DROIT D'EXPRESSION.
Dans "Sud-Ouest" :
Six mois de prison avec sursis, 750 euros d'amende : tel est le verdict rendu hier contre un homme qui avait menacé de mort le philosophe . Redeker est stupéfait
Le tribunal d'Orléans a condamné hier à six mois de prison avec sursis, 750 euros d'amende et 150 euros de dommages et intérêts un Français de 26 ans
d'origine marocaine reconnu coupable de « menace de mort matérialisée par écrit, images ou autre objet commise en raison de la race » à l’encontre de Robert Redeker.
Suite à une tribune publiée en septembre 2006 dans « Le Figaro » où il critiquait vertement l'islam et son prophète, le philosophe avait reçu des menaces de mort par Internet. Depuis, M. Redeker vit au secret sous protection policière. À l'issue de ce jugement contre le seul auteur jusqu'ici identifié (hormis un islamiste extradé de Libye au Maroc en 2007), il a accepté de répondre à nos questions.
«Sud Ouest ». Quelle est votre réaction à ce verdict ?
Robert Redeker. L'étonnement. On peut se demander
si un verdict d'une telle clémence n'est pas un encouragement pour ceux qui voudraient se livrer à ce type d'intimidation. Un professeur qui insulterait un élève en classe risquerait davantage. À Lille, des jeunes reconnus coupables d'avoir siphonné du gazole ont récolté un an de prison ferme !
► Une grosse déception donc ?
Bien sûr, car, comme l'a dit mon avocat, « le droit de critiquer une religion fait partie de la liberté d'expression». Et ce type de jugement fait peser un risque de banalisation des menaces de mort.
►Vous aviez demandé 100 000 euros de dommages et intérêts...
C'était une façon de signifier que les épreuves que je traverse depuis bientôt deux ans sont inquantifiables. Je ne peux plus enseigner, j'ai vendu ma maison, je vis dans une résidence tenue secrète, mon épouse doit prendre des précautions, mon fils est en internat. Et je dois être protégé en permanence.
► Comment vivez-vous ?
Il n'y a pas de nom sur ma boîte aux lettres, je retire mon courrier à 40 kilomètres d'ici dans une boîte anonyme. Quand je vais à Paris, les RG doivent me prendre en charge à l'aéroport et ne peuvent me lâcher d'une semelle.
► Vous circulez seul ?
Oui, à condition de porter à la ceinture une alarme qui permet à la police de me secourir dans les trois minutes si je l'actionne, ou se déclenche toute seule si je suis à l'horizontale. Je dois éviter de trop fréquenter les lieux ouverts. C'est une vie très compliquée où je suis forcé de regarder les gens avec méfiance.
► Votre reconversion forcée vous satisfait-elle ?
Ayant refusé d'enseigner au Cned (enseignement à distance) parce que j'y voyais un « enterrement » - ce qui est précisément la volonté de mes adversaires -, j'ai été mis à disposition du CNRS, qui a créé pour moi une unité de sciences humaines dont je suis le seul membre. Mon but est de fonder à la rentrée 2008 un séminaire sur Internet avec une trentaine d'étudiants.
Sur quel thème?
La fin de l'humanisme. En partant du constat de Michel Foucault sur ce qu'il
nommait « la mort de l'homme », l'idée est de réfléchir en anthropologues sur le
« posthumain».
► Voyez-vous le bout du tunnel?
Non, la situation géopolitique ne va pas changer de sitôt. Et, avec Internet, il y a une réactualisation constante des campagnes de haine comme celle déclenchée par mon article fin mars dans « Le Monde » dénonçant les théories du complot, et le véritable procès qu'on m'a fait le mois dernier dans l'émission « On n'est pas couché », un piège que m'avait tendu Laurent Ruquier sous prétexte de parler de mon livre sur le sport (1).
► Le livre précédent, consacréà votre expérience, s'appelle «Il faut
tenter de vivre ». Comment faire ?
En prenant les choses comme l'agriculteur qui affronte une calamité naturelle. J'espère cependant que les autres auteurs de menaces de mort, jamais inquiétés parce qu'ils n'avaient pas eu la bêtise de les rédiger sur leur ordinateur, seront enfin arrêtés.
(1 ) «Le sport est-il inhumain ? », éditions Panama,
130 pages, 15 euros.