Cher Pierre-Henri,
Ma proposition est encore plus simple :
Le latin
universum a servi à traduire deux mots grecs distincts l'un de l'autre :
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ὁμοθυμαδὸν, qui signifie "unanimement", "d'un commun accord", "de manière concordante", le thymus étant considéré le siège des émotions par Galien. Ce mot se trouve dans la bible grecque.
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καθόλου, locution qui signifie "en général", "pour tous". Ce mot se trouve dans les traités d'Aristote.
Ces deux mots peuvent éventuellement se confondre si l'on considère les choses sous l'angle de la cause finale : l'universel, c'est tendre vers une même fin ; La généralité peut consister à regrouper ce qui tend vers la même fin. Toutes les sous-espèces de chien ont des fins semblables : même nourriture, même moeurs.
De même, tout membre d'une espèce d'homme, aura des fins conformes à son espèce : ses coutumes. Tout bon musulman ira fréquemment à la mosquée, tout bon chrétien ira à la messe, tout bobo parisien fréquentera assidument les expositions d'art contemporain et achètera des produits bio.
Ce mot coutume est d'ailleurs très intéressant : il se rattache au latin "consuetudo", (j'emploie souvent le néologisme consuétude pour sa beauté), mot qui signifie les
habitudes entre-soi. Or, le latin sue a donné le français Soi, et vient de la dualité grecque ethos/ethnos, que je traduis par
toute ethnie a une éthique. Ainsi, l'on reconnaît un membre d'une ethnie par son éthique, ses moeurs, qui sont les fins conformes à son espèce, étant entendu que les gens s'agitent généralement selon des us et règles morales codifiées et héritées de leur ethnie. Autrement dit, Moi, je ne suis que car versé en un Soi, avec ma dignité. Si mon Soi se dissout, je ne suis plus grand-chose...
Si la cause finale était omniprésente durant l'antiquité, elle a été éradiquée de la pensée moderne, ce qui est fort dommage pour la compréhension des êtres vivants, puisque la cause des actes des êtres vivants est leur fin. L'être moderne est donc conçu inerte, sans vie, sans appétit. Il agit par déterminisme. C'est un atome. Si l'individu s'arrête à la personne c'est que l'on n'a pu diviser les hommes en plus petits morceaux. L'émergence du Moi s'est faite sur les décombres du Soi. Mais comme le Moi sans Soi est vain, le Moi se dissout dans l'anonymat. Il perd sa dignité.
Les atomes, cela se mixent, se mélangent. On agite le bocal pour les faire réagir.
Dans un Soi particulier, la Politique a pour but de régir les aspirations, souvent conflictuelles, des divers Moi. La Politique consiste à régler les fins particulières, de manière à minimiser les antagonismes dans l'entre-soi. Elle peut aussi orienter les buts, par la promotion de comportements exemplaires : le pillage pour une ethnie de pilleurs; le travail, pour une ethnie de bosseurs...
Une fois la cause finale éradiquée, ce qui n'est pas pertinent en science humaine, la Politique perd son sens.
La loi économique dit "la concurrence libre et non-faussée crée la prospérité".
Or, les hommes sont plus heureux dans un pays prospère.
Donc, pour servir l'aspiration au bonheur du peuple, il suffit de mettre en place une "concurrence libre et non-faussée". C'est mathématique, c'est logique, c'est implacable, c'est la
seule politique possible : comprendre la politique est une science exacte, l'équation a été résolue une fois pour toute.
La disparition de la cause finale est à mettre au compte des empiristes anglais, puis du positivisme.
L'on comprend très bien que l'université (qualité d'être unis vers) regroupe tous ceux qui partagent une même fin. Par conséquent, celle-ci n'est possible que si les gens se connaissent et sont attachés l'un à l'autre. L'université se constate, elle ne se décrète pas. Elle repose sur la sédentarité, les moeurs communes, les liens affectifs.
L'universalisme contemporain, en revanche, se décrète en pensée. Nul n'est besoin de liens effectifs. Les hommes sont considérés selon leur dénominateur commun : la nécessité qu'ils ont chacun de satisfaire leurs besoins vitaux. Toutes leurs fins particulières, plus ou moins conformées par l'éthique de leur ethnie, ne peuvent être prises en compte, parce qu'elles divergent trop fortement. Mais c'est en fait le refus de toute civilisation. Limiter la politique à la satisfaction des besoins, c'est produire
un monde de merde.
L'université est à l'universalité ce que le plus petit commun multiple est au plus grand commun diviseur, un produit de l'humanité en ses fins communes vs une division de l'humanité en ses pulsions communes.
La réponse est dans l'histoire des sciences et de la philosophie.