Quelques exemples tirés de ma propre expérience scolaire :
- Première L. Jour de rentrée des classes. Ma
prof de français et de littérature, également
prof principale, affirme sans sourciller que Descartes est un philosophe des Lumières.
- Troisième. Rédaction - pardon :
épreuve d'expression écrite - dont le thème est la Grande Guerre. J'insère dans le texte - traitez-moi de tricheur, je le mérite - un assez large extrait de
La Comédie de Charleroi de Drieu, que je connais à l'époque par coeur. Le texte de Drieu, à la correction, se trouve être beaucoup plus raturé que le mien. Il y a des "mal dit" par paquets dans la marge.
- Seconde. Ma
prof d'Histoire prétend que tous les détenus des camps de concentration attendaient avec impatience que les Russes vinssent les délivrer. Les Américains violaient les femmes, vous comprenez, et battaient les enfants ; les Russes étaient
si gentils.
- Cinquième. Ma
prof de sport - d'EPS, comme on dit - fait courir un sprint à tout le monde. Elle note les places et les temps de chacun, puis refait courir le même sprint avec des handicaps pour les meilleurs. Elle note en fonction des résultats du second sprint. (Cette pratique est généralisée : on l'appelle VMA, si j'ai bien compris le nom du monstre.) J'étais second de ma classe, je finis dix ou onzième.
- Cinquième. Ma
prof de français, également
prof principale, m'annonce qu'elle n'a plus rien à m'apprendre. J'ai douze ans.
- Sixième. Ma
prof de maths pointe Nesrine du doigt - une cancre ayant redoublé deux fois; puis moi; puis elle affirme : "Si Nesrine travaillait plus, je suis sûre qu'elle serait meilleure que Lacvivier. Personne n'est plus intelligent que les autres." A l'époque, je suis bon en maths. De tels encouragements me font chaud au coeur, et m'encouragent à persévérer dans cette voie.
- Première L. Ma
prof de français demande aux élèves de donner le nom des grands écrivains du XXème. Je propose Giono; elle me répond
textuellement, en une formule qui plaira fort, sans doute, au Maître des lieux :
La campagne, c'est chiant.
- Je suis classé sur les listes d'appel à la lettre D qui est écrite en majuscules, en dépit des règles les plus élémentaires.
- Cinquième. Dans un emportement coupable, j’ai traité ma
prof de français, la veille, de : «
prof de merde » ; je l’approche le lendemain pour la prier d'accepter mes plus plates excuses, un peu gêné, et voilà que je l’entends me dire, reprenant mes termes avec exactitude : « Je suis désolée d’être
une prof de merde. Mais tu comprends, c’est dur pour moi, etc. » Un tel aveu me fait frémir d’angoisse.
- CM2. Mon instituteur, qui organise une chorale par semaine pour l’école entière, à un élève qui bavarde tandis qu’il accorde sa guitare : « Toi, pauvre con, tu vas bouger ton gros tas. » L’élève est un peu gros et il rougit devant tout le monde. Notons que l’homme est un humaniste et qu’il n’a trouvé, dans le vaste répertoire français, que
Lili de Pierre Perret et
Cent ans dans la peau d’un esclave de Francis Cabrel à nous faire apprendre.
- Cinquième. Ma
prof de sport convoque ma mère. Celle-ci tente d’avoir des explications concernant la fumeuse pratique de la VMA, évoquée plus haut. Ma
prof de sport anticipe et lui répond : « Oui Madame, mais vous savez les parents de ceux qui n’y arrivent pas se plaignaient aussi de la notation avant ». Un débat
sur comment bien noter les mauvais élèves s’ensuit, qui est tout à fait passionnant.
- Première L. Mon
prof d’Histoire affirme que
l’Action Française est l’ancêtre du nazisme. Dans le même cours, il parle de l’Exposition Universelle de 1900 comme de
l’avènement du progrès.
« Des métaux en torture, des menaces colossales, des catastrophes en suspens... »
- Quatrième. Collège du douzième arrondissement de Paris. A proximité, un collège juif. Dès qu’un cortège de kippas passe devant les grilles, aux heures de récréation, cela occasionne une sorte de mouvement de foule, et quelques insultes antisémites très conventionnelles. (A l’usage exclusif d’Alain Finkielkraut.)
- Dans un manuel d’éducation civique, pour l’école primaire, un exercice :
Montrez que Jean-Marie Le Pen est hostile à la démocratie.
- Entendu plusieurs fois : « Z’êtes raciste M’dame wesh » - à utiliser quand vous avez fait 37 fautes d’orthographe à une dictée qui ne contenait que dix mots. Marche à tous les coups si teint mat et cheveu crépu.
- CM1. Mon institutrice finit toutes ses phrases par « quoi » ; cela peut donner, je cite de mémoire : «
Moi j’trouve la gouache c’est vraiment cool quoi ». Porte d'entrée sur
la belle langue.
- Troisième. Ma
prof d’Histoire, pour le dernier trimestre, ne donne que des notes collectives, et elle tient absolument à ce que les groupes soient
hétéroclites. Ainsi Cindy qui a 2 de moyenne générale pourra faire remonter la note de Pierre qui a 18,5. Vous comprenez le principe ?
- Autre Procuste, mon
prof d'Histoire de quatrième : lui ne note qu'entre 9 et 13. Ainsi, il suffit de gribouiller deux ou trois lignes incohérentes pour se voir attribuer à peu près la même note que le meilleur de la classe.
- Première L. Celle qui trouve que la campagne
bah c’est vachement chiant et que Descartes
eh ben c'est l'pote à Rousseau nous déconseille de lire Lewis Carroll, qui n’est somme toute « qu’un pédophile ».
J'arrête là et vais me coucher. Chers in-nocents, je laisse ces quelques lignes à votre appréciation. Si je remets la main sur mon carnet d'école - je veux dire celui qui me servait à consigner tous les manquements de mes
profs - je pourrais sans doute encore vous en fournir de très représentatifs.