M. Petit-Détour, chez qui ont sent le spécialiste du "mouvement ouvrier", a-t-il lu "Beau Masque" de Roger Vaillant ? A-t-il lu le roman de Marcel Aymé "La Rue sans nom" ?
Que trouve-t-on dans ces récits qui ont pour théâtre le "monde ouvrier", celui de la forge, de la mine, dans la Bresse industrielle, dans les corons, loin des grands centres urbains, dans les campagnes de l'Ain (Vaillant) ou du Doubs (Aymé) brutalement industrialisées ? On trouve des ouvriers Italiens haïs par leurs collègues bourguignons. Pourquoi haïs ? Parce que l'Italien, chose intolérable, avait
de la manière avec les dames, au bal du samedi soir, et savait, à coup de regards, par l'art maîtrisé, intensément discret, de se présenter, de se tenir seul, dans un coin, par la suggestion trouble, les convaincre très vite de passer à l'essentiel.
Voilà le danger étranger. L'étrangère séduit l'autochtone, on le sait bien, mais l'étranger itou, quand il est Italien, ravit les femmes du bourg de son seul regard. D'où la haine, le pogrome, contre celui qui accède aux femmes par le seul fait d'exister - haine contre celui qui d'avoir franchi la frontière,
transgresse toutes les frontières.
C'était ainsi, dans le monde ouvrier d'alors, et sans avoir rien étudié de ce qui s'est passé à Aigues-Mortes 1884 l'on devine qu'il n'en fut pas autrement: la concurrence pour le beau sexe faisait se lever les mâles autochtones contre l'Italien, le Ravisseur des coeurs. La femme a plus de prix que le sel, que le salaire. Le salaire, dans ce monde là, de toute façon, c'était la femme: reliser
325000 francs de Vaillant et vous ne me contredirez pas. Vous comprendrez: le grand paradoxe du monde ouvrier français, qui est fondamentalement un monde provincial, un monde de l'ancien monde, est que ce monde sans foi ni loi était resté
un monde courtois où le prix, la conquête suprême, restait la femme. Dans ce monde là, le grand transgresseur était l'Italien (pas l'Espagnol, pas le Polonais), mais bien le Transalpin, bourreau des coeurs dès son arrivée.
Aucun "racisme" donc, certes pas, et même bien au contraire, une fascination et un meurtre mimétique: l'Italien avait tout du Français mais, chose intolérable et révoltante:
en mieux !