Mardi soir, dans le documentaire (partisan : une sorte de plaidoyer pour les "vichystes-résistants" !!!) consacré aux engagements de Mitterrand à Vichy, la doxa suivante a été énoncée : ce qui condamne à jamais le régime de Vichy, ce qui fait son ignominie, ce sont les lois anti-juives - ce qui a permis à Moati de mettre aussi en cause De Gaulle, qui n'aurait pas évoqué, sinon de façon allusive, dans ses
Mémoires de guerre ces lois.
Des "historiens" ont apporté leur caution à ce documentaire : aucun d'eux n'a relevé l'incongruïté de ces analyses; aucun d'eux ne les a nuancées. Bien entendu, les "lois" anti-juives ont été ignobles, mais ce n'est pas, pour cette raison, que le régime de Vichy est une tache dans notre histoire : il est d'autres régimes qui ont voté des lois de la même farine; les socialistes ont voté des lois qui seront peut-être ressenties dans un demi-siècle comme ignobles, etc. Ce qui a discrédité ce régime, c'est la demande d'armistice, la rupture unilatérale des engagements internationaux pris par la France pendant vingt ans, l'acceptation de placer la France sous la tutelle d'un pays qui avait pour but de la démanteler et de la dépecer.
Autrement dit, une autre histoire de la deuxième guerre mondiale s'écrit et continue à s'écrire, s'enseigne aussi, dont le coeur, le foyer, l'événement central, est la politique d'extermination décidée par le Troisième Reich. Moralement, politiquement, humainement, etc. cette politique a été ignoble et les responsables - sinon tous, du moins une partie d'entre eux - ont été poursuivis, condamnés, emprisonnés ou même exécutés. La justice est passée. Mais Clio n'est pas Némésis. On ne peut pas réduire la deuxième guerre mondiale à ces seules horreurs : c'est s'exposer à ne rien y comprendre, ni à la guerre, ni aux horreurs; c'est occulter les vraies raisons (les ambitions impériales du Reich, etc.) de la guerre; c'est aussi oublier les trente ou quarante millions de morts, les vies brisées, les destructions, etc.
Or, cette question, qui n'est pas rien, qui a un lien avec la Vérité, ne peut plus être abordée sereinement, objectivement, sans passion, etc. parce qu'un homme politique en fait, par provocation ou pour tout autre raison, son fonds de commerce, la réduisant à quelques gesticulations devant les journalistes, qui n'en demandent pas tant et qui n'attendent que ça pour l'asticoter. Le résultat obtenu est à l'opposé de celui qui était recherché (si tant est que M. Le Pen en ait eu un) : le débat historique soixante-dix ans après les faits est impossible. Il n'y a plus qu'une vérité. Chacun est sommé de s'y plier. Voilà à quel désastre conduisent les provocations de M. Le Pen.