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François Bégaudeau est aussi "prof" de français.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 00:51   François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
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«Espérons que ce jury n’a pas de la merde dans les yeux», n’a pas hésité à lancer François Bégaudeau, son auteur et acteur principal, très conscient que la fraîcheur, l’enthousiasme et la spontanéité de ce film de fiction inspirée de son expérience réelle de prof de français lui donnaient de grandes chances de figurer au palmarès.

Et puis s’il n’y a pas que «Sean et Natalie (qui) ont beaucoup aimé», comme l'a dit François Bégaudeau, c’est sans doute parce que ce film est à la fois intéressant, amusant, et très bien fait. Surtout, il traite de l’école, un sujet fort et «concernant» comme on dit aujourd’hui, évoqué de manière universelle à travers la relation entre un prof (Begaudeau lui-même) et ses élèves.

La machine à café, plutôt que les questions d'actualité

On pense évidemment à «Etre ou avoir», de Nicolas Philibert, précédente expérience cinématographique dans une école. Sauf qu’«Entre les murs» est moins touchant du fait que les situations proviennent non pas de la réalité, mais d’un long travail en atelier, à raison de trois heures par semaine pendant un an. Pourtant, le film ne fait aucune révélation. Et certaines questions d’actualité comme le racisme, l’exclusion ou le manque de personnel sont même éludées au profit d’un curieux problème avec la machine à café. Quant au jeune prof, il est sans doute, comme dans la vie, un peu trop sûr de lui, ce qui pourrait lui jouer des tours…

Pour autant, «Entre les murs» reste crédible. Et cela tient essentiellement à la qualité d’interprétation de ses jeunes acteurs, des collégiens très doués pour jouer la comédie. Mais, comme le fait remarquer François Bégaudeau, «les profs et les élèves ne font que ça à longueur d’année.»




A Cannes, Stéphane Leblanc. (20minutes.fr, le 25/05/08)
Il y a cinquante ans, le cinéma faisait rêver les femmes au foyer, les jeunes filles à la recherche du grand amour, les grands dadais : sur l'écran, étaient projetés leurs rêves secrets d'amour vrai ou leurs fantasmes de séduction ou leurs désirs de richesse. Les intellectuels, à qui on ne la faisait pas, expliquaient le succès de ce cinéma-là par l'aliénation : le "capital", comme on disait alors, vendait aux opprimés de l'illusion afin qu'ils ne voient pas la réalité sinistre et surtout qu'ils en oublient l'urgence de la lutte (on ajoutait alors : "des classes").

Cette analyse, rappelée en termes rapides, pourrait rendre compte de façon assez juste et sans doute insolente de ce film. Chacun sait en quoi s'en tenir sur les collèges de banlieues ou de quartiers difficiles (on dit aussi "défavorisés"). Les témoignages sont innombrables, tous plus accablants les uns que les autres; les chiffres (illettrismes, actes délictueux, racket, etc.) attestent le désastre. Heureusement, il y a le cinéma - ou le spectacle et la mise en scène - qui est là prêt à reprendre du service comme autrefois ou à rendre les mêmes services qu'autrefois, non plus au capital, mais aux bobos.

Jadis, on ne voulait pas désespérer Billancourt; aujourd'hui, c'est le VIe et le VIIe qui ne doivent pas déprimer. Alors, on fait un film, qui redresse l'image dégradée du collège (ou du service public), où tout le monde, il est beau et où un maître (un vrai, un nouveau saint) apprend à ses élèves le subjonctif imparfait (rendez-vous compte : comme autrefois, il leur apprend à dire qu'il fît !), en recourant aux mêmes arguments d'autorité qu'autrefois, mais avec le sourire et bonhommie (maîtrisez-le d'abord, ensuite vous pourrez dire s'il sert ou non à quelque chose // apprenez d'abord, vous discuterez ensuite des années 50).

Le cinéma dit réaliste ou du documentaire social renoue avec la grande fonction du cinéma hollywoodien : non pas montrer le réel, mais le cacher; non pas faire ouvrir les yeux, mais les faire fermer; non pas la lucidité, mais l'aliénation. Dans les années cinquante du XXe siècle, c'est Hollywood qui était primé dans les grands festivals. Cannes ne l'a pas oublié.
Quoi? "certaines questions d'actualité comme le racisme, l'exclusion ou le manque de personnel sont même éludées"?
Mais c'est un scandale!
Qu'on lui retire sur l'heure la Palme d'or!
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 10:40   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
Merci pour ce passionnant message, cher JGL, mais il y a néanmoins une légère différence entre le cinéma d'"avant" et celui d'aujourd'hui : les acteurs d'antan étaient souvent beaux/belles, ils et elles étaient des sortes de "modèles" inaccessibles (mais formateurs), des "types humains" auxquels nous désirions tous de nous identifier un peu alors qu'ici, ces acteurs-de-banlieue ne sont ni beaux ni laids, ils sont des gens "comme nous" (en pire), des "nous" comme nous sommes désormais tous condamnés à le devenir, sortes de "sous-nous" (si j'ose dire), d'anti-modèles que nous croisons ici et là et que, le plus souvent, nous nous escrimons (rageusement) à éviter.

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"certaines questions d'actualité comme le racisme, l'exclusion ou le manque de personnel sont même éludées"?

Oui, sont "même" éludées, vous vous rendez compte de l'audace... !, enfin l'auteur de cet article souligne toutefois que ces "questions d'actualité" sont éludées ce qui, bien évidemmment, est un manière de mieux nous resservir le sujet.
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 10:46   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
Dans les années cinquante du XXe siècle, c'est Hollywood qui était primé dans les grands festivals. Cannes ne l'a pas oublié.

Si l'on s'en tient au palmarès des grands festivals, on est forcé de remarquer qu'ils ont toujours primé des films plus "sociaux" et engagés. Les trois films américains qui ont obtenu la palme d'or à Cannes dans les années cinquante ne relèvent pas du tout du romanesque hollywoodien (Marty, de Delbert Mann, Othello, de Welles et un western de William Wyler, La loi du seigneur). Les grands spécialistes du romanesque hollywoodien (David Lean, Douglas Sirk, Fred Zinnemann, George Stevens) n'ont jamais été primés dans les grands festivals ; on leur a toujours préféré les tenants de la fiction de gauche : Robert Altman, Jerry Schatzberg, Lindsay Anderson, John Schlesinger...
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 14:58   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
Lorsque la nouvelle de cette palme d'or est "tombée" hier soir, les commentaires que j'en ai entendus (sur "Le masque et la plume" principalement) laissaient encore place au doute, quant à la signification idéologique qu'il convenait d'y accorder.
A 13h sur France-Inter, le doute (peu épais à vrai dire, quand on avait lu les critiques du livre de Begaudeau) s'est dissipé:
- "les collégiens colorés qui ont été récompensés" (le présentateur)
- "une jeunesse pas plus con qu'une autre" (Begaudeau)
- "un démenti à ceux qui voient l'Ecole comme coupée du monde" (Laurent Cantet)
C'était bien ça. Me voilà rassuré.
"un démenti à ceux qui voient l'Ecole comme coupée du monde"

Comme dans "Elephant" de Gus van Sant...
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 16:13   Re : Un geste fort
C'était bien ça. Me voilà rassuré.

Oui, il s'agit bien d'une palme citoyenne (et l'on n'a pas fini d'en entendre parler)...
26 mai 2008, 16:27   "prof" de français
En rangeant de vieux papiers, je suis tombé sur un prospectus des éditions Bréal qui annonce la parution, pour octobre, d'un Antimanuel de littérature de François Bégaudeau. On apprend qu'il collabore régulièrement à plusieurs revues: Inculte, Transfuge, So foot, et à Canal+. Voici le sommaire du livre à venir: qu'est-ce que la littérature? à quoi sert-elle? pourquoi l'enseigne-t-on? qui est l'écrivain? qu'est-ce que le roman? où en est la littérature française aujourd'hui? La littérature existe-t-elle? Naît-on écrivain? Tout le monde peut-il le devenir? L'écrivain est-il beau? gentil? malheureux? etc...

N'est-ce pas Onfray, ce Nietzsche d'IUFM, qui avait publié un antimanuel par le passé?
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 16:37   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
"une palme citoyenne"


Tout, désormais, est susceptible d'être "citoyénisé"; toute chose est également susceptible de recevoir un prix : le prix devient l'"aura" même de la chose.
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 16:45   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
"N'est-ce pas Onfray, ce Nietzsche d'IUFM, qui avait publié un antimanuel par le passé?"


Oui, cher M. Bès, d'ailleurs Onfray se définit lui-même comme un "antimanuel"...
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 16:56   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
Les titres de quelques chapitres de cet Antimanuel de philosophie :

"Faut-il commencer l'année en brûlant votre professeur de philosophie ?"

"Reste-t-il beaucoup de babouin en vous ?"

"Pourquoi ne pas vous masturber dans la cour du lycée ?"

"Le smicard est-il l'esclave moderne ?"

"Faut-il greffer le cerveau de votre prof de philo dans la boîte crânienne de son collègue de gym ?"
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 16:59   Onfray dans la langue.
Comme quoi la langue, là aussi...
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 19:27   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
A propos de Michel Onfray, il a récemment publié un livre pour expliquer que Kant est l'origine du nazisme : Le songe d'Eichmann.


En collaboration avec Alexandre Jardin ?
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 21:20   François Bégaudeau est aussi très malin
M. Bégaudeau déclarait, répondant à une interviou, entre autres, à peu près, que : "Le cinéma c'est le monde de l'oral, quoi !"
On ne le lui fait pas dire !

Puis il a dit que son livre avait été pris, par les uns, comme une illustration des mérites de l'Education nationale, par les autres, comme le constat le plus terrible du désastre scolaire. Il ajoute, honnêtement, que ce n'est ni l'un ni l'autre, un peu des deux, et se montre finalement, en cela, plus équilibré que ses thuriféraires.

J'ai lu ce livre au moment de sa parution et ne l'ai pas trouvé inintéressant (je l'avais signalé dans l'ancien-ancien forum, pour le mettre en binôme avec Institutrice clandestine de Rachel Boutonnet (ce sont d'ailleurs les deux seuls livres sur l'école qu'il m'ait été donné de lire)).

Entre les murs est un curieux témoignage qui pourrait servir deux causes opposées (la seule cause clairement défendue, au bout du compte, c'est celle de l'auteur, passé maître dans l'art de se donner le beau rôle (on vient de voir jusqu'où allait cette propension)). Il est possible d'en faire une lecture bien loin de procurer des occasions de se réjouir (m'avaient surtout frappé (et amusé un peu méchamment) les passages qui mettaient en scène la "salle des profs", les réunions avec le proviseur.) Sans doute le film devrait restituer cette "couleur" somme toute assez ambiguë , même si, bien sûr, on s'attachera frénétiquement à la lecture "citoyenne".
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 21:21   Re : François Bégaudeau est aussi "prof" de français.
"Il y a un devenir du kantisme dans le nazisme." : oui, là je crois qu'on touche vraiment le fond !
Entendu sur France Inter, ce matin : "J'ai commencé à faire attention à comment ils parlent."
Dixit un "prof' de français' (et non un professeur de littérature).
Sans commentaire.
Je vous recommande cette critique du livre, par un spécialiste du cinéma, professeur de littérature et de latin en khâgne :
[www.boojum-mag.net]
Merci Virgil pour cet article ; la critique mesurée du livre de Bégaudeau porte plus que la colère (légitime) à laquelle on a envie de succomber. Qui est l'auteur dudit article ? (si vous en avez une idée).
Frédéric-Albert Lévy enseigne aux Lycées Blomet et Molière en khâgne. Il fut au cours de la décennie 1980 l'un des fondateurs de la revue Starfix, revue de cinéma très en vue.
Merci pour votre réponse, cher Virgil.
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 21:57   Comme quoi la langue, là aussi...
De plus en plus, cette évidence qui ne souffre presqu'aucune exception :

"La langue dit la vérité."
Oui, tout comme la terre, la langue ne ment pas (hum...)
L'architecture non plus, en tout cas rarement ; même le trompe-l'œil dit tout, au deuxième degré : voyez les façades bidon des villages Potemkine.
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