Communiqué n° 669 : Sur les catastrophiques nouvelles démographiques

Le parti de l'In-nocence est accablé par les catastrophiques nouvelles concernant l'évolution démographique de la France, qui se voit consacrée dans sa place de bon dernier parmi tous les pays d'Europe dans l'indispensable effort en vue d'une stabilisation, puis d'une diminution, du chiffre de la population globale.

Le parti de l'In-nocence remarque d'autre part que les désastreux chiffres annoncés, taux de natalité élevé et nouvelle augmentation forte et assurée de la population, ne sont assortis dans les médias d'aucune explication sur les causes et sur la nature exacte de ce phénomène déplorable.

Le parti de l'In-nocence juge particulièrement scandaleux à ce propos que les médias sans exception, alors que notre planète est dans l'état que nous savons et que, de tous les phénomènes qui concourent à sa dégradation, aucun n'est plus directement responsable que l'accroisement démographique permanent et débridé, s'obstinent, avec une inconscience inqualifiable, à présenter l'information d'une nouvelle et forte augmentation annoncée de la population de la France comme une occasion de réjouissance, sans paraître envisager un seul instant que ce point puisse être, à tout le moins débattu, et faire l'objet d'opinions contraires.

"sans paraître envisager un seul instant que ce point puisse être, à tout le moins débattu, et faire l'objet d'opinions contraires."



On ne pourrait mieux définir la doxa !

Soixante-dix millions de consommateurs à l'horizon!
Aux abris!

« Quand vint l'occupation et le régime de Vichy, les lois encourageant les familles nombreuses et les avantages accordés à la fécondité firent comprendre à Thierry que ses cinq enfants devenaient pour lui une sorte de revenu inespéré. Il décida de profiter de cette législation pour se reproduire encore. Malgré sa lassitude, sa santé débile, Henriette mit au monde deux nouveaux enfants. Ils eurent alors cinq filles et deux garçons. Le septième enfant, né après la Libération, avait été accueilli avec l'enthousiasme que l'on devine par l'oncle Etienne, qui avait harangué son beau-frère de la sorte :

- Naturellement !... Monsieur le vicomte continue... Bravo, Thierry ! Quand ma pauvre soeur crèvera comme une chienne à force de mettre bas, vous serez fier de votre oeuvre ...

[...]

Comme il avait particulièrement étudié les questions démographiques, il était intarissable sur ces sujets. Il y revenait sans cesse. Thierry se regimbait, essayant de justifier sa propre conduite, il glapissait :

- Mon cher beau-frère, vous parlez comme un célibataire hérétique et inutile dans la société contemporaine. Vous devriez avoir honte de tenir des propos pareils.

Alors Etienne, comme éperonné par les reproches de Thierry, s'esclaffait :

- Moi, célibataire inutile ? Mais, mon pauvre ami, je n'aurai pas fourni de futures victimes à l'appétit de Moloch de la guerre atomique qui nous menace. Henri Bergson, dont l'intelligence était peut-être égale à la vôtre, a écrit un jour que « les familles nombreuses devraient, au contraire, être frappées d'un impôt afin d'interdire ce luxe, le plus dangereux de tous les luxes. » Vous n'avez donc pas encore compris que les guerres périodiques sont tout simplement de l'infanticide différé ? Au lieu de supprimer des foetus, on supprime allègrement de jeunes gaillards de vingt ans, qu'on a affublés d'un uniforme. L'impérialisme belliqueux... C'est le corrolaire de sept enfants dans chaque famille. La nation fait explosion comme une marmite scellée sur le feu. Le Nippon pratiquait l'infanticide avant 1865. Il vivait en paix. Avec l'hygiène et la médecine européenne, par la mégalomanie de ses dirigeants, le pays devient surpeuplé. Alors, ce fut la guerre russo-japonaise, l'invasion de la Chine, Pearl Harbour. Chez nous, en Europe, les hurlements de Hitler, et les singeries de Mussolini à son balcon, hypnotisaient les pères de famille, teutons ou latins, qui se précipitaient le soir même sur leur « Frau Gemalhin » ou leur « signora consorte » afin d'augmenter illico la population. Et ces conducteurs de masses opinaient du bonnet parce qu'un soldat est moins coûteux qu'un chômeur. Quand on gonfle trop un pneu il éclate. Quand on gonfle trop les naissances d'un pays, il tire le canon. Autrement dit, on envoie les adultes se faire tuer pour leur procurer l'espace vital, dans l'au-delà, naturellement. On pond des enfants pendant une ou deux générations pour les détruire en bloc, en quelques années, au son des hymnes nationaux. Le massacre recommence périodiquement, parce que les hommes oublient les souffrances des guerres comme les mères oublient les douleurs de leurs accouchements... »

Maurice Dekobra - La pavane des poisons (1950) (cité par Paul Reboux dans son essai anti-nataliste, Trop d'enfants ? , publié en 1951)

"Des arbres massacrés. Des maisons surgissent. Des gueules, des gueules partout. L'homme s'étend. L'homme est le cancer de la terre."
(Cioran, De l'inconvénient d'être né)