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George Steiner répond à Élisabeth Lévy

Envoyé par Didier Goux 
Utilisateur anonyme
17 février 2008, 10:48   Re : George Steiner répond à Élisabeth Lévy
Admirable George Steiner !
Il me semble qu'il avait été injustement attaqué dans un fil récent sur le Site des lecteurs
«Je crois à la catastrophe économique et sociale, et je crois qu’elle entraînera un retour de l’humain. »

On ne peut être plus optimiste !

__
(N.B. Merci au Guru pour ces caractères de la zone de saisie, je trouve cela très bien ! Suggestion : modifier aussi la feuille de style pour le "quote", cela fera plaisir à Renaud Camus, qui n'aime pas cette affreuse boîte – il a bien raison...)

Citation

test
Comme ceci ?

Citation
Bernard [s
Lombard[/s] Lombart (il ne faudrait tout de même pas confondre Dupond et Dupont) ]Suggestion : modifier aussi la feuille de style pour le "quote", cela fera plaisir à Renaud Camus, qui n'aime pas cette affreuse boîte – il a bien raison...
Citation
Marcel M.
Comme ceci ?

Citation:
Bernard Lombard Lombart (il ne faudrait tout de même pas confondre Dupond et Dupont)
Suggestion : modifier aussi la feuille de style pour le "quote", cela fera plaisir à Renaud Camus, qui n'aime pas cette affreuse boîte – il a bien raison...

Il faut demander l'avis du Maître, mais moi je trouve cela parfait (retrait et italiques). Trouvez-vous nécessaire le "citation:" (avec d'ailleurs les deux points collés à l'anglo-saxonne) ? – Je sais bien que cela ne se joue pas au même endroit...

P.-S. Lombart s'écrit comme au moyen âge, avec un "t", comme "Internet"... Mais vous pouvez l'écrire avec "d" comme "sabord", cela ne me dérange pas (et ça me fera un pseudo de plus...)
Z'avez vu, m'sieur Camus : j'ai corrigé tous mes encadrés, pour vous faire plaisir !
Utilisateur anonyme
17 février 2008, 18:57   Re : George Steiner répond à Élisabeth Lévy
Quel fayot !
Oui, et Monsieur Lombard, enfin je veux dire Monsieur Lombart pourra également constater que j'ai corrigé son nom.
En effet, je l'ai constaté, cher Marcel (ici un souriard, une binette, ou comme disent certains nostalgiques de la belle typo, un "couillard"). Mais vous avez usé de votre droit d'administrateur tout-puissant pour corriger mon propre message citant le vôtre, n'est-il pas ??

(Je précise pour les nuls-en-informatique que je faisais de l'humour, que je n'avais rien corrigé du tout, et que mes "corrections" étaient l'effet rétroactif de l'heureuse opération de Monsieur Meyer et de son Guru...)
Cher Corto,
au sujet de G. Steiner il y a un article dans la revue Commentaire intitulé: "La pseudo-profondeur de George Steiner" par Joseph Epstein (numéro 112, page 1021, hiver 2005-2006). C'est légèrement polémique, mais dans des limites raisonnables. Etant abonnée, je vais essayer de me faire envoyer cet article (assez long) sur ma "boîte", hum, hum, rien ne dit que j'y arriverai: mais qui ne tente rien n'a rien...Ah oui cet article fait partie de la revue des livres et idées, et était publié aprés la sortie du livre: "Lessons of the Masters". /size]
La pensée et l'oeuvre de George Steiner ne sont pas reçues comme elles le méritent en France (où pourtant il a été formé et, à partir de 1940, au lycée français de New York, où il a passé le baccalauréat). Il faut en comprendre les raisons.

Steiner est hostile à l'enracinement du peuple juif dans une terre ou une nation, ce en quoi il s'oppose à Finkielkraut et à tout le mouvement sioniste : il n'est pas un inconditionnel (euphémisme) d'Israël. Pour lui, le peuple juif a un destin mystique à accomplir - ce en quoi il se distingue des autres peuples.

Steiner a la "passion" du livre et des textes. Il sait par coeur des milliers de vers, grecs, latins, allemands, anglais, français. Il peut réciter tout Homère. C'est, entre autres raisons, pour cela qu'il s'est lié d'une très vive amitié avec Boutang, avec lequel il a partagé la même "passion" d'Homère. Bien entendu, les blindés en idéologie n'ont pas compris qu'un intellectuel juif pût éprouver de l'estime pour un penseur "vieille France", proche de l'Action française ou des royalistes, et réputé (à tort bien entendu) antisémite ou raciste.

Steiner est un "transfuge". Le livre qui l'a fait connaître dans les années 1960, "Langage et silence", jette les bases (avant Derrida) de la déconstruction, amplifie les thèses d'Adorno (ou attribuées à Adorno : plus de poésie ou plus d'art après Auschwitz), lance le grand thème repris partout de la suspicion (suspicion du langage : le langage dirait autre chose que ce qui est dit, etc.) Or, dans les années 1980, tout ce que Steiner écrit prend le contrepied de ses premières thèses : il défend la positivité du sens contre les déconstructeurs, il affirme la présence du réferent dans les discours contre les structuralistes (cf. Le Sens du sens : "Is there anything in what we say ?" : bien sûr, répond Steiner), il critique et rejette tout ce qui est "méta" (métadiscours, métacritique, métalangage) pour retrouver les textes, leur nature, leur naïveté, ce qu'ils disent vraiment quand ils sont lus sans préjugés, ni oeillères... Il revient à l'humanisme européen, par goût, mais aussi par fidélité aux grands penseurs juifs qui ont illustré à merveille cet humanisme (Spitzer, Auerbach, Klemperer), que les deux totalitarismes du XXe siècle ont fait disparaître en Allemagne, en Europe centrale et dans toute l'Europe de l'Est.
Le postulat du "contrat verbal" (parler, c'est parler de quelque chose; c'est vouloir dire quelque chose à quelqu'un), parallèle au contrat social de Rousseau et au contrat naturel de Serres, suscite surtout des ricanements dans les universités branchées (et toutes les universités le sont).

Steiner est assez proche des comparatistes (passion de la traduction: cf. sa thèse sur Babel, des littératures "étrangères", de la comparaison des grandes traditions : Homère, Virgile, Dante, Shakespaere, Goethe, etc. qu'il connaît bien) qui devraient le considérer comme un maître à penser et tenir son oeuvre pour une matrice. Il n'en est rien. Steiner l'explique par le pillage (j'y verrais plutôt l'effet de sa tentative de ressusciter l'humanisme et la philologie). Les grands thèmes de son oeuvre auraient été empruntés, sans que les emprunteurs et suiveurs aient cru bon de révéler leur source.

Enfin, ce qui ne passe absolument pas dans la pensée moderne, c'est le renversement auquel Steiner procède dans le genèse du "mal". D'après lui, ce n'est pas à Auschwitz ou chez les nazis que le "contrat verbal" a été brisé pour la première fois et que la langue a été utilisée pour tuer, mentir, cacher, haïr, mais c'est dans la poésie française que tout se passe à la fin du XIXe siècle : chez Mallarmé, les mots ne réfèrent plus à rien d'extérieur au langage (fleur, l'absente de tous les bouquets), ils ne réfèrent qu'aux mots (autoréférence), le langage est le seul horizon du langage; chez Rimbaud, "je est un autre", ce que Steiner interprète ainsi : le langage, la langue, le discours perdent toute origine; ils ne s'originent en rien; ils s'énoncent eux-mêmes; le sujet disparait de ce qui est dit. Ce double nihilisme est, selon Steiner, la matrice des les dérives observées au XXe siècle.

A ma connaissance, la seule revue qui fasse connaître et défende sans (véritable) réserve les thèses de Steiner est "le Débat".
Utilisateur anonyme
21 février 2008, 20:58   Re : George Steiner répond à Élisabeth Lévy
Merci JGL pour cette passionnante et documentée intervention ! Mon admiration pour Steiner grandit encore grâce à vous !
Cher Corto,
vraiment désolée de ne pouvoir envoyer l'article de la revue Commentaire, ne l'ayant pas encore reçu. De ma part j'ai seulement lu " Le château de Barbe bleue ", et j'ai entendu la longue émission à voie nue menée par Antoine Spire, il y a trois ou quatre ans. G. Steiner parlait d'une façon inutilement désagréable, A.S. réduit à l'état de petit garçon.
L'auteur de l'article est professeur de littérature dans une université américaine, il connaît bien G. Steiner, et son avis même s'il n'est pas enthousiaste, est digne d'être lu sans prévention.
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