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Position du CRIF

Envoyé par Ostinato 
Utilisateur anonyme
18 mars 2011, 03:18   Re : Position du CRIF
Alain, vous êtes sans doute fatigué, vous faites de que un adverbe, c'est faux, mais bon, passons. Mais une conjonction de coordination qui introduit une subordonnée, quand même !

Relisez les deux phrases que j'ai grasseyées. N'oubliez pas que cesse et répit sont des synonymes. Et que que a de très nombreuses valeurs en français, ça n'est pas parce qu'il y a un cesse dans la phrase que le que qui suit a telle ou telle valeur.
18 mars 2011, 03:55   Re : Bondioud'bondiou
Bien entendu, c'est "conjonction de subordination" qu'il fallait lire...
Mais enfin, François, prétendez-vous sérieusement que "que" ne puisse être un adverbe ?!... Je vous assure que si.
Dans la phrase : « Je n'aurai de répit que lorsque cette île sera aménagée », "que" est bel et bien un adverbe.
Au reste, l'argumentaire de Francis s'appuie précisément sur cette confusion, selon lui, entre la valeur adverbiale et conjonctive du "que" de la tournure dont nous disputons.
Que "cesse" et "répit" puissent être synonymes n'est pas pertinent, puisqu'il s'agit d'une tournure, d'une expression, dont le comportement syntaxique comme un tout n'est pas réductible à celui de chacun de ses composants. Et ce comportement syntaxique qui a valeur de sens commande une subordonnée au subjonctif introduite par la conjonction "que", contrairement à la phrase citée ici, où la conjonction est "lorsque".
Utilisateur anonyme
18 mars 2011, 04:20   Re : Position du CRIF
J'ai regardé dans plusieurs dictionnaires qui tous classent le que de ne ... que comme conjonction (restrictive). Admettons que ce soit discutable.

Vous dites "c'est une tournure", "c'est un tour figé", et vous en concluez que c'est inanalysable. C'est là que réside votre erreur. Tournure ou pas tournure, qu'est-ce que ça change ? Cesse n'a pas le pouvoir magique de rendre inanalysables les phrases dans lesquelles il prend place. C'est un substantif tout ce qu'il y a de plus banal, nullement différent de répit dont il est synonyme.


je n'aurai de cesse que lorsque cette île sera aménagée

je n'aurai de cesse que j'aie dormi


Si vous y tenez tant que ça, ce sont des tournures, mais ce ne sont pas les mêmes. Et les que non plus, l'un est restrictif, l'autre pas.
Oh, cela change tout, cher François.
Cela fait surtout que votre premier exemple, là, ce « je n'aurai de cesse que lorsque cette île sera aménagée », n'est pas du tout une "tournure", et pour cause.
À vrai dire, je ne sais ce que c'est, cela n'existe pas. Mais peut-être en serait-ce une dans l'un des mondes possibles, allez donc savoir...
18 mars 2011, 08:01   Re : Position du CRIF
Je suis content que vous veniez au secours de mon argumentation, Alain Eytan. À vrai dire, je me sentais un peu seul face à un Francis Marche diablement convaincant.
« N’avoir de cesse que + ne + subjt » est bien un tour figé ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas analysable mais qu’il n’est pas forcément analysable selon les règles contemporaines. La négation constituée seulement de « ne » est courante dans la langue classique, de même que la proposition introduite par que signifiant tant que, avant que :
Je ne me relèverai pas que vous ne m’ayez donné votre bénédiction (Montherl., Reine morte, I, 7)
Je n’irai point là que tout ne soit prêt (Ac. 1935, s. v. que).


Il ne me semble pas qu’il y ait là rien de trop compliqué. C’est même encore assez naturel à notre intelligence par rapport à certains tours qu’on ne comprend plus que par habitude.

Et puis, allons, citons cet exemple-ci, où le sujet de la principale et celui de la subordonnée font référence à la même personne alors que le verbe de la subordonnée est intransitif :
À votre place, je n’aurais de cesse que je ne sois définitivement fixé (Ikor, Murmures de la guerre, p. 127)
18 mars 2011, 09:19   Re : Hilfe !!
Vous affirmez, Alain, que la tournure « n’avoir de cesse de », telle qu’on la voit employée dans la phrase de Tourneur citée supra, doit s’entendre comme signifiant dans tous les cas

"n'avoir (pas) de cesse jusqu'à ce que + proposition au subjonctif"

Telle serait sa structure profonde.

J’affirme pour ma part qu’il faut entendre sa structure profonde comme

"avoir seulement de cesse lorsque + subordonnée libre"

Le terme "subordonnée libre" que j'emploie ici signifie que le mode du verbe dans cette subordonnée est soumis aux lois ordinaires de la conjugaison, soit le subjonctif en cas de disparité du sujet avec celui de la principale ou en cas de transitivité mais indicatif en aspect résultatif (avoir fait, être aménagé, s’être faufilé, etc.) en cas d'unicité des sujets.

Vous affirmez ainsi que le substantif « cesse » dans la tournure disputée abolit les lois et notre intelligence de la grammaire en figeant la conjugaison de la subordonnée dans un subjonctif qui serait dans tous les cas régi par le fantômatique, le sous-jacent et bien commode « jusqu’à ce que ».

Je juge cette interprétation parfaitement fantaisiste, passablement naïve en ce sens, comme le dit si bien François X, qu’elle prête au substantif « cesse » qui signifie « répit », le pouvoir grammatical singulier, sinon magique, en tout cas impénétrable, d’infléchir les modes et les conjugaisons des verbes comme ne le fait aucun de ses synonymes. En ce sens, cette tournure serait inanalysable autrement que par psittacisme (c’est comme ça parce que c’est comme ça). Si tel est bien ce qu’il faut en penser, vous comprendrez qu’il est temps pour moi de me retirer de cette discussion, la science du perroquet ayant la vertu de me clouer le bec.
Utilisateur anonyme
18 mars 2011, 09:26   Re : Position du CRIF
(Message supprimé à la demande de son auteur)
18 mars 2011, 09:31   Re : Position du CRIF
J'allais le dire, sans doute crainte de faire des fautes d'orthographe.
18 mars 2011, 10:17   Re : Position du CRIF
Si je puis me permettre de changer un instant de sujet, j'aimerais soumettre à nos grammairiens talmudistes ceci, qui me turlupine depuis que je suis l'évolution de la situation au Japon — où la situation semble, pour la première fois depuis une semaine, s'améliorer très légèrement sur le front atomique, Dieu merci  — au moyen des sites Internet des journaux : vous paraît-il justifié d'utiliser le mot "infographie" à la place de schéma sous prétexte que ces schémas sont réalisés au moyen d'ordinateurs ? Il n'est question que d'infographies disponibles ici et là expliquant l'état de tel réacteur ou de telle zone de subduction et, en général, il s'agit bien d'images fixes.

Exemple : dans le déroulant live du Monde, la phrase « Une excellente infographie concernant l'état des réacteurs à Fukushima Dai-ichi vendredi matin (heure japonaise) sur le Washington Post.  » renvoie à ceci.
18 mars 2011, 11:00   Re : Position du CRIF
Comme à vous, il me semble que ce terme est inutile, si ce n’est impropre. L’infographie désigne la technique, le procédé de création d’images ou de schémas. Par extension, le terme pourrait bien s’appliquer aux diagrammes ainsi créés, quoique, probablement, infographique pris substantivement eût été, à tout prendre, plus heureux. Mais, à moins qu’on me démontre le contraire, schéma, diagramme voire graphique me paraissent suffire.
Effectivement, Infographie est plutôt la technique que le résultat.

Cela étant, un schéma, un diagramme, un graphique, une image de synthèse, voire quelque chose de dynamique sur internet ne sont pas de même nature. Le terme d'illustration ne me paraît pas non plus approprié. Dès lors, face à ce qui est une réalité nouvelle, pourquoi ne pas utiliser un mot-valise ?
18 mars 2011, 11:32   Re : Position du CRIF
"Info" d'infographie ne désigne pas l'informatique mais l'information. J'ai trouvé cette explication sur [www.seguier.fr] (site d'un infographiste) :

"Dans son livre "L'infographie de presse", Jean-Marie Chappé lève l'ambiguïté :
Le terme "infographie", inventé au début des années 80, vient de la contraction américaine de deux mots : Information + Grafics, qui ont donné Infographics, transformé en français de façon légère par "infographie". On ne peut pas traduire le mot américain par "les graphiques informatifs", mais plutôt par "graphisme d'information". Parler de "graphiques informatiques" est un contre-sens fondamental. (...) Les Américains ont créé, puis utilisé couramment cet acronyme "infographics" dans le sens de représentation visuelle, et donc graphique de l'information. L'arrivée des micro-ordinateurs et des logiciels de dessin a permis de réaliser, souvent plus facilement ces représentations sur écran que sur papier. D'où la première confusion, et l'association mal fondée entre infographie et micro-ordinateur."
18 mars 2011, 11:43   Re : Position du CRIF
Le terme ne serait en somme que l'équivalent franglais du bon vieux "schéma explicatif" de nos vertes années ? Je me disais aussi...
18 mars 2011, 12:42   Re : Position du CRIF
...pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Non, ce n'est pas un schéma, c'est autre chose...

Voyez plutôt :

[www.avionslegendaires.net]

Il y a un peu de tout : des graphiques, des images, un schéma...
18 mars 2011, 22:19   Les tournures de Tourneur
» Vous affirmez, Alain, que la tournure « n’avoir de cesse de », telle qu’on la voit employée dans la phrase de Tourneur citée supra, doit s’entendre comme signifiant dans tous les cas

"n'avoir (pas) de cesse jusqu'à ce que + proposition au subjonctif"

Telle serait sa structure profonde.


Non non, cher Francis, certainement pas. J'ai d'abord passé quelques minutes à essayer de me figurer de quel Tourneur il s'agissait, et quelle était déjà cette phrase sus-citée.
Je n'ai affirmé qu'une chose : que la tournure dont vous parlez là, "n’avoir de cesse de" suivie d'un verbe n'existe tout simplement pas, et c'est là où notre approche diffère du tout au tout : je ne vois aucune raison d'essayer de rendre compte d'une expression qui n'en est pas une, et de la justifier en invoquant je ne sais quelle structure profonde qui pourrait théoriquement être concevable. C'est peine perdue, c'est à mon sens une perte de temps, car il pourrait toujours y avoir d'autres règles et convention que celles que nous suivons, meilleures, plus cohérentes et logiques, à n'en pas douter.
Il ne s'agit pour ce qui me concerne que de rendre compte de la forme correcte existante ("n'avoir de cesse que" suivie d'un subjonctif, donc), qui est telle qu'elle est, et qu'il est de toute façon impossible de justifier absolument. Tout au plus peut-on sémantiquement la justifier partiellement, en la rapprochant comme je l'ai fait de formes semblables qui gouvernent les mêmes règles syntaxiques et grammaticales (cette locution serait à rapprocher de la forme "ne pas cesser avant que, jusqu'à ce que", introduisant elle aussi une subordonnée de temps au subjonctif). Cette justification ne me paraît pas oiseuse, certainement pas davantage que celles permettant de retenir des formes syntaxiques possibles, mais qui n'ont pas valeur de règle. C'est absolument tout.

(Voyez-vous, je ne crois pas vraiment aux structures profondes des règles que nous suivons, parce que les propositions grammaticales qui ont le statut de règles ou de conventions ne sont pas des propositions descriptives, elles ne peuvent donc avoir à proprement parler des conditions de vérité, comme une correspondance à une telle structure mythique, et c'est ce qui en fait justement des conventions. Il n'y a aucune raison pour qu'une tournure, avec ses règles d'utilisation, soit en soi plus justifiée qu'une autre possible, c'est là être naîf, à mon sens. La forme correcte eût très bien pu être votre "n'avoir de cesse de" suivie du verbe, dont vous continuez de me rebattre les oreilles, ou bien d'autres encore, et les raisons pour lesquelles la forme admise comme juste s'est imposée ne tient pas à sa meilleure adéquation avec notre intelligence, un ordre du monde ou une structure latente mais déterminante de nos façons de faire, de penser et de parler. Celles-ci sont toujours interprétables et exprimables de multiples façons.
Vous vous êtes récrié à la lecture de mon mi-sérieux c'est comme ça !, mais le fait est que nous ne choisissons absolument pas les règles que nous suivons en cette matière (si jamais en d'autres) ; encore une fois, le bon usage n'est pas affaire de choix personnel, en fonction de sa plus grande cohérence ou clarté. C'est là un des apports principaux de Wittgenstein : nous suivons les règles parce quelles sont déjà là, comme système de conventions autonome et arbitraire, et aucun sens ne les précède et ne concourt à leur élaboration avisée et concertée. C'est même exactement le contraire : le sens est précisément ce qui est garanti par l'usage, l'intériorisation des codes en usage dans l'aire d'activité humaine dans laquelle le langage s'insère. Vous comprendrez qu'il ne saurait y avoir dans ces conditions de structure profonde (sorte de vouloir dire originel ?) qui légitime en amont la règle.)
S'il n'est pas dans le langage de structure profonde, comment générer un discours neuf en accord avec le discours ancien? Si les règles sont les règles parce qu'elles sont les règles, comment palier leur usure ? A quelle source puiser pour renouveler la parole si la parole n'est qu'un donné transmis, certes, mais inanalysable. Je redoute comme la peste tout donné de langage, aussi patrimonial soit-il, qui en demeurant abscons me priverait de toute prise et me laisserait sans originalité, invécu et vaincu, me priverait de dire votre originalité, notre originalité et ce que je veux pouvoir formuler demain et après-demain et voir et entendre reformuler et moduler par d'autres que moi en des termes que je reconnaîtrai mien pour m'avoir traversé.
19 mars 2011, 00:40   Re : Position du CRIF

Cours supérieur d'orthographe

4e-3e-B.E.P.

EXERCICES

Dans certaines phrases, la négation n' a été omise. Rétablissez-la.
Par économie, on ouvre pour la maison entière qu'un seul radiateur. - On éprouve du regret quand on a pas tout à fait terminé son devoir. - Il fait beau, on ouvre les fenêtres toutes grandes. - La route est longue, on en voit pas le bout. - La rentrée est loin, on y pense pas. - Le jardin est bien entretenu. On insiste guère pour qu'on y joue.
Cher Francis Marche, j’ai répondu par anticipation à vos objections (message du 18 mars, à huit heures). Je crois avoir montré que « n’avoir de cesse que » n’est pas inanalysable et que ce n’est pas le mot cesse qui détermine la proposition qui le suit.
Vous n’avez pas répondu à ces arguments :

Citation

La négation constituée seulement de « ne » est courante dans la langue classique, de même que la proposition introduite par que signifiant tant que, avant que :
Je ne me relèverai pas que vous ne m’ayez donné votre bénédiction (Montherl., Reine morte, I, 7)
Je n’irai point là que tout ne soit prêt (Ac. 1935, s. v. que).

Il faut donc analyser la tournure qui fait l’objet de tant de messages en deux parties. D’une part une proposition négative principale, de l’autre une proposition subordonnée de sens « tant que », « avant que ». Tout cela est naturel à notre langue. On trouve des théories d’exemples dans les œuvres classiques.
Mais Francis, je n'ai pas dit que le donné était inanalysable, mais qu'il est analysable de plusieurs façons, concurrentes, et après coup. Vous analysez bien la tournure qui nous occupe en mettant l'accent sur sa valeur adverbiale, alors que j'ai voulu montrer qu'elle ne contrevient pas à la forme d'une principale gouvernant une complétive de temps. Dans l'absolu, ces deux analyses sont possibles, et il n'était pas absolument nécessaire que la forme qui prévaut soit la seule règle envisageable, découlant comme une conséquence obligée de l'application de la structure profonde qu'elle manifesterait.
De fait, en abondant dans votre sens, s'il n'y avait qu'une seule structure préexistante aux formes qui devraient univoquement la refléter, on se demande bien ce que vient faire là cette forme particulière, valant règle de surcroît, que vous jugez si fautive et en totale inadéquation avec la structure qu'elle était censée reproduire.
A moins qu'il ne s'agisse là justement d'une forme d'accord entre l'ancien et le nouveau : non plus un seul type d'accord, mais d'une forme existante une pluralité de modifications possibles engendrant le discours neuf, dont aucune n'est plus en accord avec elle que les autres ou exclusivement, l'étant toutes possiblement.
Les règles sont bien les règles parce qu'elles sont les règles ; nous les suivons tous aveuglément presque, surtout dans ce forum. Vous n'allez pas inventer de nouvelles formes de conjugaisons, et veillerez scrupuleusement à la correction de vos terminaisons ; ainsi qu'aux règles de concordance des temps ; aux choix des modes adéquats ; etc. Sans elles nous serions positivement perdus. Elles évoluent assurément, mais bien au-delà de nos capacités de compréhension, dans tous les sens du terme, individuelles, et de nos volontés particulières.
Peut-être va-t-il falloir revenir sur ce que vous entendez précisément par "structure profonde" ; il y a de toute façon un monde entre la structure générale du langage dans son ensemble comme ensemble cohérent de règles interdépendantes, et la postulation d'une telle structure dévolue à chaque règle prise comme cas particulier, ce qui était quand même ce dont nous parlions.
Cela écrit un peu trop rapidement, hélas, mais j'ai eu une nuit mouvementée, et je suis passablement crevé...
Utilisateur anonyme
19 mars 2011, 09:42   Re : Les tournures de Tourneur
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Second, cher Didier ; chez le premier, Francis sera content, il y a bien l'équivalent d'une sorte de structure profonde des choses (dans le Tractatus, les choses comprennent aussi bien le réel, la pensée et le langage, puisque les trois sont isomorphes), fonctionnant comme une matrice de possibilités déterminant les occurrences factuelles, c'est à dire tout ce qui pourra advenir comme état de choses, et cette structure est ce qu'il a appelé la forme logique, garante réellement du sens des propositions.
Utilisateur anonyme
19 mars 2011, 16:15   Re : Les tournures de Tourneur
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Il faut donc analyser la tournure qui fait l’objet de tant de messages en deux parties. D’une part une proposition négative principale, de l’autre une proposition subordonnée de sens « tant que », « avant que ». Tout cela est naturel à notre langue. On trouve des théories d’exemples dans les œuvres classiques.

J'approuve votre analyse Philémon, mais jusqu'à un certain point seulement car vous devez reconnaître que "tant que" n'appelle pas le subjonctif dans la subordonnée.

p. ex.: je ne l'appellerai pas tant qu'elle ne se sera pas excusée. ou je garderai le mutisme tant qu'elle ne se sera pas excusée ou je ne veux voir personne tant que je serai souffrant, etc. (*)

tandis que la tournure irréfragable qui nous occupe et qui est parvenue à faire broncher Renaud Camus impose le mode subjonctif absolument dans tous les cas, si l'on en croit Alain Eytan, maître incontestable en n'avoir-de-cesse-que + subjonctif;

Mon hypothèse est alors que le subjonctif fort (immuable même en cas d'alignement des sujets) est amené dans cette tournure par la valeur volitionnelle du verbe; ce serait ainsi un syntagme verbal, "n'avoir-de-cesse-que", qui infléchirait de plein droit la conjugaison de la subordonnée dans le subjonctif, comme le fait "vouloir" : je veux qu'il s'en aille", "je n'aurai de cesse que je (ne) sois couronné roi, y compris des couillons s'il le faut". La particularité de ce verbe, qui remplirait alors une fonction que les autres verbes volitionnels ne peuvent remplir, serait celle de la réflexivité, celle d'un "vouloir vouloir":

Le verbe "vouloir" n'assure pas cette fonction:

je veux qu'il soit roi,

mais non

* je veux que je sois roi -- l'alignement des sujets entraînant une désactivation du subjonctif : je veux être roi.

tandis que

Je n'ai de cesse qu'il (ne) soit roi

tolère et assure le réflexif

Je n'ai de cesse que je (ne) sois roi

Telle pourrait être, dans la structure PROFONDE de la langue, le rôle fonctionnel de "n'avoir de cesse que + subj.", soit celui de corriger ce point aveugle de la réflexivité dans le champ gradué des verbes volitionnels (souhaiter, vouloir, escompter, etc.)


==============
(*) Quant à « avant que », rappelons, en toute logique, que

[ne…pas] [avant que] [Vb subjonctif avec disparité des sujets]

a) Je ne bougerai pas avant qu’il ne m’ait téléphoné

est équivalent à

[ne ….que] [après que] [Vb à l’indicatif]

b) Je ne bougerai qu’après qu’il m’aura téléphoné.

La confusion que j’évoquai dans mes messages précédents (s’agissant du bloggeur) se trouve entre le [ne …(pas)] de a) et le [ne … que] de b). En effet, l’omission de (pas) dans le [ne … pas] de a) peut faire prendre le « ne » restant pour le premier élément du [ne … que] de b).
Vous êtes injuste Didier, et le premier Wittgenstein n'est pas nié par le second, mais récupéré comme un cas particulier, un jeu de langage particulier, au sein d'un ensemble bien plus vaste. Quand vous aurez un moment, jetez donc un œil sur ce passage des Investigations qui explique la transition entre ces deux périodes, que votre IBM ne pourrait en aucune façon suivre :

« Plus nous examinons avec attention la langue réelle, plus fort se marque l'opposition entre celle-ci et nos exigences. (La pureté cristalline de la logique ne s'était pas donnée à moi comme résultat d'une investigation, c'était une exigence.) Le conflit devient intolérable ; l'exigence risque à présent de devenir vide. Nous nous sommes engagés sur la glace glissante où manque la friction, où donc les conditions sont en un certain sens idéales, mais où, à cause de cela, nous ne pouvons pas non plus marcher. Nous voulons marcher. Nous utilisons donc la friction. Retournons au sol raboteux. »
On n'entend que la pluie tombé sur le pavé. (G. Flaubert.)
Utilisateur anonyme
19 mars 2011, 22:11   Re : Au sol raboteux du langage ordinaire
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation
Francis Marche
Mon hypothèse est alors que le subjonctif fort (immuable même en cas d'alignement des sujets) est amené dans cette tournure par la valeur volitionnelle du verbe; ce serait ainsi un syntagme verbal, "n'avoir-de-cesse-que", qui infléchirait de plein droit la conjugaison de la subordonnée dans le subjonctif, comme le fait "vouloir" : je veux qu'il s'en aille", "je n'aurai de cesse que je (ne) sois couronné roi, y compris des couillons s'il le faut". La particularité de ce verbe, qui remplirait alors une fonction que les autres verbes volitionnels ne peuvent remplir, serait celle de la réflexivité, celle d'un "vouloir vouloir"
Votre hypothèse — devrais-je dire votre interprétation ? — ne me paraît pas absurde. Sa seule faiblesse, à mon avis, est d’être moderne. Vous lisez cette tournure comme un esprit d’aujourd’hui pourrait la comprendre, c’est ce qui vous fait remettre en cause un tant soit peu, si je vous comprends bien, ce fameux subjonctif, à vos yeux lourd et injustifié.
J’ai donc mené une petite recherche dans tous les dictionnaires à ma disposition. Voici ce que l’on trouve dans la première édition de l’Académie (1694) : « On dit bassement n’avoir point de cesse, n’avoir aucune cesse pour dire, Ne cesser point. Il n’aura point de cese que vous ne lui ayez donné ce qu’il demande. »
Ce qui surprend à l’abord, c’est que cette expression n’était nullement considérée comme littéraire ou soutenue. L’académie a attendu la huitième édition avant de cesser de la noter comme familière. La seconde chose à observer, c’est que la conjonction que n’est présente que dans l’exemple ; ce qui nous incline encore à penser que la proposition n’est pas déterminée par le mot « cesse ». N’importe quel mot de sens équivalent aurait pu convenir mais c’est avec celui-ci que la tournure s’est figée, peut-être justement à cause de l’exemple donné par l’Académie.
Cette proposition en que, qui n’est pas déterminée par cesse est bel et bien, en revanche, rendue possible par la négation, comme l’indique le TLF à l’article que :
[Précédé d'une phrase nég.] Que ne + verbe au subj. Avant que, tant que. Roland, dans son cercle étroit de chevalerie, courait après Angélique; les conquérants de première race poursuivent une plus haute souveraine: point de repos pour eux qu'ils n'aient pressé dans leurs bras cette divinité couronnée de tours, épouse du Temps, fille du Ciel et mère des dieux (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 425). Je n'aurais point de repos que je n'aie contemplé une chose si merveilleuse (A. FRANCE, Thaïs, 1890, p. 270).
Certes, tant que n’entraîne pas une phrase au subjonctif mais la proposition ayant ce sens se construit ainsi. Vous admettez, j’imagine, qu’il y a plusieurs façons d’exprimer des choses semblables et que la grammaire peut être assez retorse pour rendre obligatoire le subjonctif dans un cas et le proscrire dans un autre, alors que l’idée est strictement la même. D’ailleurs, notez la citation de Chateaubriand que donne le TLFi : point de repos (…) qu’ils n’aient… C’est bien la même structure que pour cesse. Diriez-vous là aussi qu’il s’agit d’un syntagme verbal (ou d’un syntagme verbal implicite, puisque le verbe est sous-entendu) ? Disons, pour être tout à fait franc, que cette interprétation pourrait sans doute se faire et n’être pas non plus absurde : la grammaire n’a rien de scientifique et les bons grammairiens admettent que l’on peut malaisément trancher. Toutefois, il me semble que ce qui nous oppose, c’est que vous appliquez à cette tournure une analyse « contemporaine », vous cherchez à voir comment elle peut se justifier aujourd’hui, tandis qu’Alain Eytan et moi cherchons à comprendre comment elle a pu être comprise à l’origine. Est-ce que je me trompe ?
Non, Philémon, vous ne vous trompez pas. Je dois être "un vieux moderne" (qui commença par être fasciné par la grammaire à cause de .... Noam Chomsky et ses émules en France, dans le milieu des années 70 du siècle dernier).

N'empêche: ceux qui usent de cette tournure aujourd'hui, comme vous sans doute, et qui ne sont pas tous de grands auteurs ni des savants de la philologie, ne le font point en référence à son évolution mais dans un système structuré "moderne" ignorant de la diachronie. J'ai gardé de mes initiations à la grammaire structurelle et générative une coupable approche "fait de langue", soit une étude analytique des discours qui doit se faire le dictionnaire de l'Académie fermé sur ses genoux.

L'interprétation que je vous propose de cette tournure est aussi ignorante de sa genèse que le locuteur moderne qui en use et elle ne doit pas être abordée autrement que dans cette règle du jeu.

J'aime cette langue, le français, j'aime l'idée qu'elle puisse continuer de vivre avec quelques solides raisons structurelles de le faire, d'où mon entêtement, par exemple, à savoir ce qui pousse cette tournure à continuer d'exister et à chercher comment, en explicitant son fonctionnement, l'on pourrait contribuer à assurer sa pérennité ou à tout le moins, fonder cette pérennité. J'aime la conservation in vivo.
Eh bien, vous m’avez conduit à « observer par quel côté [vous envisagez] la chose » et j’avoue cette vérité. J’aime aussi la langue vivante et, s’il faut cracher le mot, ouverte, capable d’invention, de renouvellement. Je ne suis pas même fondamentalement hostile à « n’avoir pas de cesse de ». Vous dites que le locuteur ignore la genèse de ce tour. Oui, il est probable que la plupart des locuteurs l’ignorent (je pense que les écrivains la sentent malgré tout), mais, de même, ils ignorent « les raisons structurelles » qu’a la langue de continue de vivre. Les vieilleries, les coquetteries, les bizarreries, les étrangetés, les tournures qui défient la logique grammaticale ne les choquent qu’autant qu’ils n’y sont pas habitués. Encore aiment-ils parfois être choqués, cela les amuse, les « change ». « N’avoir de cesse que » + ne + subj est, je vous l’accorde, une pièce de musée. Sa genèse est aussi importante que l’intuition qui nous guide lorsque nous l’employons actuellement. Les deux regards se complètent pour faire sa richesse et sa spécificité : c’est une pièce de collection que l’on peut toucher, que l’on peut manier, c’est comme un vase antique dans lequel on peut encore verser du vin.
20 mars 2011, 23:30   En toute orthodoxie
À dire vrai, je ne me souvenais pas quelle était la phrase originelle qui avait provoqué ces exégèses, la voici : « les présidents américains n'ont de cesse de demander à leurs "alliés" d'envoyer des soldats mourir à leur profit exclusif ».
Pour faire plaisir à Francis je me suis donc demandé ce qui me gênait tant dans cette forme, était-ce vraiment un strict et constipé purisme, assez ridicule d'ailleurs de ma part, qui commets si volontiers des maladresses de langue et quelquefois de belles, grasses fautes ?
Aussi je suis désolé d'enfourcher à nouveau ce dada, mais il me semble que ce qui m'embête là le plus, c'est que la tournure fautive m'apparaît comme n'ayant purement et simplement pas de sens assez précisément assigné, comme si le fait de s'écarter de l'usage correct évidait la forme de son lest sémantique, et qu'elle flottait disponible et trop polysémique pour pouvoir être utilisée à quoi que ce soit.
Impossible de se verser à boire avec ce vase-là, pour reprendre l'exemple de Philémon, on risquerait de rater le verre et de verser le liquide à côté.
Faut-il comprendre que les présidents américains n'arrêtent pas, tout simplement, mais alors, pourquoi se servir de l'altération d'une tournure dont la signification est réellement différente, puisque "ne pas cesser de faire quelque chose" et "ne pas cesser jusqu'à ce que l'on soit parvenu à un but ou une échéance", ne sont pas du tout interchangeables ? Laquelle de ces possibilités faut-il alors retenir ?
Il apparaît donc que lorsqu'on s'écarte du bon usage qui garantit à la forme idoine son sens reconnu, son sens publiquement reconnu car il s'agit de règles admises par une communauté de "locuteurs", le seul garant possible de celui-ci n'est plus que la volonté particulière de celui qui l'exprime, seul pourvoyeur de sens à cet égard désormais, à supposer qu'il voulût bien signifier quelque chose de suffisamment précis dans son esprit, ce qui n'est guère certain non plus.
L'écart d'avec la règle produit nécessairement un très grand flou de signification, quand les formes autorisées sont triturées par imitation capricieuse et recrachées en autant de langages privés qui vous rendent littéralement dépendant de l'univers personnel de votre interlocuteur, dont on peut incidemment n'avoir que faire, pour saisir de quoi l'on parle.
Si tu veux m'comprendre, tu entres dans ma tête.
21 mars 2011, 00:29   Re : En toute orthodoxie
Voyez-vous Philémon, Alain, le désastre se noue ici, et comme ceci: par l'insinuation -- à vrai dire, il s'agit bel et bien d'un Grand Remplacement ! -- des formes syntaxiques de l'anglais de dépêche de presse (un rien au-dessus de l'anglais d'aéroport) dans l'expression française qui en vient ainsi à perdre toute raison de durer, de continuer. Ce phénomène ronge la langue silencieusement et, et au fur et à mesure qu'il se banalise et se fait accepter, il rend la langue française peu à peu tout à fait inutile à l'expression des faits et de la pensée -- l'anglais basique y pourvoyant suffisamment :

"Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, s'est prononcé contre une frappe militaire qui ciblerait directement le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Interrogé sur la possibilité pour les armées alliées de viser directement le colonel Kadhafi après avoir détruit son dispositif militaire, M. Gates a estimé que la coalition devait respecter la résolution des Nations unies qui a autorisé à recourir à la force pour protéger les civils en Libye."

Entrefilet du Figaro.fr d'aujourd'hui.

(précisons à toutes fins utiles: Gates n'a vraisemblablement pas été interrogé sur "la possibilité pour les armées alliées de viser directement Khadafi" comme on aurait pu interroger un secrétaire d'état à la famille sur la possibilité pour un Français de l'étranger de demander la CMU à son retour en France, ou la possibilité pour une communauté de communes de solliciter un transfert de compétence relatif à l'enlèvement des ordures ménagères ou la possibilité pour Tartempion de poser un congé RTT dès le cinquième mois suivant son embauche; non: M. Gates a très vraisemblablement, très logiquement, été interrogé sur l'éventualité que les armées alliées visent directement Khadafi. The possibility for this or that event = l'éventualité que + Vb au subjonctif. Seulement voilà, le calque de la tournure anglaise dans le français a réduit, cassé et annihilé le sens dans la noyade de la parlure d'emprunt, dans le vide, le babil sans conséquence)
21 mars 2011, 03:22   Re : En toute orthodoxie
Oui, très juste.
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