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"D'un génie français"

Envoyé par Henri Bès 
01 juillet 2008, 14:55   "D'un génie français"
Est-ce le signe que les temps changent? Diapason, en page 42 de son dernier numéro, publie un éditorial d'Ivan A. Alexandre intitulé ainsi. On y trouve réfutée cette citation de Jacques Attali que je ne résiste pas à la tentation de reproduire : " Au XVIII°s c'est dans la musique que sont apparus les premiers signes de crispation : alors que l'italien était la langue universelle de l'opéra, les Etats imposèrent d'écrire des opéras dans la langue nationale ; et tout cela se termina avec les guerres napoléoniennes et le nationalisme du XIX°s. " M. Alexandre s'amuse à compter le nombre d'erreurs contenues dans ces quelques lignes de l'auteur du Rapport pour la libération de la croissance française.
01 juillet 2008, 15:07   Re : "D'un génie français"
Les crispations d'aujourd'hui, cher Henri, elles sont communautaristes, régionalistes, tribales, dirais-je. Ici, nous sommes en passe de devenir champions du monde pour les deux dernières.
01 juillet 2008, 16:27   Les deux Belgique
Bien chère Aline,


A l'occasion d'une mission dans le nord de la France très récemment, j'ai procédé à mon habituelle excursion à Ostende.


J'y ai vu, dans un restaurant de bon aloi (le Vieux Port, si vous connaissez), une Belgique correspondant à mon souvenir.

Il est vrai que mon choix, en matière de restaurants, est guidé par des principes simples :

- être inscrit au guide Michelin ;

- avoir, au premier coup d'oeil, une clientèle nombreuse, bourgeoise et plutôt âgée.

Etant arrivé tard, on m'a dit que je ne pourrai avoir de table avant quarante-cinq minutes. J'ai vu, à cette occasion, que la clientèle était vers les soixante-dix ans, et de bonne tenue. Devant cet encouragement, je suis allé me promener et voir la mer du Nord.

Trois quarts d'heure plus tard, je n'ai pas été déçu.

Le maître d'hôtel, flamand, me parla en français. Les clients parlaient l'une ou l'autre langue.

Le menu fut le suivant : croquettes de crevettes, bisque de homard, turbotin sauce au Noilly, parfait de fraises à la Chantilly, avec un Bordeaux blanc. Rien que de très classique, mais de très bon.


Le soir, à Bruges, en quête de Wifi, je pris un verre au Novotel du centre ville. Le jeune barman (il sera pardonné car fort mignon) ne savait, malgré sa bonne volonté, que très mal le français. Mes compétences en flamand étant limitées, je lui parlai donc en anglais, pour sa plus grande joie.
01 juillet 2008, 17:14   Re : Les deux Belgique
Cher Jmarc, le joli récit de votre excursion ostendaise me donne envie de courir toute affaire cessante à la mer du Nord, d’ailleurs par ce temps superbe, c’est l’envie de tous les Belges, querelles communautaires ou pas. A la côte, il n’y a en effet, aucun problème à parler français. Dans les villes flamandes non plus, en principe, sauf que les jeunes le connaissent de moins en moins. Mais dès que vous tentez de baragouiner quelques mots de flamand, votre interlocuteur continue obligeamment en français. Du moins, c’est mon expérience et celle de plusieurs connaissances et amis.
01 juillet 2008, 17:23   Re : Les deux Belgique
Si vous étiez resté dîner à Ostende, je vous aurais demandé : "N'était-ce pas vous cher Jmarc?"





Léon Spilliaert
02 juillet 2008, 08:30   Re : "D'un génie français"
Ah, il doit faire bien bon à Ostende, à l'abri de ces brutales canicules. Attali cependant projette dans l'histoire des préoccupations et des termes du présent, sans craindre de commettre de grossières erreurs. C'est le propre de l'idéologue.
02 juillet 2008, 09:26   Re : "D'un génie français"
Cher Henri, j’ai fait « dérailler » quelque peu votre propos. Ne nous citeriez-vous pas quelques-unes de ces erreurs pointées par M. Alexandre ?
Les guerres napoléoniennes conséquence directe de l’utilisation de la langue française dans l’opéra, il faut oser l’avancer...
02 juillet 2008, 10:59   Re : "D'un génie français"
PH. Meyrieux avait bien soutenu dans un article du Monde que les émeutes urbaines étaient la conséquence ... du cours magistral !
03 juillet 2008, 11:58   Re : "D'un génie français"
Les livrets des opéras de Lully et de Rameau, entre autres, étaient en français.
04 juillet 2008, 11:53   Re : "D'un génie français"
N'empêche, chère Aline, cette histoire de "génie français" m'intrigue un peu. On a abusé de cette idée dans le passé, et elle est apparue dans des discours souvent ineptes sur le caractère des nations. Aujourd'hui, M. Alexandre suit cette vieille tradition en écrivant que la "Francité" consiste dans le mélange, ce qui appartient à la doxa du moment. J'ai écouté récemment Médée de Marc-Antoine Charpentier, qui fut un échec à la scène en 1693. On y trouve tous les signes extérieurs d'un opéra à la française ("crispé", dirait Jacques Attali), mais les dialogues (qui sont de Thomas Corneille) et la situation montrent comment une cabale se forme pour tromper Médée, et l'éloigner de Jason qu'on veut remarier pour raisons stratégiques. Les dialogues sont extrêmement hypocrites et perfides. On drape en de grands principes immortels les plus bas intérêts. Même l'amour si touchant de Jason pour Créüse n'inspire guère d'émotion : l'un trahit Médée et lui ment comme un arracheur de dents, l'autre fait de même avec un autre qu'il ne faut pas désespérer absolument, car il peut servir l'Etat. Voilà qui jette sur les airs, ballets et hymnes à l'amour et à la fidélité, une curieuse lumière, comme si La Rochefoucauld et La Bruyère avaient collaboré au livret. Comme je ne suis pas habitué à rencontrer des héros d'opéra si complexes, si retors, ni des situations si évidemment ironiques, je me suis demandé si Médée de Charpentier ne révélait pas une caractéristique de l'art et du génie français, jusque dans le rejet du public de l'époque.
04 juillet 2008, 22:22   Re : "D'un génie français"
Cher Henri, j’ai vu, dernièrement à la Monnaie une Médée, assez belle vocalement et magnifiquement dirigée par Christophe Rousset mais dans une mise en scène pénible, « aux accents d’aujourd’hui », comme on dit.
C’était donc la version française.
Petit extrait de la critique de « La libre Belgique » :

« Une descente aux enfers qui s’achève sur le pire:
Un homme, Jason, bâtit sa carrière et sa fortune sur une suite de malversations et de crimes grâce à la complicité et au savoir-faire de sa femme, Médée. Arrivé à ses fins avec la Toison d’Or chèrement conquise en bandoulière, il la plaque pour un parti plus jeune et surtout plus fortuné. Celle qui par passion amoureuse a tout accepté et renoncé à tout, se retrouve privée de point de repère. Cassée. C’est la descente aux enfers qui s’achève sur le pire, le meurtre des enfants, symboles d’une union trahie, désavouée… C’était hier, c’est aujourd’hui. La fatalité des Médée ne se limite pas aux fantasmes des écrivains ou musiciens, elle continue de nourrir les colonnes des faits divers de nos journaux.
Une femme femelle dans toute sa splendeur:
C’est ce point de vue qui fascine dans le parti pris de Warlikowski. Jason est un bellâtre arriviste, produit dévié du Flower Power des sixties, Créon est homme d’affaires et probablement politicien de la trempe berlusconienne, Dircé, sa fille une fleur bleue effarouchée qui a trop bien compris les manèges de ses aînés, et Médée, une femme, femelle dans toute sa splendeur, hallucinée par son propre sort…
Après son bouleversant Parsifal à l’Opéra de Paris (voir webthea du 6 mars 2008) qui provoqua quelques remous, le défricheur d’âme polonais réussit une nouvelle gageure : faire d’un mythe antique une histoire qui nous concerne. Le public bruxellois, apparemment moins frileux que celui de Paris, est entré dans le jeu sans ombrage.
Il est vrai que la force de la réalisation et la splendeur de l’exécution musicale font tomber barrages et réticences. Dès qu’on entre dans la salle, il se passe quelque chose : sur un rideau de soie crème défilent les images de films de ces années soixante, mariages, bals, cours de recréations sur fond de rengaines de ce temps-là. Les Talents Lyriques de Christophe Rousset et leurs instruments d’époque prennent place dans la fosse surélevée. La magie est lancée : sobres décors et éclairages chirurgicaux (avec quelques abus de néons), symboles facilement déchiffrables – sur la pesanteur de la chrétienté notamment - , costumes un rien simplistes, Médée en fourreau noir, bas résille et talons aiguilles, Jason coiffé afro-punk, Créon en bermudas… »
(…)

En fait, rien ne nous a été épargné pour nous faire comprendre, pauvres imbéciles que nous sommes que ces personnages n’ont rien de mythique, comme vous avez pu le constater en lisant cet extrait. Mais le PIRE : les dialogues parlés ont été remplacés par des dialogues ACTUELS, dans un langage populacier et un vocabulaire de 40 mots (« casse-toi » dit l’un des deux chiffonniers, Jason ou Médée, je ne sais plus).
Et pire encore, car il y a toujours pire : nous avons été gratifiés de certains « surtitrages » en …arabe. Mais oui voyons, Médée est étrangère, de langue étrangère, de religion étrangère…
05 juillet 2008, 08:39   Re : "D'un génie français"
Mon Dieu, Aline, mon Dieu... Je ne pense pas tous les jours à Thomas Corneille, mais remplacer ses dialogues, quelle idée! Etes-vous sûre qu'il s'agit de la Médée de Charpentier ? Il n'y a pas de dialogues parlés dans cette oeuvre où tout est chanté, et la rivale de Médée se nomme Créüse, non pas Dircé. Alors vous avez aussi ce genre de plumitif à la Libre Belgique ? Qui parle de "femmes femelles" et dit qu"il se passe quelque chose" sur scène ? Qui voit Médée "descendre aux enfers" alors qu'elle y est chez elle, à tu et à toi avec les plus affreux démons ? Je croyais que cette engeance (les journalistes cultureux, pas les démons) ne pullulait qu'à Paris, Aix et Avignon, mais que l'heureuse Belgique en était ... libérée. Hélas, le voilà, ce fameux génie français : sa caractéristique, c'est d'être contagieux.
05 juillet 2008, 15:08   Re : "D'un génie français"
Mon Dieu, Henri, mon Dieu, quelle méprise et quelle distraction de ma part ! Vous parliez de Charpentier et moi de Cherubini (sa Médée créée à Paris en 1797).
Ces journalistes cultureux, comme vous dites, sont pénibles chez vous comme chez nous. Dernièrement Le Soir et La Libre ont descendu en flammes la mise en scène de la Forza del destino (Dirk Tanghe), dernier opéra de la saison, sous prétexte qu’elle était trop statique. C’était pourtant un spectacle très fort, plein de réminiscences picturales et imprégné d’une forte influence mystico-flamando-espagnole. Cela vous aurait plu, j’en suis sûre.
05 juillet 2008, 22:27   Re : "D'un génie français"
Ah! c'était l'autre Médée. Et vos journaleux trouvent les mises en scène picturales trop statiques, bien sûr. Si je vivais sous vos heureux climats, j'achèterais la presse culturelle flamande, pour ne pas comprendre ce que je lis.
Utilisateur anonyme
08 juillet 2008, 17:08   Re : "D'un génie français"
Y a pas à dire, la


culture française, y'a qu'ça d'vrai !
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