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De la télévision .

Envoyé par Philippe Versini 
18 juin 2008, 15:23   De la télévision .
Voici une interview de Liliane Lurçat , parue en 2001 , qui devrait intéresser les participants à ce forum .







Liliane Lurçat : « Les effets barbarisants de la violence TV sont connus »

Liliane Lurçat est directrice de recherche honoraire au CNRS. Son dernier livre « le Temps prisonnier : des enfances volées par la télévision » est paru aux éditions Desclée de Brouwer.



Vous travaillez depuis des années sur « l’imprégnation » des enfants par la télévision…

En effet, car on ne peut comprendre un écolier d’aujourd’hui si on ne sait pas qu’il est téléspectateur avant d’être écolier. Désormais, la télévision est au foyer dès la naissance de l’enfant. La mère allaite avec le poste allumé. Trente pour cent des vieux récepteurs se retrouvent dans les chambres des gosses. Cette ritualisation crée une dépendance à la Pavlov. C’est une formidable violence de situation, sur laquelle se greffe une violence de contenu.



N’est-ce pas la première fois dans l’histoire que les repères, le rapport au monde ne sont pas apportés par les parents, par l’éducation nationale, mais par des conglomérats lointains et mercantiles ?

Oui. Avant, il existait bien un modelage religieux. Mais il y avait toujours la singularité de la famille. Les deux premières étapes de la formation de la personnalité, celle de la fusion émotionnelle avec la famille, celle de l’individualisation, qui survient vers trois ans, lorsqu’on s’oppose en disant non, se déroulaient normalement. Aujourd’hui, la télévision crée une ambiance fusionnelle qui interdit de dire non. Cela pense en nous à notre insu. La personnalité est menacée. On est « massifié ». Ce phénomène touche les enfants dès leur plus jeune âge et s’est répandu à l’échelle planétaire, sans distinction de culture ou de couches sociales.



Venons-en à la violence des contenus. Vous aviez tiré la sonnette d’alarme au moment de l’apparition de Goldorak. A l’époque, c’était une exception. Aujourd’hui, la violence est devenue omniprésente.

Goldorak était unique, nouveau. Depuis, l’audiovisuel est devenu une industrie qui fabrique les produits les plus violents pour retenir le téléspectateur. Concurrence des chaînes oblige. Pour ce faire, elle a besoin d’attaquer les émotions, de provoquer une excitation. Elle ne crée pas des oeuvres, mais des produits aux effets calculés pour agir très tôt. C’est économique. Aux Etats-Unis, 40% des décisions d’achat venant des enfants, on a constitué des publics d’enfants à l’aide de publicités enfantines. On a fait la même chose ici. Ces émissions pour enfants sont ambiguës et « déréalisantes », à un âge où l’on a besoin de faire la différence entre réalité et fiction. Henri Wallon, dont je suis l’élève, disait que la catharsis n’était pas valable pour les enfants, et qu’il se produisait, par contre, une contagion émotionnelle.



Vous voulez bien nous décrire le mécanisme de mimétisme par contagion émotionnelle ?

L’imitation est massive. Les enfants portent les mêmes vêtements, arborent les mêmes cartables, mangent les mêmes céréales le matin. Les émotions, cela s’attrape de la même manière. Leur raison est mise de côté. On cible leur pensée automatique. C’est une technique, pas un hasard, qui consiste à induire leur désir ou à leur faire croire que la violence, c’est la norme. La peur, qu’ils se prennent dans l’estomac, de plein fouet, est aussi très contagieuse.



Ce spectacle, qui influe sur les représentations mentales des enfants et des adolescents, peut-il induire des passages à l’acte ?

Bien sûr. Les centres médico-sociaux traitent les délires des enfants qui s’identifient aux personnages de télévision. Les mimétismes de meurtres, les passages à l’acte massif commencent. Aux Etats-Unis, la valorisation des armes à feu conduit les jeunes à en avoir sur eux et à s’en servir. Et le plus effrayant est sans doute cette peur diffuse, qui détruit la personnalité, qui noie tout dans le consensus et qui fait que les gens n’osent plus se révolter.



Ne craignez-vous pas, quand même, de surévaluer le rôle du média télévisé en le rendant ainsi responsable de la violence de notre société ?

La télévision, bien sûr, ne crée pas la violence. Elle l’amplifie, la répète. Elle joue le rôle de caisse de résonance. Et depuis qu’elle a pénétré dans les foyers, l’enfant y subit, comme dans la rue, des influences dures.



C’est dans ce contexte que débarque la signalétique du CSA…

Il ne faut surtout pas la comparer au carré blanc. Tout a changé, depuis. La télévision est devenue plus violente, plus concurrentielle, d’un niveau plus bas. Et voilà qu’on trouve le même type de remède, avec trois sigles au lieu d’un. A partir du moment où les effets violents sont reconnus, le problème n’est pourtant plus d’imaginer une famille idéale, policée. Il est de protéger l’enfance et l’adolescence en posant la responsabilité de ceux qui font la programmation.



Cette signalétique ne légitime-t-elle pas, au contraire, les programmes violents en déresponsabilisant les chaînes, en exonérant les diffuseurs ?

Qui a mis le loup dans la bergerie ? Les chaînes de télévision. Reconnaître les responsabilités, c’est transformer les programmations, empêcher leurs effets barbarisants, ne pas donner raison à la philosophe Hannah Arendt qui disait : « Si nous ne transmettons pas le monde à nos enfants, ils le détruiront. » Au lieu de cela, le CSA ne cible que les parents déjà mobilisés. Il se comporte comme s’il était au service des chaînes .



Propos recueillis par MAGALI JAUFFRET
Utilisateur anonyme
18 juin 2008, 15:46   Re : De la télévision .
« Les effets barbarisants de la violence TV sont connus »

Oui, on dirait qu'elle l'a testée sur elle…
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