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Sur le consumérisme

Envoyé par Cassandre 
20 juillet 2011, 17:06   Sur le consumérisme
Lu dans Causeur.


" Georges Kaplan concluait son dernier article en citant Bastiat : « si les marchandises ne traversent pas les frontières, les soldats le feront ». Cette allégation imbécile renferme un chantage implicite qui sous-entend : « si vous ne voulez pas jouer le jeu du grand marché mondial, on viendra mitrailler vos familles ». Voilà qui vous pose un pacifiste.

On peut lui objecter que le chantage, la terreur sournoise et l’injonction autoritaire indirecte sont typiques du langage marchand. Les publicités omniprésentes nous disent en substance : « si vous n’achetez pas le dernier Smartphone, vous demeurerez une merde insignifiante ». Fort de ce constat, on vous propose la camelote dernier cri pour que vous puissiez consommer au nom de la sacrosainte « liberté ».

Il est frappant d’observer que les apôtres de la déesse Marchandise produisent une rhétorique, des réflexes et des valeurs de pisseuse. Tout cela donne la nostalgie des confrontations franches d’autrefois. Il fut en effet un temps où la guerre était à la fois considérée comme la pire calamité possible et comme la mère de toutes les vertus. Quel paradoxe ! Mais toute vérité profonde n’est-elle pas paradoxale ?

L’ethos consumériste ne déteste pas tant la guerre que les vertus militaires

A contrario, la paix marchande qui, pour paraphraser Clausewitz, n’est que la guerre poursuivie par des moyens économiques, se révèle mère de tous les vices. Car la guerre économique en cours repose sur la capacité de chaque individu à se faire acheter. Cet éthos consumériste ne déteste pas tant la guerre classique, qui peut tout aussi bien interrompre les flux commerciaux qu’ouvrir de nouveaux marchés, que les vertus militaires : honneur, sacrifice de soi et fidélités supérieures. Ce triptyque de valeurs forge des types d’hommes peu maniables, sinon réfractaires à la marchandisation.

Or, la marchandise n’a pas besoin d’hommes prêts à mourir – d’ailleurs, qui mourrait pour elle ?- mais de femelles prêtes à se coucher. Lorsque plus personne ne sera en mesure de prendre les armes pour défendre une souveraineté, donc une liberté concrète, lorsque tout aura été pris en charge par l’alliance du Droit et du Marché1, la marchandise pourra pleinement étendre son empire.

Ce jour-là, le Droit totalitaire aura triomphé, permettant la poursuite incessante de la guerre économique mondiale. Un Droit totalitaire dont Eva Joly aimerait exalter le triomphe par des « défilés citoyens » dont l’exemplarité morale désignerait fatalement tous ceux qui ne savent pas suffisamment « vivre-ensemble » et autres sociaux-traîtres présumés.

Les conséquences monstrueuses de cette guerre économique étant indénombrables, ne mentionnons que ses ravages les plus visibles : inégalités comme aucune époque n’en a jamais connues, esclavage industriel dans des proportions inouïes, millions de déportés économiques qui migrent (il)légalement pour occuper des franges sinistrées des territoires autochtones avec le ressentiment et le désespoir des vaincus, colonisations culturelles nivelant par le bas la diversité des créations humaines et minant les plus anciennes et les plus hautes civilisations, etc.

Quand les hommes ont des mentalités de pisseuses

Avec désormais en ligne de mire la possible destruction de la planète elle-même, la marchandise poursuit sa course effrénée. Pour quelque idéal inatteignable brandi comme un étendard au-dessus du monde en souffrance ? Pour la gloire de quelque civilisation supérieure ? Pour le rayonnement d’un mot sacré ? Non, rien de tout cela.

Ce processus qui s’autoalimente ne vise qu’à dorer les chiottes du yacht privé de quelque boutiquier milliardaire, ou autres joyeusetés frivoles.

Alors, contrairement à la phrase imbécile de Bastiat prétendant nous préserver de grands maux grâce à un déversement massif de camelote, le 14 juillet, tandis que la circulation automobile avait en grande partie cessé et que le ciel se voyait fendu d’escadrilles, je pensais à la Justice, à la Paix et à l’Honneur de l’Homme.

Je me disais que pour préserver ces mots trop grands et trop fragiles, il nous faudrait moins d’hommes aux mentalités de pisseuses. Moins d’individus convaincus d’exister le dernier Smartphone en poche et davantage d’hommes fiers, libres, intransigeants à la mentalité de soldats. Non pas davantage de soldats mais plus d’hommes capables, pour défendre un peuple et une liberté, de partir exploser en plein ciel aux commandes d’un Rafale. "

Comme l’a brillamment démontré Jean-Claude Michéa. ↩
Utilisateur anonyme
20 juillet 2011, 17:14   Re : Sur le consumérisme
(Message supprimé à la demande de son auteur)
20 juillet 2011, 17:24   Re : Sur le consumérisme
Très belle philippique. Merci chère Cassandre!
21 juillet 2011, 03:40   Re : Sur le consumérisme
Je suis d'accord, je précise seulement que ces soltats qui partent se faire tuer et auxquels on rend hommage par une cérémonie fort émouvante, ne sont tout simplement pas morts pour la France, comme le dit le président de la République et comme on l'entend de toutes parts. La France n'est pas envahie par l'Afghanistan et l'Afghanistan n'est pas une colonie française. Ces soldats sont morts non pour la France mais pour un ordre mondial qui repose sur des valeurs et un système qui continueraient même si la France disparaissait dans les poubelles de l'histoire ! Les Droits de l'Homme et la société marchande justement. Et nous célébrons ces belles vertus militaires...risible et triste !
21 juillet 2011, 10:40   Re : Sur le consumérisme
Citation
Ces soldats sont morts non pour la France mais pour un ordre mondial qui repose sur des valeurs et un système qui continueraient même si la France disparaissait dans les poubelles de l'histoire ! Les Droits de l'Homme et la société marchande justement. Et nous célébrons ces belles vertus militaires...risible et triste !

L'ordre mondial n'existe pas encore et ces soldats sont morts dans le cadre d'une participation par la France a une action militaire de pacification en Afghanistan et par conséquent ils sont donc bien tombés au champ d'honneur pour la France et non pour une entité pour le moment encore idéologique.

Le vrai scandale sont les conditions draconiennes (quasi camisole de force) qui leur sont imposées dans leur travail sur le terrain qui sont par ailleurs absolument indignes d'une armée qui se respecte.
21 juillet 2011, 17:09   Re : Sur le consumérisme
Non. Pas d'accord. Voyez I C I
21 juillet 2011, 19:06   Re : Sur le consumérisme
Et l'auteur de cet article s'appelle Romaric Sangars. Il appréciera que l'on cite son nom.


Pour autant, je ne suis pas certain qu'un citoyen d'un pays du tiers-monde célebrant souvent la guerre et les vertus militaire et qui s'est acheté son premier aspirateur et sa première bagnole, écrira le même article. Moi je préfère quand même les vertus commerciales aux vertus militaires.
21 juillet 2011, 19:18   L'alternative
Ah, c'est justement ce que disait Jacques Attali ce matin, sur France Inter : le commerce, c'est mieux que la guerre.
(Vous ne voulez pas la guerre ? non, bon, alors vous n'avez plus qu'à accompagner la mondialisation heureuse).
21 juillet 2011, 20:10   Re : L'alternative
Rien n'est plus mondialiste qu'un Taliban. Et rien n'a plus le sens du commerce, cela pour ceux qui se figurent que le commerce de la gomme de pavot est plus aisée que celui de pneus Michelin.
21 juillet 2011, 20:19   Re : Sur le consumérisme
Cela dit on peut produire aussi de la gomme avec des pneus Michelin. À condition de ne pas avoir d'ABS.
21 juillet 2011, 20:21   Re : Sur le consumérisme
Comme on disait enfant: "Lève le pied Didier, ça fume là!"
21 juillet 2011, 20:25   Mentalité de chieur
On ne peut blâmer le boutiquier milliardaire de préfèrer déféquer confortablement installé sur la lunette dorée de ses chiottes plutôt que d'aller crapahuter sur les dunes en risquant de se faire trouer les intestins.
Ces va-t-en-guerre sont un peu lassants à vouloir vendre la peau des autres contre la restitution de leurs beaux principes, pourvu que la valeur "marchandise" n'y trouve plus son compte.
21 juillet 2011, 22:00   Re : Sur le consumérisme
Le commerce est un monstre froid et le profit, sa raison d'être, nous devoue à l'aliénation. Perdre sa vie à la gagner semble l'aliénation par excellence.
22 juillet 2011, 19:30   Re : Sur le consumérisme
Je suis pleinement d'accord.
La proposition de la société du tout-marchand ne dépasse pas le diaphragme. C'est la société du tout besoin. Se remplir le ventre, soigner son nombril, voilà l'horizon humain; voilà le meilleur de la modernité !

Le consommateur tyrannise le producteur. Mais toute chose consommée ne doit-elle pas être d'abord produite ? Comme c'est ingénieux : l'homme, scindé en consommateur / producteur, se tyrannise lui-même...

L'homme ne perçoit pas cette guerre qu'il se livre à lui-même, ceci au nom de la nécessaire survie. Le polémergisme, le polémoconsumérisme, le polémo-ergato-consumérisme sont l'auto-destruction de l'homme par une guerre qu'il se livre à lui-même.

Le libéralisme polémergisme, c'est la liberté de se livrer à la guerre de tous contre tous.
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