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Pour changer

Envoyé par Cassandre 
01 juillet 2008, 17:00   Pour changer
J'ai revu " le Gépard " que je n'avais plus vu depuis très longtemps. Quel superbe film et Dieu qu'Alain Delon était beau à l'époque !
01 juillet 2008, 20:08   Guépard
Bien chère Cassandre,

Avez-vous lu l'ouvrage de Fulco di Verdura ?
Utilisateur anonyme
01 juillet 2008, 21:05   Tout changer pour ne rien changer
Claudia Cardinale, en sang neuf, n'est pas mal non plus (mais je me demande si vous l'aimez.)

Scènes qui me reviennent de prime abord : le bal où le prince Salina jette un œil désabusé sur les jeunes aristocrates qu'ils comparent à des "guenons" (je crois); les jeunes mariés visitant au pas de joie les pièces vides et délabrées d'une des ailes du château; la conversation entre Salina et le chasseur (Serge Reggiani).
01 juillet 2008, 21:28   Guenons
Je ne me souvenais pas de cela dans le film, plutôt dans le livre...

La scène qui me revient : le Te Deum avec la famille au grand complet, et le prince dressant la liste des invités, et remerciant le Seigneur que don Ciccio n'ait pas de femme...
01 juillet 2008, 21:31   Curés
Avez-vous noté que, contrairement au livre, le film commence sur une scène religieuse (Notre Père récité dans une pièce par la famille assemblée) et se termine par le prince s'agenouillant au petit matin, dans la rue, devant le Saint Sacrement ?

Il est commage que Visconti ait escamoté une des meilleures scènes du livre, celle durant laquelle le père Pirone négocie le mariage de sa nièce qui a été grugée par son cousin, le tout pour une histoire d'amandiers fort ancienne...
01 juillet 2008, 21:46   Re : Pour changer
le prince s'agenouillant au petit matin, dans la rue, devant le Saint Sacrement ? Et à côté d'un tas d'ordures, si j'ai bon souvenir...
01 juillet 2008, 22:14   Viatique
Exactement, je vois très bien cette image, chère Aline.

C'est au moment où le viatique est porté à un agonisant.
01 juillet 2008, 22:23   Re : Pour changer
Et il soupire, si je me souviens bien et si j'ai bien entendu, quelque chose comme : dire que tant de splendeur n'est possible que par l'existence de ces ordures. C'est une scène magnifque, mais il faudrait les citer presque toutes, par exemple l'arrivée dans son palais de la famille Salina après l'interminable voyage dans la chaleur et la poussière à travers une Sicile africaine brûlée de soleil.
En ce qui concerne les personnages, ils sont tous merveilleusement incarnés, sauf, selon moi, celui d'Angelica. Je trouve, personnellement, Claudia Cardinale peu à son avantage avec cette coiffure qui lui écrase le visage et un maquillage terne qui la fait trop moricaude . De plus, elle ne me paraît pas pas tout-à-fait à la hauteur des autres acteurs. La scène où elle est censée avoir couru à perdre haleine en apprenant le retour de Tancrède et où l'émotion devrait le disputer à l'essoufflement, me paraît mal jouée.

Non, cher Jmarc, je n'ai pas lu ce livre. Pourriez-vous m'en dire un peu plus ?
01 juillet 2008, 22:32   Arrivée
Bien chère Cassandre,

C'est exactement la scène qui précède celle du Te Deum, où l'on passe de la lumière à l'ombre, où la famille a l'air de statues dans les stalles...

C'est aussi la scène où il s'adresse à la chienne de don Ciccio avant de saluer celui-ci !
01 juillet 2008, 22:35   Fulco
Etait le cousin de l'auteur du Guépard. Je crois qu'Edmonde Charles-Roux le découvrit, du point de vue littéraire (Edmonde Charles-Roux, pour des raisons familiales, connaissait très bien l'aristocratie italienne).

Il a écrit ses propres souvenirs sur le Guépard, et j'ai parcouru Palerme son livre à la main, visitant les ruines non encore déblayées du palais de Fabrice.

Voici un lien à son propos.

[www.italialibri.net]
01 juillet 2008, 22:41   Tancredi
De toute façon, bien chère Cassandre, un ouvrage dont le héros se nomme Tancrède ne peut que vous séduire !
02 juillet 2008, 00:32   Re : Pour changer
Tancrède, ça sonne si bien, comme du Monteverdi. Dans "Rocco et ses frères, Delon avait aussi une belle gueule. Quant à Claudia Cardinale, elle me paraît mieux dix ans après.
02 juillet 2008, 08:16   Re : Pour changer
Claudia Cardinale était vraiment magnifique, et elle l'est restée très longtemps. Mais on ne peut pas dire qu'elle fut jamais une grande comédienne...
02 juillet 2008, 08:44   Re : Pour changer
La comparaison du film et du roman fait apparaître d'intéressantes oppositions. L'oeuvre de Visconti est progressiste, donc totalement étrangère au tragique, tandis que celle de Lampedusa est véritablement "espérophile, espérotrope, espéromane : un[e] adorat[rice] du soir...", pour parler en termes camusiens. Tout l'amour de Lampedusa "est pour le soir, pour l'occident, pour tout ce qui tombe, pour les pouvoirs finis, pas pour ceux qui s'apprêtent." Je ne m'étonne pas que le manuscrit posthume ait été refusé par les autorités éditoriales italiennes soumises au PCI de l'époque, et qu'il ait été publié par Bassani, dont Le jardin des Finzi-Contini contient la même méfiance envers l'avenir et ceux qui le portent (Micol semble deviner qu'elle mourra bientôt, et regarde avec un certain éloignement l'optimisme épais de Giampi Malnate, celui qui va gagner). C'était horriblement bourgeois en 1958. Il est surprenant de voir dans l'oeuvre de Visconti tant de scrupuleuse fidélité aux détails du livre accompagner pareille trahison (créatrice) de son esprit.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2008, 09:03   Changeons.
Le Guépard et Senso sont les meilleurs films de Visconti, cinéaste par ailleurs très nettement sur-estimé. Il n'en reste pas moins dans Le Guépard (Lancaster y est magnifique) un coté keepsake que vient renforcé de prétentieux cadrages de traviole (assez curieusement ce qui est critiqué chez Duvivier passe inaperçu chez Visconti, idem pour les zooms dans les Damnés). D'autre part la bataille de rue est complètement factice.
On aura compris que je ne suis guère sensible au décorum viscontien destiné à cacher une vrai laideur formelle (cf Ludwig)
02 juillet 2008, 10:21   Pirone
Bien cher Henri,


Je partage totalement votre analyse : prenez par exemple le personnage du père Pirone. C'est sans doute celui pour lequel l'auteur a, dans le roman, la plus grande tendresse : il est issu d'un milieu modeste, mais c'est un homme très fin.

Dans le film, c'est un lourdaud.
02 juillet 2008, 10:30   Re : Pirone
J'ai lu le roman il y a bien longtemps et je ne me souviens que de l'éblouissement qu'il m'avait procuré. Il me semble tout de même que, dans le film, Salina essaie de " sauver les meubles" : " il faut que tout change pour que rien ne change " ... Il est sans illusions ni sur son monde en déclin ni sur celui qui est en train de prendre la relève et avec lequel il lui semble habile de pactiser.
02 juillet 2008, 11:14   Un art mineur
Chère Cassandre, ce n'est pas Salina qui pactise le premier pour sauver les meubles, c'est son neveu Tancrède, qui lui donne une leçon initiale (et initiatrice) de pragmatisme politique, et qui est l'auteur de la fameuse phrase que vous citez, passée en proverbe en Italie, m'a-t-on dit. En cela au moins, Visconti a été fidèle au roman. A ce propos, le texte a été retraduit par Jean-Paul Manganaro, sur une version mieux établie et plus fidèle au travail du romancier que celle que Bassani publia. C'est une retraduction absolument nécessaire.

Les remarques qui précèdent de Pascal et de Jmarc, confirment d'autre part ces réflexions frappantes que vous aviez faites sur l'ancien forum : vous montriez de manière extrêmement convaincante que le cinéma est vraiment un art mineur, que l'on surévalue au point de l'égaler au théâtre et plus généralement à la littérature, alors que selon vous, si ma mémoire est bonne, il souffre de certains défauts constitutifs qui le condamnent au schématisme et à la superficialité. J'espère ne pas trahir votre pensée, qui m'avait aidé à formuler l'insatisfaction ou le malaise diffus que j'éprouve toujours devant le meilleur des films.

On pourrait appliquer à Visconti ce que Renaud Camus écrit de Pina Bausch dans un de ses journaux (Les nuits de l'âme, 1996, p. 228) : "Les amateurs de Pina Bausch m'ont toujours donné d'elle une opinion très réservée, non par ce qu'ils m'en disaient mais par ce qu'ils étaient. Je me souviens parfaitement du premier enthousiaste, du premier discours enthousiaste, il y a près de vingt ans de cela, sans doute : les termes de l'éloge, mais surtout ce que je savais du laudateur et de ses goûts d'autre part, avaient suffi à me convaincre que Pina Bausch ce n'était vraiment pas pour moi." Vers 1975, j'étais un ardent sectateur de Visconti, faute d'un goût sûr et bien éduqué (et la musique de Mahler, si j'ose dire, a eu du mal à se remettre de La mort à Venise dans ma mémoire). Le roman du Guépard est au programme scolaire cette année et l'année prochaine, et en montrant le film aux élèves à titre d'illustration, je me suis souvenu de tout cela.
02 juillet 2008, 12:45   Re : Un art mineur
Ma parole , ma mémoire m'inquiète ou j'ai dû avoir une seconde de distraction (ce qui m'arrive souvent en regardant des films à la télévision), et puis j'étais encore toute imprégnée du souvenir ébloui que je gardais de la première vision du film.
Je suis bien d'accord, cher Henri, je trouve le plus souvent que le cinéma est un art mineur. Il est évident qu'un film ne rendra jamais toutes les nuances d'un chef-d'oeuvre de la littérature. Il y a comme toujours, des execptions. " le Gépard " me paraît, malgré les critiques des uns et des autres auxquelles je souscris dans l'ensemble, l'une de ces exceptions. Ou alors c'est le charme de Burt Lancaster et d'Alain Delon qui agit sur moi.
( Comme Renaud Camus, je n'aime guère Pina Baush. )
02 juillet 2008, 14:17   Re : Un art mineur
Soyez indulgent avec le cinéma qui, il est vrai, est un art mineur, mais au sens où il n'a pas l'âge, tout simplement, de ses grands aînés qui, eux, sont majeurs depuis des siècles.
03 juillet 2008, 13:36   Re : Pour changer
Ces propos sur le cinéma étaient bien de vous, je crois, chère Cassandre. Cela ne m'empêche nullement d'être indulgent avec cet art, non parce qu'il est jeune, mais parce qu'il me divertit et me donne du plaisir. Il n'est pas comparable au roman qui survécut longtemps à un discrédit séculaire avant de devenir un art majeur au XIX°s. En effet, aucun discrédit n'affecte le cinéma aujourd'hui, au contraire. Il n'a aucun besoin d'être défendu.
07 juillet 2008, 08:58   Re : Pour changer
Admirons ceux qui décident de la majorité des autres...
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