Pour abonder dans le sens de ce communiqué (les paragraphes 2 et 3 sont pleins de lucidité), je ferai un peu d'arithmétique. Dans les années 1950-60, les élèves de l'école primaire recevaient 30 heures d'enseignement : 6 heures par jour pendant 5 jours : lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi. Il était aussi entendu que les activités périscolaires (distractions, activités d'éveil, sports, etc.) se faisaient le jeudi. L'école était tenue d'organiser des "études" le soir : de 5 h à 6 h ou à 6 h demie, pendant lesquelles les élèves faisaient les devoirs du jour sous la responsabilité de leur maître.
Le temps scolaire méritait son nom.
Peu à peu, tout cela s'est délité : de 30 h, l'horaire hebdomadaire a été ramené (pour satisfaire la "demande sociale", comme disent les sciencieux, c'est-à-dire les groupes de pression et les corporations ?) à 27 h (en 1969 ou 70 : les cours ont vaqué le samedi après-midi), puis à 26 h; aujourd'hui à 24 h : 6 heures par jour pendant 4 jours. A ces 24 h, il faut retrancher les 5 h obligatoires de sport (au lieu de 4 antérieurement); plus les sorties dites culturelles ou les activités périscolaires, qui se font désormais pendant le temps scolaire. Il n'y a plus d'études du soir; plus de devoir à la maison.
Le temps consacré à l'étude est aujourd'hui inférieur d'au moins un tiers à ce qu'il était il y a cinquante ans. Autrement dit, six années de scolarité primaire d'aujourd'hui ne représentent plus que quatre années d'il y a un demi-siècle. Exercice d'école primaire à imposer aux ministres : sachant que le temps scolaire de 2008 ne représente plus que 60% du temps scolaire de 1958, combien d'années de "retard" accumule un bachelier de 2008 par rapport à un bachelier de 1958; un licencié de 2008, un docteur de 2008, etc. ? Déduisez-en les rudiments qui sont ignorés.
Cette diminution du temps scolaire a des effets sur la maîtrise des rudiments. Les enfants "issus de milieux défavorisés" ne sont pas les seules victimes de ce système fou : même les enfants de bourgeois sont touchés. Les seuls à échapper au désastre sont les enfants de "profs". On n'est jamais mieux servi que par soi-même (ou, dirait un mal pensant, ainsi on élimine les concurrents potentiels de ses propres enfants). L'arithmétique ignore les classes, les catégories et toutes les divisions sociales.
Les maîtres et les parents savent d'expérience que les rudiments, dans tout apprentissage (au tennis, en menuiserie, en calcul mental, en orthographe), s'acquièrent par des exercices répétés : on revoit, on révise, on reprend, on refait, on répète. Ce n'est pas très intelligent et cela ne donne sans doute pas une très belle image de l'humanité. Qu'y faire ? Il n'y a pas d'homme qui soit naturellement intelligent; personne n'apprend tout tout de suite et sans effort. L'homme parfait ou nouveau n'est pas près d'advenir.
Il est évident aussi que le "système éducatif", qui a été formaté, usiné, mis en ordre de bataille pour mener au désastre, ne s'opposera jamais à ce à quoi il a été préparé. "On ne change pas une société par décret", écrivait Crozier il y a trente ans (ou plus). On pourrait dire la même chose du "système éducatif". On peut craindre que M. Darcos, en dépit de sa bonne volonté, n'arrive à aucun résultat, s'il garde (comme c'est, semble-t-il, son intention) le système tel qu'il est.