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Florilège Montherlant (1)

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
03 juin 2008, 23:07   Florilège Montherlant (1)
On vient de m'offrir Carnets (du 23 avril 1932 au 22 novembre 1934), de Montherlant, dans une édition de 1955 (Table Ronde). En voici quelques extraits :

"R... me dit : "Vous êtes un homme de l'antiquité." Je lui ai répondu : "Je le suis du moins en ceci, à quoi sûrement vous n'avez pas pensé. En mon respect et mon amitié pour les vieillards : trait propre à l'antiquité." Je les écoute, je crois qu'ils en savent plus que moi, je les plains de leur mort approchante, de leurs infirmités, de leurs impuissances, du mépris qu'on a pour eux. Et puis, je crois que je ne peux me sentir en affinité qu'avec des hommes revenus de tout. Et puis - surtout peut-être , - à l'avance, j'ai pitié de moi, quand je serai eux."
Utilisateur anonyme
03 juin 2008, 23:44   Re : Florilège Montherlant (1)
Henry de Montherlant, bien sûr...


" Montherlant a porté la main sur ces trésors qui font la beauté de notre vie. Et deux dons qui sont en général douloureusement séparés sont unis en lui : la méditation prudente et pénétrante, et l'extase où l'épique et le lyrique font un nombreux concert. De ce mariage de mieux en mieux assoupli et ajusté nait une oeuvre qui, entre autres, fait l'honneur de notre âge."

Pierre Drieu La Rochelle ("Le songe, par H. de Montherlant", I er février 1923)
04 juin 2008, 04:48   Modèle de moralité
Il est tout de même fort de café qu'on mette sur un piédestal moral Montherlant qui fut un grand écrivain mais un homme à la vie dissolue.

Vous vous rappellerez que, pendant que Montherlant flétrit l'abaissement de la jeunesse dans "Fils de personne", M. Millon tient à sa merci, financièrement, la famille qui lui "fournit" justement le jeune homme (jeune garçon, devrais-je dire) ayant inspiré le personnage.

De même, alors qu'on pourrait penser le "Maître de Santiago" d'une grande portée spirituelle, les écrits privés de Montherlant démontrent son mépris pour la religion catholique.
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 08:52   Re : Florilège Montherlant (1)
Cher Jmarc,

oui, enfin on est bien obligé de reconnaître qu'il sagit là d'un grand écrivain !, et que sa vie soit dissolue ou pas, qu'il méprisa ou non le catholicisme, n'abaisse en rien le niveau de son oeuvre. Quant à moi j'admire, sinon un très vaste génie, du moins une énergie si constamment tendue qu'elle en paraît presque inhumaine, sorte d'"éternelle jeunesse". Que cette figure un peu trop fière de soi puisse vous agacer je veux bien l'admettre, mais de là à vous crisper sur le seul jugement moral...



.
D'autant qu'à ce compte-là, on peut songer à faire des coupes claires dans le panthéon littéraire!
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 09:15   Re : Florilège Montherlant (1)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 10:02   Re : Florilège Montherlant (1)
Sombres, les coupes ...

Vous êtes peut être plus laxiste (ou plus indulgent) en cette matière que M. Francmoineau.
Claires, les coupes ne sauraient être que claires.
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 11:23   Re : Florilège Montherlant (1)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Oui, bien sûr. Pardonnez ma sottise, cher Didier.
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 11:34   Re : Florilège Montherlant (1)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 12:57   Re : Florilège Montherlant (1)
"la forêt est mon domaine !"
Un bucheron, ici, enfin !
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 13:20   Re : Florilège Montherlant (2)
"Qu'il y ait une cloison étanche entre la moralité générale d'un être et sa moralité sexuelle, que l'homme, la femme ou l'enfant le plus avancé dans le libertinage puisse être en tout le reste le plus honnête, on me l'a contesté souvent. Un moraliste oublié, Duclos, écrit que cette cloison étanche est chose particulière aux Français."

Op. Cit
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 14:40   Cloison française
C'est magnifique, ça !
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 14:44   Re : Etanchéité
Quand on songe aux mille précautions que Montherlant a prises tout au long de sa vie pour que cette cloison demeure parfaitement étanche (et il suffit de lire sa Correspondance avec Peyrefitte pour constater qu'il a fallu souvent colmater tant bien que mal les nombreuses avaries), cette citation est encore plus savoureuse.
C'est curieux, je la trouve d'une rare imbécilité (et pourtant je n'ai rien contre Montherlant en général, loin de là...). Je ne vois pas la moindre cloison étanche, à moins de considérer l'activité sexuelle, en soi, comme contraire à la morale. Hors ce présupposé que personnellement je récuse tout à fait, je ne vois pas comment ni pourquoi l'activité sexuelle ne serait pas soumise aux même règles morales, et par exemple à des exigences de droiture, d'honnêteté, de bonté, de générosité, de gentillesse, de respect de la parole donnée (quitte à ne pas la donner) que toutes les autres activités humaines. Le coup de la "cloison étanche" n'a de sens que dans un contexte de répression sexuelle assumée et acceptée dont il est à espérer qu'il n'a plus cours aujourd'hui. Et il aboutit à cette vie de secret et de mensonge qui n'est certainement pas l'aspect le plus reluisant de la personnalité de Montherlant.
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 15:23   Re : Florilège Montherlant (1)
"aboutit à cette vie de secret et de mensonge"


Mais n'y a t-il pas une sorte de plaisir, quelque chose d'intime autant que de ludique dans toute forme de dissimulation (dans l'art même de la dissimulation) ?
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 15:35   Re : Florilège Montherlant (1)
Il ne s'agit d'une activité sexuelle contraire à la morale, il s'agit d'une sexualité qui reste privée. On comprend parfaitement que vous la trouviez imbécile, cette citation, mais je continue de la trouver très importante, et tout particulièrement aujourd'hui.

Il ne s'agit pas de dissimulation, il s'agit de non divulgation, ce qui est très loin d'être la même chose.
Utilisateur anonyme
04 juin 2008, 16:57   Re : Cloison française
Bon, cher Boris, la citation place bien la cloison étanche entre la morale en général et la moralité sexuelle et, sans vouloir vous fâcher, sur le fond (car quant à la forme de l'intervention, hélas....) si je considère que la citation n'est naturellement pas imbécile, elle est bien le reflet d'un monde ancien et n'a de sens que dans un "contexte de répression sexuelle assumée et acceptée dont il est à espérer qu'il n'a plus cours aujourd'hui."
Bien cher Maître,


Vous l'avez dit. C'est cela que fut la vie de Montherlant. Secret très relatif, au demeurant, basé sur de petites ruses.

Cet aspect de la vie de Montherlant est très curieux : il met mal en vigueur ce que Molière nous dit dans le Misanthrope quant aux corrections qu'aux autres on veut faire.

A son époque, bien des écrivains de renom eurent une sexualité autre que celle des normes, et s'en portèrent très bien. Eu égard au milieu social de Montherlant, il aurait pu vivre de façon apparente, sans histoire. On citera le cas d'Abel Bonnard, qui fut ministre de Pétain.


A propos, et toujours au chapitre des anecdotes, saviez-vous que Mark Twain aurait rencontré dans un bain turc de San Francisco un pompier nommé Tom Sawyer ? je tiens cela de bonne source...
Utilisateur anonyme
05 juin 2008, 00:36   Re : Florilège Montherlant (3) La consolante
"Dans la pesée d'une vie intervient une donnée essentielle, d'ordinaire assez inconnue du monde : c'est le prix qu'on a payé ce qu'on a obtenu. Non pas en argent mais en actes ennuyeux ou indignes. Telle vie paraît admirable, où tout a été payé si cher, en servitudes, en obéissances et en pensums, qu'une telle vie, si brillante soit-elle, ne peut être tenue que pour un échec. Et telle autre apparaît un peu ratée, qui a été magnifiquement réussie, parce qu'on a payé très peu."

Op. Cit.
05 juin 2008, 01:12   Payé très peu
Effectivement, tout Montherlant est dans cette phrase.

Peyrefitte, lui, ne fut jamais hypocrite. Il fut parfois une caricature, mais resta conséquent avec lui-même. Au-delà du domaine de la vie privée, il eut des engagements politqiues catastrophiques, avec Brinon et la collaboration.

A la Libération, il ne se renia pas et resta un ami fidèle de Lisette de Brinon, qui n'était pas, à cette époque, poursuivie par les amitiés.
L'obole et la laitue d'Epictète, quoi...
Montherlant disait pourtant, également : la liberté existe toujours, il suffit d'en payer le prix.
Utilisateur anonyme
06 juin 2008, 13:29   Re : Florilège Montherlant (4) Bouquet final adressé à l'hôte
"Lorsque tel être se trouve auprès de moi, s'il pouvait savoir à quel point sa masse corporelle, si menue, si infime, si dérisoire dans le monde, représente le seul - l'unique - pouvoir de me faire plaisir sur cette terre... S'il connaissait son pouvoir..."

"14 février. - Je me demande comment des gens qui n'ont plus l'amour devant eux peuvent se donner tout le mal qu'il faut pour préserver sa vie."

"Rien que nous affirmions, qui ne doive être un peu contredit. Et d'abord par nous-mêmes."
07 juin 2008, 17:33   I am perplexed
L'expression "l'activite sexuelle virgule en soi" sous la plume d'un Renaud Camus a tout pour deconcerter, et lire ensuite que cet en-soi puisse etre moral, droit, honnete, de bonte, de generosite et de gentillesse, bref, lire une ethique en-soi accolee a la sexualite, voila qui ne rassure guere.

La sexualite, qui comme chacun sait, n'a guere d'en-soi, qui n'a pour generosite et pour parole donnee que generalement la basse promesse de son assouvissement, la sexualite, qui se distingue, tant mieux pour elle, de toutes les autres activites humaines, en n'ayant pour generosite, cette imprevisible, que forcee, que soumise, que celle, en un mot qui ramenerait aux familles et a leur assomant secret public.

Non, lire chez Monsieur R.C que la sexualite est aussi gentille et bonne donneuse de parole qu'un secours catholique, cela emeut, decoit, emerveille, et laisse bien seul, tout a coup.
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