liturgique ; dès le X°s, des préréformateurs comme Romuald de Ravenne et Guillaume de Volpiano passent par le sud italien. Si ces contacts sont étroits et fréquents, c'est que cet hellénisme italien est surtout culturel : il préfigure la réforme grégorienne et ne s'en effraie pas ; au contraire, les monastères grecs, en Sicile et en Italie, prospèrent surtout après la victoire normande. Monde orthodoxe assez rare qui, dès le XI°s, sait maintenir son identité sans strop se préoccuper des obédiences et sans la tutelle quasi magique du pouvoir impérial." (p. 287) On apprend ailleurs à relativiser, comme les gens de l'époque, le schisme de 1054, qui venait après une interminable série de schismes dont les contemporains avaient perdu le compte.

Certes, rien sur Aristote. Toutefois dans Lire à Byzance de Guglielmo Cavallo (Belles-Lettres, 2006), on rencontre des figures monastiques n'ignorant rien de la culture et de la philosophie antiques, et de nombreux manuscrits aristotéliciens offerts par les empereurs aux monastères de l'Athos et d'ailleurs (le monachisme orthodoxe n'ayant pas vocation spécialement culturelle comme en Occident, puisqu'il existait une université d'état à Constantinople et un système quasi-mandarinal laïc de promotion) . Quand on sait d'autre part qu'un intense commerce vénitien, génois et amalfitain reliait la capitale à l'Europe occidentale, on voit bien que les échanges de toute sorte n'ont jamais cessé entre ces deux parties de l'ancien empire romain, même aux plus hautes époques.
27 avril 2008, 13:57   Rappel
Il y a fort longtemps (sans doute, des siècles), la gauche progressiste et révolutionnaire n'avait peur ni des mots, ni des choses, comme le prouve cet extrait du Discours sur les sciences et les arts (JJ Rousseau, 1750), première partie, § 2. Il va sans dire que je ne partage pas les préjugés de Rousseau, je ne les cite que comme le vestige de discours que l'on n'entend plus "à gauche".

« L'Europe était retombée dans la barbarie des premiers âges. Les peuples de cette partie du monde aujourd'hui si éclairée vivaient, il y a quelques siècles, dans un état pire que l'ignorance. Je ne sais quel jargon scientifique, encore plus méprisable que l'ignorance, avait usurpé le nom du savoir, et opposait à son retour un obstacle presque invincible. Il fallait une révolution pour ramener les hommes au sens commun ; elle vint enfin du côté d'où on l'aurait le moins attendue. Ce fut le stupide Musulman, ce fut l'éternel fléau des lettres qui les fit renaître parmi nous. La chute du trône de Constantin porta dans l'Italie les débris de l'ancienne Grèce. La France s'enrichit à son tour de ces précieuses dépouilles. Bientôt les sciences suivirent les lettres; à l'art d'écrire se joignit l'art de penser; gradation qui paraît étrange et qui n'est peut-être que trop naturelle; et l'on commença à sentir le principal avantage du commerce des Muses, celui de rendre les hommes plus sociables en leur inspirant le désir de se plaire les uns aux autres par des ouvrages dignes de leur approbation mutuelle ».

Notes
La chute du trône de Constantin, 1453
Il semble que, par les termes "le jargon scientifique, encore plus méprisable que l'ignorance", JJ R ait désigné la scolastique.
27 avril 2008, 14:30   Re : Rappel
" Je ne sais pas si les intervenants de ce forum sont conscients des difficultés auxquelles sont soumis les spécialistes des auteurs arabes du Moyen Age. ( ...)
Les attaques auxquels le livre de Gouguenheim les soumettent les privent d'un public éclairé et mesuré : ils sont pris entre les islamistes et les anti-islam."

Voilà de plaisantes remarques. Chacun sait, en effet, les risques terribles qu'encourent de la part des anti-islam, les auteurs favorables à cette religion et à cette culture : procès, carrière gâchée, menaces de mort et j'en passe.

Blague à part : les préjugés favorables à l'islam et aux "Arabes" (qu'ils soient justifiés ou non) sont devenus une telle vulgate que quiconque se risque à défendre les préjugés inverses se voit obligé à des concessions pour ne pas s'attirer les foudres de la Bienpensance. Impossible de faire entendre le son de cloche contraire sans des précautions oratoires, devenues clauses de style indispensables. On prend en général grand soin de souligner, même si on n'en croit pas un mot, que le véritable islam n'est pas l'islamisme ; que le premier est tolérant alors que l'autre n'est qu'un islam dévoyé ; que "l'immense majorité des mususulmans" serait bien entendu modérée, etc. Rien d'étonnant, donc, à ce que Rémi Brague concède que l'on doit tout de même quelque chose aux "Arabes", même si c'est, en réalité, fort peu.
27 avril 2008, 14:39   Re : Rappel
Citation
Rien d'étonnant, donc, à ce que Rémi Brague concède que l'on doit tout de même quelque chose aux "Arabes", même si c'est, en réalité, fort peu.
Jawohl!
"Rien d'étonnant, donc, à ce que Rémi Brague concède que l'on doit tout de même quelque chose aux "Arabes", même si c'est, en réalité, fort peu."
Relisez Rémi Brague (notamment : "Au moyen du Moyen Age") et vous verrez que ce n'est pas si peu.
Est-il possible, dans cette affaire, de dissocier la critique du livre de Gouguenheim de la réaction-accusation dont il est l'objet ? Qu'il fût attaquer avec bêtise et idéologie (la fameuse "race des Signeurs" dont parlait avec humour Muray) ne fait pas de lui un homme qui a raison !
Est-il possible qu'on admît que je fusse en désaccord ET avec le livre de Gouguenheim ET avec la tonalité et les arguments de sa condamnation par les deux spécialistes de Paris 8 et de Montpellier 3 ?

Personne, parmi les spécialistes, ne conteste la persistance des échanges entre Byzance et l'Europe occidentale chrétienne. Arguez de cette réalité historique ne réduit pas à néant l'apport des savants et des écrivains arabes ou arabophones. Il me semble que certains ici s'obstinent à minorer l'importance de cet apport non à la lumière d'une analyse détaillée et impartiale, mais à partir d'un préjugé d'une autre nature que le savoir. Je me trompe peut-être, mais la dénaturation de la parole de Brague contenue dans la remarque relever m'incline à le croire.
"Est-il possible qu'on admît que je fusse en désaccord ET avec le livre de Gouguenheim ET avec la tonalité et les arguments de sa condamnation par les deux spécialistes de Paris 8 et de Montpellier 3 ?"

Tout ce qu'il y a de possible : j'admets.
"Est-il possible qu'on admît"

Ca aussi on le doit aux arabes, non mais!
Personne ne nie que le monde arabo-musulman ait connu, à l'époque des Abbassides, quelques beaux siècles qui ont contribué à la civilisation. Cependant, une part notable de cette belle civilisation était due à l'héritage que les Arabes ont reçu des pays qu'ils ont conquis : Perse (Avicenne et autres), Orient chrétien, Egypte chrétienne et hellénisée. Dans une large mesure, la décadence du monde arabo-musulman s'explique par l'affaiblissement progressif de cet héritage au fur et à mesure que progressait l'islamisation et, avec elle, le rejet souvent violent des lumières (faut-il rappeler, une fois de plus, qu'Averroès fut banni de ce paradis de la tolérance qu'était l'Andalousie musulmane, et ses oeuvres brûlées ?).

Le non-dit, derrière tout cela, est évidemment notre futur immédiat : si islam = lumières, nous n'avons pas à nous inquiéter mais au contraire à nous réjouir du sort qui, à toute vitesse, est en train de devenir le nôtre, bien au contraire, il convient de nous en réjouir, n'est-ce pas ?
27 avril 2008, 16:37   Virgil m'a tuer
M. Virgil devrait avoir une pensée pour les pauvres bougres comme moi qui n'ont pas appris l'arabe et qui doivent plancher de longues minutes sur des phrases comme Les attaques auxquels le livre de Gouguenheim les soumettent les privent d'un public éclairé et mesuré pour tâcher de comprendre qui fait quoi là-dedans.

De quelles "soubrettes" il est question au juste ? C'est que j'aimerais comprendre moi ! Qu'il l'admît quoi!
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