Les hasards toujours nécessaires du gagne-pain me permettent de découvrir un univers rédactionnel que je ne connaissais pas. C'est celui de la présentation avantageuse de divers objets de consommation, réunis dans un catalogue, lui-même destiné aux lecteurs de magazines d'actualité « généraliste ». Je suis recruté pour rédiger les petits textes qui accompagnent ces objets. J'apprends à cette occasion que ces magazines tirent une non-négligeable source de revenus de cette activité de vente par correspondance.
Par suite de cette opportunité professionnelle, des transmissions de documents de travail ont lieu, parmi lesquels une maquette du futur catalogue, un « pour se faire une idée » que je consulte consciencieusement. Les objets sont photographiés, flanqués de petits textes que j'ai d'abord crus porteurs de sens avant de m'apercevoir qu'ils n'étaient qu'un
bloc de texte quelconque, suites de mots partout identiques, imprimés là pour figurer l'espace dont pourrait disposer le texte véritable. Je dis «
bloc de texte quelconque » comme s'il s'agissait de lettres jetées au hasard, mais en réalité c'était un fragment de texte en latin. Je suppose que c'est ce que l'on a trouvé de plus inintelligible en même temps que de plus proche, par la distribution des mots et leur taille, d'un texte ordinaire de catalogue écrit en français.
Je continuais à feuilleter la maquette, reconnaissant de vue une série d'objets globalement identifiables, produits de bien-être et de loisirs, culturels ou physiques, écrans de toute sortes et machines à son, tout l'attirail des appareils de mesure de tout - du temps, du poids, de la masse musculaire, des battements cardiaques - des appareils à se maintenir en forme afin de se servir le plus longtemps possibles d'autres appareils.
Un de ces objets m'arrêta pourtant. Quel pouvait être son usage domestique ? Il me paraissait être un appareil ménager qui pouvait évoquer une bouilloire, ce qui le rattachait à la cuisine, mais certains de ses éléments me l'aurait plutôt fait ranger dans la salle de bains. A moins qu'il n'ait été conçu dans le sillage du fer-à-repasser ? C'était pour moi indécidable sachant la légende ne m'être d'aucun secours. Hélas, il me fallait reconnaître les terribles lacunes de mon éducation : ce latin ne me parlait pas plus qu'à tant d'autres : impossible même de me divertir de la rencontre insolite entre ce qu'il disait et l'objet contemporain. J'expérimentais une double ignorance : de la chose et de son nom, comme un malade d'Alzheimer perçoit peut-être son environnement quand l'assemblage des signes ne dit plus rien.
Aussi, quelque âme charitable et savante pourrait-elle traduire pour moi ce «
bloc de texte », ce latin de bouche-trou, afin d'y mettre un sens, quel qu'il soit (pour la bouilloire-fer-à-repasser-sèche-cheveux, je poserai la question à mes
collaborateurs.)
Voici :
SPLENDIDA PORRO ACULI FUGITANT VITANTQUE ET ALTE
Lurida praeterea fiunt quaecumque turem multaque sunt oculis in eorum sunt in luce fuemum propterea quia, cum confestim lucidus aer, qui quasi purghat eo multisque minutior, et mage pollens.
Merci de votre compréhension.