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Drôleries de la vie littéraire

Envoyé par Thierry Noroit 
J'aime assez peu Duras mais reconnais qu'elle avait le génie des titres.
Parmi tous ces noms respectables je placerais bien celui de Claude Simon le chaleureux vendangeur.
Vous n'aimez pas La Route des Flandres, au moins ?
Pour ma part, je trouve Claude Simon cent fois meilleur écrivain que Carrère.
Claude Simon. Emmanuel Carrère. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne boxent pas dans la même catégorie.

Souhaitons tout de même à l'auteur du Détroit de Behring d'obtenir, comme son devancier, le Prix Nobel. Pour lui, l'Académie française, ce serait trop facile.
Un mien ami soutient la thèse très intéressante selon laquelle le style plat ne vient ni du nouveau roman ni du behaviourisme ni de rien d’autre de proprement littéraire, mais découle du prodigieux succès à partir des années 1940 des romans d’Enid Blyton.
Je partage l'avis de Cassandre. J'irai plus loin : ce sont des livres faits pour être commentés, pas pour être lus.
Est-ce qu'un des plaisirs de la lecture n'est pas, justement, le commentaire ?
Comment cela ? je ne vous suis pas...
Citation
Jean-Marc
Je partage l'avis de Cassandre. J'irai plus loin : ce sont des livres faits pour être commentés, pas pour être lus.

Ah ! Mais pour les commenter, ne faut-il pas les avoir lus ?
"Ah ! Mais pour les commenter, ne faut-il pas les avoir lus ?"

Hum... Véra...
Oui, Orimont, c'est bientôt Noël et je crois aux miracles !
Véra, vous êtes dans l'erreur.

Pour commenter un ouvrage, il faut :

- lire les commentaires des autres ;

- ouvrir l'ouvrage à quelques endroits pris au hasard, pour "faire des citations".

Cela suffit.

J'observe qu'on lit Anna Karénine et qu'on comprend sans avoir besoin de trois ouvrages spécialisés, alors que pour M. Robbe-Grillet, il faut lire dix ouvrages de commentaire pour comprendre pourquoi on n'a rien compris.

J'ai une certaine affection pour la Duras, à cause de Sadec (j'avais un jour affrété un saïgonais véhicule pour voir la maison de l'amant, et aussi le lieu où fut assassiné le général Chanson), et à cause de l'histoire de l'Amant, que je trouve bien construite, originale et bien écrite. J'aime bien "La Modification", sans doute parce que j'aime, comme les vaches, regarder passer les trains. Le reste me rend tout simplement admiratif car vendre ça et vivre de ça, il faut un sacré talent de bateleur.
Merci de m'avoir remise dans le droit chemin puisque j'étais dans l'erreur, cher Jean-Marc !
Vous me posiez une question qui appelle une réponse par oui ou par non...
Comprenez mon "Vous êtes dans l'erreur" comme une figure de style, équivalent à "Non". Si ma remarque vous a paru cavalière, j'en suis désolé, telle n'était pas mon intention. Je pense très sérieusement que bien des commentateurs n'ont pas lu les livres qu'ils commentent.

Je suggère que sous l'autorité de Francis on constitue une commission visant à la promotion du singlish qui, grâce à des formules du style "Do you want a beer or not ?" permet de répondre "oui" dans tous les cas.
Vous n'avez donc pas lu "Comment parler des livres qu'on n'a pas lus ?" du sieur Bayard ?
En ce qui concerne M. Robbe-Grillet, la sociologie des lettres dû jouer en sa faveur dans l'essor du Nouveau roman. Le monde des lettres françaises ignorant tout ou presque des richesses de la littérature scientifique d'expression française -- laquelle existait encore à cette époque -- lorsqu'il en fit découvrir le style, la rigueur et la savante "platitude" à la République de Lettres, celle-ci s'enthousiasma et trouva cela mortellement cool et nouveau et en fit sa marotte. Cette thèse que je vous soumet ainsi est très platement sociologique et contourne scrupuleusement toute considération littéraire, mais sa platitude est en harmonie avec celle de son objet, qui lui-même contournait la tradition littéraire et se voulait en solution de continuité avec celle du roman.
L'étiquette du Nouveau Roman me semble trompeuse : Robbe-Grillet m'a toujours ennuyé ; la lecture de La Route des Flandres et des Géorgiques m'a enthousiasmé mais elle est assez ancienne et peut-être serais-je d'un autre avis aujourd'hui ; Sarraute (même avec Enfance) et Butor ne m'ont jamais séduit ; mais j'ai adoré presque tous les livres de Robert Pinget. Etc. Etc.
Connaissez-vous, cher Kiran, La Chevelure de Bérénice, ce texte court mais magnifique de Claude Simon. Pour ce qui est de Robbe-Grillet, je reste un fervent adepte de L'Année dernière à Marienbad. Le travail de Resnais et de Colpi sont bien sûr déterminants, ainsi que la "présence" des acteurs mais l'auteur du scénario a sa part dans cette réussite.
... laquelle doit certainement beaucoup à la merveilleuse technique de Pitoëff dans le jeu des allumettes, dont on ne se lasse pas.
Alain Eytan écrit :

Mais l'écriture plate ripe contre une matérialité, une surface qui se révèle intransperçable, éprouve une nudité superficielle sans les oripeaux des faux-semblants et les facilités du report, nudité qui est fondamentalement étrangère, parce qu'elle contrecarre l'inclination si naturelle à superposer des arrière-fonds, arrière-mondes, des coulisses de la représentation, en somme.
Restituer cette platitude-là, c'est du grand art


Sans doute. Mais l'écriture plate d'Emmanuel Carrère n'a pas ces vertus. Elle n'est pas indigente non plus. C'est une écriture, dans Limonov, de très bon journaliste. Ni plus ni moins. Je verrais plutôt certaines des vertus esthétiques et quasi-philosophiques de l'écriture plate définie par Alain Eytan chez des auteurs comme Emmanuel Bove, Simenon, même Camus (Albert).
Et Kafka. On pourra être étonné d’entendre à son propos parler d'"écriture plate", mais il s'agit ici avant tout de la capacité de rendre palpable, de matérialiser, de susciter de l'épaisseur sensorielle et de l'acte, plutôt qu'un contenu purement idéel. Il y à cet égard des passages frappants dans le Journal, qui sont comme des ballons d'essai : ainsi un court texte où un homme, d'allure confiante, marche dans la rue ; tout soudain, projeté véritablement de nulle part, un javelot l'atteint et le jette à bas. L'homme se relève rapidement, campé aussi solidement que possible sur ses jambes écartées, face au danger inconnu, aux aguets. Tout le sens de ce passage est comme contenu dans l'attitude corporelle adoptée par le personnage, dans une gestuelle. Comme si la totalité du sens disponible s’épanchait dans une attitude, ne laissant rien à la pensée et au contenu mental. Il y de nombreux exemples de résorption de sens de ce genre dans les romans.
C'est proprement "coller aux choses" et tendre à effacer la duplication de l'effet de conscience.
L'écriture plate c'est - parfois - comme ces films ennuyeux à mourir sous prétexte qu'ils cherchent à montrer l'ennui.
L'écriture plate a beaucoup fait pour le Goncourt... qui le lui rend bien...
Permettez-moi de revenir au livre de Marien Defalvard, que je viens, ébloui, de terminer (pour des raisons ancillaires ou domestiques, il m'a fallu, à mon grand regret, l'abandonner quelques jours). Il me vient, à son propos, une phrase de Pierre-Simon Ballanche, fervent de palingénésie, et, si je ne m'abuse, fort influencé par Vico (lequel Vico est évoqué par le critique de la revue en ligne "Stalker"). La voici :

"A la mort, toute la vie se résume en un instant indivisible, et dans cet instant tout ce qui a été successif devient instantané."

Et puis cette autre phrase, de Jacques Derrida : "La littérature, c'est de pouvoir tout dire sans toucher au secret." (Je la cite de mémoire).

Je vous remercie, cher Marien Defalvard, pour ce chef-d'oeuvre, qu'il me faut à présent relire, peut-être en commençant par la fin...
Le terme "chef d'oeuvre", cher Bruno, n'est-il pas prématuré ? Seul le temps fait les chefs d'oeuvre. Combien de livres m'ont "ébloui" qui n'ont pas supporté la relecture quelques années plus tard. Le dernier en date : Les Bienveillantes.
Sur Carrère, Buena Vista, je partage votre avis. Cette oeuvre est loin d'être méprisable. Mais c'est davantage celle d'un excellent journaliste que d'un écrivain de premier ordre. La "platitude" stylistique me semble l'effet moins d'un part-pris esthétique que d'un défaut, d'une infirmité. On s'intéresse à ce que dit l'auteur beaucoup plus qu'à la manière dont il le dit. Et le livre fini il en reste assez peu chez le lecteur. Du moins telle fut mon impression évidemment partiale et partielle.
Tout est prématuré, dans cette affaire, cher Kiran.
Disons que "chef-d'oeuvre" est une métaphore, si vous y tenez. Le livre est très beau, voilà tout.
Notre écriture plate est peut-être tout simplement une variante de l'écriture blanche sur laquelle Barthes a tout dit il y a cinquante et plus. Ce qui serait plus intéressant, peut-être, à analyser, serait le goût de la belle phrase - ou du beau vers - qui subsiste chez certains de nos contemporains et a disparu chez d'autres. Lesquels dans tous les cas sont des "modernes". Prenons chez les poètes deux contemporains de stature équivalente : l'un conserve le souci du beau vers (au sens traditionnel), c'est Bonnefoy ; pour l'autre, et c'est Du Bouchet, l'expression de "beau vers" n'a plus de sens. Chez les prosateurs, deux des plus importants depuis les années 1970 sont Perec et Renaud Camus. Pour le premier la belle phrase n'est pas à l'ordre du jour. D'ailleurs Renaud Camus a un peu sous-estimé Perec, du vivant de celui-ci, pour cette raison-là. Pour le second, Renaud Camus, la phrase de Rousseau, de Chateaubriand, de Barrès reste la phrase littéraire par excellence. La littérature est encore (toujours) là. Cette disparité recoupe peut-être celle des modernes et des anti-modernes. Car, si l'on suit Antoine Compagnon, pour être anti-moderne il faut avoir été - ou même être encore - moderne. L'anti-modernisme serait une modalité du modernisme. Ainsi Du Bouchet et Perec seraient des modernes tout court tandis que Bonnefoy et Renaud Camus seraient des modernes anti-modernes. - A ne pas confondre - et Renaud Camus le regrettera peut-être tant sa pulsion réactionnaire est forte, parfois - avec de purs réactionnaires qui n'ayant jamais été modernes ne sauraient être anti-modernes : Jean Raspail, Michel Mohrt, Michel Déon...
Une petite devinette littéraire.

Quel est cet auteur, réputé pour son style difficile, pour son exigence, qui écrivit un merveilleux roman, au succès mondial, en souhaitant pouvoir être lu par tout le monde ?

Pour ce faire, l'auteur construisit une intrigue soutenue, avec des personnages très étudiés et un arrière-plan historique très important. Il accorda une grande considérable au fond.

Du point de vue de la forme, ce roman se distingue par plusieurs niveaux de langage et de narration, très subtils (il perd à la traduction, de l'avis général, sauf dans la traduction anglaise).

Indication : l'ouvrage évoqué est contemporain des robbegrillades.
Cher Jean-Marc, vous avez écrit :
Vous me posiez une question qui appelle une réponse par oui ou par non...
Comprenez mon "Vous êtes dans l'erreur" comme une figure de style, équivalent à "Non". Si ma remarque vous a paru cavalière, j'en suis désolé, telle n'était pas mon intention. Je pense très sérieusement que bien des commentateurs n'ont pas lu les livres qu'ils commentent.

Et je vous réponds : et alors ? Leur commentaire est alors partiel, superficiel et mauvais et que si ces gens commentent mal les écrits d'autrui, ce ne sont que des parasites de leur production.
En outre, vous aviez commencé par écrire que certains livres étaient faits pour être "commentés" et non "lus" sans préciser ce que vous entendiez par cette différence que vous marquiez entre lecture et commentaire. Il est apparu ensuite que vous sembliez privilégier les textes à intrigue, pour aller vite. Que voulez-vous que je vous dise ? C'est votre tempérament ou vos goûts, ou que sais-je ?
Je partage votre avis sur la comparaison entre Yves Bonnefoy et André du Bouchet. Encore que chez Bonnefoy, très influencé par Jouve à ses débuts, on retrouve des échos de ce chant brisé qui fait la beauté des poèmes de l'auteur du Monde désert. Je le partage moins pour la comparaison suivante. L'écriture de Pérec et celle de Renaud Camus me semblent avoir des caractéristiques assez semblables (c'est un double éloge) ; aucune n'est vraiment (malgré ses immenses qualités) enchanteresse. Pierre Michon ou Gérard Macé me paraîtraient de meilleurs exemples. Mais ce n'est qu'une opinion personnelle.
La Semaine sainte d'Aragon ? Les Mémoires d'Hadrien ? (réponse à Jean-Marc)
Non, sans doute pas.
Citation
Cassandre
"on" attendrait du "style" pour apprécier un écrivain, soit des effets de style se pointant comme tels, eux-mêmes. Une sorte de grosse Bertha stylistique, tout en métaphores, rythmes tertaires, oymores, que sais-je ? "

Bien entendu, quand l'effort se fait sentir, que les effets sont appuyés, les métaphore plaquées et que l'auteur donne l'impression qu'il s'écoute écrire comme d'autres s'écoutent parler, je suis d'accord avec vous, mais quand le style vient des profondeurs de l'homme, de son rythme, de son souffle intérieurs, que les métaphores coulent de source, semblent naître d'elles-mêmes, il me semble que rien n'est plus beau . Au reste l'écriture plate ne peut être appréciée comme effet de style que si l'on connaît le "grand" , celui dit "littéraire", de même que la transgression ne peut être appréciée comme telle que si l'on connaît la norme. De plus, le danger est la tentation, la facilité de glisser du style plat à la platitude sans style et d'en faire proliférer les "émules" . D'autre part, il me semble que lorsque cette platitude n'est pas au service d'une histoire suffisamment intéressante, elle décourage le lecteur "lambda"qui dès lors va chercher son plaisir dans des auteurs de troisième rayon dont l'écriture ne sera plus , précisément, qu'indigente . Je peux me tromper, mais il m'a semblé, que la baisse d'intérêt du public, en France, pour la lecture a coïncidé avec l'apparition du "nouveau roman" et de l'engouement qu'il a suscité dans ce qu'on appelait ,à l'époque, l' intelligentsia, et que ce public qui s'est détourné de ce genre littéraire, le roman, n'en a plus repris le chemin, sauf pour des écrivains, précisément, à la Gavalda. Il a été dit plus tard quand la mode du "nouveau roman" est un peu retombée que c'était un genre littéraire qui ne semblait écrit que pour intéresser les professeurs. N'y aurait-il pas un peu de vrai ?

Ne serait-ce pas juste pour beaucoup de choses ? N'est-ce pas vrai du vin ? Que se passe-t-il lorsque quelqu'un boit un excellent Bordeaux lorsque, toute sa vie, il n'a bu que du gros rouge qui tache ? Ou un enfant qui goût un chocolat riche en cacao qui n'a rien à voir des goûts régressifs auxquels il a été habitué ? Fera-t-il d'emblée une distinction en faveur de ce que d'aucuns considèrent comme ce qui est bon, voire meilleur ?
De même, une fois établie cette question des goûts, encore faut-il entretenir à ces denriers un rapport suffisamment critique et vigilant pour ne pas, soi-même, demeurer prisonnier de ses habitudes.
Je suis comme tout le monde, j'ai des goûts et des dégoûts. Cependant, je ne sais s'il est intéressant, sauf à être un esthète poussant à bout sa subjectivité toujours plus avant, de considérer des oeuvres à partir d'un jugement de goût ou d'humeur - même si tout le monde le fait et peut le faire.


En ce qui concerne la question de la réception du "Nouveau roman" par le grand public, je n'en sais rien. Il faudrait voir les chiffres de vente de ces romans, les articles qui leur furent consacrés dans la presse grand public,etc. De plus, acheter un livre ne veut pas dire le lire.
J'imagine, qu'en outre, toutes sortes de romans avec intrigue que vous jugeriez "intéressantes" étaient contemporains des robbe-grillades.
En outre, si le public voulait lire autre chose que des livres de Gavalda, tout en évitant les livres expérimentaux, il pourrait lire Balzac, Stendhal, Dickens, Defoe,etc. Comme dirait Jean-Marc, on comprend tout (ou on a le sentiment ) du premier coup, il y plein de personnages et une intrigue.

Pour ma part, je dois confesser que j'en suis à la 57e lecture de "Oui Oui à la montagne" et que je n'en ai toujours pas épuisé le sens !
Balzac, Stendhal, Dickens, Defoe

J'ajouterai Flaubert, Céline, Tolstoï et tant d'autres.

Le terme "Nouveau roman" lance lui-même le débat : à se poser en "nouveau", il faut être prêt à affronter la comparaison.

Pour faire court, l'immense majorité des romans est "à intrigue", ce n'est pas un effet du hasard.
Kiran,

Indication : c'est un roman dont tout le monde (je veux dire parmi les plus de quarante ans) a entendu parler, et qui évoque des images assez précises. L'auteur est un poète (le roman n'est donc pas "Le Guépard").
Réponse à la devinette de Jean-Marc : je propose Umberto Eco
Eco est tout sauf un poète, il me semble.
C'est vrai. J'ai répondu trop vite. Mais tout le reste correspond, alors... Et puis, l'érudition de Jean-Marc est si impressionnante, parfois si inattendue, qu'il aura peut-être déniché quelques vers de jeunesse de l'auteur du Nom de la rose...
La réponse ne peut donc être que Pasternak. Bien joué, Jean-Marc !
Citation
Jean-Marc
Balzac, Stendhal, Dickens, Defoe

J'ajouterai Flaubert, Céline, Tolstoï et tant d'autres.

Le terme "Nouveau roman" lance lui-même le débat : à se poser en "nouveau", il faut être prêt à affronter la comparaison.

Pour faire court, l'immense majorité des romans est "à intrigue", ce n'est pas un effet du hasard.

Et si ce n'est un effet du hasard, de quoi est-ce un effet ? Où voulez-vous en venir ? Au fait que ces livres sont ennuyeux ? Ma foi, c'est une opinion comme une autre ou comme n'importe quelle autre. Une fois encore, à chacun ses goûts comme on dit.

Je ne suis pas une thuriféraire de ce qu'il est convenu d'appeler "Nouveau roman". En revanche, je crois que ce type d'échanges, marqués par les appréciations des uns et des autres (y compris les miennes, d'ailleurs) ne ressortent guère que de la conversation impressionniste de café de commerce.
Café du commerce de bonne tenue mais café du commerce quand même.

Enfin, tout cela n'est pas bien grave et comme vous le constatiez auparavant, l'homme étant doué de parole, il lui vaut parler.
Eco est un intello fort en gueule, pas plus.
Véra,

En fait, je me pose une question : un roman doit-il raconter une histoire, ou est-ce autre chose ?

Si cela ne raconte rien de bien clair, c'est un livre, soit, mais pourquoi le nommer roman ?
Utilisateur anonyme
21 octobre 2011, 17:20   Re : Drôleries de la vie littéraire
Cher Jean-Marc, je crois que le terme" roman "est désormais une appelation paresseuse et commode (en cela bien en accord avec l'époque) permettant de désigner tout ce qui ne relève pas de manière tranchée de l'essai ou de la biographie. Imaginer la vertigineuse chute des ventes qui résulterait de la mention sur la couverture d'un ouvrage de ce terme "livre" qui conviendrait pourtant au caractère indéfini de bien des publications.
Vous avez gagné. C'est bien Pasternak et le Docteur Jivago.

En cadeau, cet extrait de lettre :

"Rappelez-vous, Léonid Ossipovitch, que tout passera : argent, situation, les empires mêmes sont condamnés à disparaître. Seule vivra éternellement la petite parcelle d’art authentique que nous aurons semée dans notre œuvre."

Léon Tolstoï à Léonid Pasternak, le père de Boris, en 1910.

Je n'ai aucune idée des lettres reçues par M. Robbe-Grillet père .
Citation
Jean-Marc
Véra,

En fait, je me pose une question : un roman doit-il raconter une histoire, ou est-ce autre chose ?

Si cela ne raconte rien de bien clair, c'est un livre, soit, mais pourquoi le nommer roman ?

Roman, au départ, est un livre écrit en langue "vulgaire", en opposition au latin. C'est le genre le plus protéiforme. Le genre en crise, par excellence.
Ce n'est pas que votre question soit idiote mais, une fois encore, à y répondre sur un forum, on va faire des approximations. En outre, il faudrait des exemples.
Bref, comme je déplore les âneries à l'emporte-pièce qu'on nous sert désormais sur la radio culturelle, je crois qu'il faut éviter d'en faire autant.
Je ne sais pas si cela vous amuse, vous pouvez lire le bouquin d'Enrobe-grillet sur le "nouveau roman". Ou encore Bakhtine. Somme toute, Woolf, Joyce, Dickens, Sterne, Swift, la picaresque, Anna Gavalda, tout ça, c'est du roman et pourtant ...
Utilisateur anonyme
21 octobre 2011, 19:22   Re : Drôleries de la vie littéraire
Véra , le roman "genre protéïforme", "genre en crise", cela se dit partout, pas seulement sur ce forum, et pas seulement dans des cafés du commerce littéraire; cela n'explique ni ne résout rien: à force d'avoir assimilé et répété cette notion de "protéîforme", vient un moment où l'on se demande:mais enfin qui, quelle institution littéraire ou éditoriale, quelle instance critique ou savante distribue si généreusement ce terme. Si l'étymologie de roman est bien celle que vous dites, il me semble que jusqu'aux premières décennies du siècle dernier, le terme a désigné des oeuvres certes diverses, mais dont on pouvait assez aisément repérer les points communs, à peu près ceus que mentionne Jean-Marc ,c'est tout de même Joyce , et un certain nombre d'auteurs à sa suite qui déclenchent cette" crise du roman", mais le curieux de la chose est que cette "crise" qui par définition aurait du être un moment se soit en quelque sorte institutionnalisée, perennisée . On pourrait dire que l'institution littéraire a en quelque sorte digéré la crise . En d'autres termes il me semble que c'est de cette époque que date l'idée du roman "genre protéïforme". Désormais est "roman" l'ouvrage que son auteur ou son éditeur, ou son auteur conseillé par son éditeur, désigne comme tel.
Rodillon,

Notons qu'Ulysse est tout de même charpenté, si j'ose dire, par l'Odyssée.

Véra,

Vous avez raison pour le sens ancien de "roman". Cependant, le sens principal que nous donne Littré est le suivant : Histoire feinte, écrite en prose, où l'auteur cherche à exciter l'intérêt par la peinture des passions, des moeurs, ou par la singularité des aventures.

Il ne me semble pas que le Nouveau roman corresponde à cela.
Jean-Marc, Quignard, que vous aimez bien je crois, a une conception plus trash de la chose...


« ...de ces lambeaux de langage, de ces éponges de mer imprégnées du lexique le plus bas, de ces torchons de récits qui ne cessent d'essuyer sans cesse nos vies, à chaque heure de nos vies, dans une petite rumination misérable et obsédée. »
Vous savez, Alain, j'ai des goûts très classiques.

Au roman nommé nouveau, je préfère le roman qu'on m'avait présenté comme tel et que les générations précédentes considéraient comme tel.

Il en va de même pour la peinture et la musique.

Je suis essentiellement conservateur.
Utilisateur anonyme
22 octobre 2011, 12:35   Re : Drôleries de la vie littéraire
Mais justement, cher Alain, la plus ngrande partie de l'oeuvre de Quignard n'est pas composée de romans, ne se donne pas pour romanesque.L'extrait que vous citez, par exemple, ne me parait pas provenir dun roman.
Je m'aperçois que "La Jalousie" est encadrée en deux ans par "Le Pavillon d'or", "Le Guépard" et "Le Docteur Jivago", pour ne prendre que quelques ouvrages étrangers.

Je comprends maintenant le titre d'Alain Robbe-Grillet.

Pour Véra, préventivement : je n'aime pas Mishima, Lampedusa, Pasternak. J'admire Mishima, Lampedusa, Pasternak.
Cher Rodilon, c'est un extrait d'Albucius, roman, je crois bien...
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