Informer, disent-ils

Journal 19 / 20 de FR3, vendredi ou samedi : vendredi, je crois. La journaliste engagée Lucet, du "service public" de l'information, célèbre pour prendre parti en toute occasion en faveur des socialistes et affidés, annonce, avec des bouffées d'indignation dans la voix, qu'un Tunisien de 41 ans vient de succomber (tout à l'instant, c'est tout chaud) au centre de rétention de Vincennes, à la suite de mauvais traitements que lui a infligés la police (elle parle d'étouffements). La nouvelle est rapportée en direct. Peu de temps plus tard, manifestation trotskiste devant ce "centre de rétention"; un peu plus tard, les "retenus" mettent le feu à ce centre : deux bâtiments sont détruits. Le lendemain ou le surlendemain, après que la cadavre a été autopsié, on apprend que la mort de ce Tunisien est naturelle, qu'il a succombé à une crise cardiaque et qu'il n'a subi aucune violence.
Aucune autocritique de Lucet ou de FR3. Aucune enquête du CSA sur le
rôle joué par le "service public" dans les événements ? Lucet et FR3, en diffusant de fausses nouvelles, ont-ils provoqué les émeutes ? Incité les étrangers à incendier les biens de l'Etat ?

Hier soir, mardi, journal de la 2, vers 20 h 10. Le journaliste Pujadas tente de démontrer que l'agression du jeune juif Rudi dans le XIXe arrondissement n'est que la suite naturelle d'affrontements entre bandes, que ce juif aurait déjà participé à un affrontement entre bandes, que la police l'aurait interpelé pour cela et que, contrairement à ce qu'auraient affirmé Sarkozy et les membres de son gouvernement, le racisme ne serait pour rien dans l'affaire, sous-entendant que, si l'agression a pris une telle ampleur, c'est à cause de la coïncidence avec la visite officielle de Sarkozy en Israël. Or, quelques instants auparavant, vers 19 h 30, le procureur de la république a mis en examen 5 individus (sous peu, d'autres vont l'être aussi) pour violences en bande organisée, agressions et antisémitisme.
A ce jour, pour les policiers chargés de l'enquête, pour le juge d'instruction et pour le procureur, le racisme est bien l'un des facteurs de l'agression. Apparemment, France 2 - le "service public" - en a décidé autrement, comme s'il était juge aussi.

Je pense qu'il y a une erreur sur la personne : Elise Lucet présente le journal de midi de France 2 et non le 19/20 de France 3.

Oui, le 19-20, c'est la Pulvar qui s'en charge, en principe.
Par ailleurs, il ne me semble pas que Pujadas ait particulièrement privilégié la thèse du "règlement de compte entre bandes"; il a simplement mentionné le fait que le jeune Rudy était déjà connu de la police pour des bagarres survenues lors d'une manifestation.
Cela ne veut pas dire qu'il est un voyou notoire; cela montre simplement que, dans ce quartier-là (les Buttes Chaumont), quand on est juif (mais sans doute aussi goy "de souche"), il vaut mieux se déplacer en bande munis de poings américains que seul et sans armes.

Je ne sais si JGL a confondu les chaînes ou les présentatrices, mais Elise Lucet symbolise à mes yeux toute la scélératesse journalistique actuelle. Elle est la spécialiste de la propagande la plus crasse enrobée dans la plus douceureuse gnangnantise. Une horreur. C'est d'autant plus frappant que c'est une roublarde, et non une oie blanche semi-analphabète et vulgaire comme beaucoup de ses collègues : elle ne ponctue pas ses phrases de "hein" et de "quoi", et sa syntaxe est à peu près acceptable.

La pseudo-thèse de l'affrontement "entre bandes" fleurit également sur un certain nombre de blogs "de gauche", où est perceptible le soulagement de pouvoir dédouaner à peu de frais les agresseurs.

Marcel, je suis parfaitement d'accord avec vous. Je n'ai plus la télévision depuis au moins trois ans, mais je fais encore des cauchemars avec la Lucet…

Or, quelques instants auparavant, vers 19 h 30, le procureur de la république a mis en examen 5 individus (sous peu, d'autres vont l'être aussi) pour violences en bande organisée, agressions et antisémitisme.

Soyons précis sur cette affaire : pour l'instant, les cinq mineurs interrogés ont été mis en examen pour "non assistance à personne en péril". Selon le juge d'instruction, ils ne feraient pas partie des agresseurs, mais auraient assisté à la scène. Il me semble par ailleurs que le reportage de France 2 a bien rendu compte de l'évolution de l'enquête et des différentes hypothèses ; je n'ai absolument pas eu l'impression que l'on cherchait à tout prix à privilégier une explication et les sous-entendus auxquels fait allusion JGL m'ont complètement échappé.

La tentative de meurtre à caractère antisémite est bien retenue par le parquet.
Voici la dernière dépêche de l'AFP à ce sujet.

Oui, mais je parlais des premières mises en examen, et je me basais sur ce qu'en dit Le Figaro :

Le cadre légal de cette information judicaire doit permettre au juge d'instruction nommé d'entendre les cinq mineurs déférés lundi soir au parquet de Paris en vue de leur éventuelle mise en examen ou placement sous statut de témoin assisté.

On peut lire aussi ceci sur le site d'Europe 1 :

Dans cette affaire, quatre jeunes d'origine africaine ont été déjà déférés au Parquet de Paris lundi soir. Ils ont entre 14 et 17 ans. Un cinquième a été mis hors de cause. Mais les quatre jeunes n'auraient pas participé au passage à tabac. Ils pourraient être poursuivis pour non-assistance à personne en péril pour s’être trouvés sur les lieux de l’agression. L'ouverture d'une information judiciaire va permettre à un juge d'instruction de les entendre avant une éventuelle mise en examen. Le parquet a demandé leur placement en détention provisoire.

Le fait est que la presse cherche à minimiser l'incident et à en réduire la portée en le qualifiant "d'affrontement de type communautaire entre bandes" (voyez par exemple ici). Cela ne manque du reste pas de saveur, sachant que la multiplication des affrontements de ce type est ce que nous commençons à vivre car conséquence inévitable du type de société qu'on nous a concocté, conséquence que les mêmes nient farouchement. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre et ici, cette réduction permet d'escamoter le pire pour la doxa : le fait que les Juifs de l'Est parisien, souvent regroupés là pour fuir le climat antisémite, parfois accompagné de violences, qui règne dans les banlieues, s'y retrouvent confrontés à la même hostilité, venue des mêmes milieux et contre laquelle, puisque l'appareil médiatico-étatique ne les protège pas, ils ne peuvent rien faire d'autre que courber l'échine, émigrer ou tâcher de se protéger en faisant le coup de poing.

Sur ce point-là, je suis d'accord avec vous : je suis également étonné par le fait que l'agression semble avoir eu de très nombreux témoins qui la racontent dans les moindres détails mais se sont tous bien gardés d'intervenir pour tenter d'y mettre fin.

Suite de cette affaire (dépêche AFP de 12h44) :

Cinq mineurs, placés en garde à vue après des affrontements au cours desquels un adolescent de confession juive a été grièvement blessé samedi à Paris, ont été placés sous le statut de témoins assistés, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.

La juge Géraldine Rigollot, qui les a entendus dans la nuit de mardi à mercredi, n'a pas suivi les réquisitions du parquet qui demandait leur mise en examen et leur placement en détention provisoire pour violences volontaires en réunion, aggravées par le caractère antisémite de l'agression et le port d'arme.

Laissons la police et la justice travailler. Pour avoir vécu dans le XIXe je sais qu'il existe des bandes violentes de jeunes juifs appartenant à la mouvance de la Ligue de défense juive et du Bétar, organisations proches de l'extrême-droite israélienne. Un jour, alors que je me promenais pacifiquement avec ma belle dans le parc des Buttes-Chaumont, j'ai vu un jeune Gaulois se faire tabasser parce qu'il avait le mauvais goût de porter un keffieh autour du cou. L'agression avait duré quelques minutes. J'avais proposé à la jeune victime de l'accompagner au commissariat du quartier pour l'assister comme témoin mais il avait préféré ne pas donner suite.

Tout ce que j'ai pu lire sur la question jusqu'à présent me donne à penser qu'il s'agit de réglement de comptes et d'un agon clanique. Dans ce genre de logique, il est très difficile de dire qui a commencé. Les insultes anti-Noirs doivent fuser au même rythme que les insultes antisémites. Telle est mon impression, mais peut-être que je fais fausse route.

Ce qui m'a frappé dans les commentaires sur cette affaire (bien que je n'arrive plus à me souvenir du "média", presse ou audio-visuel), c'est une analyse constatant que des bandes aux appartenances ethniques ou religieuses diverses s'affrontaient depuis des mois "pour prendre le contrôle des Buttes-Chaumont" (et ce terme de "contrôle" est bien celui qui a été employé.) La contamination d'un vocabulaire d'opérations militaires pour rendre compte d'un faits divers est très parlante.