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L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET

Envoyé par Gérard Rogemi 
La revue Les Epées a organisé le 24 avril dernier une conférence-débat avec Richard Millet. C'est assez dégrisant!

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Utilisateur anonyme
15 mai 2008, 17:56   L'avenir de la littérature…
« La pestilence des mangeurs d'ail et d'oignons justifierait à elle seule une littérature de combat. »

(Richard Millet, L'Opprobre, page 77)
Merci pour ce lien, mais qu'est-ce que la revue Les Epées ?
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 08:01   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
(Message supprimé à la demande de son auteur)
En me promenant sur le site de l'Opinion Indépendante je tombe sur cette critique assez aigre-douce du travail de Richard Millet.


Millet, Littell : mémoires d’outre-tombe

Richard Millet écrit depuis les catacombes sur le peu d’avenir que contiennent la littérature et la France tandis que l’auteur des Bienveillantes signe un essai autour de la personne et de la langue du nazi belge Léon Degrelle


Richard Millet nous écrit d’«outre-tombe» et sa voix est «celle de la vérité», ainsi qu’il l’annonce dans les premières pages de L’Opprobre. Avec ce livre, sous-titré Essai de démonologie, l’écrivain prolonge l’entreprise de récusation du monde moderne et de la littérature contemporaine initiée par Harcèlement littéraire en 2005 et Désenchantement de la littérature sorti voici quelques mois. Ce dernier texte, en particulier, a valu à l’écrivain – par ailleurs éditeur chez Gallimard, notamment de Jonathan Littell – cette «opprobre» qu’il dénonce tout en goûtant dans sa mise à l’index par certains critiques une solitude hautaine et aristocratique. Avant ses déplorations sur le roman, la langue française (tous deux en déclin quasi-irréversible) ou la France chrétienne menacée par le métissage, Richard Millet était un auteur respecté et célébré par le milieu littéraire. Il débuta du côté de chez P.O.L puis fut essentiellement édité par Gallimard. La critique saluait ses œuvres enracinées dans un beau classicisme, rapprochant l’écrivain d’illustres aînés comme Julien Gracq et même Proust pour sa maîtrise syntaxique et ses longues phrases dont l’ouverture d’Une voix parmi les ombres, sans doute le chef-d’œuvre de Millet à ce jour, est la meilleure illustration.

Entre Léon Bloy et Thierry Meyssan

Depuis Désenchantement de la littérature, c’est un vaste front anti-Millet qui s’est dessiné et les qualificatifs décernés à l’auteur, qui les reproduit avec gourmandise («haineux», «pathétique», «déprimé», «réactionnaire», «ouvertement lepéniste», «misanthrope», «homophobe», «révisionniste»), donnent le ton. Avec L’Opprobre, le grand imprécateur aggrave son cas et, revendiquant la négativité comme «le propre du véritable écrivain», se déclare en guerre contre «la Technique, le Système, le Spectacle, le Nihilisme», paravents derrière lesquels se cache «le Démon». Vaste programme n’effrayant pas notre croisé qui se définit comme «Provincial, catholique, Blanc, hétérosexuel, et recherchant la pureté en toute chose».

Cependant, le combat de l’écrivain, qui se veut «hors du processus d’aliénation générale dans lequel le stress et les consolations du consumérisme constituent le nouveau battement du monde», prend souvent des accents plus triviaux. Ainsi, quand il évoque certains de ses ennemis : «chihuahua catholique», «dogues», «porcs», «lesbienne fielleuse», «vieux trotskiste d’outre-tombe», «gauchistes reconvertis dans le business éditorial». D’un autre encore : «il a le cul gras ! Il m’a suffi de le voir terminer une assiette de frites pour comprendre qu’il écrit comme une fiente… » C’est la nouvelle littérature à l’estomac. Plus loin, Millet quitte ses accents à la Bloy et épouse plutôt les élucubrations d’un Thierry Meyssan (auteur d’un best-seller complotiste sur le 11 septembre) : «Vient un moment où on ne peut que donner raison à Ben Laden, pour peu qu’il ne soit pas une fiction américaine ou islamiste.» ; «Il n’est pas impossible que les attentats du 11 septembre 2001 soient une mise en scène américaine à capitaux saoudiens, tout de même qu’on peut douter si les Américains sont réellement allés dans la Lune.» On se croyait en compagnie d’un Chateaubriand ou d’un Gracq d’aujourd’hui et l’on se retrouve sur l’un de ces blogs délirants dont la Machine regorge…
S’il considère le 11 septembre comme un «retour du balancier naturel de la justice», Millet réserve ses attaques les plus violentes à l’islam, «l’ennemi absolu» qui «ne fait que détruire les sociétés où il s’implante», et précise «ne pas croire qu’on puisse être français et musulman». Les Français ne sont pas épargnés («bêtes, vulgaires, veules, sinistres, offensants»), mais c’est la page où l’écrivain consigne le récit d’un voyage dans le métro qui exhale les pires relents dans le registre du dégoût de l’autre. Déjà passablement éreinté par les menaces que font peser le kebab, le Coca-Cola, les dreadlocks, les tatouages ou «le sabir à forte teinte maghrébine des banlieues» sur la France chrétienne, notre homme subit l’épreuve de se retrouver dans un wagon face à «un Pakistanais qui pue les épices», «un vigile caucasien dont le chien empeste le mouillé», «une fillasse en chaussures de sport qui sent des pieds», un type exhalant «une haleine chargée de tabac froid» et «un Noir sentant un mélange de haschich et de transpiration». Le malheureux quitte le métro et court se réfugier dans une église, mais là il tombe sur «une vieille femme qui rote de l’ail». Mieux vaut en rire. Peut-être que l’auteur de La Gloire des Pythre fait preuve ici de la «forme supérieure d’ironie» revendiquée au début du livre à moins qu’il ne s’agisse plus sûrement d’une illustration parmi d’autres de sa profession de foi : «L’amour de l’humanité est une des choses dont je me sens le plus éloigné.»

Il faut bien manger

Par ailleurs, Richard Millet entonne à nouveau dans L’Opprobre l’une de ses marottes : la dénonciation de la surproduction livresque et de la «prolifération romanesque» d’œuvres aussi nulles que conformistes. Venant d’un auteur qui a sorti pas moins de onze titres depuis 2005 (dont deux romans) et qui publie chez Gallimard les immortels chefs-d’œuvre de Valentine Goby, l’accusation ne manque pas de sel. Ah ! mais lui, ce n’est pas pareil. Il s’en explique d’ailleurs avec modestie : «Peut-on reprocher à Bach ou à Schubert d’avoir trop composé, ou à Monet d’avoir trop peint ?» Millet déclare chercher «un point de dissidence absolue» et se rêve en «réprouvé», «c’est-à-dire sans prix» (il écrit donc pour cela lui aussi ?), «invité nulle part, ne représentant pas la France à l’étranger, banni des instituts culturels, des librairies, des cercles culturels, des salons littéraires». Pas si facile. Car pour la promotion de Désenchantement de la littérature, on vit l’auteur disserter dans les gazettes en compagnie de Frédéric Beigbeder et Philippe Sollers – deux autres clandestins du petit monde des lettres. En janvier dernier, on vit encore Millet pourfendre la médiocrité littéraire actuelle dans une annexe de l’ambassade de Belgique, boulevard Saint-Germain, à l’invitation du Centre National du Livre. Décidément, il est compliqué d’atteindre la «dissidence absolue» en étant éditeur et auteur dans la maison la plus importante et prestigieuse de l’hexagone… À Jacques-Pierre Amette soulignant, dans un entretien paru dans Le Point en août 2007, le paradoxe consistant à afficher un tel dégoût des romans tout en étant éditeur, Millet eut cette réponse formidable : «il y a des choses qu’on doit faire parce qu’on doit manger, tout simplement.» On en revient à l’estomac, à cette littérature qui a de l’estomac. Oui, il faut bien manger. Mais alors, pas de leçons. On aimerait par ailleurs voir Millet terminer une assiette de frites. Pour autant, nous n’appliquerions pas ses propres critères esthétiques et ne tirerions pas desdites frites un jugement sur son œuvre.

Revoilà Littell

Dans L’Opprobre, Richard Millet n’oublie pas les jeunes auteurs qui ne rêvent que de carrière : «comme ces étudiants dont la révolte consiste à exiger aujourd’hui de l’État qu’il leur garantisse un métier, nos auteurs veulent que l’éditeur par contrat leur assure prix littéraires et succès.» Songe-t-il à Jonathan Littell dont il a édité le roman Les Bienveillantes, sorti à la rentrée 2006, qui fut un succès critique et commercial tout en raflant le grand prix du roman de l’Académie française et le Goncourt ? Quoi qu’il en soit, après Études publié fin 2007 chez Fata Morgana et qui rassemble quatre brefs récits, revoilà l’écrivain français d’origine américaine avec Le sec et l’humide, un essai consacré à Léon Degrelle, nazi belge (chef du mouvement rexiste, créateur de la Légion Wallonie avant d’enfiler l’uniforme de la Wehrmacht puis de la SS sur le front de l’Est) qui fut l’une des sources d’inspiration du romancier pour Maximilien Aue, le «héros» des Bienveillantes.

S’appuyant sur les théories d’un chercheur allemand, Klaus Theweleit, Littell étudie à travers la personne de Degrelle et son livre de souvenirs de guerre, La Campagne de Russie, la phraséologie et la structure mentale de la personnalité fasciste. Dans le sillage donc de Theweleit qui travailla «sur un corpus d’environ deux cents romans, mémoires et journaux rédigés par des vétérans des Freikorps allemands de 1918-1923», l’écrivain distingue «le sec» (ce qui relève du fascisme est dur, rigide, phallique…) de «l’humide» (c’est-à-dire l’ennemi, le bolchevique et autres apparentés au liquide, à la fange, la bouillie…) qui a aussi partie liée au genre féminin… La thèse assez simple («Contre tout ce qui coule, le fasciste doit évidemment ériger tout ce qui bande», résume Littel) est enrichie de références imposantes : la figure du «mâle-soldat» ne pouvant être comprise «par la psychanalyse freudienne, mais plutôt par le biais de la psychanalyse de l’enfance et de la psychose ainsi que par des concepts hérités de Deleuze et Guattari.»

Cela donne naissance à un objet étrange où à de succincts éléments biographiques de Léon Degrelle s’ajoute une iconographie assez importante, avec des photographies d’époque ou des reproductions d’affiches de propagande, ainsi que de très longues citations de la prose du nazi belge. De temps en temps, Jonathan Littell apporte ses propres éclairages comme, par exemple, lorsqu’il explique que nazisme et homosexualité «n’ont jamais fait bon ménage» (énoncé très discutable) : «Le pouvoir déterritorialisateur de l’anus est bien trop corrosif, la sodomie menace les limites d’une manière fondamentale, que le fasciste ne saurait supporter. Tout au plus, un certain nombre de figures fascistes – le meeting, le sport collectif, les mouvements de jeunesse – pourront-elles laisser la place à un certain homo-érotisme, mais raréfié, idéalisé, et entièrement asexué.» Cet extrait reflète assez bien la teneur de l’ensemble qui balance entre cuistrerie et vulgarité (ce qui manquait à Degrelle selon l’auteur pour devenir humain ? «un bon coup de pine au cul»). On pêche également quelques sentences («Même après sa mort, le fasciste reste généralement mort») qui nous font songer au bon Monsieur Cyclopède du regretté Pierre Desproges, sauf que l’objet de Littell ne semble pas être de nous faire rire…

Dans une postface, Klaus Theweleit explicite sa pensée et ses travaux : «je considérais la réalité politique meurtrière d’un État fasciste fondé sur la violence non comme la conséquence des convictions, des idées ou des intérêts industriels en jeu, mais comme la traduction des états corporels dévastateurs dont souffraient ses protagonistes.» Proposition pour le moins audacieuse et contestable que Littell préfère pour sa part étendre plus largement à d’autres types de violence contemporaine et non au seul fascisme historique. Au final, on ne saisit guère le sens ni la nécessité de ce livre qui donne raison sur un point à Richard Millet : la surproduction littéraire.

Christian Authier, le 9 mai 2008.

L’Opprobre, Gallimard, 175 p, 11,50 euros.
Le sec et l’humide, collection L’arbalète, Gallimard, 142 p, 15,50 euros.
Postface de Klaus Theweleit, traduite de l’allemand par Daniel Mirsky.
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 11:24   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
Quand je lis ce que j'ai cité plus haut dans ce fil, je me dis que Richard Millet a besoin d'un éditeur…
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 11:30   L'aïoli de la littérature…
« La pestilence des mangeurs d'ail et d'oignons justifierait à elle seule une littérature de combat. »

De même le cracheur dans la soupe se doit de conserver l'haleine fraîche en toute circonstance.
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 11:52   Re : L'aïoli de la littérature…
On ne peut être à la fois Cioran et Françoise Verny, ni cracher sur l'époque et le système littéraire en gardant son rond de serviette au comité de lecture de Gallimard (l'éditeur de Pennac et de Harry Potter). Cette ambigüité fait que l'on a du mal à voir autre chose que de la pose derrière les aphorismes implacables de Millet.

Comment peut-on par exemple écrire dans L'Opprobre ceci :

"Quand je parle de mon dégoût du roman, je fais allusion à la langue de mes contemporains, qui est une graisse dans laquelle se fige et se dilue toute forme."

Ou ceci :

"Impossible de dire : pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils écrivent, même en se disant qu'ils sont écrits par le Système."

Et, quelques pages plus loin, faire cet éloge de la maison Gallimard :

"Quant à cette maison, elle est non seulement la banque centrale de l'édition française, mais un puissant régulateur de goût, un lieu où s'articulent tradition et modernité." ?
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 12:09   Re : L'aïoli de la littérature…
« Quant à cette maison, elle est non seulement la banque centrale de l'édition française, mais un puissant régulateur de goût, un lieu où s'articulent tradition et modernité." ? »

Vous êtes certain qu'il s'agit bien d'un éloge ?
16 mai 2008, 12:53   Eloge
Bien cher Boris,


Je ne connais de M. Millet que les citations figurant dans les messages ci-dessus.

De mon point de vue : « Quant à cette maison, elle est non seulement la banque centrale de l'édition française, mais un puissant régulateur de goût, un lieu où s'articulent tradition et modernité " ressemble fort à un éloge, car je ne perçois pas l'ironie de l'auteur.

Si ce monsieur est, en outre, membre du comité de lecture de Gallimard, je comprends et partage la position d'Alexis.

Vous connaissez la scène du Misanthrope sur les "corrections qu'aux autres on veut faire".
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 13:04   Re : Eloge
En effet, je ne vois pas de distance ironique dans ce jugement, bien au contraire !

J'aime aussi beaucoup cette confidence, extraite de Désenchantement de la littérature : "Je suis seul, démuni, mais soucieux de rectitude, comme le sont les rares êtres humains que je fréquente : quelques femmes d'exception et deux ou trois représentants du sexe mâle, hétérosexuels, voués au goût et à la vérité."
Ce qu’écrit Christian Authier à propos de la tentation toujours croissante de Richard Millet de se revêtir des oripeaux du dissident et du réprouvé ne me semble pas sans pertinence, quoique me fasse bien rire son allusion au « dégoût de l’autre », et que par ailleurs sa volonté de conférer à l’ouvrage abject de Littell un semblant d’alibi philosophique ne soit pas non plus dépourvue de bêtise. Ce qui est agaçant chez Millet, c’est en effet la pose : il semble qu’il en soit resté, pour reprendre les notions de l’herméneutique camusienne, au deuxième niveau de la spirale du sens, position qui consiste, pour honorable que soit, par les temps qui courent, une telle entreprise, à réfuter brutalement et sans trop de nuances les positions de l’adversaire, et à assener, en face d’un oui tonitruant, un non guère plus dénué de profondeur. La pensée de Richard Millet est trop sommaire, et la sympathie simplement morale que pourraient m’inspirer, dans ses pamphlets, quelques diatribes, ne lui vaudra pas, de ma part, la moindre indulgence sur le plan esthétique.
Me trouvant très en accord avec ce que vous venez d'écrire, cher Monsieur Bily, j'aimerais en savoir davantage sur ce qui vous pousse à qualifier l'ouvrage de Littel sur Degrelle d'abject (je ne l'ai pas lu mais j'ai lu Les Bienveillantes).

Avez-vous écouté Millet parler lors de la conférence-débat mise en ligne plus haut ? C'est consternant. Comment un écrivain peut-il parler aussi mal ? La comparaison avec la parole de Beaufret telle qu'on l'entend dans l'émission indiquée par Laurent est stupéfiante. Bien sûr, un écrivain n'est pas forcément bon orateur mais alors qu'il se taise, en tout cas en public. Renaud Camus a souvent l'impression d'avoir été peu performant dans ce genre de circonstances, mais quelle différence !
Ce qui m'a frappé dans l'émission de la revue "Les Epées", c'est à quel point l'avachissement petit-bourgeois de la langue et des manières touche des prétendus royalistes. On se tutoyait, et l'ambiance finalement, à une ou deux exceptions près, était sympa. C'est dire que la critique de la démocratie néolibérale ou techno-marchande, ainsi que celle de la mondialisation américaine, participe de ce qu'elle prétend dénoncer. Pas de dehors possible... C'est étouffant.
Toutes mes excuses, Marcel Meyer ; il se trouve que l’ouvrage de Littell auquel je me référais est bien celui des Bienveillantes, et nullement celui qu’il a écrit sur Degrelle et que je n’ai pas lu, mais dont il est question dans l’article de Christian Authier : c’est donc une horrible confusion de ma part. Ayant gardé un mauvais souvenir de la lecture des Bienveillantes, ma pensée a, semble-t-il, directement associé à cet ouvrage le nom de Littell dans le message précédent sur Millet. Pardonnez-moi, et considérez dans quel embarras de pensée m’a pu jeter ce si prompt désir de juger!


Je n’ai pas écouté la conférence à laquelle vous faites allusion : mon ordinateur, bardé de logiciels antivirus qu’il me faut laborieusement désactiver les uns après les autres pour entreprendre quoi que ce soit, ne me permet pas toujours de télécharger ce que je veux… Toujours est-il que j’ai écouté l’émission d’Alain Finkielkraut où Richard Millet fut reçu en compagnie de Renaud Camus, et il m’a semblé qu’il ne parlait ( mais sans plus) qu’un français correct en regard de ce dont Renaud Camus lui-même se montrait capable. J’ai aussi eu l’occasion, il y a maintenant quelque temps, de le voir à la télévision s’entretenir avec l’ancien ministre de l’Intérieur, qui est devenu celui qu’on sait : il m’avait semblé alors qu’en face de Christine Angot, qui était l’autre écrivain — si je puis dire — invité sur le plateau, la moindre des choses fût que l’élégance de son élocution passât de loin celle dont saurait faire montre, si tant est qu’elle fît des efforts (or elle n’en fit pas).

La stratégie que j’adopte moi-même, dans les situations qui ne sont pas à mon avantage, est généralement le silence. Je préfère toujours en dire moins que d’être contraint par l’impérieux désir de me faire entendre à mettre à mal la syntaxe française : mais ces beaux principes, soit dit en passant, ne sont, à mon grand regret, que rarement mis en pratique.
Je pense en effet qu’on peut mesurer à vue le talent d’un écrivain, quitte à procéder plus tard à quelques réajustements en sa faveur, à la rigueur et la concision dont il fait preuve dans la conversation.

Renaud Camus est un éternel modeste...
Utilisateur anonyme
16 mai 2008, 18:20   Re : Sub umbras
Il faudrait signaler à Christian Authier que le "chef d'oeuvre" de Richard Millet ne s'intitule pas "Une voix parmi les ombres", mais "Ma vie parmi les ombres".
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 13:59   Calmos les kids !
Il ne faut tout de même pas exagérer ! Je veux bien qu'on trouve plus de plaisir à écouter quelqu'un qui parle bien que quelqu'un qui s'exprime mal, et que cela dise quelque chose (et parfois beaucoup, en effet) sur celui qu'on écoute, mais à vous lire, on a l'impression qu'un écrivain qui s'exprime mal à l'oral est un mauvais écrivain !

Je me trouvais en minorité, naguère, sur ce forum, quand je faisais part de quelques réticences à l'égard de l'écrivain Richard Millet, mais je constate que dorénavant, on lui dénie presque le moindre talent, ce qui est quand-même un peu fort de café.

Je ne sais pas qui vous êtes, M. Bily, ni quel est votre métier, mais le silence dont vous vous flattez de faire un usage grandiose n'est pas toujours possible, ni même souhaitable, lorsqu'on (l'écrivain) se trouve en face de quelqu'un qui est payé pour le faire parler. Il y a une tendance, sur ce forum, qui est d'être plus royaliste que le roi, sous le regard de Renaud Camus.
Citation
on lui dénie presque le moindre talent, ce qui est quand-même un peu fort de café.
A la bonne heure, cher Boris.
Si j'ai mis le fichier audio et cet article en ligne c'était non pas pour dénigrer Richard Millet mais surtout pour souligner combien il est difficile d'être dans l'Etablissement et de s'arroger en même temps le droit de le critiquer.
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 14:41   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
Mais je ne parlais pas de vous, Cher Rogemi.
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 16:09   Pour Richard MILLET.
"Il y a une tendance, sur ce forum, qui est d'être plus royaliste que le roi, sous le regard de Renaud Camus."



M. Joyce je partage entièrement votre avis.

R. Millet est un véritable écrivain (j'insiste). Il pourra écrire cinquante ans encore. Il y aura toujours quelque chose qui résistera sous sa plume. C'est rare.
R. Millet n'est pas à la mode. Laquelle ? Il n'y en a peut-être pas qu'une. En tous cas, il en prend son parti avec un éclat qui continuera de casser quelques besicles, et c'est tant mieux !, car cet homme à de vraies passions, et des sens, de l'imagination, une volonté pour les nourrir. Il a aussi de la culture. Sa langue est riche, prodigue, virile (même si souvent elle surcharge un peu son discours de trop de beautés).
R. Millet ne le dit pas (quoique), mais il vise la suprématie, la gloire, il s'en fait de hautes idées qui ne sont pas d'aujourd'hui : il les pose fermement devant lui - et alors ?
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 16:58   Re : Ri-chard ! Ri-chard !
(même si souvent elle surcharge un peu son discours de trop de beautés)

Pourquoi cette restriction ?
Un peu trop de beautés? Vous en êtes sûr?
A la lecture du Sentiment de la langue, il y a quelques années, j'avais trouvé qu'il y avait dans ce livre de bonnes choses (notamment sur la langue, bien sûr, mais sur la littérature aussi, l'enseignement, etc.), mais terriblement abîmées par d'insupportables tics de langage, qui transforment comme une peste, à leur contact, tout le texte en un écoeurant fatras, un festival de poses, même si celles-ci, pour une large part, sont probablement inconscientes, ce n'est pas possible autrement : cet auteur qui reproche à d'autres un manque d'oreille doit être sourd à sa propre prose...
Encore un qui est atteint de ce qu'on pourrait appeler le complexe de Barthes; mais n'est pas Barthes qui veut. Il transforme en lourds clichés des mots, des expressions, des syntagmes qui devraient pourtant, pour conserver sens et saveur, être utilisés avec la plus grande des parcimonies.
Soulignant, au cours de ma lecture, ces agaçantes compulsions verbales, je me suis amusé, à la fin, à en relever les occurrences les plus nombreuses. Pour n'en citer que quelques-unes : le frémissement, nommer, le monde, le bruissement, improbable, être requis, la francité, le déploiement, le sonore, infiniment, la transparence, donner à voir...
Tout cela revenant à chaque page, inlassablement. Cett écriture en devient dérisoire, puis grotesque, tellement mécanique et factice qu'on pourrait, en lui appliquant à notre tour ce procédé si naïvement mis en oeuvre, fabriquer à perte de vue des enfilades de phrases creuses paraissant toutes signifier des choses "vachement profondes, tu vois..."
D'ailleurs, ne serait-ce que pour me rappeler la figure de ce livre, je n'ai pas résisté au plaisir de m'y livrer :
Le frémissement heureux d'un improbable crépuscule nous requiert infiniment; son déploiement dans la transparence de notre paysage intime, par quoi l'épiphanie de la francité nous est donnée à rêver, demeure cela même qui nomme le bruire inaugural du monde...
Je prends, en général, plaisir à lire Millet, j'ai été effaré en l'entendant. Jamais je n'aurais imaginé qu'il émaillerait son discours de toutes ces affreuses chevilles dignes de journalistes ou d'animateurs de talk-shows et de leurs invités : " (...) voilà !", "(...) quoi !" et ainsi de suite. Il me semble que s'investir soi-même du rôle de chantre de la qualité de la langue, cela crée quelques obligations. Mais je continuerai à lire ses livres.
"Il me semble que s'investir soi-même du rôle de chantre de la qualité de la langue, cela crée quelques obligations."
Ah oui! Noblesse oblige!
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 18:44   Ça fonctionne, on va dire…
« Le frémissement heureux d'un improbable crépuscule nous requiert infiniment; son déploiement dans la transparence de notre paysage intime, par quoi l'épiphanie de la francité nous est donnée à rêver, demeure cela même qui nomme le bruire inaugural du monde... »

Vous faites un prix pour les chômeurs et les exclus ?
Hélas non, c'est complet... La prochaine rame, peut-être...
Mais, Boris Joyce, qui a dit que Richard Millet écrivait de mauvais livres ? Mes réticences, d'ailleurs très pondérées, ce me semble, dans mon précédent message, ne portaient que sur les pamphlets un peu étriqués dont il s’est récemment rendu coupable: il n'était donc nullement question de nier que Richard Millet fût un écrivain important. Quand à l’usage « grandiose » du silence dont je me flatterais de faire usage, sachez qu’il n’est jamais pour moi qu’un pis aller, et non un idéal auquel je souscris de gaieté de cœur ; et je vous envie, si cette impuissance n’est pas la vôtre (mais le « métier » que vous exercez vous y engage peut-être), de penser qu’en toute circonstance, votre savoir et votre faconde vous permettront de briller ou de triompher de tous vos adversaires. Par ailleurs je vous rejoins tout à fait quand il s'agit de remarquer que certaines personnes, au demeurant très-raisonnables, se montrent parfois sur ce forum "plus royalistes que le roi"; mais il me semble que je puis, sans trop d'orgueil, m'exempter de ce ridicule.

Je ne savais pas — et vous faites bien de me le faire remarquer de manière si prévenante, vraiment — que l'austère Regard de Renaud Camus eût exercé tant d’influence sur mon pauvre esprit…
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 02:41   Tout le reste n'est que littérature
"(mais le « métier » que vous exercez vous y engage peut-être)"

J'aimerais en savoir un peu plus sur les métiers entre guillemets, en quoi ils consistent, je me sens de grandes dispositions pour les exercer et c'est pourquoi je me permets de vous demander, au titre de la solidarité car je suis à la recherche d'un empoi, de bien vouloir m'indiquer le chemin à prendre qui mène au métier entre guillemets, faute de quoi il deviendra pour moi impératif d'émigrer de Périgord en Aragon, où se forment des nids à tafs.
Je ne comprends pas bien de quoi vous voulez parler, Orimont Bolacre, mais c'est très amusant (les guillemets qui entourent métier ne sont qu'une allusion au message que m'avait adressé Boris Joyce).

Moi aussi, j'aimerais en savoir plus sur ces métiers en question...
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 12:25   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
« (…) et je vous envie, si cette impuissance n’est pas la vôtre (mais le « métier » que vous exercez vous y engage peut-être), de penser qu’en toute circonstance, votre savoir et votre faconde vous permettront de briller ou de triompher de tous vos adversaires. »

Vous me laissez coi.
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 14:47   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
Coi, également...
Francmoineau, je vous en prie n'imitez pas le corbeau !
On ne dit pas "quoi, coi ?", on dit : "Quomment, comment ?". D'abord.
Allons, Boris Joyce, vous avez beau jeu, après avoir en usé à mon égard avec tant de courtoisie ("Je ne sais pas qui vous êtes, M. Bily, ni quel est votre métier,..."), de faire l'effarouché...
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 21:38   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
« Je ne sais pas qui vous êtes, M. Bily, ni quel est votre métier, mais le silence dont vous vous flattez de faire un usage grandiose n'est pas toujours possible, ni même souhaitable, lorsqu'on (l'écrivain) se trouve en face de quelqu'un qui est payé pour le faire parler. »

répondait à

« La stratégie que j’adopte moi-même, dans les situations qui ne sont pas à mon avantage, est généralement le silence. Je préfère toujours en dire moins que d’être contraint par l’impérieux désir de me faire entendre à mettre à mal la syntaxe française : mais ces beaux principes, soit dit en passant, ne sont, à mon grand regret, que rarement mis en pratique. »

Il est parfois difficile de répondre à quelqu'un dont on ne sait rien. Et quand vous avez parlé de la "stratégie que vous adoptez", j'ai pensé que peut-être vous faisiez allusion à votre profession. Comment dire ? Se taire quand on a quelque chose à dire, de peur de "mettre à mal la syntaxe française", si ce n'est pas dans un contexte professionnel particulier qui oblige à la prudence, me paraît un tout petit peu exagéré, voyez-vous. C'est tout ce que je voulais dire par grandiose, mais si l'adjectif vous a blessé, je le retire volontiers. Si "être à son avantage" est plus important que la conversation ou la discussion que vous entretenez avec vos interlocuteurs, même dans le souci très louable de ménager la syntaxe, cela ne doit pas être facile de vous parler.

    Et quant à « (…) et je vous envie, si cette impuissance n’est pas la vôtre (mais le « métier » que vous exercez vous y engage peut-être), de penser qu’en toute circonstance, votre savoir et votre faconde vous permettront de briller ou de triompher de tous vos adversaires. » votre attaque me paraît mal fondée, car je n'ai jamais prétendu que cette impuissance-là m'était inconnue, bien au contraire !, je me sens le plus souvent très embarrassé quand je dois parler en public. Le moins qu'on puisse dire est que je suis dépourvu et de faconde et de savoir et de facilité à m'exprimer. En fait, et pour revenir à Richard Millet, j'ai cru remarquer que les écrivains l'étaient, très souvent, je veux dire écrivains, justement parce qu'ils avaient du mal avec la langue parlée, aussi je trouvais un peu sévères les critiques dont il avait été l'objet ici-même.
Boris Joyce, c'est moi qui vous présente toutes mes excuses ; je regrette d'avoir pu vous laisser penser une seule seconde que je menais contre vous des "attaques", comme d'avoir adopté si rapidement un ton condescendant à votre égard. Vous avez bien raison de dire qu'il doit être parfois difficile de parler avec moi : mais comme vous avez maintenant tout loisir de le constater, ce n'est pas pour les plus louables motifs...

Quant à la prédilection que certains marqueraient pour la langue écrite en lieu et place d'une véritable aisance élocutoire, je ne peux que vous suivre sur ce point, car vous décrivez là une situation qui m'est bien familière. J'aurais pourtant quelque réticence à reconnaître que les grands écrivains soient les plus fréquentes victimes de ce symptôme : j'en veux pour preuve une petite vidéo que j'ai vue dernièrement sur le site Dailymotion, où Paul Morand raconte sa première rencontre avec Proust (je ne peux pas indiquer directement un lien, mais il me semble qu'il suffirait de taper Proust sur le site en question, pour voir apparaître la video), et qui est très impressionnante.
C'est en effet impressionnant : pas la moindre cheville, pas de scies langagières, pas trace de c'est-vrai que - on va dire - si vous voulez - hein - quoi (curieux, tout de même, cette prononciation de pelisse en p'lisse). Mais Madame Morand parle elle aussi à merveille, et l'homme qui pose les questions également : la belle langue parlée sans effort, comme on respire, par les membres de la classe cultivée jusqu'à il y a quelques décennies.
Très intéressant document, merci! J'y relève également, en vrac, l'emploi ici et là de feu le passé-simple; le questionneur dont on ne voit que la nuque; Proust faisant le coup de poing devant un taxi(!); et, outre la "p'lisse" citée par Marcel Meyer, un "Svann" dont de plus fins connaisseurs que moi sur ce site pourront peut-être me dire s'il convient de s'étonner? (J'oubliais aussi la délicieuse aspiration de héler).
19 mai 2008, 10:21   Attention aux taons!
Attention M. Francmoineau, vous risquez encore de nous attirer les taons avec cette dernière phrase où vous mettez dont pour duquel. Grave ça! à l'IUFM...
Utilisateur anonyme
19 mai 2008, 10:36   Morand au passé simple
« Que de façon générale, et avec toutes les exceptions individuelles qu'on voudra, au premier rang desquelles celles du génie, il faille deux ou trois générations pour faire un individu tout à fait accompli culturellement, voilà bien, quoique ç'ait été la conviction tranquille de presque tous les siècles avant les nôtres et de la plupart des civilisations, le genre d'opinions qui ne saurait en aucune façon être reçu parmi nous. »
Utilisateur anonyme
19 mai 2008, 11:46   Re : L'avenir de la littérature. Entretien avec Richard MILLET
Précisons que le questionneur est Roger Stéphane, à qui l'on doit ce magnifique Portrait-Souvenir de Proust et de nombreux autres qui doivent se trouver quelque part dans les tiroirs de l'INA. Si l'on veut mieux connaître Roger Stéphane, on peut lire son recueil de chroniques Tout va bien (Quai Voltaire, 1989) et l'excellente biographie que lui ont consacrée Olivier Philipponnat et Patrick Lienhardt (Roger Stéphane, Grasset, 2004).
Monsieur Marche, votre sandwich au taon et à l'IUFM était mangeable hier, il est un peu rassis aujourd'hui...
Utilisateur anonyme
19 mai 2008, 11:59   Re : Morand au passé simple
Rassis, c'est plus digeste.
Utilisateur anonyme
19 mai 2008, 13:24   Le problème de l'empois
"Il se retournait généralement tout d'une pièce, très gêné par toute cette armure d'empois dont je parlais tout à l'heure..."
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