Le site du parti de l'In-nocence

Précision à propos de Jacques de Venise

Envoyé par Virgil Waldburg 
Je me permets de porter à la connaissance de tous ce message (normalement confidentiel) apportant quelques précisions sur le ms. dont parle S.G. :

Pour ceux qui ne sont pas le nez dans Google, Sylvain Gouguenheim répond ici :[www.ripostelaique.com] À première vue, le site ripostelaique semble être chevènementiste. Il est interviewé par Christine Tasin, professeur de Lettres et candidate malheureuse MRC à la députation à Saintes. Le chevènementisme est-il une clé de compréhension du positionnement de Gouguenheim ? En ce qui concerne le contenu de l'interview, Gouguenheim réitère son erreur sur le rôle du Mont-Saint-Michel dans la traduction et le commentaire d'Aristote. Pour apporter ma petite pierre à la critique du livre de Gouguenheim, il faut noter que le manuscrit Avranches 232 (provenant de la bibliothèque du Mont-Saint-Michel) comporte certes des traductions d'Aristote de Jacques de Venise et de Burgundio de Pise mais aussi d'autres textes comme la traduction des Aphorismes de Jean Mésué (texte médical arabe) et l'unique témoin des Intellections d'Abélard.C'est un manuscrit très important pour l'histoire de la philosophie mais mystérieux car il y a très peu de traces pour l'étude codicologique. Le manuscrit est composite et les différents morceaux semblent avoir été écrits entre la fin du xiie et le premier quart du xiiie. Il n'y a aucun indice que le manuscrit ait été copié dans le scriptorium de l'abbaye et il est postérieur à l'abbatiat de Robert de Torigny Sur ce manuscrit en dernier lieu l'article pas cité par Gouguenheim : Danielle Jacquart, "Un retour sur le manuscrit Avranches 232",Science antique, science médiévale. Autour d'Avranches 235,Louis Callebat; Olivier Desbordes éds., Hildesheim ; Zürich ; New York :Olms-Weidmann, 2000, p. 71-80 Gouguenheim montre dans son livre que l'on trouve dans ce manuscrit sur certaines traductions d'Aristote des gloses. À ma connaissance, il n'y a pas d'étude globale de ces gloses (mais on trouve des choses dans les éditions critiques de l'Aristoteles Latinus). Pour le texte que j'ai un peu travaillé, la première traduction de l'Éthique par Burgundio de Pise qui se trouve dans l'Avranches 232, il y a d'un côté des notes lexicales qui sont certainement de Burgundio et qui ressemblent aux notes de Grossetête un peu plus tard et d'autre part un court commentaire inédit et intéressant sur l'Éthique dont j'avais transcrit l'introduction il y a quelques années. Dans cette introduction la philosophie est divisée entre philosophie naturelle (but santé et connaissance du monde physique), philosophie morale (but : félicité et vertu) et philosophie rationnelle (but : science). Le schéma est banal mais l'indice que la philosophie naturelle a pour but la santé pointe vers Salerne. Il faudrait transcrire ce texte dans sa totalité et l'étudier plus en détail mais il y a, à mon avis, aucune chance qu'il soit l'oeuvre d'un moine du Mont-Saint-Michel et plus vraisemblablement d'un maître dont la tombe est enfouie aujourd'hui sous un tas d'ordures napolitaines. Cordialement,Charles-- Charles de MiramonCentre de Recherches HistoriquesLaboratoire EHESS / CNRS

L'auteur est un excellent spécialiste des manuscrits du moyen âge. Voilà une contribution intéressante à la discussion des analyses de S.G., indépendamment de l'aspect politique (si on excepte la petite introduction).
21 mai 2008, 20:52   Ajout
Vient de paraître le livre suivant qui, hasards de l'édition, permettra d'en savoir davantage sur toute la question :

Pascal Boulhol, La connaissance de la langue greque dans la France médiévale (VIe-XVe siècle), Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence.
Utilisateur anonyme
21 mai 2008, 21:39   Re : Merci
Vraiment très instructif. Merci, cher M. Virgil de ces nouvelles lumières qui enrichissent la compréhension de cette controverse. Quant à l'article cité, SG a raison de dire que la pétition n’est pas un mode normal de discussion scientifique.
Utilisateur anonyme
21 mai 2008, 23:03   Re : Précision à propos de Jacques de Venise
Je me permets de porter à la connaissance de tous ce message (normalement confidentiel)

Les pétitions, c'était déjà bien moche, mais cette affaire SG n'est pas finie : voilà que l'on se "permet" de produire des correspondances privées. Quelles moeurs ! messieurs les chercheurs...
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 15:43   Re : Précision à propos de Jacques de Venise
Si c'est pour permettre à la science d'avancer....
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 17:39   Re : Précision à propos de Jacques de Venise
Je trouve la "petite introduction" tout-à-fait signifiante, au contraire.
"Le chevènementisme est-il une clé de compréhension du positionnement de Gouguenheim ?"
Voilà qui n'est pas piqué des hannetons.
Mais c'est plutôt une bonne nouvelle pour SG; à l'heure actuelle, quoique fortement déconseillé, le chevènementisme n'est pas encore un motif d'enfermement en hopital psychiatrique.
Moi aussi, je trouve la petite introduction significative, de même qu'est significatif le fait que Libera, dans Telerama, parle, pour dénoncer l'ouvrage de Gouguenheim et la recension plutôt louangeuse que Roger Pol-Droit (celui-ci n'étant jamais nommément cité) en avait faite dans Le Monde du « contexte politique et idéologique teinté d’intolérance, de haine et de refus que vit une certaine Europe – sans parler évidemment des États-Unis d’Amérique – par rapport à l’Islam », une Europe « qui n’est pas la [sienne] » et qu’il « laisse au "ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale" et aux caves du Vatican.

Pauvre cloche ! Cloche savante mais cloche indubitable.
"du « contexte politique et idéologique teinté d’intolérance, de haine et de refus que vit une certaine Europe – sans parler évidemment des États-Unis d’Amérique – par rapport à l’Islam », une Europe « qui n’est pas la [sienne] » et qu’il « laisse au "ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale" et aux caves du Vatican."

Merci, cher Marcel Meyer de redonner la citation exacte de Libera. C'est bien ce que je disais : il a vendu la mèche. Par ces propos il montre de façon aveuglante que l'idéologue, c'est lui.
Je partage votre détestation des pétitions qui est le mode de protestation des muets, ou des quasi-aphasiques, puisque cela consiste simplement à inscrire son nom.
Puis-je me permettre de rappeler ce mot de Muray qui, dans "Festivus, festivus", ironisait sur la "race des signeurs" qui était la nouvelle race supérieure de notre époque ? Des seigneurs aux signeurs, je ne sais si nous y avons gagné !
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 22:00   Re : L'intégral
Il me semble important de lire tout l'article, plutôt qu'une ou deux phrases sorties de leur contexte. L'ensemble n'est pas dépourvu d'intérêt, bien que le professeur Libera soit assez colère :

Citation

Alain de Libera est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Professeur ordinaire à l’université de Genève, Vice-président de la Société internationale pour l’étude de la philosophie médiévale, Directeur de la collection Des Travaux aux Éditions du Seuil.

En 1857, Charles Renouvier faisait paraître Uchronie (l’utopie dans l’histoire) : esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être. L’histoire alternative (What-if history) était née. Ce qui s’énonce sous le titre Et si l’Europe ne devait pas ses savoirs à l’Islam ? pourrait annoncer un plaisant exercice d’histoire fiction. Le public du Monde se voit au contraire offrir l’éloge d’une histoire réelle, étouffée par les « préjugés de l’heure » et les « convictions devenues dominantes ces dernières décennies », en suivant (au choix) « Alain de Libera ou Mohammed Arkoun, Edward Saïd ou le Conseil de l’Europe ». L’« étonnante rectification » à laquelle le « travail » (mirabile dictu !) récemment publié aux Éditions du Seuil soumet les thèses de la nouvelle Bande des Quatre, autrement dit : une vulgate « qui n’est qu’un tissu d’erreurs, de vérités déformées, de données partielles ou partiales », vient de loin. Elle courait depuis beau temps sur les sites néoconservateurs, traditionnalistes ou postfascistes stigmatisant pêle-mêle mon « adulation irrationnelle » et ma « complaisance » pour l’« Islam des Lumières » ou le « mythe de l’Andalousie tolérante », sans oublier l’accumulation de « mensonges destinés à nous anesthésier » (« on ne nous dit jamais que les textes grecs ont été traduits par des Chrétiens d’Orient, à partir du syriaque ou directement du grec » ; on nous cache soigneusement que « ni Avicenne, ni Averroès ne connaissaient le grec », comme, serais-je tenté de dire, on ne nous dit pas volontiers qu’il en allait de même pour Pierre Abélard, Albert le Grand, Thomas d’Aquin ou Guillaume d’Ockham).

Après l’extraordinaire publicité faite à Aristote au Mont-saint-Michel, « nous » voilà définitivement débriefés. L’univers des blogs souffle : le « lavage de cerveau arabolâtre » par une « triste vulgate universitaire de niveau touristique », « tiers-mondiste » et « néostalinienne » n’opérera plus sur « nous ». Les médiévistes, eux, ont du mal à respirer. Si détestable soit l’air ambiant, leurs réponses viendront. Étant nommément mis en cause, je me crois autorisé ici à quelques remarques personnelles, supposant que « le Conseil » incriminé ne se manifestera guère, non plus qu’Edward Saïd mort en 2003, et espérant que mon ami Mohammed Arkoun trouvera le moyen de se faire entendre.

Si Ernest Renan a cru bon d’écrire en 1855 que « les sémites n’ont pas d’idées à eux », aucun chercheur virtuellement mis au ban du « courage » intellectuel par l’article paru le 3 avril 2008 dans Le Monde n’a jamais parlé d’une « rupture totale entre l’héritage grec antique et l’Europe chrétienne du haut Moyen Âge », ni soutenu que la « culture grecque avait été pleinement accueillie par l’islam », ni laissé entendre que « l’accueil fait aux Grecs fut unanime, enthousiaste » ou « capable de bouleverser culture et société islamiques ». Aucun historien des sciences et des philosophies arabes et médiévales n’a jamais présenté « le savoir philosophique européen » comme « tout entier dépendant des intermédiaires arabes » ni professé qu’un « monde islamique du Moyen Âge, ouvert et généreux » soit venu « offrir à l’Europe languissante et sombre les moyens de son expansion ». La vulgate dénoncée dans Le Monde n’est qu’un sottisier ad hoc, inventé pour être, à peu de frais, réfuté.

En ce qui me concerne, j’ai, en revanche, « répété crescendo » depuis les années 1980 que le haut Moyen Âge latinophone avait préservé une partie du corpus philosophique de l’Antiquité tardive, distingué deux âges dans l’histoire de la circulation des textes d’Orient (chrétien, puis musulman) en Occident, l’âge gréco-latin et l’arabo-latin, marqué la différence entre « philosophie en Islam » et « philosophie de l’islam », mis en relief le rôle des Arabes chrétiens et des Syriaques dans « l’acculturation philosophique des Arabes » et souligné la multiplicité des canaux par lesquels les Latini s’étaient sur la « longue durée » (le « long Moyen Âge » cher à Jacques Le Goff) réapproprié une partie croissante de la pensée antique. Un historien, dit Paul Veyne, « raconte des intrigues », qui sont « autant d’itinéraires qu’il trace » à travers un champ événementiel objectif « divisible à l’infini » : il ne peut « décrire la totalité de ce champ, car un itinéraire doit choisir et ne peut passer partout » ; aucun des itinéraires qu’il emprunte « n’est le vrai », aucun « n’est l’Histoire ». Les mondes médiévaux complexes, solidaires, conflictuels dont j’ai tenté de décrire les relations, les échanges et les fractures ne sauraient s’inscrire dans une hagiographie de l’Europe chrétienne, ni s’accommoder de la synecdoque historique qui y réduit l’Occident médiéval : il y a un Occident musulman et un Orient musulman comme il y a un Orient et un Occident chrétiens, un kalam (le nom arabe de la « théologie ») chrétien, juif, musulman.
Vue dans la perspective de la translatio studiorum, l’hypothèse du Mont-saint-Michel, « chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin » hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette.


Pour construire mon propre itinéraire, j’ai utilisé, en l’adaptant, l’expression de translatio studiorum (transfert des études) pour décrire les transferts culturels successifs qui, à partir de la fermeture de la dernière école philosophique païenne, l’école néoplatonicienne d’Athènes, par l’empereur chrétien Justinien (529), ont permis à l’Europe d’accueillir les savoirs grecs et arabes dans ses lieux et institutions d’enseignement. L’homme dont le nom « mériterait de figurer en lettres capitales dans les manuels d’histoire culturelle », Jacques de Venise, que tout le monde savant connaît grâce à Lorenzo Minio Paluello et l’Aristoteles Latinus, figure en bas de casse dans l’index de mon manuel de Premier cycle, désormais (providentiellement) rebaptisé Quadrige, où il occupe plus de deux lignes, comme celui, au demeurant, de Hunayn Ibn Ishaq. Les amateurs de croisades pourraient y regarder avant d’appeler le public à la grande mobilisation contre les sans-papiers.

Vue dans la perspective de la translatio studiorum, l’hypothèse du Mont-saint-Michel, « chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin » hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette. Le sous-titre de l’ouvrage paru dans la collection « L’Univers historique » est plus insidieux. Parler des « racines grecques de l’Europe chrétienne » n’est pas traiter des « racines grecques du Moyen Âge occidental latin ». On ne peut annexer Byzance ni à l’une ni à l’autre. Les interventions de Charlemagne dans la « querelle des images », le schisme dit « de Photios », le sac de Constantinople par les « Franks », le nom byzantin des « croisés », le Contra errores Graecorum ne plaident guère en faveur d’une réduction des christianismes d’Orient et d’Occident à une Europe chrétienne étendue d’Ouest en Est.
Quant aux fameuses « racines grecques » opposées à l’« hellénisation superficielle de l’Islam », faut-il encore rappeler que la philosophia a d’abord été présentée comme une science étrangère (« du dehors ») chez les Byzantins avant de l’être chez les penseurs juifs et musulmans, l’appellation de « science étrangère » – étrangère à la Révélation et au « nous » communautaire qu’elle articule – étant née à Byzance, où la philosophie a été longtemps qualifiée de « fables helléniques » ? Faut-il encore rappeler que si les chrétiens d’Occident se sont emparés de la philosophie comme de leur bien propre, ce fut au nom d’une théorie de l’acculturation formulée pour la première fois par Augustin, comparant la sagesse des païens et la part de vérité qu’elle contient à l’or des égyptiens légitimement approprié par les Hébreux lors de leur sortie d’Égypte (Ex 3, 22 et Ex 12, 35) ?

Je « nous » croyais sortis de ce que j’ai appelé il y a quelques années, dans un article du Monde diplomatique : la « double amnésie nourissant le discours xénophobe ». Voilà, d’un trait de plume, la falsafa redevenue un événement marginal, pour ne pas dire insignifiant, sous prétexte que « l’Islam ne s’est pas véritablement hellénisé ». Averroès ne représente qu’Ibn Rushd, Avicenne qu’Ibn Sina, c’est-à-dire « pas grand-chose, en tout cas rien d’essentiel ». Encore un pas et l’on verra fanatiques religieux et retraités pavillonnaires s’accorder sur le fait que, après tout, l’Europe chrétienne qui, bientôt, n’aura plus de pétrole a toujours eu les idées. J’ai assez dénoncé le « syndrome de l’abricot » pour ne pas jouer la reconnaissance de dette contre le refus de paternité ni tout confondre dans la procédure et la chicane accompagnant tout discours de remboursement. Le lieu commun consistant à recommencer l’inlassable inventaire des emprunts de l’Occident chrétien au monde arabo-musulman n’a pas d’intérêt, tant, du moins, qu’il ne s’inscrit pas dans une certaine vision philosophique et culturelle de l’histoire européenne. De fait, aller répétant que le mot français abricot vient de l’espagnol albaricoque, lui même issu de l’arabe al-barqûq (« prune ») ne changera rien au contexte politique et idéologique teinté d’intolérance, de haine et de refus que vit une certaine Europe – sans parler évidemment des États-Unis d’Amérique – par rapport à l’Islam. Qu’elle soit ou non « étrangère », reste que la philosophie n’a cessé de voyager. C’est la longue chaîne de textes et de raison(s) reliant Athènes et Rome à Paris ou à Berlin via Cordoue qui a rendu possibles les Lumières : Mendelssohn lisait Maïmonide, qui avait lu Avicenne, qui avait lu Alfarabi, et tous deux avaient lu Aristote et Alexandre d’Aphrodise et les dérivés arabes de Plotin et de Proclus.

Le « creuset chrétien médiéval », « fruit des héritages d’Athènes et de Jérusalem », qui a « créé, nous dit Benoît XVI, l’Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe », est d’un froid glacial, une fois « purifié » des « contributions » des traducteurs juifs et chrétiens de Tolède, des Yeshivot de « sciences extérieures » de l’Espagne du Nord, où les juifs, exclus comme les femmes des universités médiévales, nous ont conservé les seuls fragments attestés d’une (première) version arabe du Grand Commentaire d’Averroès sur le De anima d’Aristote. Combien de manuscrits judéo-arabes perdus à Saragosse ? Combien de maîtres oubliés ? Autant peut-être que dans les abbayes bénédictines normandes du haut Moyen Âge. Je confie à d’autres le soin de rappeler aux fins observateurs des « tribulations des auteurs grecs dans le monde chrétien » que la Métaphysique d’Aristote a été traduite en arabe et lue par mille savants de l’Inde à l’Espagne, qu’un livre copié, a contrario, ne fait pas un livre lu, que la mise en latin de scholies grecques trouvées telles quelles dans le manuscrit de l’œuvre que l’on traduit n’est pas nécessairement une « exégèse » originale, qu’il a existé des Romains païens, que les adversaires musulmans de la falsafa étaient tout imprégnés des philosophies atomistes reléguées au second plan dans les écoles néoplatoniciennes d’Athènes et d’Alexandrie, et bien d’autres choses encore.

Les médias condamnent les chercheurs au rôle de Sganarelle, réclamant leurs gages, seuls, et passablement ridicules, sur la grande scène des pipoles d’un jour. Je n’ai que peu de goût pour ce rôle, et ne le tiendrai pas. Je pourrais m’indigner du rapprochement indirectement opéré dans la belle ouvrage entre Penser au Moyen Âge et l’œuvre de Sigrid Hunke, « l’amie de Himmler », appelant les amateurs de pensée low cost à bronzer au soleil d’Allah. Je préfère m’interroger sur le nous ventriloque réclamant pour lui seul l’usufruit d’un Logos benoîtement assimilé à la Raison : nous les « François de souche », nous les « voix de la liberté », nous les « observateurs de l’islamisation », nous les bons chrétiens soucieux de ré-helléniser le christianisme pour oublier la Réforme et les Lumières. Je ne suis pas de ce nous-là. Méditant sur les infortunes de la laïcité, je voyais naguère les enfants de Billy Graham et de Mecca-Cola capables de sortir enfin de l’univers historique du clash des civilisations. Je croyais naïvement qu’en échangeant informations, récits, témoignages, analyses et mises au point critiques, nous, femmes et hommes de sciences, d’arts ou de savoirs, aux expertises diverses et aux appartenances culturelles depuis longtemps multiples, nous, citoyens du monde, étions enfin prêts à revendiquer pour tous, comme jadis Kindi pour les Arabes, le « grand héritage humain ». C’était oublier l’Europe aux anciens parapets. La voici qui, dans un remake qu’on voudrait croire involontaire de la scène finale de Sacré Graal, remonte au créneau, armée de galettes « Tradition & Qualité depuis 1888 ». Grand bien lui fasse. Cette Europe-là n’est pas la mienne. Je la laisse au « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » et aux caves du Vatican.
Alain de Libera
Citation
De fait, aller répétant que le mot français abricot vient de l’espagnol albaricoque, lui même issu de l’arabe al-barqûq (« prune ») ne changera rien au contexte politique et idéologique teinté d’intolérance, de haine et de refus que vit une certaine Europe – sans parler évidemment des États-Unis d’Amérique – par rapport à l’Islam.


On ne répétera jamais assez que la force inouie de l'intelligentsia médiato-universitaire c'est de se présenter comme faible alors qu'elle est puissante. Elle est non seulement puissante mais elle est par ailleurs la seule à avoir droit au chapitre et par la-même elle domine absolument le devant de la scéne car la soi-disante "certaine Europe" est muselée depuis 40 ans. .

D'ailleurs qui est en mesure de définir cette "CERTAINE EUROPE".

L'argument avancé par de Libera est en outre indécent quand on sait de quoi est constitué présentement le contexte politico-culturel dans la zone d'influence arabo-musulmane.

Bestsellers sont Mein Kampf ou le Protocole des sages de Sion.

La haine distillée jour après jour par la presse et les chaines de télévision turques, arabes etc.. fait frémir et on a inculqué à deux générations la détestation absolue des juifs et de l'occident.
23 mai 2008, 01:18   Re : L'intégral
Pouvez-vous expliquer quel intérêt il y a à recopier tout l'article que j'avais mis en lien et que tout le monde pouvait aller lire avec un simple clic ?
23 mai 2008, 09:06   Re : L'intégral
SG ne dit rien d'autre que ce que l'on peut observer "in vivo" en "direct live" : On peut bien trouver aujourd'hui dans les pays musulmans nombre de livres, de films, de conférenciers occidentaux, il n'empêche que la greffe occidentale ne prend pas sur ces pays (elle ne prend même pas sur les musulmans grandis en France) de même que, jadis, la greffe hellène n'a pas pris, malgré les traductions en Arabe des oeuvres grecques et de quelques grands esprits qui ont été perméables à celles-ci. Le "logiciel" islamique et "le logiciel" hellenico-occidental sont icompatibles.

Plus je lis l'interveiw de ce Libéra plus j'y sens le ton d'une aigre diatribe bienpensante .
23 mai 2008, 14:14   Re : L'intégral
"Plus je lis l'interview de ce Libéra plus j'y sens le ton d'une aigre diatribe bienpensante."
Vous êtes bien courageuse, Madame Cassandre! A combien de lectures en êtes-vous donc?
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter