Chapitre V
Où l’on parle d’islamophobie, d’anthropophageophobie et d’identité française
Le lendemain.
C’est encore toi qui reprends le fil de la veille : « Alors, d’après toi, dans un pays démocratique, on devrait laisser libres de s’exprimer les racistes antiarabes, antinoirs ou antisémites, et les ‘‘culturalistes’’ antimusulmans…
— Oui, autant que les racistes antiblancs et les ‘‘culturalistes’’ antichrétiens, à la condition expresse qu’ils n’incitent jamais à la violence, ce qui d’ailleurs, dans une démocratie est – ou devrait être – sanctionné par la justice. Pourquoi l’affreux rap que tu écoutes avec tes copains est-il si dangereux ? »
Tu protestes : « J’en écoute plus depuis un moment.
— C’est heureux. Je me suis toujours demandée comment vous pouviez supporter ces... ‘‘productions’’ – impossible d’appeler ça de la chanson ou de l’art – si injurieuses et humiliantes à votre encontre. Pourquoi, disais-je, ce rap haineux est-il si dangereux ? Parce qu’il est à sens unique, à savoir exclusivement dirigé contre les Français comme nous. Non seulement c’est un appel incessant à nous humilier et à nous maltraiter gravement, mais un rap inverse, antinoir ou antiarabe, même modéré, ou simplement problanc, n’aurait pas l’ombre d’une chance de se faire entendre. Par conséquent, c’est un phénomène qui relève du totalitarisme.
— Alors pour toi, il ne doit pas y avoir de limites à la liberté d’expression ?
— Non. Aucune. La liberté d’expression est le fondement de la démocratie et de la paix civile. Si l’on interdit aux gens d’exprimer ce qu’ils pensent, il est normal qu’ils cherchent à le faire par la violence. Sans liberté d’expression, la démocratie n’est plus qu’un mot vide de sens. Donc, en ce qui concerne les cultures, la critique à leur encontre devrait être libre par principe démocratique et, en outre, parce qu’elle leur est indispensable.
— Comment ça ? Pourquoi la critique est indispensable aux cultures ?
— Rappelle-toi, encore une fois, ce que je t’ai dit : une culture peut changer, se corriger, progresser. Mais comment pourrait-elle le faire si elle s’estime parfaite, inattaquable ? Je pense en particulier à la culture engendrée par cette religion qui n’admet aucune critique, aucun reproche, aucune plaisanterie à son encontre et essaie de les faire passer pour des diffamations racistes… Ah, zut ! À mon âge, la mémoire joue de ces tours ! Voilà que, soudain, le nom m’échappe… »
Ta réponse fuse instantanément : « L’islam ?
— Tiens ? et pourquoi l’islam ? Pourquoi pas le christianisme ou le bouddhisme ?
— Heu... ben… parce qu’on parle des musulmans depuis deux jours, c’te question !
— Des musulmans, oui, un peu, pas tant que ça, mais pas du tout de l’islam. M’est avis que c’est plutôt ton inconscient qui a parlé et l’espace d’une fraction de seconde il a pris ton inhibition de vitesse. J’ai idée que ça t’aurait échappé de toute façon.
Mais, bon : admettons. Comme l’islam, oui, qui va jusqu’à légitimer la mort contre les apostats.
— C’est quoi, un ‘‘apostat’’ ?
— C’est quelqu’un qui renonce à sa religion pour une autre ou qui l’abandonne purement et simplement. Or, pour les autorités religieuses de l’islam, la moindre entorse à leur religion peut être assimilée à de l’apostasie. En fait, ces cultures intolérantes au vrai sens du terme – c’est-à-dire qui ne supportent, encore une fois, ni la critique, ni le reproche, ni la moindre moquerie, qui se replient sur elles-mêmes pour ne pas subir la contagion des autres – fonctionnent presque comme un code, un programme génétique puisqu’elles ne laissent que très peu de chance d’échapper au moule originel.
— Elles, non plus, alors, ne laissent pas le choix.
— Non, en effet. Et l’exaltation tellement à la mode des ‘‘différences’’, la sacralisation des identités culturelles, ne peuvent qu’aggraver le phénomène, car on renâcle d’autant plus à échapper au moule originel qu’il est ressenti comme sacré. La sacralisation des cultures
raréfie donc les exceptions et rétablit la rigidité des mentalités et des comportements, rendant tout changement éventuel, si nécessaire soit-il, impossible. Autrement dit, elle anéantit la supériorité radicale de la culture par rapport à la ‘‘race’’, à savoir : la
faculté d’adaptation.
— Par conséquent, ces cultures auxquelles on ne peut pas échapper tiennent un peu lieu de races ?
— Exactement ! Sauf que leur sacralisation produit, mais
pour de bon, les effets que l’on reprochait,
à tort, hier, aux races ! L’idée de caractéristiques
générales et à jamais non modifiables associées à la race, idée que l’on croyait avoir chassée définitivement par la grande porte, revient par la fenêtre sous la forme de la sacralisation des identités culturelles. C’était bien la peine ! Comme la race, la culture quand elle est sacralisée, ne laisse, en effet, plus aucune liberté de choix à l’individu : le programme culturel fonctionne alors comme un programme génétique et fabrique un ghetto mental avant de
fabriquer de véritables ghettos où les gens ne se supportent plus qu’entre eux.
— Et pourtant, comme rien d’humain n’est parfait, chaque culture doit forcément avoir ses défauts.
— Bien sûr ! Ses défauts et ses et ses démons. Encore faut-il être capable de bien les connaître pour les corriger, comme nous, Occidentaux, ne cessons de le faire. Ainsi attribuer, à priori, par pure malveillance, certains défauts à telle ou telle communauté ethnique est, certes, raciste, mais refuser de voir, à postériori, par pur parti pris idéologique, ceux qui sautent aux yeux est aussi malsain et aussi gros de catastrophes. »
De nouveau tu t’obstines : « N’empêche que cette généralisation peut être également dangereuse. Elle peut dégénérer en violences injustes contre des innocents.
— Peut-être, il faut toujours rester vigilant… sauf qu’aujourd’hui ce sont plutôt les gens comme nous qui sont les victimes innocentes de ces cultures intraitables. Et puis, quoi qu’il en soit, à qui, encore une fois, la faute, sinon à ceux qui les sacralisent, ces cultures ? Sans cette sacralisation qui rend vain tout espoir de voir se corriger des comportements identitaires insupportables ou incompatibles avec les nôtres, on n’aurait pas ce sentiment d’impuissance, d’exaspération, et ça changerait tout.
— En somme, avoue-le, tout ça pour dire que tu es islamophobe.
— Et après ? Appelle ça comme tu veux : islamophobe ou anti-islam. Si tu veux dire par là que je critique l’islam, en effet. Et c’est mon droit le plus strict de bonne républicaine. Que seraient une république, une démocratie, sans le droit de libre critique ? Je t’ai expliqué pourquoi celle-ci est toujours féconde ; mais, en outre, elle honore les critiqués.
— Ah, bon ? ironises-tu, comment ça ? À les voir et à les entendre, ils donnent pas l’air d’être tellement honorés, pourtant.
— Eh bien, tant pis pour eux ! Parce qu’être critiqués suppose chez eux la capacité de réfléchir, de raisonner et, éventuellement, d’évoluer. Ce n’est pas pour rien qu’on s’abstient de critiquer les fous, les très jeunes enfants ou… les animaux. C’est donc bien une façon d’honorer les musulmans que de les critiquer et la preuve que le racisme n’a rien à y voir.
— Ça peut-être aussi du racisme déguisé...
— Parfois, peut-être, mais on n’en sait rien, sauf à faire de continuels procès d’intention ou en sorcellerie ! Or ce genre de procès, on peut les faire à propos de n’importe quelle opinion. Il faudrait donc les interdire toutes. ‘‘Tout est suspect aux soupçonneux.’’
— Proverbe du Monomotapa ?
— Non : proverbe dogon. Si, si, je t’assure : dogon. Oui, ‘‘tout est suspect au soupçonneux’’ et nul n’est plus soupçonneux qu’un antiraciste de profession. Tu l’as bien compris, j’espère, quand j’ai fait mon antiraciste avec ta plaisanterie sur le décrêpage de cheveux. Et puis, qu’est-ce que je t’ai expliqué sur les caractéristiques raciales ?
— Euh... qu’il était impossible de les faire changer !
— Eh bien, si tu critiques les musulmans, c’est que tu supposes qu’ils peuvent changer. C’est donc tout le contraire d’une démarche raciste ! C’est pourquoi le fait d’assimiler l’islamophobie au racisme est, en réalité, bien plus raciste que l’islamophobie elle-même. Cela signifie que l’islam serait indissociable de la race arabe, qu’il ferait partie de ses gènes, que, donc, cette race n’aurait pas d’autre possibilité que produire de l’islam comme un Noir produit de la mélanine et qu’il lui serait impossible d’y échapper.
— Ça revient presque à dire, à la limite, que le ramadan, le voilage des femmes seraient dans les gènes des Arabes, qu’ils les auraient, comme on dit, dans le sang ! Et là où y a du gène y a pas de plaisir ! »
Je ne peux m’empêcher de rire.
« Oh… pas mal ! Enfin, comme tu vois, c’est non seulement tout à fait absurde, mais totalement faux, car il existe encore de nombreux Arabes qui ne sont pas musulmans, mais chrétiens. Ils ont même été longtemps bien plus nombreux que les musulmans. S’ils sont devenus ultra minoritaires dans leurs pays d’origine c’est parce que, à force d’être persécutés, ils les ont quittés peu à peu ou se sont convertis à l’islam. Or, ces Arabes chrétiens n’ont pas du tout la même mentalité ni les mêmes comportements que les musulmans.
Assimiler donc tous les Arabes à des musulmans c'est tomber en plein dans cette inéluctabilité et cette généralisation abusive que les antiracistes sont pourtant les premiers à dénoncer…
— Et est-ce qu’il y a des musulmans non arabes ?
— Bien sûr ! Si tu comptes les Nigériens, les Maliens, les Turcs, les Afghans, les Pakistanais, les Indonésiens et j’en passe, qui n’appartiennent pas à la ‘‘race’’ arabe. Ils sont même de très loin la majorité. À plus forte raison pour ne pas assimiler l’islamophobie à du racisme antiarabe !
— C’est comme j’ai dit tout à l’heure : un Arabe peut se convertir au bouddhisme ou au christianisme, mais un bouddhiste ou un chrétien ne peut se convertir à la race arabe.
— Très juste. Argument imparable. On ne le répètera jamais assez : une religion n’est pas une race. Il ne peut donc être ‘‘raciste’’ de la critiquer. Je suis, parmi tant d’autres, très critique à l’encontre de l’islam comme beaucoup l’ont été à l’encontre du communisme ou du nazisme et comme, aujourd’hui, beaucoup le sont, encore, à l’encontre du christianisme.
— Ce sont des ‘‘christianophobes’’, alors ?
— Oui, exactement : ceux qui critiquent le christianisme – et Dieu sait qu’ils ne se gênent pas pour le faire ouvertement – sont des christianophobes.
— Et pourtant, il me semble pas que les chrétiens se scandalisent de ça.
— Tu as raison. Preuve qu’ils sont tolérants, eux. La vraie tolérance, en effet, n’est pas de clamer, comme le font les médias : ‘‘Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.’’ Le seul critère valable de la tolérance est de tolérer… la critique contre soi-même ! Tiens, prends Nietzsche, encore une fois. Autant il admirait l’islam, autant il détestait le christianisme. Rien ne peut se comparer à la haine féroce qu’il manifeste dans ses écrits contre cette religion. Même la pire des ‘‘islamophobies’’ chez nous n’est rien comparée à la fureur christianophobe de ce célèbre philosophe. Eh bien, jamais il n’a été menacé d’amende, de procès ou, encore moins, de prison. D’ailleurs, nous autres islamophobes, ne dénions pas le droit à ceux qui défendent l’opinion contraire à la nôtre, aux islamophiles, de vanter
urbi et orbi les vertus de l’islam, de le proclamer une religion de paix, d’amour et de tolérance, si ça leur chante ; mais à condition qu’ils nous accordent le même droit de dire que nous ne sommes pas d’accord, ce qui est très loin d’être le cas !
— En somme, ce sont les islamophiles qui sont totalitaires et pas les islamophobes…
— En effet. »
Tu gardes un moment le silence avant de remarquer : « Sûr que si on me dit que je suis belle et intelligente, je vais tolérer facilement cette opinion !
— Évidemment ! Donc, rien de raciste dans l’islamophobie. ‘‘Phobie’’ veut dire simplement ‘‘peur’’. Quelle loi pourrait, sans ridicule, prétendre interdire la peur ?
— C’est vrai ! Interdire la peur serait aussi idiot que d’interdire l’amour ou le rendre obligatoire.
— Tout juste. Oui, j’ai peur de l’islam parce que l'islam lui-même abonde en phobies de toutes sortes : phobie des non-musulmans, des juifs en particulier, phobie des homosexuels, phobie des femmes, phobie des apostats, phobie des blasphémateurs ou supposés tels, et j’en passe. Même les chiens, nos braves toutous de compagnie, sont détestés par les musulmans. Et ces phobies s’expriment non par de simples critiques comme les nôtres, mais par des exhortations au meurtre !
— On te dira que tout ça c’est que des racontars ou des préjugés.
— Oui, je sais. La seule excuse – si tant est que c’en soit une – de ceux qui disent ça est qu’ils n’ont lu aucun des livres sacrés de l’islam et qu’ils se contentent de quelques citations coraniques tirées du contexte, car sinon, ce ne seraient que des menteurs éhontés.
— Pourquoi tu parles au pluriel ? Il n’y a pas que le Coran comme livre sacré ?
— Non, justement. On ébruite peu qu’il existe deux autres livres, aussi sacrés, à un dixième de poil près, que le Coran pour les musulmans : la Sira ou ‘‘Vie du prophète’’ et la Sunna. Or que nous dit la Sira ? Que Mahomet était un homme qui s’est imposé par la terreur en faisant, par exemple, assassiner, entre autres victimes innocentes, un vieillard et une femme poète qui n’avaient commis comme seul crime que de se moquer de lui !
— Tout le contraire de Jésus-Christ, en somme. Et de Bouddha.
— En effet ! Et la Sunna, recueil d’anecdotes concernant Mahomet et de paroles prononcées par lui, confirme aussi que c’est bien l’idée de violence qui domine dans l’islam. La lecture de la Sira et de la Sunna annule donc l’effet des – rares – versets ambigus ou tolérants que l’on peut lire dans le Coran et qui, du reste, ont été abrogés par Mahomet lui-même à partir de Médine, ce que très peu de gens savent, parce qu’on se garde bien de le faire savoir.
— Pourtant on dit aussi qu’il y a d’un côté l’islam et de l’autre l’islamisme, qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre et que seul l’islamisme est violent.
— On le dit, oui. Mais alors, de deux choses l’une : ou bien Mahomet, prophète de l’islam, homme qui s’est imposé par la terreur et a toujours agi en islamiste, est musulman, et c’est la preuve que l’islam et l’islamisme ne font qu’un. Ou bien Mahomet est islamiste et, s’il est islamiste – puisqu’on nous dit que l’islamisme n’est pas l’islam – Mahomet n’est pas musulman ; mais alors, comment le prophète et l’inventeur de l’islam pourrait-il ne pas être musulman ? CQFD. »
Tu hoches la tête, en signe d’accord, mais tu ne veux toujours pas rendre les armes : « Il y a quand même des musulmans modérés, non ?
— Bien sûr, et heureusement !
Des musulmans modérés il y en a beaucoup, par tempérament, inclination naturelle, mais il n’y a pas d’islam modéré, en sorte que tout modérés qu’ils soient, ils sont pris dans un système qui lui ne l’est pas et qui les oblige, ne serait-ce que par la peur qu’il inspire, à rester dans le rang. Il faut même que ces peuples convertis à l’islam aient gardé des qualités humaines bien ancrées pour ne pas sombrer davantage encore dans la violence. En fait, dis-toi bien que si on fait ce distinguo entre l’islam et l’islamisme, un distinguo
tout récent comme par hasard, c’est simplement une astuce pour
interdire toute critique du premier.
— Et est-ce qu’on fait la différence entre chrétiens et ‘‘christianistes’’ pour désigner les chrétiens que l’on considère comme des fanatiques intégristes ?
— Non. Tu vois bien.
— Comment pourrait-on interdire, par conséquent, que s’exprime la phobie de l’islam sous la simple forme de critique, alors qu’on autorise les phobies criminogènes enseignées par cette religion, la christianophobie de nos ‘‘‘‘élites’’’’ ou la haine antifrançaise sauvage, féroce, des rappeurs ?
— Pour les rappeurs, on te répondra que ce sont des artistes et qu’il faut les laisser libres de s’exprimer.
— Artistes ! Dans mon extrême jeunesse, le pétomane aussi se disait ‘‘artiste’’. Aujourd’hui, au nom du relativisme culturel, on nous ferait croire pour un peu que le pétomane vaut Mozart ! Et puis l’art a bon dos. Quel artiste, français comme nous, pourrait, au nom de cette fameuse liberté artistique, se produire sur scène ou sur vidéos avec des textes aussi haineux contre les Arabes et les Noirs ?
— Là, tu as raison. Aucun, je crois.
— Toujours cet insupportable ‘‘deux poids, deux mesures’’. Sache, d’autre part, que les plus grands auteurs, les plus grands penseurs des siècles passés, de Voltaire à Lévi-Strauss, en passant par Gibbon, Hugo, Churchill, De Gaulle, Kateb Yacine, Jacques Ellul, Malraux, l’admirable Lawrence Durrell, le prix Nobel anglo-indien Naipaul, et bien d’autres, étaient ou sont islamophobes. Avoue que je suis en meilleure compagnie qu’avec Diam’s ou Cali.
Cela dit, il n’y a pas que l’islam qui prône la violence. Chez nous, en Occident, l’idéologie gauchiste aussi. À propos, tu es pour ou contre le cannibalisme, l’anthropophagie ? »
Tu hausses les épaules : « Contre, c'te question !
— Malheureuse ! Tu as de la chance que le cannibalisme ait disparu.
— Pourquoi ?
— Parce que, sinon, on te reprocherait d’offenser les ethnies qui pratiquent ce rite religieux.
—On m’accuserait de ‘‘cannibalophobie’’ ?
— Parfaitement ! D’anthropophageophobie, plus exactement. Et bien entendu de racisme. »
Tu prends un air songeur et entendu : « Ah, oui… je vois… » avant de demander : « Au fait, si tu critiques ou insultes une personne, est-ce que tu peux être condamné par la justice ?
— Non. Sauf s’il y a diffamation. Encore faut-il la prouver ! Si la justice estime qu’elle ne l’est pas, le plaignant sera débouté. Tu peux crier sur les toits que tel ou tel ministre est un incapable mais tu ne peux le traiter de voleur ou de pédophile sans preuves.
— Alors comment se fait-il que ce qui vaut pour les individus ne vaut pas pour les communautés ethniques ou les religions ?
— Tout dépend des communautés et des religions. Sois plus claire.
— J’ai l’impression que toute critique à l’encontre de la communauté musulmane de France ou de l’islam est automatiquement assimilée à une diffamation qui n’a même pas besoin d’être prouvée.
— Oui, tu as parfaitement raison. Non seulement la justice ne cherche même pas à rassembler les preuves de la diffamation, mais encore, en l’occurrence, celle-ci est assimilée aussitôt à une incitation à la haine raciale et aboutit neuf fois sur dix à la condamnation de l’accusé. Ainsi de l’affaire Louis Chagnon : ce professeur d’histoire et de géographie avait enseigné à ses élèves, pendant une leçon sur l’islam, que le prophète Mahomet avait pillé des caravanes et égorgé tous les hommes adultes, 700 ou 800, d’une tribu juive vaincue par lui. Il a été aussitôt poursuivi par la justice pour incitation à la haine raciale et présenté par les médias comme un abominable raciste. Heureusement, il a fait appel, et la justice cette fois a consenti à faire son travail. Elle s’est penchée sur la vie de Mahomet et a tenu compte des preuves évidentes accréditant ce qu’avait enseigné ce professeur, lequel, une fois n’est pas coutume, a été acquitté. Ces faits sont d’ailleurs bien connus des musulmans eux-mêmes puisque, comme je te l’ai dit, ils sont rapportés dans leurs livres saints.
— Mais alors pourquoi avoir aussitôt condamné ce professeur s’il était aussi évident qu’il avait raison ?
— Parce que, d’une part, la justice, comme la plupart des Français, ne connaît rien à l’islam et que, d’autre part, elle fait du zèle antiraciste chaque fois que le raciste supposé est un Français comme nous.
— Mais c’est quand même le rôle de la justice de découvrir l’exacte vérité ; sinon, à quoi elle sert ?
— Hélas, on peut en effet se demander quand une justice, au lieu de servir la vérité, est aux ordres d’une idéologie totalitaire, ce qui est de plus en plus le cas en France, si elle mérite encore le nom de justice. Enfin, les musulmans se doivent d’admirer sans restriction aucune les actions de leur Prophète, si choquantes soient-elles, ou nous paraissent-elles telles, à nous, Occidentaux. Et ils jugent blasphémateur celui qui ne les admire pas, qui n’en parle pas sur un ton élogieux, ou du moins avec une neutralité bienveillante.
— Pas étonnant, alors, que ce Mahomet pousse tant de gens à devenir des… »
Je me hâte de te couper la parole : « Ne dis jamais ça de ceux qui imitent Mahomet !
— Quoi ‘‘ça’’ ? Mais j’ai rien dit !
— Oui, mais tu allais le dire ! Sache que ceux qui imitent Mahomet sont juste de bons musulmans un poil plus pieux que les autres, et qui veulent seulement être certains d’entrer au Paradis. Il faut bien te mettre dans la tête que l’islam est une religion de paix, d’amour et de tolérance et que les individus qui disent le contraire ne méritent que d’être zig… euh… ignorés ! je veux dire. C’est ça : ignorés ! »
Ma petite comédie tombe à plat. Tu sembles poursuivre une idée et n’avoir rien entendu. « À quoi penses-tu ?
— À Napoléon. Pour la plupart des Corses, c’est presque un dieu, non ?
— Oui, on pourrait dire ça. Il est l’objet d’un véritable culte. D’ailleurs certains l’ont surnommé le Mahomet de la Corse. En tout cas, pour la plupart des Corses c’est un très grand homme.
— Mais ailleurs, je crois que beaucoup le détestent.
— Oui. Ceux qui le détestent l’assimilent à un massacreur digne d’Hitler.
— Et ils ne se gênent pas pour le proclamer?
— Non. Ni pour l'écrire dans des livres dont ils viennent parler à la télévision.
— Est-ce que les Corses ont poursuivi en justice pour napoléophobie, corsophobie, ou racisme anticorse, appelle ça comme tu veux, ceux qui comparent Napoléon à une sorte d’Hitler ?
— Évidemment non ! Ni ceux qui critiquent son code civil.
— Alors pourquoi ceux qui détestent Mahomet et son Coran seraient-ils poursuivis pour islamophobie et ceux qui détestent Napoléon et son code civil ne le seraient-il pas pour napoléophobie ou corsophobie ? » lances-tu, toute fière de ton raisonnement et comme si tu étais la première surprise de l’avoir trouvé.
J’applaudis et te félicite à nouveau, heureuse de ne pas avoir méjugé tes capacités de réflexion.
« En fait, reprends-je, la responsabilité de cette situation incombe à une loi, la loi Gayssot, prise, au début, pour épargner aux Juifs de nouvelles persécutions, hélas, toujours à craindre. Or cette loi est liberticide et, comme tout ce qui est liberticide dans le domaine de l’expression, elle finit par avoir des effets pervers. Aujourd’hui cette loi est en train de protéger plus les nouveaux persécuteurs que les anciens persécutés, les Juifs, et les nouveaux : les Français comme nous.
— N’empêche que les Arabes, eux, ont toléré les trois religions, surtout en Espagne.
— Oui : le fameux mythe d’Al-Andalous et de sa tolérance ! Car c’est bien d’un mythe qu’il s’agit. D’abord, l’Espagne au XVIIe siècle comptait des millions de chrétiens et quelques dizaines de milliers de juifs. Une fois le pays conquis par les musulmans, celui-ci comptait donc, par la force des choses, des chrétiens, des juifs et des musulmans. Ce n’est pas de la tolérance, c’est de l’arithmétique. Exactement comme l’Algérie colonisée, laquelle comptait sur son territoire, outre les musulmans, des juifs et des chrétiens. De plus, ils ont vécu ensemble au moins en aussi bonne intelligence qu’en Espagne, et sans doute bien plus, avec, en prime, des libres penseurs et des athées avérés.
— Alors pourquoi on vante jamais l’Algérie française comme modèle de tolérance ?
— Parce qu’il s’agit de dénigrer notre pays au maximum, tout en valorisant les pays africains, en particulier musulmans, afin de justifier le « Grand Remplacement » de notre peuple – expression inventée par l’écrivain Renaud Camus – par des populations venues d’Afrique. C’est ce que je vais essayer de te faire comprendre tout au long de ces conversations.
— Pourtant on parle toujours des minorités protégées en terre d’islam.
— Dis-moi : je vois que, mine de rien, tu t’y connais drôlement en politiquement correct.
— Oui. Je m’étonne parfois moi-même », me réponds-tu, mi-figue, mi-raisin.
— ‘‘Minorités protégées’’ ! C’est jouer sur les mots. Et de quelle façon ! On cherche à nous faire honte en nous faisant croire que les minorités religieuses étaient protégées en terre d’islam et qu’elles étaient persécutées chez nous, d’où la légende de la tolérance islamique. Rien n’est plus faux. Et d’abord : protégées de qui, d’après toi ?
— Ben, de leurs ennemis.
— Et qui pouvaient bien être les ennemis des chrétiens ou des juifs en terre d’islam ?
— Ben… je sais pas.
— Si, tu sais. Réfléchis bien : les bouddhistes ? Les adorateurs du feu, du Bison blanc ? Les communistes ? »
Tu hausses les épaules.
« Bien sûr que non !
— Alors qui ?
— Ben… à part les musulmans, je vois pas.
— Les musulmans. Tout juste. Les chrétiens et les juifs étaient, donc, censés être protégés de leurs ennemis par… leurs ennemis, eux-mêmes ! On imagine la qualité de la protection ! Les membres des minorités dites ‘‘protégées’’ ne devaient leur survie précaire qu’à la condition de raser les murs, de se soumettre à des règles discriminatoires extraordinairement humiliantes à côté desquelles l’étoile jaune des Juifs fait figure d’aimable fantaisie.
— Oui, drôles de ‘‘protecteurs’’, conviens-tu. On dirait la relation du ‘‘souteneur’’ à sa pute : des torgnoles tant qu’elle file doux, histoire de ne pas perdre la main, la mort si elle se rebiffe.
— Il y a de ça. De plus ces ‘‘protégés’’ devaient payer un impôt spécial à leurs maîtres musulmans, véritable racket légal.
— Ils devaient payer pour rester en vie, quoi…
— Oui, en quelque sorte. On appelle dhimma cette relation véritablement mafieuse faite d’un ensemble de règles discriminatoires de tous ordres. Ces règles étaient imposées par les musulmans aux non-musulmans monothéistes ou dhimmis, et aux dépens de ces derniers.
— Et les autres, alors, les non-monothéistes ?
— C’était la conversion à l’islam ou la mort.
— Je vois. Tu parles d’une tolérance !
— Je ne te le fais pas dire ! Certes, en comparaison les dhimmis étaient mieux traités, mais les dispositions prétendument destinées à empêcher les persécutions des dhimmis étaient en elles-mêmes, déjà, d’intolérables persécutions qui, au reste, ne leur épargnaient même pas les autres, comme l’obéissance de la pute ne lui épargne pas les coups de son ‘‘souteneur’’. En effet, il suffisait d’une rumeur presque toujours sans fondement, de sacrilège à l’encontre de l’islam, ou de la moindre entorse à ces règles de soumission, pour que la rue musulmane se déchaînât en pogromes meurtriers contre eux, comme il ne cesse de s’en produire encore aujourd’hui contre ces malheureux chrétiens en Egypte ou en Irak.
— En tout cas, on dirait que nous, nous sommes déjà des dhimmis.
— Hélas, oui, sauf que nous avons fait nous même le lit de notre propre dhimmitude, comme le disait il y a, déjà, vingt ans, le grand philosophe Jacques Ellul. En réalité, ce n’est pas tant que l’envie leur ait manqué d’en finir avec les chrétiens ; mais comment auraient-ils pu exterminer des populations qui étaient bien plus nombreuses qu’eux et dont ils ont eu besoin, du moins au début, pour administrer les pays conquis ?
— Pourquoi ils avaient besoin des dhimmis ?
— Parce que la culture tribale et le petit nombre des conquérants les rendaient incapables d’administrer les pays conquis. Doit-on être reconnaissant aux gens du mal qu’ils n’ont pas pu vous faire ? Doit-on être reconnaissant à des intrus qui s’installent chez vous d’accepter un minimum votre style de vie ? Est-on reconnaissant aux juifs d’avoir toléré le christianisme dans les pays… chrétiens ?
— Ben… non.
— Et pourquoi, d’après toi ?
— Euh… parce que ça allait de soi.
— Voilà : ça allait de soi. Et il n’est jamais venu aux juifs l’idée de se flatter de leur tolérance à l’égard des chrétiens chez qui ils s’étaient installés. Pourquoi faudrait-il alors admirer éperdument les Arabes d’avoir ‘‘toléré’’, avec tous les guillemets possibles, les chrétiens dans un pays chrétien ?
— Logiquement, c’est plutôt les Espagnols, alors, qu’il faudrait féliciter d’avoir toléré pendant huit siècles les musulmans en Espagne.
— En effet ! Huit siècles pendant lesquels les Espagnols n’ont jamais renoncé à reconquérir leur pays, comme les Algériens le leur. Mais là encore, considère la différence de traitement : alors que les Pieds-noirs n’ont eu droit à aucune compassion quand ils ont dû abandonner leur pays natal, mille ans après on verse encore des larmes sur les musulmans et les juifs qui ont dû quitter l’Espagne, et on s’émerveille que leurs descendants aient gardé pieusement, dit-on, les clés de leur maison d’Andalousie ! En fait, les Arabes ont choisi une voix plus machiavélique que l’extermination impossible des peuples conquis : rendre la vie infernale aux non-musulmans, les obligeant ainsi soit à se convertir à l’islam, soit à s’exiler. Mais bien entendu toute ressemblance avec ce qui se passe dans nos banlieues serait fortuite et issue d’un esprit mal tourné… »
Cette fois, tu réagis : « Tu es sérieuse ?
— D’après toi ? » Tu réfléchis.
« Ben… ça m’étonnerait.
— Tu as raison. En tout cas, aujourd’hui le résultat est là : après avoir été majoritaires, puis être devenus des minorités, les non-musulmans des pays islamiques sont en voie de disparition totale. Pour l’islam, la tolérance religieuse est, parfois, une tactique, jamais un principe.
— Pourtant, on dit qu’islam veut dire ‘‘paix’’.
— Pas du tout. Je ne vais pas te faire un cours d’arabe, j’en serais d’ailleurs incapable même si j’en ai quelques vagues notions, mais on joue sur l’ignorance que les gens ont de cette langue et de ses subtilités pour mentir. Islam ne veut pas dire ‘‘paix’’ mais ‘‘soumission’’. Tout est soumission dans l’islam. Soumission stricte des musulmans aux règles et aux ordres d’Allah et soumission stricte des non-musulmans aux musulmans.
— La paix par la soumission, en quelque sorte.
— Si tu veux. Oui.
— Et le soufisme, alors ? Ce n’est pas un islam tolérant ?
— Le soufisme ne concerne à proprement parler qu’un pour cent de la population musulmane, un pour cent regardé de travers par les quatre-vingt-dix-neuf autres. De plus, contrairement à ce que croient les gogos d’Occident qui adhèrent à cette version prétendument
light de l’islam, le soufi a beau avoir une démarche mystique, il ne remet en question ni le Coran, ni la charia, ni la dhimmitude des non-musulmans, ni le devoir de jihad guerrier contre eux.
— Mais les chrétiens aussi, à la même époque, persécutaient les juifs.
— Sans doute, hélas, mais au moins ils ne disaient pas qu’ils les protégeaient. Et puis, sans qu’il soit question une seconde de justifier ces persécutions, elles pouvaient à l’extrême rigueur être plus compréhensibles dans la mesure où les juifs constituaient encore, à l’époque, d’une certaine façon, un corps étranger à l’Europe. Par contre en Espagne, en Perse, en Inde ou ailleurs, le corps étranger c’étaient les musulmans et c’étaient eux qui persécutaient les populations autochtones.
Cela dit, je n’ai rien contre l’islam chez lui. Je suis même très sensible au côté chaleureux des musulmans dans leur pays. Malheureusement, ils semblent nombreux à abandonner cette caractéristique pour laisser la place à l’agressivité quand ils s’installent dans les nôtres.
— En somme tu n’es pas « musulmanophobe ».
— Non. En effet. la preuve que l’islamophobie n’est pas du racisme ! Elle n’a rien à voir avec la ‘‘musulmanophobie’’, pas plus que la christianophobie n’a à voir avec la ‘‘christianophobie’’. Je suis islamophobe mais j’ai eu beaucoup d’amis musulmans, morts, hélas, aujourd’hui. Et les christianophobes ont beaucoup d’amis chrétiens, du moins tant que ceux-ci ne s’affichent pas ostensiblement et à longueur de temps comme tels et qu’ils ne s’offusquent ni des critiques ni des moqueries à leur égard, car sinon on les enverrait gentiment balader. Or c’est le comportement contraire qu’adoptent trop de musulmans chez nous ce qui pose justement un problème dans un pays laïque. En outre, je reconnais volontiers que l’islam a produit une civilisation qui a eu sa cohérence et sa grandeur mais il est tout à fait incompatible avec la nôtre. Quoi qu’il en soit, l’islam serait-il reconnu comme la meilleure religion du monde que cela ne remettrait pas en cause le droit pour quiconque, au nom de la liberté d’expression démocratique, de le critiquer à sa guise. D’ailleurs, le triomphe de notre laïcité a été accompagné et favorisé par une critique féroce du christianisme. On ne voit pas pourquoi l’islam, religion étrangère de surcroît, devrait en être épargné.
— Et qu’est-ce que ça veut dire, ‘‘autochtone’’ ?
— Qui est né du sol même d’un pays. Qui s’y trouve depuis toujours.
— Un peu comme ‘‘indigène’’, alors ?
— Oui, si l’on veut. »
Tu sembles méditer un moment sur cette démystification de la ‘‘tolérance islamique’’, puis tu reviens au propos initial : « Mais alors, pourquoi, si tes arguments sont justes, et puisque nous vivons en démocratie, cette interdiction de critiquer l’islam ?
— Je vais te répondre par une nouvelle sorte de lapalissade : parce que cette interdiction prouve que la France n’est plus, contrairement à ce qu’elle veut faire croire, une démocratie. Elle n’en n’a plus que le nom. Elle est devenue un pays totalitaire où le prétendu antiracisme matraqué par une propagande sans précédent même dans l’Allemagne nazie ou la Russie soviétique, est au service d’un projet inavouable
visant à faire disparaître progressivement les Français comme nous. L’antiracisme totalitaire n’est que le masque d’un racisme à rebours contre ces Français-là. Pire que ça, même !
— Ah bon ? Et qu’est-ce qui pourrait être pire qu’un totalitarisme ?
— Pire qu’un totalitarisme ? Deux ! Or, c’est bien ce qui arrive à notre malheureux pays. Deux totalitarismes se conjuguent et se font la courte échelle : l’antiraciste et l’islamique. Quand on sait ce qu’un seul peut faire d’un pays, on ne peut que trembler pour le nôtre !
— On devrait plutôt parler d’‘‘antiracis... tisme’’, dans ce cas-là, je trouve.
— Oui, tu as parfaitement raison. Ainsi, par exemple, les imams intégristes n’ont pas eu à se fatiguer chez nous pour prêcher la haine de la France et de l’Occident. Nos faiseurs d’opinion ‘‘antiracistiques’’ leur avaient bien préparé le terrain. On peut même dire qu’ils avaient déjà fait le sale boulot à leur place. Bref, tu n’as pas fini d’entendre tes ‘‘camarades musulmans’’ dire que les Français leur doivent le respect. En attendant pire car, je te l’ai dit, les médias et les rappeurs les ont millecollinisés à point. »
Tu réprimes un frisson tout en réfléchissant, sourcils froncés : « Mais eux, les Arabes, ils sont bien français, non ? Les profs nous disent que nous sommes tous nés en France, pareillement français : les Algériens , les Marocains, les Sénégalais, les Chinois, d’autres encore et nous. Mais si eux sont aussi algériens, marocains, sénagalais ou chinois, nous, alors, qu’est-ce que nous sommes ?
— Les professeurs, s’il te plaît. Pas les
profs. Qu’est-ce que nous sommes ? On pourrait dire que nous sommes, nous, des Français français, des Français gaulois, des Franco-gaulois ou des Franco-français, autrement dit des Français au carré. Des Français ‘‘de souche’’ française, autrement dit les indigènes de ce pays, mais il nous est interdit de le dire.
— Et pourquoi il nous est interdit de le dire ?
— Parce qu’on espère qu’en nous faisant oublier qui nous sommes – les autochtones, les indigènes de la France depuis dix-huit siècles, qui l’avons faite à notre image–, on ne s’apercevra pas qu’on est en train de nous voler notre pays.
— C’est comme si on rendait quelqu’un amnésique pour qu’il se rappelle pas qui il est ni que la maison où il habite est à lui et à sa famille depuis longtemps, et qu’il se la laisse piquer sans réagir ?
— Oui, c’est exactement ça !
— Et pourquoi, quand on est d’origine gauloise ou franque, on est français ‘‘de souche’’ ?
— Parce que les plus anciens peuples de France sont des Gaulois, puis des Gaulois romanisés mêlés vers le Ve siècle d’à peine quelques de milliers de Francs. C’étaient tous des peuples européens – hormis une poignée de familles normandes originaires de Scandinavie –, dont les langues étaient voisines. Et puis tous ces peuples se sont vite convertis à la même religion…
— L’islam ?
— Bien sûr que non, pas l’islam ! Où as-tu péché une idée pareille ? Au christianisme, voyons ! Mais qu’est-ce qu’on vous apprend, grands dieux, au collège ? Tu as vu beaucoup de villes, de quartiers ou de monuments construits, en France, dans le style arabe ? Tu connais beaucoup de rues, de places ou d’écoles qui portent des noms arabes ?
— Euh… non.
— Avant les années 1980, tu voyais beaucoup de mosquées ? Tu rencontrais beaucoup de femmes enfoulardées ou bâchées ? Tu entendais souvent parler arabe ? Tu voyais beaucoup de littérature arabe ou islamique dans les librairies ou les bibliothèques ? Tu entendais beaucoup résonner ‘‘nique ta mère’’ dans les banlieues dites populaires ?
— En 1980, j’étais pas née, figure-toi.
— Hélas. C’est bien le problème. Ta génération est née trente ans trop tard. Toutes les générations à venir de Franco-français vont désormais être nées trop tard pour connaître la vérité.
— J’ai entendu dire que l’Europe avait des racines islamiques, alors…
— Tu ne te méfieras jamais assez de ce que tu entends de nos jours. Depuis l’apparition de l’islam, en gros depuis quatorze siècles, tu chercherais en vain parmi les milliers et milliers d’écrivains, de penseurs, d’historiens européens un seul qui ait jamais soutenu que les racines de l’Europe sont autant islamiques que chrétiennes. Et quand il leur arrive d’évoquer l’islam, c’est, à l’exception de deux ou trois auteurs romantiques fascinés par son exotisme, ou deux ou trois illuminés fascinés par le soufisme, pour en parler comme d’un corps totalement étranger à notre civilisation, voire comme de l’ennemi irréductible de celle-ci. Et voilà qu’au bout de mille quatre cent ans, des énergumènes de derrière les fagots, des intellos de troisième ordre, décident que les racines de l’Europe sont islamiques ! C’est un des plus grands bobards de l’histoire ! C'est digne du
Protocole des sages de Sion, tu sais, ce document agité par les antisémites qui se trouve être un faux ! D’ailleurs, tu sais comment les Arabes musulmans nous appellent ? les Roumis, terme qui signifie très exactement : les descendants chrétiens des Grecs et des Romains, preuve qu’ils ne nous voient pas des racines islamiques, eux !
— Bon, bon, j’ai compris, t’énerve pas ! En somme, dire que la France a des racines islamiques, c’est aussi crétin que de dire que l’Algérie a des racines chrétiennes !
— Beaucoup plus crétin que tu ne le dis, et ne le crois parce que l’Algérie, elle, a été vraiment chrétienne pendant plusieurs siècles avant que l’islam ne lui coupât ces racines-là. La France, elle, n’a jamais été musulmane ! Même aujourd’hui, avec six millions de musulmans, elle ne l’est pas, pas encore du moins, et j’espère que... »
Tu m’interromps : « O.K. ! D’accord ! Reviens plutôt à ces franco-Gaulois... »
Je respire à fond et reprends : « Eh bien, ces franco-Gaulois, plus tard appelés Français, ont été les seuls à peupler notre pays jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, c’est-à-dire pendant mille quatre cent ans depuis l’installation des Francs et beaucoup, beaucoup plus si l’on remonte aux seuls Gaulois. Durant toute cette période la population de notre pays a été particulièrement stable. Cela contredit tous ceux qui veulent absolument que la France n’ait été qu’une terre d’immigration pendant toute son existence.
— Autrement dit, nous sommes les indigènes de la France, comme les Indiens l’étaient de l'Amérique ?
— Exactement. Tu ne crois pas si bien dire, car il n’est pas impossible que nous subissions à long terme le même sort que les Indiens. »
Tu observes rêveusement : « Ça doit quand même pas être un hasard si ce sont les Francs qui ont donné leur nom à la France et pas les Chinois ni les Arabes…
— C’est une évidence !
— Et les autres, ils sont arrivés quand ?
— Seulement vers la fin du XIXe siècle : des Italiens, des Polonais, des Espagnols, des Portugais, mais toujours en relativement petit nombre, et tous européens comme nous, parlant des langues de la même famille. Quant aux Russes, l’élite qui était réfugiée en France parlait impeccablement français et étaient pétrie de notre culture. Et tous, y compris les athées, étaient façonnés par la religion chrétienne et la civilisation gréco-romaine. À te regarder, je comprends que tes professeurs ne t’ont jamais appris ça.
— Non. Jamais. Ils nous disent au contraire que les Français ‘‘de souche’’, ça ne veut rien dire, que nous sommes, tous, pareillement français.
— Oui, pour les Italiens, les Polonais, les Russes, les Espagnols et les Portugais, ça ne veut, en effet, rien dire. Dès la première génération née en France, ils étaient, comme on dit, si bien ‘‘assimilés’’ qu’on ne les distinguait plus des ‘‘de souche’’ que par leur nom. Ils étaient devenus eux aussi des ‘‘de souche’’ aussi vrais que les vrais. D’ailleurs, tes amis José, Boris, Maria sont, d’après leurs noms, de familles d’origine portugaise, russe et italienne.
— Je savais pas.
— Tu ne savais pas parce que, eux, ne la ramènent pas avec leurs origines. Ils s’en moquent depuis belle lurette. Ils se sont si bien assimilés à la population de souche, si bien nourris de sa sève, qu’ils en font partie. Un peu comme nous, les Corses, si tu veux, surtout les Corses du continent, comme on dit. »
Tu hoches la tête, mais tu as l’air ailleurs. « Dis donc : tu m’as fait marcher tout à l’heure, quand tu as fait semblant de ne pas te souvenir du nom de l’islam. C’était gros comme une maison. »
Je proteste de mon innocence, mais tu n’as pas l’air convaincue.
« De toute façon, on arrête là pour aujourd’hui, non ?
— O.K. »