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La reine Brunehaut

Envoyé par Henri Bès 
15 juin 2008, 17:40   La reine Brunehaut
" Le véritable drame de la société mérovingienne n'était donc pas l'absence de justice étatique, mais les lacunes de celle-ci. L'institution ne fonctionnait que si les litigants acceptaient de s'y soumettre ou si l'enjeu était important, obligeant le roi à intervenir. Cette justice s'adressait avant tout aux puissants, pour les défendre ou pour les condamner. Mais elle se montrait incapable de protéger les faibles, c'est-à-dire ceux qui n'avaient que difficilement accès au prince, aux fonctionnaires ou aux évêques.

Toute insuffisance de l'autorité centrale amène une société à trouver des modes alternatifs de défense de l'individu. D'après les sociologues, ceux-ci passent généralement par l'apparition de groupements larges d'individus, fondés sur la parenté ou sur la proximité géographique. De telles structures proposent en effet une protection par le nombre. De plus, au sein de ces sociétés à pouvoir central faible, la notion d'honneur tend naturellement à être valorisée. Elle engendre une solidarité qui structure le groupe et l'engage à défendre chacun de ses membres. Lorsqu'une agression se produit contre un individu, elle est perçue par tout le groupe comme une atteinte à l'honneur. Cette déperdition doit alors être compensée par un geste honorable, c'est-à-dire par une vengeance exercée contre le groupe de l'attaquant ou par l'obtention d'une compensation, qui peut prendre de multiples formes.

[...]

En termes de règlement des conflits, la seule véritable originalité des royaumes barbares était que l'Etat y reconnaissait sa faiblesse. Les Francs avaient ainsi entériné dans leurs lois l'existence de groupements de protection parajudiciaire. Comme il était impossible de les interdire, le roi mérovingien tentait de réduire l'ampleur des violences qu'ils exerçaient. Pour ce faire, il acceptait d'abandonner son rôle de justicier pour se faire arbitre. "

Bruno Dumézil, La reine Brunehaut, Fayard 2008, p. 103-107. C'est moi qui ai souligné le mot honneur, et sauté l'énumération des diverses solutions pour échapper à la faide, la vendetta germanique, en particulier, l'occultation du dommage subi pour incapacité militaire à se venger.
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