Le site du parti de l'In-nocence

Antibes, 08-08-63

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
07 juillet 2008, 20:28   Antibes, 08-08-63
C'est une vue du petit port d'Antibes.

le 8 aout 63,

Ma chère Mémère,

Nous passons de bonnes vacances, je suis presque bronzé comme un sénégalais. J'ai aussi du poil aux pattes qui commence à friser (le poil évidemment !) J'espère que vous allez prendre un bon repos et d'heureuses vacances dans la belle maison d'Usseau, généreusement éclairée grâce à : l'Huile Lessieur "3 fois meilleure". Je t'embrasse de tout mon coeur.
Jean-Eric
07 juillet 2008, 21:27   Re : Antibes, 08-08-63
"maison généreusement éclairée à l'huile Lessieur", en 1963. Dans ces épouvantables chaleurs des étés nucléaires 1962 et 1963. Je n'y comprends plus rien. Cet été-là, l'OAS ne lâchait rien, fleurissait sur les murs de métropole. L'enfant que j'étais admirait leur glorieuse dissidence. L'été écrasant, qui vidait les rues, était tout à l'OAS, à ces malheureuses familles de rapatriés timides à qui l'on avait ouvert des locaux d'hebergement à la mairie du village, qui donnaient sur un parc enviable, où leurs gosses découvraient la France.
07 juillet 2008, 21:28   Re : Antibes, 08-08-63
Cher Orimont,
Serait-il possible de scanner les cartes postales, afin que l'assemblée puisse jouir non seulement du contenu, mais aussi de l'écriture et de la matérialité de l'objet que vous nous donnez généreusement à partager ?
Utilisateur anonyme
07 juillet 2008, 21:49   Re : Antibes, 08-08-63
Ah, cher Francis, le souvenir de l'OAS... même plus une vieille rengaine de vieille patrie gâteuse... pourtant, ces Français-là...
07 juillet 2008, 22:42   Re : Antibes, 08-08-63
Oui ces Français-là étaient d'une trempe impossible. Rimbaud transposé eût été de l'OAS, je souris rien qu'en en étant sûr. J'ai la chance de les avoir connus. Sans faire d'histoire, il eût donné sa jambe, qu'il a donnée de toute façon, sa courte histoire, dans cette aventure: de Calais à Tamanarasett, un seul pays un seul territoire.

Vingt-cinq ans plus tard, à Hong Kong, j'en vis venir un, qui, reconnaissant mon nom, m'avait reconnu comme fils d'un de ses jeunes camarades. Il était venu d'Argentine, pilleur de tombes, de sites archéologiques, il avait fait tout ce voyage, jusque Hong Kong pour "libérer" une malheureuse vietnamienne d'un camp de réfugiés, une boatpeople. Il claudiquait. Je n'ai su que beaucoup plus tard qu'il claudiquait à cause d'une vieille blessure reçue en 1962 dans l'algérois.

Alors Pascal, ce grand homme blond et lourd, alcoolique et voyageur las avait parcouru à ses frais 11000 kilomètres pour épouser une petite qu'il avait décidé de ne pas voir, de ne jamais rencontrer, pour seulement lui donner des papiers français qui l'extrairaient du camp.

"Ah elle a 23 ans, et vous l'épousez, c'est moi qui vous envie là...
- Vous rigolez. Je ne veux pas la voir. Dès qu'elle a les papiers, je repars; il paraît qu'elle veut vivre avec moi, qu'après le Vietnam, la Russie pour dette de guerre, le camp à HongKong, elle voudrait devenir ma femme. Vous lui expliquerez si vous voulez, moi, je me casse, je peux vivre que seul...

Et il disparut.
Utilisateur anonyme
07 juillet 2008, 22:46   Re : Antibes, 08-08-63
Presque impossible de lire votre message...
07 juillet 2008, 22:53   Re : Antibes, 08-08-63
impossible comment?
Utilisateur anonyme
07 juillet 2008, 23:16   Re : Antibes, 08-08-63
Maintenant ça y est !


Votre anecdote est réellement touchante et d'une toute autre dimension humaine, il va sans dire, qu'un lamentable parrainage de "sans-papiers". Aussi, un court instant j'ai cru que "ce grand homme blond et lourd, alcoolique et voyageur las" c'était... enfin vous savez... Lui, l'Autre, le Mal...
07 juillet 2008, 23:58   Re : Antibes, 08-08-63
Il se nommait De Perceval. C'était son nom "de Perceval" quand nous avons rempli ensemble les papiers où le pilleur de tombes précolombiennes dut inscrire "archéologue" dans les formulaire pour que ça passe. Ce type est un héros et je ne vois aucune raison de ne pas nommer les héros sur Internet; quel que fût son combat, il libéra au moins cette jeune femme d'un camp de réfugiés de la manière la plus anonyme et désintéressée qui se puisse concevoir. Vous trouverez sa trace, certains de ses faits d'armes dans quelque site web nostalgique de l'OAS. J'espère ici pouvoir le saluer avec humilité et dans la complicité qu'il voudra m'accorder, fût-elle posthume.
Utilisateur anonyme
08 juillet 2008, 00:25   Re : Antibes, 08-08-63
"Serait-il possible de scanner les cartes postales, afin que l'assemblée puisse jouir non seulement du contenu, mais aussi de l'écriture et de la matérialité de l'objet que vous nous donnez généreusement à partager ?"

Cher Francis,

Non seulement je suis de prime abord incapable de cette opération mais, pire, ne me sens aucune envie d'assimiler jusqu'à les rendre routiniers les gestes qu'il faudrait pour la mener à bien. Veuillez m'en excuser.
Utilisateur anonyme
08 juillet 2008, 00:52   Re : Antibes, 08-08-63
"quel que fût son combat, il libéra au moins cette jeune femme d'un camp de réfugiés de la manière la plus anonyme et désintéressée qui se puisse concevoir."


Lettre de Léon Bloy à Jules Destrée, extrait :

"A quelque prix que ce soit, j'accomplirai ce que j'ai résolu et ma vie n'a pas d'autre objet que la vengeance par le couteau et par le poison de l'Idéal saccagé."
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