Il était question de culture et de sa fragilité face à la poussière et l'extinction, dans ce fil. J'affirmais que la garantie contre la fossilisation et la pulvérisation par le temps d'une oeuvre représentative d'une culture est sa "compréhensibilité" (c'est le terme employé par le directeur de France Culture tout à l'heure dans la table-ronde avec Renaud Camus). Bien. Je me contentais d'avancer l'idée qu'un objet culturel, pour être transmis, se doit d'être explicitable, analysable même, avec les outils eux-mêmes appartenant à ladite culture, ou qui en sont dérivés.
Le paradoxe suivant m'apparaissait: les patois de banlieue sont intransmissibles, non réglés, non analysables par les outils descendus de la culture (la scansion du rap est issue de l'anglais tel qu'il se parle en certains lieux, dans certaines sphères sociales outre-atlantique, il est exogène et au-delà de ce constat, il est rétif à la dent de l'assimilation culturelle nôtre - les jeux que l'on propose aux enfants consistant par exemple à y couler l'alexandrin sont un détournement amusant et sans suite, comme lorsqu'on s'amuse à sous-titrer en le détournant un film indien dont on n'entend rien aux dialogues), c'est à dire qu'ils sont voués à l'action pulvérulente du temps qui dissipe sans transmettre; et c'est donc ainsi que le parler "
jeune" se retrouve de manière immanente "patois voué à la mort", tel en fait celui des
vieux qu'on ne comprend plus et dont le patois égaré de la langue commune mourra avec eux.
C'est très complexe, et le débat culture/nature nous égare: il est une façon
naturelle d'articuler le français et qui est toute culturelle et il y a une façon mêmement naturelle d'articuler l'anglais qui est tout autant culturelle. En plaquant l'un sur l'autre, on crée un chimère dégoûtante et sans lendemain, c'est le "rap" français, monstre de déculturation.
La remarque de Bernard m'apparaissait venant comme un cheveu sur la soupe sachant que Villon est un grand poète français, traduisible en anglais par exemple, (et comment!), comme je le montre dans mon message précédent. C'est un peu comme si l'on disait "On se demande ce que Balzac a voulu faire en écrivant les Contes drôlatiques". Balzac s'est plu à le faire, et ces Contes restent anecdotiques dans son oeuvre (jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire). Du moins, on ne peut mettre sur un même plan les Contes et le reste de son oeuvre, même s'il se trouvera des spécialistes pour affirmer le contraire. Il y a hiérarchie tout de même entre ces Contes et le reste, entre les ballades en jargon et le Testament, etc.