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Communiqué n° 1045 : Sur les événements de Tremblay-en-France

Communiqué n° 1045, lundi 3 mai 2010
Sur les événements de Tremblay-en-France

Le parti de l'In-nocence se demande ce qu'il y a de plus stupéfiant à propos des événements de Tremblay-en-France : leur violence même, qui consacre l'abdication de l'État et de ses services face à la sécession violente de territoires toujours plus larges et sans cesse renouvelés, ou bien la discrétion médiatique qui les entoure. Ce quasi-silence face à des faits de la plus extrême gravité, qui montrent à nu l'impuissance de l'autorité publique sur des pans entiers du sol national, ne peut avoir que deux explications : ou bien les jeunes sécessionnistes font déjà si peur et maîtrisent déjà tant de pouvoir que toute publicité apportée à leurs menées pourrait déclencher une commotion où l'unité même de la nation serait mise en question ; ou bien les attaques et incendies de moyens de transports en commun, aboutissant de fait à la paralysie voire à la disparition de ce service public, sont désormais si fréquents et si coutumiers, si parfaitement entrés dans les mœurs de la France contre-colonisée, si bien connus de tous et si généralement considérés comme des éléments normaux et constitutifs de la société multicuturelle et pluri-ethnique, qu'ils ne constitueraient plus des événements, et qu'il n'y aurait pas lieu d'en informer le pays à chaque occurrence : pareil climat social serait désormais une donnée acquise.

Le parti de l'In-nocence s'étonne au demeurant que soient si nombreux parmi les jeunes contre-colonisateurs, alors qu'ils se plaignent sans cesse de l'"amalgame" entre eux-mêmes et la délinquance organisée, ceux qui choisissent précisément les opérations de police contre les divers trafics illicites dont leurs cités sont le théâtre comme prétexte aux manifestations extrêmes de leur nocence, comme s'ils tenaient à confirmer dans leurs actions les liens qu'ils démentent sans cesse en leurs discours ; et comme s'il était entendu une fois pour toutes que chaque opération de police contre les trafiquants présente un caractère de provocation à l'endroit de leur "communauté". Or la prétendue "provocation", autre nom du trop fameux "manque de respect", est justement ce que les différents pouvoirs politiques sont sommés d'éviter en permanence, la moindre manifestation qui pourrait lui être assimilée — et c'est tout acte d'autorité sans exception, tout vestige affiché de souveraineté — portant en elle en permanence la responsabilité promise de troubles toujours plus graves et d'atteintes toujours plus marquées au pacte fondamental d'in-nocence entre les citoyens.
Le parti de l'In-nocence s'étonne au demeurant que soient si nombreux parmi les jeunes contre-colonisateurs (...) à choisir précisément les opérations de police

Je crois que cette phrase ne tient pas debout.
Le premier paragraphe me surprend un peu : on parle beaucoup de cette affaire, et elle a lieu justement parce que l'État tente (certes imparfaitement) de reprendre pied.
Peut-être faudrait-il tenter d'éviter les phrases trop longues dans les communiqués ; je trouve que cela en diminue l'impact et la clarté, ce qui est particulièrement le cas ici.
"parmi" est de trop et doit sauter, "ceux-ci" doit être introduit dans l'incise et "soient si nombreux à" doit être accolé à "choisir": Le parti de l'In-nocence s'étonne au demeurant que les jeunes contre-colonisateurs, alors que ceux-ci se plaignent sans cesse de l'"amalgame" entre eux-mêmes et la délinquance organisée, soient si nombreux à choisir précisément les opérations de police contre les divers trafics illicites dont leurs cités sont le théâtre comme prétexte aux manifestations extrêmes...
Il faudrait peut-être éviter trop de nuances et de subtilité dans ces communiqués relatifs à des
situations qui le sont si peu (nuancées et subtiles).

En les publiant, cherche-t-on avant tout à se faire plaisir ou bien à essayer d'avoir un impact, si
ténu soit-il ?
Pour une fois qu'on semble faire quelque chose et en parler moins on devrait peut-être s'en féliciter.
04 mai 2010, 13:08   Action
Bien chère Ostinato,


C'est aussi mon idée.
Citation
Félix
Peut-être faudrait-il tenter d'éviter les phrases trop longues dans les communiqués ; je trouve que cela en diminue l'impact et la clarté, ce qui est particulièrement le cas ici.

Plutôt assez lourd à digérer, en effet. Imaginons un peu la réaction du lecteur liseur lambda débarquant sur le forum pour la première fois...
" Tremblay-en-France". Une certaine ironie du sort a voulu que là où les signes de la civilisation française étaient devenus de moins en moins visibles, le nom du lieu continuât, en pure perte, de clamer, comme un écho lointain et affaibli, son appartenance de toujours.

Tremblez en France !
Chère Ostinato, cher Jean-Marc, je me permets ne ne pas partager votre point de vue. Que les média passent sous silence certains faits divers ne serait pas pour me déplaire mais là, il s'agit de faits pour le moins politiques et tout silence vaut acceptation pour ne pas dire soumission. Il me semble que la recrudescence et la contagion viennent dans le premier cas de la publicité alors qu'au contraire dans le second, elle vient de ce silence assourdissant.
Tremblez en France, est-ce vraiment un pur hasard.
La coïncidence surprend. On pense qu'un malin génie tire les ficelles.
D'accord avec M. Veron, il n'y a pas de raison de s'enthousiasmer. Si l'on fait une lecture rapide et "éthologique" de ces évènements on s'aperçoit que, outre le contrôle du territoire, territoire que les sbires d'Hortefeux ne sont pas prêts d'avoir en main, l'agression assure aux mâles CPF une sorte de domination innée, symbolique, sur l'ensemble des autres mâles (les spectateurs, les passifs - en clair les "honnêtes gens"), ainsi que la possession des femelles, mais tout aussi souvent on voit les femelles se disputer les "vrais mâles" (la racaille). Ecraser ou être écrasé, phrase étrangement proche de la définition du pecking order, qui consiste, précisément, dans le monde animal à frapper l'autre du bec (ou de la corne ou du sabot) ou a être frappé ! D'ailleurs, le but biologique du pecking order n'est-il pas d'établir la hiérarchie animale à l'intérieur des espèces fortement hierachisées ?
Mais cher Eric, le silence relatif au sujet de Tremblay provient selon moi de la volonté de la presse de montrer le moins possible la prise en main par le gouvernement de cette affaire pour ne pas faire de publicité à Sarkozy et à Hortefeux. Toute la France d'applaudir à la fermeté, voici nos maîtres penseurs désemparés qui détournent le regard, ne sachant comment traiter l'affaire.
C'est aussi mon point de vue : ils ne disent rien car ils ne veulent surtout pas montrer qu'on essaie de "casser' le trafic et les mafias.

En revanche, quand un jeune asocial trouve son destin par heurt de caténaire, alors là, la presse s'en mêle !
Citation
Ostinato
Mais cher Eric, le silence relatif au sujet de Tremblay provient selon moi de la volonté de la presse de montrer le moins possible la prise en main par le gouvernement de cette affaire pour ne pas faire de publicité à Sarkozy et à Hortefeux. Toute la France d'applaudir à la fermeté, voici nos maîtres penseurs désemparés qui détournent le regard, ne sachant comment traiter l'affaire.

Vous êtes sérieuse ?
Utilisateur anonyme
04 mai 2010, 17:52   Re Pourquoi je suis un peu chinois ?
Cette agitation spectaculaire et soudaine m'apparaît surtout comme un signe de faiblesse, voire de déséquilibre émotionnel et/ou mental : la véritable efficacité (si tant est qu'on la recherche) est toujours discrète.
Vous pensez à la bombe d'Hiroshima ?
Chère Ostinato, je n'avais pas interpréter votre interprétation de ce silence relatif dans le sens où vous l'explicitez par la suite. Cependant, il me semble qu'on ne peut pas dire un jour que les média sont le porte-voix du président de la république et le lendemain qu'ils cherchent à lui nuire.
04 mai 2010, 18:39   Nuisance
Je pense, bien cher Éric, que depuis des mois, ils ne songent qu'à lui nuire (notamment Le Monde et Libération).
Je soutiens que les médias cherchent essentiellement à nuire à Sarkozy,c'est ma position constante .Il n'est jamais assez laxiste jamais assez immigrationiste. Mais il leur est difficile de trouver un angle d'attaque quand il est évident aux yeux de tous que l'intervention très ferme de l'Etat est nécessaire. Justifier les attaques contre les bus au nom d'une saine réaction des victimes de la discrimination, est assez difficile. (Que vont dire les syndicats de chauffeurs de bus, cruel dilemme...)
Je pense qu'il va falloir, sans tarder, passer à la répression musclée. Nous avons des techniques appropriées, autant les mettre en pratique, combat de rue, guerilla, etc.
Je fais confiance à la police de mon pays.
Police et gendarmerie ont en grande partie fusionné pour les actions sur le terrain.
Pourquoi ne puis-je m'empêcher de sourire (du sourire de derrière la tête, inconfortable) à l'attitude de ceux qui semblent piaffer dans l'attente de la grande explication, de la guerilla voire de la guerre civile. Avez-vous déjà été au baston, m'sieurs-dames? Ça fait mal. Les hurlements, les éventrements, les arachements, le sang à flot viendront bien assez tôt. En attendant prenez des cours.
Il semblerait que le PI ait raison (et moi tort). Nouvelle recherche sur la toile aucun article aujourd'hui, en revanche si l'on peut dire, les articles du 3 mai annoncent que les bus ne passeront plus sur les zones problématiques du secteur. Courage, fuyons ?
Citation
Florentin
Je pense qu'il va falloir, sans tarder, passer à la répression musclée. Nous avons des techniques appropriées, autant les mettre en pratique, combat de rue, guerilla, etc.


Et la peur de la bavure, et "le syndrome Malik Oussekine", vous en faites quoi mon Cher Florentin ?

Pour combattre la "culture de la racaille", sorte d'idéologie dominante des "quartiers", on doit lui opposer quelque chose, par exemple un discours. Lequel discours ne doit pas abriter dans son sein, en contrebande, le germe de son propre échec.
Je doute que, même si elle était décidée, la baston contre la racaille soit possible. La racaille confrontée à la vraie baston lance ses pierres puis fuit à toutes jambes, comme à Gaza, où elle opère ses tirs de roquettes comme ses jets de pierre : jamais en bataille rangée. Lorsqu'elle use des armes de corps à corps, soit essentiellement le couteau, il faut que ce soit à cinq contre un, et toujours contre un homme désarmé. Lorsqu'elle est rattrapée par ses poursuivants après avoir pris ses jambes à son cou, la racaille se mue instantanément en victime, et comment pourrait-il en être autrement puisque ses poursuivants seront toujours plusieurs à la rattraper seule ? Voilà un ballet qui serait drôle s'il n'était pas si pénible et surtout, sans fin véritable.
04 mai 2010, 21:29   Tremblez
Il y a aussi Tremblay-sur-Mauldre dans les Yvelines, où la "maison dans les champs" de Blaise Cendrars avait été dévastée par les troupes de l'Occupant pendant la Seconde guerre, lesquelles s'étaient plues à disperser tous ses papiers dans la nature, en les piétinant de leurs bottes, tandis que l'écrivain se trouvait à Aix...
Pour combattre la "culture de la racaille", sorte d'idéologie dominante des "quartiers", on doit lui opposer quelque chose, par exemple un discours. Lequel discours ne doit pas abriter dans son sein, en contrebande, le germe de son propre échec.

Voilà un ballet qui serait drôle s'il n'était pas si pénible et surtout, sans fin véritable.


Sad but true.
04 mai 2010, 22:39   De la dérive des bordels
« Tremblay-en-France »

Je ne sais pourquoi cela m'évoque ce film de Tavernier dont l'action se déroulait en Afrique Équatoriale, où sur la devanture du bordel local étaient affichés les prix des prestations : « Petite Secousse », « Grande Secousse »..
"Quoi de plus beau, et de plus nécessaire, qu'une armée qui avance."

E. Jünger, Feuer und Blut, 1925.
Une armée qui avance sur son propre territoire et contre les propres ressortissants que son pays s'est donné à la légère, une telle armée n'a rien de "beau" et sa "nécessité" est bien trop amère.
Mais pourquoi vous faut-il une armée, qui n'est pas adaptée à cela, alors qu'un simple fonctionnement correct de la justice règlerait ce problème ?

Si la France avait autant de détenus que les États-unis, il y aurait à peu près 500000 malfaisants sous les verrous. Croyez moi, compte-tenu de l'occupation actuelle des prisons, il reste 400000 places d'écart. Avec cela, vous pouvez mettre les racailles au grand complet à l'ombre.

Il faut que les Français acceptent une politique pénale stricte.
Utilisateur anonyme
04 mai 2010, 23:16   Re : De la dérive des bordels
Citation
Alain Eytan
« Petite Secousse », « Grande Secousse »..

Et vos trois bénédictions quotidiennes dans tout ça ?!?! Hein ? - "Soit loué, Seigneur" etc. etc.
Mon cher Kostas, elles n'entrent pas en ligne de compte, pour les raisons suivantes :

1 : mon état d'agnostique me laisse tout loisir d'endosser quelque altérité que ce soit sans en éprouver la moindre culpabilité ni fausse honte ;

2 : aux heures où je me lève généralement, ce ne seraient plus les bénédictions matutinales qu'il me faudrait prononcer, mais certaines prières vespérales dont j'ignore par ailleurs totalement la teneur ;

3 : je puis jouir des prestations les plus inouïes, jusque cataclysmiques, en toute gratuité.
Citation

Le parti de l'In-nocence se demande ce qu'il y a de plus stupéfiant à propos des événements de Tremblay-en-France : leur violence même, qui consacre l'abdication de l'État et de ses services face à la sécession violente de territoires toujours plus larges et sans cesse renouvelés, ou bien la discrétion médiatique qui les entoure.



KARL LAGERFIELD

le styliste avait osé dire sur Fr3



"L'exitation exacerbée de la petite et grande délinquance à la vue de leurs méfaits sur le petit écran .Mais parions bien que la télé continuera à nous reproduire dans le texte ces faits divers qui nous ammusent tant , incendies de poubelles , de voitures , casse de vitrines , peinture de tombes , attaques de commissariats de police .".

peut être une nouvelle stratégie médiatique ?
Cher Alain Eytan,

et moi qui vous voyais un peu tel un Benny Lévy...
Si elles vous sont gratuites, j'en conclus que vous vous les prodiguez, cher Alain.
Moi aussi, je vois toutes mes illusions se briser, quand je découvre qu'Alain Eytan, en fait de Benny Lévy, vit l'existence du héros de Ai no Corrida installé à Tremblay-les-Gonzesses...
05 mai 2010, 12:29   Tranchant
Bien cher Alain, d'après ce que nous dit Francis, j'espère que votre couteau électrique ne reste pas allumé pour le shabbat...
05 mai 2010, 20:29   Re : Tranchant
Jaloux.
06 mai 2010, 10:55   Re : Tranchant
Qu'il n'y a pas de problème de jeunesse au P.I.



Utilisateur anonyme
06 mai 2010, 19:39   Re : Tranchant
Cette vidéo est très intéressante, qui pourra mieux nous sauver que la jeunesse ?
Utilisateur anonyme
06 mai 2010, 23:28   Re : Tranchant
Très bonne lectrice et interview fort intéressante.
06 mai 2010, 23:34   Retrait
Tout bien réfléchi, je chosis de retirer cette question. Veuillez donc considérer qu'elle n'a pas été posée.
07 mai 2010, 15:20   Tour de passe-passe
Comme l'observe cette jeune nantaise - et c'est ce qui m'a semblé le plus intéressant dans ses réponses - l'effacement des traces est rondement mené. C'est l'aspect pratique du "circulez y'a rien à voir", mais aussi comme un entraînement à la chronicité de la guerre civile larvée.

Il faudrait savoir en combien de temps tout ce qui a été détruit en 2005 a été reconstruit et par qui. Que des intérimaires issus des rangs des émeutiers aient été recrutés n'aurait rien d'extraordinaire.
Utilisateur anonyme
07 mai 2010, 18:23   Re : Tour de passe-passe
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Il ne faut tout de même pas céder à la paranoïa, et je pense que cette politique consistant à réparer au plus vite ce qui a été détruit n'est pas forcément une mauvaise chose qui aurait pour but de masquer l'étendue des dégâts à la population. Je vois plutôt cela comme une politique "du carreau cassé" : si on laisse trop longtemps visibles des dommages quelconques, cela donne l'impression que l'on ne prend pas soin du cadre de vie, que tout est laissé à l'abandon et du coup cela peut encourager d'autres dégradations.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je n'ai pas dit cela au hasard ; la "théorie du carreau cassé" a été expérimentée avec succès à New York et avait eu pour conséquence une baisse très importante de la criminalité. Il est évident que nous n'avons ni les moyens ni la volonté d'appliquer complètement cette méthode en France (il faut dire aussi que nous sommes loin d'avoir, comme les Anglo-Saxons, une vision pragmatique des choses) mais ce n'est pas pour autant que de petites initiatives comme celle de nettoyer les dégâts rapidement sont complètement sans effet.

Article du Nouvel Obs sur la théorie du carreau cassé.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
De toute façon, les deux ne sont nullement incompatibles.
07 mai 2010, 22:29   Trop tard
Citation
Orimont Bolacre
Tout bien réfléchi, je chosis de retirer cette question. Veuillez donc considérer qu'elle n'a pas été posée.

Quel dommage, j'avais pendant la nuit trouvé une réponse à cette question !
C'est typique, il suffit que je doive me rendre urgemment quelque part, une pharmacie par exemple, je m'y prends de telle façon que j'arrive une ou deux minutes trop tard, et le garde me nargue derrière la porte vitrée fermée.
08 mai 2010, 01:05   Le bastonneur des Lilas
Ce matin, je me réveille puis me rendors - phénomène habituel pour le couche-tard que je suis. Je dois être à mon travail à 9h, je me lève précipitamment à 8h 20. J'accélère chacun de mes gestes habituels, je condense, je simplifie, de manière à quitter mon appartement à 8h40. Généralement, je vais travailler à pied. Mon trajet dure 30 minutes. Je dois donc prendre le métro si je veux arriver à l'heure. J'arrive sur le quai à 8h 45, au moment où une perturbation du trafic de ma ligne est annoncée. La raison invoquée est le sempiternel et rageant "incident technique". Une rame surgit du tunnel, bondée. Impossible de monter, sauf à adopter la méthode du "rentre-dedans", qui consiste à faire reculer, par pression de tout son corps, la mêlée des voyageurs inertes qui semble à cet instant faire bloc contre vous, contre votre désir bien légitime de pointer à 9h, et d'éviter les moqueries de vos collègues, ou la remarque du chef de service. Impossible de s'abaisser à cette minable ruade. Une deuxième rame suit quelques minutes plus tard, tout aussi surchargée. Les portes s'ouvrent sur des rassemblements compacts, infranchissables, d'aspirants à la ponctualité. On n'y glisserait pas une main. Et pourtant des hommes et des femmes, d'une corpulence tout à fait normale, parviennent à se fondre dans cette masse ! Ce sont les plus courageux, les aguerris, ceux qui ne s'en laissent pas compter. Ils seront à l'heure. Moi j'attendrai la prochaine rame, espérant qu'elle sera presque vide, et que mon sang-froid sera récompensé. Alors je rirai intérieurement de ces forcenés. Mais le troisième convoi est plein à craquer. Il est 9h 02, je me fais une raison. Une femme un peu étrange, à ma droite, dit tout haut en regardant les passagers s'étreindre avec froideur : "On est que des bêtes, que des bêtes !" Je laisserai passer la quatrième rame, puis la cinquième, non sans avoir risqué de poser un pied dans cette dernière, bien vite retiré à la vue du frottement qu'il m'eût fallu endurer et faire endurer pour conquérir ma place. Je monte enfin dans un train à 9h 10, et j'arrive au bureau à 9h 20. Si je m'étais décidé à partir à pied, je serais déjà arrivé depuis dix minutes, et j'aurais pris l'air de surcroît. Le transport m'a ralenti, c'est cocasse finalement.
Cher Olivier, à la lecture du récit désopilant de vos expéditions métropolitaines et forcées, et dans les conditions y rapportées, je vous accorde volontiers que les frottements récréatifs auxquels je fis naguère allusion ne sont qu'une pure vue de l'esprit. Et encore !...
" On n'y glisserait pas une main. "

C'est vous qui le dites !
09 mai 2010, 03:48   Palinodies
Tout bien considéré...
11 mai 2010, 14:14   Scène de métro
« A Venise, se dit Hugo Arnold, la bouche de vérité, la célèbre Bocca della Verità , était un masque de pierre en forme de tête de lion dans la gueule de laquelle on glissait des dénonciations. Plus innocemment, à Paris, en la bouche d’égout et la bouche de métro, le mot ne désigne que des ouvertures du sol qui accèdent au monde souterrain. L’ancien chemin de fer métropolitain a gardé pourtant quelque chose du mystère qu’il a dû avoir au temps de sa création, il y a quatre-vingt-dix ans, quand à l’extérieur il se signalait par de hauts pois de senteur en bronze dont la fleur était une lanterne rose et dont quelques rares exemplaires ont été conservés, classés par les Beaux-Arts ou achetés à titre de sculptures modern-style par des musées étrangers. Si la plupart de ses usagers s’engouffrent dans ses bouches d’entrée comme dans des escaliers banals, quelques-uns, des femmes surtout, quelques hommes aussi, n’ont pas perdu le sentiment de descendre dans un monde mystérieux au moins, inquiétant peut-être, tout à fait autre, en tout cas, que celui de la surface et du grand air. Sans aucune sorte de crainte, Hugo, quand il allait dans les profondeurs, devenait plus attentif. Volontairement ou non, il ouvrait plus grandes les paupières et les globes de ses yeux tournaient de tous les côtés comme pour enregistrer les figures de ses voisins, leurs attitudes et leurs gestes, avec bien plus d’acuité qu’en surface. Dans le métro il avait l’impression d’être moins distrait, sinon de cesser tout à fait de l’être ; il perdait le plus gros de sa passivité naturelle et se sentait capable d’assumer un rôle actif, comme en certains de ses songes ; avec plaisir, il en riait tout seul, parfois, et sur le quai on le regardait.
Maintenant, il est temps de descendre, et un observateur s’amuserait de le voir tâter du pied la première marche comme un baigneur tâterait la température de la mer avant de s’y jeter, chose que Hugo fait consciemment, d’ailleurs, parce qu’il sait qu’à passer d’un plan horizontal à un oblique descendant il n’est pas très sûr de son équilibre, mais personne, cette fois, ne l’observe. Seul un jeune homme pressé, qui venait derrière lui, l’a bousculé, puis le dépasse et lui dit : « Alors » d’un ton dépourvu de courtoisie. Disparu tout de suite, il n’a pas dérangé Hugo, dont les pieds ont pris le bon mouvement, avec la lenteur qu’il faut pour ne pas retrouver en bas l’individu. Une réflexion qui lui passe dans la tête est qu’à Rome ou à Venise, à l’époque de Fortuny et de Gabriele d’Annunzio, pour un mot et un ton agressifs du même genre, mais prononcés par un homme de ladite « bonne société » seulement, il convenait de s’envoyer des témoins, de se battre en duel à l’épée, au sabre, au pistolet. « Quel ennui ! » se dit-il, sans songer qu’il n’eût rien risqué s’il n’avait appartenu à aucune « société », comme c’est son cas dans le présent. Il se dit aussi qu’il est curieux que l’on se mette aussi facilement dans la peau d’un personnage de roman quand on est dans le métro, et pour prendre un ticket il sort de sa poche intérieure son portefeuille, attentif à ne pas se le faire voler . Point d’enfants gitans dressés au vol à la tire dans le voisinage, par bonheur ; le portefeuille est revenu à sa place, le ticket est introduit dans l’appareil à contrôler, qui fait ce qu’on attendait de lui par l’intermédiaire d’un mécanisme hautement compliqué dont à Hugo Arnold le bon fonctionnement ou les caprices ont toujours paru incompréhensibles. »

André Pieyre de Mandiargues - Tout disparaîtra (1987)
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