...la spécificité de la civilisation occidentale est cette capacité de se mettre en question et de s'autocritiquer. Il y a dans l'histoire occidentale, comme dans toutes les autres, des atrocités et des horreurs, mais il n'y a que l'Occident qui ait créé cette capacité de contestation interne, de mise en cause de ses propres institutions et de ses propres idées, au nom d'une discussion raisonnable entre être humains qui reste indéfiniment ouverte et ne connaît pas de dogme ultime.
Cornélius Castoriadis
On pense au Rapport Kroutchev, qui précéda d'un peu loin la fin de l'URSS en 1991 mais dont cette dernière fut partiellement la conséquence, et on se dit que, finalement, les Russes sont bien des Occidentaux: la pensée dicible de l'erreur, puis le dit de l'erreur après débat, et enfin la correction de trajectoire et la refondation autonome, voilà qui fut accompli en 35 ans.
Le Japon, s'il se refuse partiellement aux deux premières étapes de cette séquence d'actes, ne s'est pas moins montré capable de s'acquitter très honorable de la troisième, même si, s'agissant de la quatrième étape, sa refondation ne fut que partiellement autonome.
Il semble vrai, en effet, que peut être reconnu Occidental, le groupe humain capable de franchir ces quatre étapes. Le drame, comme en Afrique du Sud alors occidentale, est que la refondation autonome qui doit clore le cycle peut s'avérer elle aussi être une erreur... d'où l'importance vitale pour ce processus de demeurer "indéfiniment ouvert et sans connaître de dogme ultime".