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Mais quoi !

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 10:01   Mais quoi !
Permettez-moi de proposer cette musique à votre écoute…
10 juillet 2008, 11:12   Re : Mais quoi !
Pourquoi "Mais quoi !" ?
10 juillet 2008, 11:54   Re : Mais quoi !
Parce que c'est un peu mou des genoux. Pas mal, mais un peu mou des genoux.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 11:57   Re : Mais quoi !
Oui, c'est ça, Francmoineau, c'est ça… Vous êtes un dur, vous !
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 13:32   Mais quoi ! (?)
Pourquoi "mais quoi !" ? Mais, Cher Marcel, je ne sais pas, je ne voulais pas écrire tout simplement "Quoi ?" ou "Qui ?" ou "Quand ?", ou encore "Qu'est-ce que c'est ?", et je voulais aussi, sans doute, marquer mon étonnement, par cette marque exclamative. Et je voulais juste laisser réagir les habitués de ce forum, à cette musique, que peut-être ils ne connaissent pas.
10 juillet 2008, 13:51   Re : Mais quoi ! (?)
Non, je ne reconnais pas ce morceau, même s'il "sonne familier" comme on dit en anglais. Familier comme cette magnifique musique française des années 1870-1920, quelque part entre Fauré et Poulenc, en passant par tant d'autres. Mais comme vous avez été étonné, ce doit être d'un compositeur moldo-valache du début du XIVe siècle.
10 juillet 2008, 13:54   Re : Mais quoi !
Je n'arrive pas à ouvrir le lien...
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 13:56   Re : Mais quoi !
Vous n'arrivez pas à ouvrir le lien, Cher Florentin ? C'est-à-dire ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 14:18   Re : Mais quoi !
Impossible d'ouvrir ce lien... ça ne serait pas un coup de Francmoineau ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 14:20   Re : Mais quoi !
Ah, vous aussi ??? Mais dites-moi au moins ce qui se passe. Impossible d'ouvrir ce lien, ça ne veut rien dire…
10 juillet 2008, 14:46   Re : Mais quoi !
Hé là, hé là ! Il a bon dos, le Francmoineau ! Je ne suis pas un saboteur, hein !
(Boris, je savais que je vous ficherais en rogne...)
10 juillet 2008, 14:50   Re : Mais quoi !
J'ai un écran noir sur lequel est écrit: "no video" mais pas de son.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 14:53   Re : Mais quoi !
Il est trop mou ce lien, trop mou...
10 juillet 2008, 15:22   Re : Mais quoi !
A le réécouter (je peux le faire sans difficulté), c'est en effet César Franck que cela évoque le plus. Mais il n'a, à ma connaissance, composé qu'une sonate pour violon et piano , la très fameuse (dont la transcription pour violoncelle est peut-être encore plus belle), alors... Un compositeur arménien ?
10 juillet 2008, 15:44   Re : Mais quoi !
Et si c'était ...Boris Joyce ?... (mais j'ai du mal à l'imaginer, car B.J. ne saurait être mou du genou).
Hindemith ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 15:51   Re : Mais quoi !
Oui, cher Francmoineau, on avait compris, c'est ce lien qui est mou, pas Boris...
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 16:13   Re : Mais quoi !
Il faut peut-être installer QuickTime, pour ceux qui ne peuvent ouvrir le lien.


Non, pas arménien, Marcel.

Hindemith ??? Quelle drôle d'idée !
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 16:31   À propos d'entendre
Bon, tant pis, je repose ma question ici, au cas où JGL ne serait pas passé au sous-sol :

Cela fait longtemps que je me demande ce qui a fait que le verbe entendre s'est transformé et a pris le sens qu'il a aujourd'hui (sauf dans l'expression "j'entends bien"), c'est-à-dire ouïr. Ce qui revient à poser aussi une autre question : pourquoi "ouïr" a-t-il disparu ? Car, quand on entend, on fait déjà beaucoup plus qu'écouter. Pourquoi entendre a-t-il basculé dans le passif, dans l'unidirectionnel ?

Il y a, dans cet enchaînement — ouïr, écouter, entendre, comprendre (verbes qu'il faudrait placer dans un carré magique) —, quelque chose qui, me semble-t-il, dit la vérité des sens et du sens.
10 juillet 2008, 16:32   Re : Mais quoi !
Je suis passé en Linux.
10 juillet 2008, 17:09   Re : Mais quoi !
JGL nous expliquera peut-être dans quel sens il convient d'interpréter l'élimination d'ouïr par entendre, mais vous avez tort, cher Jérôme, de croire qu'entendre ne possédait pas ce sens à l'origine. Il vient du latin intendere qui signifie "tendre vers" et, par extension, "porter son attentention vers". En français, il apparaît au XIe siècle avec les significations successives d'ouïr - qu'il ne concurrence cependant qu'avec peu de succès - de "prêter attention à", "suivre l'enseignement de", "être occupé à", "avoir l'intention de" et "percevoir par l'intelligence", sens qui devient dominant jusqu'au XVIIe siècle.
A la même époque, et même un peu plus tôt semble-t-il, comprendre, dont le sens était jusque-là surtout "saisir" et "englober" tend à remplacer entendre dans le sens "percevoir par l'intelligence" : comprendre prend la place d'entendre qui chasse à son tour ouïr, lequel tend à disparaître.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 17:23   Re : Mais quoi !
Merci beaucoup de vos éclaircissements, Cher Marcel.

Mais vous écrivez : « "prêter attention à", "suivre l'enseignement de", "être occupé à", "avoir l'intention de" et "percevoir par l'intelligence", sens qui devient dominant jusqu'au XVIIe siècle. » Il y a donc bien, depuis le XIe siècle, ce n'est pas rien…, un sens actif dans entendre. Ouïr est purement passif, ou bien je me trompe aussi ? Ça entre dans le conduit auditif, c'est pourquoi je parlais d'unidirectionnalité. Pour entendre quelque chose, il me semble qu'il faut qu'il y ait un aller retour entre la chose qui émet et le sujet qui perçoit… Il y a une volonté, ce n'est plus purement passif.
10 juillet 2008, 17:42   Ouïr
Bien cher Boris,


Voici un lien qui, je l'espère, vous aidera :

[www.lesensdesmots.com]
10 juillet 2008, 17:46   Re : Mais quoi !
Oui, vous avez manifestement raison sur ce point : il y a, dès l'étymon, le sens de "se porter vers" : dans entendre, il y a (se) tendre (vers). Quant à écouter, son premier sens historique en français est "accueillir favorablement" (une déclaration), sens qui a survécu dans l'ordre intimé aux enfants d'écouter leurs parents.
10 juillet 2008, 17:46   Re : Mais quoi !
Tout cela ne nous dit pas de qui est ce beau mouvement.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 17:57   Écouter
« écouter, son premier sens historique en français est "accueillir favorablement" (une déclaration), sens qui a survécu dans l'ordre intimé aux enfants d'écouter leurs parents »

Je ne le savais pas.


Pour la sonate (car il s'agit d'un des cinq mouvements d'une sonate), permettez-moi d'attendre encore un peu, je trouve que les réponses sont encore trop rares et timides pour l'instant. Je reconnais que c'est difficile.
10 juillet 2008, 18:14   Re : Mais quoi !
Vincent d'Indy ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 18:24   Re : Mais quoi !
Non, Cher Marcel. Comment vous aider sans vous mettre trop sur la voie ? Les modulations, bien qu'inspirées par la musique à laquelle vous pensez, sont tout de même beaucoup plus… (Beaucoup plus quoi, d'ailleurs ? Hardies, modernes ?) En tout cas, elles ont en elles des échos, des ressorts, qui n'auraient pu exister pour Vincent d'Indy ou César Franck.
10 juillet 2008, 18:38   Re : Mais quoi !
Ah, un héritier, un continuateur, peut-être même un contemporain ? Voilà qui devient encore plus curieux.
10 juillet 2008, 19:31   Re : Mais quoi !
C'est très tonal mais ça fait quand même penser à l'Ecole de Vienne. Une oeuvre de jeunesse ?
10 juillet 2008, 19:36   Re : Mais quoi !
Moi je dis que ça ne peut être qu'un juif ou un espagnol.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 20:24   Re : Mais quoi !
Ah, enfin des hypothèses  ! École de Vienne juive espagnole ? Webern n'a pas été assassiné en 1945 par un cuisinier de l'armée américaine, et vit toujours dans l'Illinois, où il a épousé sur le tard une française d'origine belge ? Non, il ne s'agit pas d'une œuvre de jeunesse, en tout cas pas au sens où l'on entend cette expression d'ordinaire, puisqu'elle a été composée par un homme de 49 ans.

Mais le plus curieux, Marcel, c'est qu'on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un héritier, ni d'un continuateur, non, on ne peut pas vraiment dire ça…
10 juillet 2008, 21:28   Re : Mais quoi !
Je n'ai pas d'autre idée que Schnittke, bien qu'il ne soit ni juif ni espagnol. Allez comprendre.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 22:07   Re : Mais quoi !
Ah, Schnittke… Bien essayé, M. Olivier, mais non !
Utilisateur anonyme
10 juillet 2008, 22:34   Re : Mais quoi !
Ernest Gillet ?
11 juillet 2008, 00:20   Re : Mais quoi !
Frank Martin ?
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 11:19   Re : Mais quoi !
Je résume :

- compositeur moldo-valache du début du XIVe siècle
- César Franck
- Boris Joyce
- Vincent d'Indy
- École de Vienne de jeunesse
- Compositeur juif espagnol
- Schnittke
- Ernest Gillet
- Frank Martin

Pour l'instant, rien de concluant. Tous les noms sont très loin du bon. Je vous laisse chercher encore. Celui qui trouvera gagnera la sonate entière.

Réponse le 14 juillet.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 14:21   D'ici le 14
Allez, Marcel, ne boudez pas, vous avez encore toutes vos chances…
11 juillet 2008, 16:04   Re : D'ici le 14
Bon sang ! un instant, j'ai cru que je le tenais : André Popp !
en remplaçant le violon par les ondes Martenot, et en rajoutant un peu de percussions, de cuivres, on avait presque Les maîtres du mystère...
11 juillet 2008, 18:28   Re : Mais quoi !
J'ai cherché pendant plusieurs heures et puis maintenant vous annoncer fièrement que ... j'ai lamentablement échoué. Des sonates pour violon et piano écrites par des compositeurs de 49 ans, il y en a quelques-unes mais aucune de celle trouvées ne comportent 5 mouvements. J'ai passé au crible le site de l'Ircam, wikipédia, google, ma discothèque, amazon (pour écouter les sonates), mais rien !!!
Mon dernier espoir sombra lorsque je découvris que la sonate de Furtwängler (composée à 49 ans) ne comporte que 4 mouvements - je ne connais pas ses compositions, c'est certainement trop moderne pour être du Furtwängler.
J'avais aussi pensé à un Elgar délirant, un Rachmaninoff mourant ou un Stravinsky dépressif, mais c'est tout simplement ridicule ! Cette oeuvre semble quand même appartenir à l'après seconde guerre mondiale.
J'aurais aussi dit Schnittke s'il n'avait été écarté. Ce mélange de tonal et d'atonal ... mais c'est trop beau pour être du Schnittke.
J'aimerais quand même "gagner" la sonate (vous créerez un prix spécial récompensant les efforts) si cela ne vous dérange pas Boris.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 18:35   Re : Mais quoi !
Ah oui, bien sûr, Cher William, si personne ne trouve (ce qui est possible) je crois que, pour l'instant du moins, vous êtes le plus à même de mériter le grand Prix de consolation. L'idée de Furtwängler me semble vraiment très intéressante, même si je dois vous révéler qu'elle est loin du compte.

J'en profite pour faire une diversion momentanée : connaissez-vous les adorables lieder pour soprano et piano de Walter Gieseking ?


[correction : je parlais de pièces pour piano alors qu'il s'agit de Lieder !]
11 juillet 2008, 19:15   Re : Mais quoi !
Furtwängler a composé une sonate pour violon et piano ? Ça alors ! J'aimerais bien l'entendre.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 19:35   Re : Mais quoi !
Il a composé DES sonates pour violon et piano, et beaucoup d'autres choses. Furtwängler était un grand compositeur, il serait d'ailleurs temps qu'on joue ses œuvres !

Vous cherchiez un quintette pour piano, Marcel ?

11 juillet 2008, 19:46   Re : Mais quoi !
L'exercice est intéressant. Si l'on s'en tient aux impressions, beaucoup d'idées se présentent, sonate pour le prix de Rome fin XIXème, premières pulsions d'un dodécaphoniste, musique de film genre Samuel Barber, etc. Le piano est sommaire, presque un boulet pour le violon qui aspire à s'envoler loin des règles. J'ai hâte de connaître la réponse.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 19:50   Quatuor avec piano
Non, je sais, ce n'est pas un quintette que vous cherchiez mais un quatuor, eh bien Furtwängler en a écrit un, en 1899. Je n'en sais pas plus.
11 juillet 2008, 19:57   Re : Mais quoi !
Intéressant.

(C'est un quatuor avec piano que je cherche.)
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 20:06   Re : Mais quoi !
Permettez-moi, Cher Florentin, d'être en grand désaccord avec vous. Le piano n'est pas sommaire, il est transparent et rigoureusement écrit, dans l'esprit d'un duo à parties égales. Que l'écriture soit volontairement dépouillée et presque austère, je vous l'accorde, mais le violon est lui aussi écrit selon ce parti pris. La richesse de cette œuvre réside plus dans les non-dits harmoniques, et dans les raccourcis (un peu à la Strauss) qui sont pratiqués pour aller d'un point à un autre. C'est là, dans la modulation, que se situe l'originalité de la pièce, et c'est ce qui peut je crois vous conduire vers la solution.

Une chose n'a pas été remarquée ici, je crois : il ne s'agit pas d'une composition "thématique", au sens où Franck par exemple l'entendait, mais plus d'une écriture motivique, à la Schoenberg (ou Beethoven). Bien sûr, thème il y a, et exposé selon les principes classiques, mais il n'est pas traité comme un thème, il n'est que le support à une digression harmonique à caractère improvisé. On entend nettement des tournures harmoniques fauréennes, et pourtant…

Quant à dire, comme je l'ai lu ici, que l'atonalisme n'était pas loin, je ne partage pas du tout ce point de vue. C'est au contraire, me semble-t-il, un exercice où la tonalité est explorée (jamais quittée), très consciemment et très méticuleusement.
11 juillet 2008, 21:10   Re : Mais quoi !
Ce que vous dites est juste Boris, on est partagé entre un sentiment et son contraire, je souscris à la "digression harmonique à caractère improvisé", mais vous vous savez.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2008, 21:46   Re : Mais quoi !
Oui, bien sûr, je sais, et cela peut influencer mon écoute, c'est ce que vous voulez dire ? Je n'en sais rien.
12 juillet 2008, 01:28   Re : Mais quoi !
Boris, ce n'est tout de même pas... enfin ... se peut-il que cette sonate soit une composition de Keith Jarrett, comme une résurgence de Luminescence qu'il avait composé un peu dans ce goût-là avec Jan Garbarek en 1974 ?

Si c'est elle, cette sonate a paru en 1994 avant de reparaître en 2007 dans le disque Bridge of Light. Elle compte bien cinq mouvements et est jouée avec Michelle Makarski.
12 juillet 2008, 01:43   Re : Mais quoi !
Je veux dire que ne connaissant probablement pas le compositeur j'ai du mal à saisir le propos.
12 juillet 2008, 01:50   Re : Mais quoi !
En tout cas, ce que vous dites, Boris, de la "digression harmonique à caractère improvisé" serait une caractérisation fort juste de l'art jarrettien.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 08:12   Tant pis pour le 14 juillet !
Bravo, Mr Marche, vous avez abrégé le suspense !

Il s'agit bien de cette sonate, composée en 1994 par Keith Jarret, qu'il interprète avec Michelle Makarski.

Je reconnais que c'était particulièrement difficile, mais j'avais envie de montrer que Keith Jarrett n'est pas seulement le pianiste de génie qu'on sait.
Les autres mouvements de cette sonate ne sont malheureusement pas de ce niveau, mais je les tiens néanmoins à votre disposition ; chose promise, chose due.
Fichtre ! C'était tellement introuvable qu'on en soupçonnerait presque quelque collusion...
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 08:42   Compte offshore
Vous voulez dire une collusion Franck-Jarrett ou un délit d'initié de Francis Marche ? Je suis tenu par le secret professionnel.
12 juillet 2008, 08:50   Re : Compte offshore
Je pensais à la seconde hypothèse, mais la première tient la route elle aussi, apparemment...
Et bravo pour votre souci déontologique. Tout le monde n'a pas cette inflexibilité.
12 juillet 2008, 10:10   Re : Mais quoi !
Doublon (fiché dans le mât, pour le premier marin à apercevoir la baleine blanche)
12 juillet 2008, 10:11   Re : Mais quoi !
Le seul "délit d'initié" dans tout ça est que je savais d'une part que cette sonate avait été composée 20 ans après la suite Luminescence, en 1994 , et que Jarrett a pour date de naissance le jour de la Libération, soit le 8 mai 1945, ce qui lui faisait donc 49 ans cette année là. Tout le reste n'est que musique. Boris nous avait tous mis sur la voie en parlant d'improvisation dans un message en amont.

Si vous poursuivez vos allégations, M. Francmoineau, non sans gravité ma foi (je préfèrerais que vous me traitiez de bouffon) je me verrais contraint de faire appel aux services de Me Corto, ce qui ne manquerait pas d'avoir des conséquences dommageables pour vos intérêts.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 12:19   Re : Mais quoi !
« Boris nous avait tous mis sur la voie en parlant d'improvisation dans un message en amont. »

Non, Francis, j'avais parlé exactement de "caractère improvisé", mais c'est une formule qui pourrait s'appliquer à Chopin, Schumann, Debussy, et bien d'autres… "Digression harmonique", je ne suis pas très satisfait de cette approximation trop générale, mais j'ai du mal à trouver mieux. Peut-être avez-vous été quelque peu aidé par un des derniers messages de Georges ? Mais je ne veux rien retirer à votre brillante victoire !

Après l'Affaire Callas, je ne voulais surtout pas dire de qui il s'agissait. Keith Jarrett a une très mauvaise réputation, qui à mon avis est en très grande partie infondée. Écoutez-le par exemple dans les concertos de Mozart (il en a enregistré six), et vous verrez qu'il n'est pas ridicule, très loin de là, et qu'il est même meilleur que nombre de pianistes classiques. Il est le seul, je dis bien le seul et unique musicien de jazz, toutes époques confondues, à se révéler un instrumentiste de tout premier plan, quelle que soit la musique qu'il joue.
12 juillet 2008, 12:33   Re : Mais quoi !
Je ne cherchais pas dans cette direction; je reste perplexe.
12 juillet 2008, 12:40   Re : Mais quoi !
Oui, j'ai sans doute été, sinon aidé ,du moins sensibilisé à certaines pistes par les derniers messages de Georges, mais mes visites au site de Georges, qui n'est pas réservé aux "initiés", qui est ouvert à tous, ne me rend nullement coupable d'un tel délit, que je sache.

Comme multi-instrumentiste de Jazz de tout premier plan dans les musiques savantes, ou enfin de premier plan, on pourrait mentionner Michel Portal qui dans certaines pièces de Brahms fait merveille (les sonates pour clarinette et piano op. 120 en sont un bel exemple), et puis il y a ce pianiste noir américain aveugle dont le nom m'échappe en cet instant, qui a donné un concert en plein air mémorable avec Seiji Ozawa il y a quatre ans...
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 12:55   Re : Mais quoi !
Francis, c'est le contraire : Portal est un musicien classique qui s'est mis au jazz. Vous me direz que la réussite dans ce domaine est tout aussi exceptionnelle, c'est vrai. Cependant, malgré toute mon admiration pour Michel Portal, je ne le classerai pas au même niveau que Keith Jarrett. Portal est un merveilleux clarinettiste, mais il n'est en rien génial. Il y a plus grand que lui, pour ce qui est de la clarinette (classique). Alors que Jarrett domine de très très loin le monde du jazz, pour le piano.

En outre, je crois qu'il est infiniment plus difficile de passer de la musique improvisée à la partition et au répertoire, que l'inverse (bien que les résultats soient au moins aussi décevants, quand ils ne sont pas grotesques). Quand on improvise, on n'a pas de surmoi, ou plutôt, on a un surmoi très partiel, très conjoncturel. Le pianiste qui entre sur scène avec l'idée (tout à fait saugrenue) de jouer une sonate de Beethoven, ou une suite de Bach, a un poids considérable sur les épaules.


Florentin, en quoi êtes-vous "perplexe" ?
12 juillet 2008, 12:59   Re : Mais quoi !
...et les frères Kühn, dont ce prodige de Joachim Kühn, de formation classique, que j'ai eu la chance de voir sur scène par plus tard qu'hier soir. Kühn arrive un peu derrière Jarrett dans notre panthéon commun mais n'est-il pas lui aussi instrumentiste de premier plan dans les deux domaines ?

Mentionnons au passage cet autre prodige, lui aussi nommé Khun mais Américain (les deux autres sont Allemands), Steve Khun, qui a produit il y a deux ans un remarquable enregistrement de la Pavane pour une infante défunte, que je vais me faire un plaisir de vous envoyer, en échange de la sonate de Jarrett que je ne mérite pas vraiment.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 13:05   Re : Mais quoi !
Un peu derrière ??? Hum…C'est un peu comme de comparer Callas et Dessay…

Francis, il faut faire une différence, je crois, entre "formation classique" (qui aujourd'hui est d'ailleurs systématique, beaucoup de jazzmen sortant du CNSM de Paris) et "musicien classique". On peut avoir reçu une formation classique et n'avoir aucune idée (je souligne double) de ce qu'est la "musique classique" (cas vraiment très courant).
12 juillet 2008, 13:33   Re : Mais quoi !
Très bien. Je n'en demeure pas moins curieux de ces musiciens qui s'efforcent de joindre l'injoignable, et fasciné par leur démarche; ils enfantent des monstres la plupart du temps mais quand même. Tout ça reste pour moi, et pour beaucoup, assez mystérieux. Il paraît (je ne suis pas allé vérifier) que John Coltrane s'est vivement intéressé à la théorie du compositeur russe Nicolas Slonimsky et que les premières mesures de Giant Steps sont droit sorties de son ouvrage, le Thésaurus des gammes et mélodies. Georges Russell également, semble avoir mené une exploration de ce type. Peut-on savoir ce que vous en pensez ? Voie sans issue ? Gageure ? Impossibilité ontologique ?
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 14:30   Re : Mais quoi !
Je crois qu'il faut remettre les choses dans leur contexte, et à leur place.

Nicolas Slominsky n'a pas écrit une théorie mélodico-harmonique, comme George Russell et son Lydian chromatic concept of tonal organization. Son Thesaurus of scales and melodic patterns est plutôt une méthode pratique, très efficace, un peu à la Cortot, pour ceux qui veulent quelque chose de plus moderne et de moins étroitement tonal. Je ne crois pas que Coltrane lui doive grand-chose, si vous voulez mon avis, à part le fait d'avoir eu un prétexte supplémentaire pour travailler son instrument. Quand on a dix-sept ans, on est constamment à la recherche de LA méthode qui va vous transformer en génie, ou au minimum en super-instrumentiste, et puis, au fil du temps, on s'aperçoit évidemment qu'on peut mettre à peu près n'importe quoi sur le pupitre, et que l'essentiel est le temps qu'on passe devant son clavier, et plus encore, les buts (personnels) qu'on se fixe.

Impossibilité ontologique à marier la musique et le jazz ? Non, sans doute pas, mais les résultats intéressants sont tout de même assez négligeables et périphériques, du moins pour l'instant. De toute façon, est-ce que "le jazz" existe encore ? Là aussi, on a voulu gommer les frontières, bien sûr, et là non plus je ne suis pas certain qu'on ait eu raison. En revanche, qu'il y ait eu de très nombreuses et très fructueuses influences et rencontres n'est pas niable.

J'apprends à l'instant, grâce à vous qui m'avez remis en mémoire cette méthode, qui traînait sur le piano que je partageais avec un ami, à Paris, dans les années 70, que Nicolas Slominsky a été le chef de la première de Ionisation, de Varèse. (On me dit que Joachim Kühn, dans ces années-là, ne jurait que par elle (la méthode).)
12 juillet 2008, 14:40   Re : Mais quoi !
Je suis perplexe sur ma façon d'analyser. J'ai pratiquement tous les enregistrements de Keith Jarrett et je n'y ai pas pensé.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 14:54   musique/jazz
« Impossibilité ontologique à marier la musique et le jazz ? Non, sans doute pas, mais les résultats intéressants sont tout de même assez négligeables et périphériques (…) »

Me relisant, je ne suis pas fier. J'ai évité le problème… qui est un vrai problème !
12 juillet 2008, 15:50   Re : Mais quoi !
Les vrais problèmes ne se règlent pas d'un coup de baguette, fût-elle aussi magique que celle de Seiji Ozawa, et la question doit rester ouverte. Il y a esprit d'aventure et de rigueur chez ces musiciens, ceux qui vont du classique au jazz comme chez les autres parcourant le chemin inverse, plus que périlleux il va sans dire. D'autres noms pourraient être évoqués: Dave Lieberman, ou le jeune compositeur britannique Mark-Anthony Turnage. La démarche de ce dernier me vient à l'esprit en écho des propos récents de Renaud Camus: l'art est étranger, la culture comme chemin parcouru vers une intimité désirable avec cette étrangèreté, etc.

Non le jazz n'existe plus, j'en ai eu la preuve encore hier soir. Il retourne aujourd'hui dans une démarche idéologique qui rappelle celle qui présidait au Free Jazz il y a trente ou quarante ans: c'était le Black Power, c'est à présent le Métissage qui fonde sa définition nouvelle; Kühn s'est produit avec deux musiciens: un percussionniste espagnol très remarquable, extrêment "original", Ramon Gomez - je ne sais à qui comparer ce musicien, à Tony Williams peut-être -, bonhomme d'une trentaine d'années, assez corpulent, vêtu d'un costar de moire gris perle comme les Four Tops dans les années 50, ne jouant que des balais ou presque, frictionnant des caisses claires et cymbales et agitant des chapelets de fruits à graines, bâtons de pluie, et que sais-je, ou à Ed Blackwell accompagnant Don Cherry dans des sessions suédoises de 1971 ; le troisième larron étant un musicien Gnaoua marocain, qui assurait la basse sur un détestable petit instrument à quatre cordes dont je ne me soucie pas de retenir le nom, et qui partait de temps en temps dans des psalmodies que Khün s'appliquait à souligner en plaquant durement des accords de septième ou encore en saisissant un saxo alto pour l'accompagner à l'unisson.

La chaîne Arte a enregistré ce concert. Kühn a eu quelques bons moments en solo, mais la vedette de la soirée a sans conteste été Ramon Gomez, dont on reparlera.

Joe Zawinul, avant de disparaître, s'était mêmement entiché de musique Gnaoua, que je ne parviens pas à trouver captivante.

(corrigé "ne jouant que des ballets" - allez! du balai à présent t'en a assez tartiné Francis)
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 16:00   Re : Mais quoi !
Ramon Gomez ou Ramon Lopez ?
12 juillet 2008, 16:04   Re : Mais quoi !
Ramon Lopez bien sûr, pardon. (amalgame subconscient de ma part avec avec Eddy Gomez sans doute).
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 16:09   Re : Mais quoi !
Et Ramon Gomez de la Serna ?

Ramon Lopez a joué dans Double-Face, avec mon vieil ami Patricio Villarroel. C'est un excellent batteur, en effet ! Il m'avait beaucoup impressionné il y a une vingtaine d'années, même s'il tapait très fort !
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 16:15   Re : Mais quoi !
Si ce n'est pas ça une question piège, émise par un être retors ! Cher Florentin, un tel niveau d'érudition musicale rend notre Boris décidément infréquentable...
12 juillet 2008, 16:17   Re : Mais quoi !
ça alors!

Ramon Lopez m'a paru un peu jeune pour avoir joué avec Patriocio Villarroel il y a vingt ans. J'ai donc méjugé de son âge. Mais quel percussionniste, vraiment! il lui arrive de frapper assez fort mais son jeu est d'une telle complexité, et même, allez, sophistication, qu'il n'y a jamais vacarme, croyez-moi. Il a été concertant de bout en bout, à la manière de Tony Williams.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 16:36   Retors, moi ?
Je vous assure, Francis, c'est bien lui. Vingt ans j'ai un peu exagéré, c'était en 1991. Il était jeune et très ambitieux, mais avait déjà un sens incroyable de la carrure rythmique et une solidité à toute épreuve. De là à le comparer à Tony Williams, non, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Obi, ce n'est pas le "piège" qui m'intéressait, croyez-moi sur parole. Mais j'ai dit tout de suite que c'était difficile.
12 juillet 2008, 17:21   Re : Mais quoi !
Bravo à Francis. C'est épatant de découvrir cette facette de Jarret.

Quant aux musiciens de jazz qui font très bonne figure dans le répertoire savant, il me semble en voir deux autres : Benny Goodman, excellent dans Mozart (concerto et quintette) comme dans Contrastes de Bartok, et aussi Winston Marsallis Non ?
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 17:46   Re : Mais quoi !
Pour Benny Goodman, vous avez raison, je l'avais oublié.

Quant à Wynton Marsalis (et aussi son frère Branford aux saxophones), il fait en quelque sorte partie de cette nouvelle génération de musiciens qui peuvent tout jouer. Comme par hasard, s'ils sont extraordinaires de talent, aucun de ceux que je connais n'a du génie.
Je pense qu'il y en aura de plus en plus ; je ne suis pas certain qu'il faille s'en réjouir. Difficile de dire exactement pourquoi.

Vous parliez de Tony Williams, Francis, voilà un génie, un peu dans le genre de Charlie Parker, qui est arrivé à la vitesse d'une déferlante, sans qu'on sache pourquoi ni comment, et qui est reparti aussi vite sans laisser beaucoup de traces. Ce genre de musiciens, je me demande s'ils existeront encore très longtemps. Ce n'est pas à lui qu'il aurait fallu demander de jouer autre chose que sa musique. Keith Jarret me semble à cet égard au sommet d'une vague qui retombe, qui est sans doute déjà retombée, et il n'est plus qu'un survivant.
12 juillet 2008, 17:46   Re : Mais quoi !
Je suis transie d'admiration devant la culture musicale qui se révèle dans ce fil. Bien que connaissant Keith Jarrett, j'aurais été incapble de trouver qu'il était l'auteur de ce beau mouvement qui m'a fait penser, moi aussi, à César Frank.
12 juillet 2008, 17:49   Re : Mais quoi !
Eh bien, et alors, oublieriez-vous Friedrich Gulda ?...
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 18:07   Re : Mais quoi !
Ah non alors, on ne l'oublie pas, Gulda, mais on préférerait ! Prétendez-vous que ce clown a joué du jazz ???
12 juillet 2008, 18:22   Re : Mais quoi !
Cher Boris, je sais bien que vous avez la haute main sur les questions musicales en ces lieux. Je ne conteste pas le "clown", puisque clowneries il y a bien. Mais enfin, Chick Corea, Herbie Hancock, Joe Zawinul, et d'autres encore, n'en ont pas jugé de la même façon que vous. Notez que je me replie derrière ces messieurs, car c'est seulement dans quelques sonates de Beethoven que j'ai apprécié Gulda. Et là, vous pourrez convoquer toutes les foudres qu'il vous plaira, je n'en démordrai pas.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 18:48   Re : Mais quoi !
Je n'ai la main haute sur rien du tout. Je dis ce que j'entends et n'importe qui peut faire de même.

Gulda est un extraordinaire pianiste… que je n'aime pas beaucoup. Sa Clair de lune est fabuleuse, par exemple, et son opus 106 ridicule.

Mais pour le jazz je n'en démordrai pas non plus. Il ne sait RIEN du jazz. Il s'amuse avec talent (avec talent pianistique) à parler une langue qui n'est pas la sienne. Chick Corea n'est certainement pas l'aune à laquelle je jugerai de la musique (voilà un très bon exemple d'un jazzman qui a voulu jouer Mozart et qui s'est ridiculisé). Quant aux deux autres, je pense qu'ils étaient contents de lui faire plaisir, et puis il ne faut jamais sous-estimer la puissance du mauvais goût ni l'attrait du kitsch.

Francmoineau, notez bien que je ne tiens nullement à vous faire démordre de quoi que ce soit. Je me contente de dire mon opinion, et si vous aimez Gulda ou Corea ou Archibald Tératère, c'est qu'il y a une raison, et qu'ils vous sont nécessaires. C'est sans doute très bien comme ça.
12 juillet 2008, 19:26   Re : Mais quoi !
Non, Boris, n'importe qui ne peut pas faire de même, et vous le savez bien. Et dire son opinion lestée du poids de la connaissance, ce n'est pas tout à fait la même chose que dire son opinion tout court; vous en jouez, faussement candide, en virtuose naturellement. Je suis bien aise que vous reconnaissiez certaines qualités pianistiques à Gulda, qu'encore une fois je ne défends pas plus que ça.
Quant à Archibald Tératère, je le tiens pour un des plus fameux joueurs de guimbarde à l'ouest de l'Okavango.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 19:59   Re : Mais quoi !
Mais où voyez-vous de la connaissance ? Je n'ai jamais compris comment l'on pouvait, dans le domaine de la musique, lester son opinion du poids de la connaissance. Et croyez bien que je le regrette souvent !

J'aimerais énormément pouvoir dire, Machin est un génie PARCE QUE, ou bien la sonate en mi # d'Albert-Séraphin Lantisque est un chef-d'œuvre PARCE QUE. J'ai essayé quelques clefs, plus jeune, mais je n'y crois plus du tout, d'où mon embarras bien réel, je vous assure. J'ai essayé la clef de la complexité, celle de la maîtrise, celle du bon artisanat, celle de l'émotion, celle de l'inspiration, celle de la forme, celle du nombre, et même celle de la simplicité, en désespoir de cause, mais aucune ne fonctionne.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 20:12   Re : Mais quoi !
J'ai le regret de dire que je suis tout à fait d'accord avec Boris concernant Wynton Marsalis et de Chick Corea ( je ne connais pas Gulda)*. Pas rien qu'un grand érudit, une justesse dans la sensibilité qui se confirme régulièrement. Deux musiciens virtuoses, des techniciens hors pairs, du talent, oui, mais manque le blues, le spleen, cette note bleue, l'amour qui se donne à corps perdu qui fait le Jazz.
On a dit beaucoup, en catimini, que c'est la drogue qui manque. Peut-être pour beaucoup ? Il y a encore Brad Mehldau qui allie les deux qualités, très naturellemnt semble-t-il (Bill Evans paraissait si "clean"). House on the hill vous ravira.

* et le génie de Tony Williams
Utilisateur anonyme
12 juillet 2008, 22:20   "Décibel"
Oui, je sais, Obi, c'est très embarrassant !


Francis, je reprends ce que vous dites à propos du concert auquel vous avez assisté hier, et de la disparition du jazz. Je crois qu'il s'agit d'un problème très intéressant, et très significatif. Le jazz, en effet, est en train de disparaître, ou a déjà disparu, au moment-même où il retrouve une "jeunesse" idéologique. C'est très frappant : dès qu'on allume une radio sur laquelle passe du jazz (je fais exception de l'excellente émission de Gerber sur France-Musique, qui, comme par hasard, si j'ai bien suivi, a connu le même destin que celle d'Elisabeth Lévy), par exemple, en ce moment-même, sur France-Culture, on entend, concomitamment à de dérisoires "expériences", la bouillie idéologique de l'ouverture et du métissage qui vient justifier et sanctifier cette musique. La drogue qui manque, dit Obi. Je ne pense pas, et pourtant… la drogue qui tue a été remplacée par la drogue du Bien. Les grands du jazz étaient alcooliques, gros, défoncés, asociaux, morbides, rouquins, illuminés, mythomanes ou dandys, ou tout cela à la fois. Les jeunes d'aujourd'hui font du sport et mangent bio, cotisent à toutes les assurances, et font des plans de carrière et des enfants. En outre, après avoir vomi la world music, ils ont pratiqué le regroupement familial dans les règles de l'art, avec elle, continuant à se croire à part alors qu'ils étaient dissous. Qui ne pratique pas le Klezmer ou la fanfare yougo arabisée est aujourd'hui un pauvre type rigide, même dans cet art où les pauvres types ont eu parfois du génie.

Cela me fait penser aux emprunts "folkloriques" d'un Ravel, d'un Bizet ou d'un Debussy. Ils ne savaient pas grand-chose de l'Espagne (enfin, je vais trop vite), par exemple, mais leurs espagnolades traverseront les siècles. Alors que les recherches "pointues" d'un Marcel Pérès ou les expériences d'autres moins talentueux auront disparu en une génération, j'en suis convaincu. Quand Duke Ellington et John Coltrane faisaient des allusions à d'autres traditions, elles étaient peut-être naïves, elles étaient sûrement naïves, mais elles restent, elles aussi, comme des gestes qu'ils ont voulu tels, sans prétention, mais incarnées et poétiques.

Quand Keith Jarrett, pour revenir à lui, a commencé à jouer avec DeJohnette et Peacock, au sein de ce prodigieux trio, tout le monde a été surpris : quoi, refaire des standards, après Miles Davis, après Braxton, après Dolphy, après Cecil Taylor, alors qu'on venait de franchir toutes les limites ? Quel intérêt ?! Ils jouent depuis 25 ans "la même chose", et nous ne sommes pas lassés ? Incroyable, quand on y pense… La création, aujourd'hui, on la trouve dans un trio qui joue éternellement les mêmes standards, et le mot n'est pas innocent.
12 juillet 2008, 23:55   Re : Mais quoi !
"J'aimerais énormément pouvoir dire, Machin est un génie PARCE QUE, ou bien la sonate en mi # d'Albert-Séraphin Lantisque est un chef-d'œuvre PARCE QUE. J'ai essayé quelques clefs, plus jeune, mais je n'y crois plus du tout, d'où mon embarras bien réel, je vous assure. J'ai essayé la clef de la complexité, celle de la maîtrise, celle du bon artisanat, celle de l'émotion, celle de l'inspiration, celle de la forme, celle du nombre, et même celle de la simplicité, en désespoir de cause, mais aucune ne fonctionne."

L'épreuve du temps peut-être ?

« Mais en réalité la difficulté de trouver une norme du goût, même sur des points de détail, n’est point aussi grande qu’on la représente. Bien qu’en matière spéculative nous accordions volontiers un critère de certitude à la science et le déniions au sentiment, la certitude est beaucoup plus difficile à résoudre en pratique dans le premier cas que dans le second. Des théories philosophiques abstraites, des systèmes de profonde théologies ont prévalus à certaines époques, à l’époque suivante ils ont été universellement pulvérisés : leur absurdité a été révélée. D’autres théories et d’autres systèmes ont pris leur place, qui à leur tour ont cédé la place à leurs successeurs, et on n’a rien expérimenté de plus dépendant des révolutions du hasard et de la mode que ces prétendues décisions des sciences. Le cas n’est pas le même avec les beautés de l’éloquence et de la poésie. De justes expressions de la passion et de la nature sont certaines, après quelque temps de se gagner les éloges du public, que celui-ci maintient pour toujours. Aristote, Platon, Epicure et Descartes peuvent bien se succéder les uns les autres, Térence et Virgile conservent un empire indisputé sur l’esprit des hommes. La philosophie abstraite de Cicéron a perdu son crédit, la véhémence de son art oratoire est toujours l’objet de notre admiration. »

David Hume, "De la Norme du Goût"

Pour Hannah Arendt aussi l"immortalité" était essentielle en la matière (voir "la crise de la culture").
13 juillet 2008, 01:24   Re : "Décibel"
Merci Boris. On aime vous retrouver ainsi. Ce que vous dites sur la World Music (puisqu'on appelle le folklore savantisé de ce nom aujourd'hui) est à mettre bout à bout avec le fait que lorsque les vrais créateurs du jazz ont commencé à l'intégrer dans leur musique il y a trente-cinq à quarante ans, la première chose qu'ils faisaient était de la départiculariser en y accolant tout de suite des noms qui évoquaient le départ culturel vers le non particulier et l'idéal: Don Cherry avec son "Universal Brotherhood" (qui signifie tout de même "Fraternité universelle" pardon de le préciser), jouée en Suède avec des musiciens de tous les cieux; Alice Coltrane et leur fils Ravi fascinés par l'Inde, et même McLaughlin dans un registre plus marginal du jazz; je ne peux ici et maintenant aligner des noms à l'infini mais le schéma a été le suivant: aujourd'hui, la world music glorifie le particulier, le local, le communautaire, tout en étant paradoxalement jouée par des types profondément urbains-modernes, des yuppies du jazz, mangeant bio, surassurés, comme vous dites, se préservant de toute destruction, de vrais petits hommes d'affaires encravatés qui ont des chaires dans les meilleures universités d'Amérique.

Il y a donc ce parallèle à faire avec les cas de Ravel ou Delibes et leurs espagnolades, qui, tout comme des Don Cherry, Pharoa Sanders, et autres grands du Jazz des années 70, idéalisaient, universalisaient, incorporaient dans leur art des matériaux exotiques dont ils avouaient l'emprunt, c'est tout. Alors qu'aujourd'hui, il faut se mettre à genoux devant un plouc venu de l'Atlas marocain parce qu'il nous présente une caisse à savon tapissée de peau de chèvre crue montée de deux ficelles à laquelle il ne faut surtout rien toucher: c'est sacré, c'est du brut, c'est un objet liturgique d'une communauté admirable puisqu'elle n'est pas nous et dont il faut surtout garder les représentants dans leur jus originel en y adjoignant nous, qui sommes des pièces communautaires égales à lui, pour faire la salade métissolâtre égalitariste et relativiste convenue; la salade passera en faisant baigner tout ça dans un discours metisso-communautaire de pure propagande politique clairement assumée et sur laquelle il est tabou de s'interroger.

Voilà le jazz remis au service d'une cause suivant des modalités qui sont contraires à celles de ses plus grands inspirateurs des années 60-70, contraires à l'esprit de l'art, puisque "l'Autre" n'est plus aucunement fondu avec tous ses ingrédients dans le creuset ambitieux et universaliste de l'Art mais exposé cru, non cuisiné, comme un fétiche, un gros signifiant bouseux, l'étendard naïf d'un projet de basse ingénierie sociale.
13 juillet 2008, 01:55   Re : "Décibel"
Le cas typique qui ne m'est pas venu à l'esprit tout de suite, et qu'il faut ajouter à la démarche de Don Cherry dans Universal Brotherhood est bien sûr celui de Sun Ra qui au début des années 70 a adjoint un gamelan à son orchestre non pour nous parler de Java et encore moins de l'Indonésie mais ..... du cosmos! Comme si l'ingrédient exotique emprunté n'avait à cette époque d'autre rôle que celui de fournir un tremplin à l'universel, comme l'exige toute forme d'art qui se veut telle.

Il est intéressant de noter que la bascule vers cet "usage" du folklore (oriental surtout) chez ces jazzmen afroaméricain s'est opérée à peu près au moment où les thèses du Black Power commençaient à prendre l'eau; comme si le projet social reconnu comme impasse devait s'effacer pour laisser place enfin à un retour de l'Art avec un grand A.

Si le cycle des renversements est bien celui que nous soupçonnons espérons que l'effondrement de l'utopie métissolâtre verra dans quelques années renaître le jazz que nous avons aimé et admiré, au moins lui.
Utilisateur anonyme
13 juillet 2008, 08:11   Mais pourquoi ?
Oui, l'épreuve du temps, je suis bien d'accord avec vous, mais justement, le temps, on ne l'a pas. Je veux dire qu'on ne l'a pas pour ce qui se fait aujourd'hui. Il est très facile d'aimer Beethoven plus que Clémenti, mais nous n'y étions pas, à une époque qui portait Rossini dans son cœur.

Je vous remercie pour votre très bel extrait de Hume, mais l'immortalité, si elle est bien la visée, n'est jamais là quand nous le voudrions.
13 juillet 2008, 09:08   Re : Mais pourquoi ?
Merci, folks, pour vos avis et commentaires très éclairants.
C'est un plaisir de vous lire.
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