Communiqué n° 661 : Sur le réquisitoire du procureur dans l'affaire Fourniret

Le parti de l'In-nocence a pris connaissance avec accablement des termes et du style du réquisitoire prononcé par le procureur de la République au procès en cour d'assises de Michel Fourniret et de son épouse : "monstres", "fêlés", crimes "à gerber", avec de tels termes il est évident qu'une nouvelle borne est franchie dans la déculturation à l'œuvre dans notre pays, laquelle a rarement si clairement laissé voir son caractère de décivilisation.

Le parti de l'In-nocence estime en effet qu'avec pareille répudiation de toute forme, de tout décorum, de toute réserve et distance avec lui-même de la part d'un haut représentant de l'État au cours du processus ultime d'élaboration d'un acte de justice de la plus extrême gravité, c'est, en malencontreuse conformité avec l'exemple donné au plus haut niveau de l'État, un nouveau pan de nos institutions, qu'on avait pu croire un peu mieux protégé que les autres, et qui laisse transparaître sa déréliction culturelle, intellectuelle, protocolaire et morale.

Pendant qu'on y est n'oublions pas la jolie petite cerise sur le gâteau : "une grosse araignée visqueuse et une petite araignée vibrionnante"...

En lisant ce communiqué, une question me traverse l'esprit : le réquisitoire abandonne certes la forme et le décorum du discours tels que nous les connaissons dans l'éloquence judiciaire. Mais qui dit que le niveau de langue employé dans ce procès n'est pas lui-même un ensemble d'effets de style jouant le même rôle que les anciennes formes? Peut-être le magistrat a-t-il choisi ce type de langage pour mimer l'absence de toute réserve et de toute distance avec soi, qui deviendraient aujourd'hui des caractéristiques du nouvel ethos dans le discours judiciaire persuasif, tandis que par le passé, à l'inverse, il fallait sembler pondéré, réfléchi, prudent ou solennel, et pénétré de l'importance du moment? En somme, renonce-t-on aux anciennes formes pour être naturel, ou bien pour une imiter le naturel?

Je crois hélas qu'on renonce aux "anciennes formes" (c'est-à-dire, en fait, aux formes tout court) parce qu'elles sont désormais contre-productives, tant elles font figure d'épouvantail et de repoussoir : il est plus "payant" de se mettre au niveau présumé -et probablement réel- des jurés en évoquant des crimes "à gerber", en utilisant des expressions dont on sera certain qu'elles ne pourront manquer d'être entendues de chacun. De la realpolitik judiciaire, en somme.

Oui, cher Francmoineau, et là comme ailleurs il ne s'agit plus - en réprimant, en abaissant sa propre langue - que "d'être entendu de chacun". Nous en faisons tous l'expérience quotidiennnment.