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Court-circuit éclairant

Envoyé par Henri Rebeyrol 
07 juillet 2008, 10:43   Court-circuit éclairant
Mercredi 2 juillet, TF1 a diffusé à partir de 20 h 50 un long reportage de M. Hulot sur la forêt amazonienne, sur la faune et la flore, sur les poissons et autres animaux de la forêt immergée : admirables photos, cadrages soignés, lumière soignée, images léchées, etc. Du point de vue de la technique télévisuelle, ce reportage est un chef d'oeuvre : l'équivalent de la photo d'art sur papier glacé.
L'objectif était double : faire comprendre le rôle joué par la forêt primaire dans la survie de la planète (poumon de la terre, réserves de molécules pharmaceutiques, diversité biologique, etc.) et donc protester contre la déforestation mise en oeuvre pour cultiver du soja et autres plantes d'exportation ou destinées à l'industrie agro-alimentaire; et développer le thème du "bon sauvage" : les Zoés, des enfants, des femmes, des hommes, tous très bons, innocents et purs par nature, vivant en harmonie avec leur milieu, etc.

Or, vers 21 h 45, pendant la diffusion de ce reportage luxueux et très bien pensant, a été annoncée, dans un bandeau, la libération de Mme Betancourt et de 14 autres otages, retenus par les FARC depuis 6 ans ou plus, dans la forêt colombienne, à quelques centaines de kilomètres du lieu où la nombreuse équipe de M. Hulot filmait les Zoés et les dauphins d'eau douce, etc.

Que nous a appris Mme Betancourt au cours de ses nombreux témoignages le lendemain ? Que la forêt est un enfer, même pour l'écolo qu'elle est, que le milieu est hostile et dangereux, qu'elle n'a pas vu le ciel pendant 6 ans, qu'elle était obligée de porter en permance un très large chapeau pour se protéger des fourmis, des insectes, des tiques et autres saletés qui tombaient en permanence des arbres... En bref, elle a démoli, en quelques phrases, le mythe (beau mais mensonger) diffusé au même moment par M. Hulot. Le réel s'est invité dans un écran de (beaux) mensonges et a dissipé en un instant ce factice écran de luxe qu'est la télévision. Ce fut la revanche du réel. Un grand moment de télévision : mais involontaire.

Si M. Hulot avait un peu de culture et s'il avait lu Lévi-Strauss ou même Pierre Clastres, il aurait appris ce qu'une expérience malheureuse a fait subir pendant 6 ans à Mme Betancourt : que le bon sauvage n'existe pas, que les tribus indiennes se sont aussi entre-massacrées, que la vie dans la forêt est une épreuve, que les dangers y sont innombrables, que, même si les indiens travaillent peu (2 h par jour, dixit M. Hulot : deux fois moins que les 35 heures de Mme Aubry), ils s'ennuient beaucoup, que leur vie sociale est réglée par d'innombrables règles ou contraintes, souvent absurdes, dont la signification échappe même aux esprits les plus acérés de l'ethnologie, etc.
Utilisateur anonyme
07 juillet 2008, 16:05   Re : Court-circuit éclairant
Je l'ai vu aussi et partage votre scepticisme. Il y a un fait étonnant cependant.
Ces Zoés ont la peau intacte de toute agression d'insectes, d'infections, de maladies. On peut comprendre qu'ils évitent les éraflures par l'habitude de la marche en forêt, mais il y a les accidents, quand même ! Un mystère ?

Ce documentaire réhabilite encore et fortement le mythe du bon sauvage, et par conséquent celui du vilain occidental coupable de tout en effet. Lassant.
07 juillet 2008, 19:19   Re : Court-circuit éclairant
Impossible, en dépit des promesses et auto-promesses de ne plus y revenir, de ne pas réagir ici à ce qui est dit des forêts tropicales, assez semblables sur les trois grands continents. En gros, en très gros: la haute futaie tropicale et équatorienne, qu'elle soit congolaise, de Bornéo ou du plus continu des complexes forestiers tropicaux sur terre, l'Amazonie, présente cette caractéristique d'être le milieu terrestre le plus HOSTILE qui soit au visiteur, comparable en cela au coeur de l'Antarctique, à cette différence près que l'Antarctique vous tuera en quelques heures tandis que la forêt équatoriale vous rendra fou avant de vous tuer assez lentement.

Ceux qui comme les Zoés habitent ces lieux se prémunissent des araignées microscopiques et des grosses tiques ivoire qui vous tombent sur le scalp comme des boules de pétanque du troisième étage de la canopée, et se gardent une jolie peau de pêche sans en apparence se l'égratigner en se soignant y compris prophylactiquement d'onguents divers que leur fournit le monstre, pris à même son pelage vert.

La raison principale du retard accumulé par le monde tropical dans l'aménagement de ses forêts (par rapport au monde tempéré) tient tout entière dans cette hostilité qui rend quasi impossible le recrutement de techniciens prêts à affronter cet enfer de l'extérieur. Les hommes qui travaillent en Antarctique touchent 15000 euros par mois non imposables, tandis que l'on voudrait contenter des malheureux de quelques poignées de dollars pour séjourner dans les sylves infernales d'Amazonie en y soignant la nature pour le bien de l'humanité. Ces gens devraient voir leur abnégation rémunérée non moins que de footballeurs professionnels internationaux. A défaut de cette prise de conscience, la déforestation ira galopant.

La cause première, immédiate, de la déforestation mondiale, de la perte de la biodiversité tropicale gît dans ce fait: le non -reconnaissance de la NATURE de cette nature.
07 juillet 2008, 21:10   Forêt
A la suite de Francis, un ajout à propos des forêts tropicales, ayant eu à exercer en Guyane française (qui constitue la partie française de l'Amazonie, vaste étendue peu définie allant du Venezuela et du Pérou à l'Atlantique).

Elles sont très hostiles à l'européen, non qu'on risque de se faire dévorer par des bêtes féroces, mais car les moustiques y sont très agressifs, et vecteurs de formes particulièrement pernicieuses de paludisme (je ne parle pas de la fièvre jaune, pour laquelle un vaccin existe, ni de la dengue, pour laquelle aucun vaccin n'existe).

L'européen y trouve un autre mal : l'alcool. Le nombre de décès dus à l'alcool, en Guyane (suicides, meurtres, divers cancers, accidents) est inouï.

Il est exact que les "sauvages" y sont bien : ils savent s'adapter et "lire" la forêt (si un européen s'éloigne d'un layon, il est cuit). Cependant, j'ai vu ces mêmes indiens percevoir en Guyane le RMI en début du mois, traverser l'Oyapock en pirogue (il s'agit en fait d'un navire à moteur non éco-responsable), aller se saoûler à mort au Brésil, et revenir trois jours plus tard amochés et fauchés.

Enfin, un point important sur la nature des sols (podologie) : le sol tropical est très fragile ; une fois la forêt défrichée, attention !
Utilisateur anonyme
08 juillet 2008, 17:57   Re : Pension en bord de mer
Vous avez raison, cher Francis : les vacances de M. Hulot étaient plus plaisantes quand la caméra était tenue par l'acteur.
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