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Communiqué n° 653 : Sur la « reconquête (scolaire) du mois de juin »

Le parti de l'In-nocence approuve et soutient le dessein affiché par le ministre de l'Éducation nationale M. Xavier Darcos de procéder au lycée à une « reconquête de juin », c'est-à-dire de rendre ce mois tout entier au travail scolaire.

Le parti de l'In-nocence est particulièrement affligé par le spectacle désolant que donne le système scolaire au cours de ce qui s'appelait jadis le "troisième trimestre" et qui, entre les jours fériés, les "ponts" et les grèves, a perdu toute consistance et efficacité éducatives. Il déplore par exemple comme une expression ultime de l'abdication professionnelle la revendication, de la part de certains enseignants, de jours fériés de compensation lorsque des jours fériés traditionnels se sont trouvé coïncider, comme cette année le 1er mai et l'Ascension.
Pourquoi pas demander aussi des jours de rattrapage lorsque Noël ou le 11 novembre ou le 1er mai tombe un dimanche ou un samedi ?
C'est une revendication d'élève (qui se réjouit d'une cours qui n'a pas lieu), pas de professeur (qui a le souci de boucler le programme et d'instruire ses élèves)... ce qui est des plus inquiétants.
Ce communiqué est admirable.
J'aurais été enclin à écrire : "se sont trouvéS coïncider"". Monsieur JGL, au secours !
Monsieur JGL est comme vous : il ne sait pas trop comment écrire "se sont trouvé" : é ou és ? Il aurait sans doute écrit "ont coïncidé" pour éviter le piège.

Quel a été le raisonnement du rédacteur du communiqué ? De toute évidence, il sait que la règle d'accord des participes passés des V pronominaux est la même que celle qui régit les participes passés avec "avoir". Quand le complément direct est placé devant l'auxiliaire, le participe s'accorde en genre et en nombre avec ce complément. "Ils se sont bien amusés", "ils se sont lavés" ("se" mis pour "ils" : ils ont lavé eux-mêmes), etc. Si le complément direct est placé après le verbe, l'accord ne se fait pas : "ils se sont lavé les mains", comme s'il y avait "ils ont lavé leurs mains" (le complément direct est "les mains", "se" étant complément indirect").

Je suppose que le rédacteur du communiqué a analysé la phrase "les jours fériés se sont trouvé coïncider" ainsi : le complément direct est "coïncider", l'accord ne se fait pas avec "se" (mis pour "les jours fériés") qui est complément indirect.
La difficulté, qui me fait douter de la justesse de l'orthographe "se sont trouvé coïncider" (mais je peux me tromper), tient à "coïncider" : est-ce bien le complément direct de "se sont trouvé" ? Certes, il suit immédiatement "se sont trouvé" et il n'est pas régi par une préposition; mais on sait qu'en français, le fait pour deux verbes de se suivre directement n'implique pas que le second soit complément direct du premier (cf. verbes de mouvement : il est allé voir, etc. verbes de perception, auxiliaires de modalité : il peut, il doit aller, etc.). Dans "les jours fériés se sont trouvé coïncider", le complément direct est bien "se", mis pour "les jours" : les jours ont trouvé eux-mêmes qu'ils coïncidaient... J'aurais donc écrit "se sont trouvés coïncider" : mais je ne suis pas correcteur d'imprimerie, ni spécialiste de raison orthographique (de raison graphique seulement).

Cela dit, la construction choisie est l'une des plus intéressantes qui soient (et même étonnantes), parce qu'elle atteste la richesse de l'inventivité de la syntaxe du français. Ce qui est signifié, en termes simples, c'est que Travail et Ascension ont été fêtés le même jour. Le rédacteur a, semble-t-il, voulu accentuer le caractère arbitraire ou contingent de cette coïncidence : c'est un effet du hasard ou du calendrier, de l'existence de deux calendriers, lunaire, "Pâques", et solaire, le reste de l'année.
La syntaxe du français offre plusieurs possibilités pour exprimer ce qui relève de la contingence : 1) le passif; 2) la forme pronominale de sens passif; 3) la forme impersonnelle; 4) des "locutions" comme "il se trouve que" ou le verbe "se trouver". La syntaxe la plus cohérente aurait pu être la combinaison d'une construction impersonnelle (idéale pour dire le "hasard") et du verbe pronominal "se trouver" : "il s'est trouvé que les jours fériés ont coïncidé". Il est loisible de réduire cette syntaxe complexe (avec une complétive en "que") ou de la condenser, en effaçant la complétive et la construction impersonnelle : "les jours fériés se sont trouvés coïncider". Dans ce cas, "se sont trouvés" apparaît clairement comme un "auxiliaire" ("périphrastique") et "coïncider" a pour sujet "les jours fériés". C'est pourquoi je penche "en raison" pour l'orthographe "se sont trouvés".
Lorsque l'on considère le nombre d'heures et de journées de cours perdues pour cause de grèves et manifestations diverses ces derniers temps, on peut se demander s'il ne faudrait pas également procéder à la reconquête des mois de mars, avril et mai...
17 mai 2008, 09:07   George Sand sur Balzac
Sous l'Empire, en publiant l'éloge de l'Encyclopédie nouvelle, elle dira à la gloire de Balzac que "ses plus beaux personnages se sont trouvé être des républicains et des socialistes".

Est-ce qu'on n'a pas affaire ici au cas du verbe à l'infinitif ("coïncider") qui répond à la question "quoi" appliquée à "trouver" ? Le verbe "se trouver" étant par ailleurs un verbe faussement pronominal (comme je crois qu'on disait jadis) transitif et se conjugant avec avoir, et le c.o.d. (verbe à l'infinitif qui répond à la question "quoi") se trouvant positionné après le prédicat, selon la règle commune on n'accorde pas le participe "trouvé".

Ne devrait-on pas ranger la phrase de George Sand ci-dessus dans le même cas, comme tout énoncé du type "elles se sont entendu dire" ?
Oui, cher Francis, vous avez raison de douter. J'ai cherché en vain des exemples qui confirmeraient l'orthographe adoptée. Celui de George Sand est troublant, en effet. Il faudrait en trouver d'autres.
Quant au dernier exemple que vous citez, "elles se sont entendu dire", je ne pense pas qu'il tranche la difficulté pour une raison simple. La phrase peut avoir deux orthographes : ou bien "elles se sont entendu dire" (elles ont entendu qu'on leur disait quelque chose : le sujet de dire n'est pas le même que celui d'entendre et "se" est complément indirect); ou "elles se sont entendues dire" (elles ont entendu elles-mêmes qu'elles disaient - sans doute sans le vouloir).
Dans le même registre, j'aime beaucoup le fameux exemple de la pianiste et de la sonate :

La pianiste que j'ai entendue jouer m'a charmé.
La sonate que j'ai entendu jouer m'a charmé.

J'ai entendu jouer qui ? La pianiste. Mais : j'ai entendu quoi ? Jouer.
Voilà qui apporte, me semble-t-il, une justification au choix fait dans le communiqué et que JGL a parfaitement décrit : ils se sont trouvé quoi ? Coïncider.
Pour tenter de répondre à M. Marche : la phrase que vous citez de George Sand est différente, dans la mesure où le sujet du verbe principal (pardon de ne pas posséder la "langue grammarienne"...) n'est pas le même que celui de l'infinitif. C'est en général comme cela que je me dépatouille de l'irritante question des accords de participes passés.

Ainsi : La femme que j'ai laissée peindre,
et : La femme que j'ai laissé peindre,

ne signifient pas la même chose. Dans le premier cas, on parle d'une femme que j'ai autorisée à prendre les pinceaux, dans le second d'une femme dont j'ai consenti à ce qu'un artiste tiers fasse le portrait.

Mais je crains que cette méthode ne pèche par empirisme...
Oui, bien sûr JGL, à peine avais-je lancé mon message que votre objection me venait à l'esprit sur "s'entendre dire".

à M. Meyer, il y a aussi le moins fameux mais très probant:

"le peu de confiance que vous m'avez témoigné m'a ôté le courage"

et

"le peu de confiance que vous m'avez témoignée m'a donné le courage"
Cher Marcel Meyer,
Vos raisons sont convaincantes et je suis près de m'y rendre, mais quelque chose en moi résiste encore.
Dans l'exemple de la sonate, si l'accord ne se fait pas (et à juste titre), c'est parce que le complément direct (que mis pour la sonate) n'est pas complément "d'entendre", mais complément de "jouer", et que, n'étant pas complément d'entendre, il n'y a pas à accorder entendu avec sonate, alors que, dans l'autre exemple, pianiste est bien complément d'entendre (on entend la pianiste) et aussi "sujet" de jouer (on l'a entendue jouer).
Cela dit, il me semble (je m'égare peut-être) que l'exemple "se sont trouvé (ou és ?) coïncider" ne se ramène pas au même schéma : pour dire les choses autrement, je ne parviens pas à me représenter la relation entre "se trouver" et "coïncider" comme une complémentation.
Je crois que s'agissant de la copule, la règle serait de ne jamais faire l'accord avec "se trouver", ne serait-ce que pour éviter le désaccord de genre qui heurte (car souvent il se fait entendre) plus que celui du nombre, p. ex. dans une phrase comme

Ses plus belles amours se sont trouvé être des hommes intéressés où l'accord de " trouvé" avec amour ferait chavirer le sens.

ou encore,

Cette carabine à plomb s'est trouvé être le plus beau cadeau qu'on me fît.

Par extension de cette règle, j'écrirais "ses plus belles années se sont trouvé correspondre à son temps passé en Asie";

Pour revenir à l'approche de JGL: en raison, on devrait pouvoir considérer que "coïncider", comme ici "correspondre" vaut "être en coïncidence" ou "être en correspondance", ce qui nous ramènerait à la phrase de George Sand, soit encore au cas général de la copule.

à Didier Goux: il me semblait justement que dans la phrase "se sont trouvé coïncider", le sujet du verbe coïncider n'est pas celui de "trouver" (on a trouvé qu'elles coïncidaient), c.-à-d. que ce cas se rapprocherait de celui d'une femme qu'on a laissé peindre.
Je propose que nous passions tous, massivement, à l'espéranto...

Louée soit la mémoire du bon docteur Zamenhof !
A défaut d'espéranto, je vois que M. Goux est passé à l'écriture arménienne. Mais pourquoi diable réagir ainsi ? Je connais peu de choses aussi délicieuses , qui me ravissent autant que ces nuances entre différents accords possibles, ces gouffres du sens qu'offre la langue française.
Citation

Je connais peu de choses aussi délicieuses , qui me ravissent autant que ces nuances entre différents accords possibles, ces gouffres du sens qu'offre la langue française.

Vous avez raison, cher Marcel Meyer, et tant qu'il se trouvera des fils aussi stimulants et éclairants que celui-ci sur ce site, je demeurerai un fidèle lecteur.
Moi aussi. Et, de plus, et pour une fois, je m'aperçois que mes difficultés, en l'occurrence, n'étaient pas qu'une carence personnelle, comme c'est le cas presque toujours.
Voyons, Monsieur Meyer, nous sommes parfaitement d'accord sur ce point ! Et je persiste à penser que trouvé et coïncider ont le même sujet, le participe passé devant par conséquent s'accorder avec le sujet. Quant à justifier ce "sentiment", c'est une autre paire de manches...
Si votre sentiment est que trouvé et coïncider dans la phrase "les jours fériés se sont trouvé coïncider" ont un même et unique sujet vous devez pouvoir vous imaginer "les jours fériés" comme des jeunes filles tenant leur chapeau à ruban du bout des doigts un dimanche ensoleillé et s'exclamant en coeur sous la charmille "nous nous sommes trouvées!, nous nous coïncidons!".

Difficile mais possible, comme on dit en science. Nous admirons votre imagination.

Mais dites-nous, si ces deux verbes agencés ainsi ont le même sujet, comment se fait-il qu'ils soient conjugués dans des formes différentes, pourquoi ne pas écrire alors "se sont trouvées se coïncider"?

Comment écrirez-vous "ma fille et mon beau-fils se sont trouv[é] aimer à la folie la même confiture ou le même film idiot" ? Même problème dans "par le plus grand des hasards, il se sont trouv[é] partir ensemble".

Si dans ces deux dernières phrases le sujet de trouver et d'aimer d'une part et de trouver et partir est le même, on peut dire que ces gens sont vraiment très affairés prédicativement, ne trouvez-vous pas ?
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 17:09   Il pleut
Si je suis friand de ces érudites controverses grammaticales c'est moins, je l'avoue, pour me forger une opinion, qu'à cause des exemples de phrases que les uns et les autres citent ou imaginent, comme si, ces tronçons de phrases contenait virtuellement de romanesques développements. Voici par exemple un couple qu'on aimerait suivre dans une nouvelle ou un roman :

"Ainsi : La femme que j'ai laissée peindre,
et : La femme que j'ai laissé peindre,
ne signifient pas la même chose. Dans le premier cas, on parle d'une femme que j'ai autorisée à prendre les pinceaux, dans le second d'une femme dont j'ai consenti à ce qu'un artiste tiers fasse le portrait."


"ses plus belles années se sont trouvé correspondre à son temps passé en Asie" donne l'idée d'un curieux livre à composer, dans le genre oulipien, où l'auteur livrerait ses souvenirs pour autant que ceux-ci illustrent une difficulté grammaticale. Ce serait une autobiographie toute en délicatesses.
M. Marche ne fait rien qu'à m'embrouiller ! Pour le coup, je ne sais plus trop si je suis toujours d'accord avec ce que je soutenais il y a une demi-heure...
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