Mémoire rétablie

L'an passé, j'ai assisté à la petite cérémonie du 18 juin (une demi heure) qui est organisée chaque année dans la petite ville de Provence (20000 habitants) près de laquelle j'habite. Les socialistes qui tenaient la mairie ont commémoré l'événement à leur façon : ambigüe et tortueuse, déformant le sens de l'appel ou en ramenant la signification aux préoccupations de l'heure (l'élection catastrophe de Sarkozy). Une élue a lu un des appels lancés par De Gaulle après le 18 juin, en bafouillant et en achoppant sur un mot dans chaque phrase, ce qui a rendu le texte incompréhensible. Le maire, qui a été député, s'est permis de faire d'innombrables remarques sur les difficultés que rencontraient les habitants de la ville, après décembre 42, quand les Allemands ont occupé la zone libre et il a rendu de vibrants hommages aux déportés (alors qu'une journée de la déportation leur est consacrée) et aux déportés raciaux (alors que le 16 juillet leur est consacré), pour mettre en garde les personnes présentes contre le fascisme qui menacerait à nouveau la France et l'Europe, etc.

Les vieux socialistes de Provence, pacifistes à tout crin, ont plus commémoré ce jour-là l'esprit maréchaliste de compromission, propre à Mitterrand, quand, de Vichy, il "gérait" les familles de prisonniers, que l'appel lancé le 18 juin pour que la France continue la guerre aux côtés de ses alliés. Ce fut un anti 18 juin en quelque sorte.

Cette année, tout a changé. C'est le candidat UMP (ancien professeur de l'enseignement technique devenu patron du PME) qui a gagné les élections avec 40% des voix au second tour. La célébration a été, cette année, conforme à ce que fut le 18 juin et à ce qu'il signifie dans notre histoire. Le maire a rappelé, sans génie, mais sans bafouiller et sans ajouter de commentaires personnels, la situation de la France en juin 1940 et il a replacé l'appel dans l'état du monde, après la bataille de France perdue. Ensuite, a été diffusé un enregistrement un peu grésillant d'un des "appels" lancés par De Gaulle, une fois que les conditions de l'armistice ont été connues, sans doute en août 40. Ce fut très émouvant : aucune allusion à la zone libre, à la déportation, aux déportés raciaux, dépôt de gerbes, sonnerie aux morts, minute de silence, Marseillaise, puis apéritif (auquel je ne me suis pas rendu).

La mémoire de notre pays est un champ de bataille, mais il y a des élus locaux, qui ne sont pas des politiciens de profession ou des militants blanchis sous le harnais, de vrais citoyens, dont il ne faut pas désespérer, qui sont capables, quand ils ne sont pas contaminés par l'idéologie ou qu'ils ne sont pas poussés par l'hubris, de célébrer une mémoire, honnêtement, sans a priori ni prévention ni contamination idéologique ou partisane, en la rattachant aux seuls faits historiques, tels qu'ils sont établis.

"La mémoire de notre pays est un champ de bataille" : on ne saurait mieux dire. Vous souvenez-vous de la ridicule polémique Guy Môcquet ? On voyait en octobre dernier des professeurs d'histoire encartés jusqu'aux yeux, n'hésitant jamais à envoyer manifester leurs élèves, se draper dans la laïcité et la neutralité républicaines pour refuser de commémorer ce jeune fusillé, propriété privée du PC usurpée par l'indigne Sarkozy .

Cher JGL, je n'avais pas encore lu ce que vous racontez là. Je suis comme vous très sensible à ce genre de commémorations dévoyées, et je salue avec reconnaissance votre nouveau maire.