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Unicité

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
16 septembre 2010, 13:49   Unicité
(Message supprimé à la demande de son auteur)
17 septembre 2010, 10:36   Re : Unicité
Très intéressant : je pense qu'il y a un angle permettant de comprendre l'incompatibilité radicale et théorique (au-delà des règles ignobles et des antagonismes ponctuels) entre islam et démocratie. La démocratie suppose le pluralisme : plusieurs partis, plusieurs opinions, plusieurs moments de la loi. La démocratie est un processus politique qui n'est jamais achevé, puisque les citoyens sont toujours acteurs du régime. Entre ceux qui font la loi et ceux qui la reçoivent, il n'y a pas séparation radicale, mais simplement fortuite et temporaire - et un même citoyen peut faire la loi (en tant que député) tout en la recevant (comme citoyen).
L'islam sépare radicalement la source de la loi et la masse des sujets : aucune hésitation, aucun amendement, aucune interprétation n'est pensable ou permise. L'opposition est alors entre l'unicité (source) et la multiplicité (récipiendaire de la loi).
Votre analyse de l'image me paraît aussi très féconde. Le fait que l'islam n'ait pas d'image de lui-même vient aussi, à mon sens, de cette unicité. La réflexion, le retour sur soi, suppose une dualité en soi, implique que l'unité initiale soit brisée pour faire éclore la conscience. Un Kierkegaard est impensable en islam, qui pense l'angoisse, la non-coïncidence avec soi (qu'il nomme le désespoir)... Le musulman est sans doute le seul être humain qui souhaite vivre, et non exister (c'est-à-dire ne pas coïncider avec soi et affronter cette non-coïncidence : deviens ce que tu es - en est le sens).
Le musulman aspire à l'un. Dès qu'il obéit, il se considère comme un. Il se pense comme tout à fait réconcilié. C'est évidemment un leurre.
La démocratie comme régime politique suppose la dualité existentielle chez chacun : il faut pouvoir changer d'avis, reconnaître qu'on avait tort, pour que l'idée d'un débat public, d'une discussion des lois aient un sens. Il faut une place pour le doute ("Zweifel", en allemand (où on reconnaît la racine "zwei")) et le doute, c'est une manière d'être double.
Autre manière d'être double : l'étonnement. Le peu de philosophie dans le monde de l'islam (les quelques grands philosophes musulmans ne constituent pas une tradition, mais de sublimes exceptions) pourrait bien venir de cette croyance dans l'un, rendant incapable un questionnement authentique - d'autant que le questionnement ouvre toujours le risque de surprises diverses pour l'esprit et la foi...

Je jette ces idées comme elles me viennent. L'entrée me paraît très stimulante.
17 septembre 2010, 11:11   Re : Unicité
Cher Virgil votre analyse est très juste.La pratique de l'examen de conscience qui nous vient du christiannisme et qui a donné naissance à l'autocritique, est ignorée des musulmans. du fait que la conscience individuelle n'existe pas chez eux, Seule existe la conscience communautaire. Cela va d'ailleurs poser de graves problèmes, et sans doute cela en pose-t-il déjà sans qu'on l'ébruite, dans le domaine du témoignage. Un occidental s'il est témoin d'un délit où la victime est musulmane ou arabe, et l'agresseur blanc de souche, aura, 9 fois sur 10, le réflexe de dire la vérité, de désigner le vrai coupable. Un arabo-musulman dans le même cas ne témoignera jamais contre son congénère et coreligionnaire et désignera toujours comme coupable l'infidèle. Sa conscience ne lui fera jamais aucun reproche.
Utilisateur anonyme
17 septembre 2010, 15:17   Re : Unicité
(Message supprimé à la demande de son auteur)
18 septembre 2010, 09:24   Re : Unicité
Cher Didier,
Approfondir la question de l'unicité dans l'islam permettrait d'éclairer aussi en retour la singularité du christianisme. Les deux monothéismes absolus les plus connus sont des systèmes où la conscience n'est rien ou presque rien, et où la loi et son application stricte et mécanique tout. En inventant la Trinité et ses trois personnes, le christianisme maintient un dieu unique, mais "ouvre" ce dieu permettant, par symétrie, l'émergence d'une conscience.
Or, la démocratie, l'idée de droits et devoirs de l'homme, la liberté d'expression, de conscience, etc. supposent que la personne humaine n'est jamais définie une fois pour toutes, qu'elle peut changer d'avis, changer de dieu, changer de conjoint.
Face à l'unicité absolue, le choix devient inévitablement une déviance, une trahison. L'alternative devient : Dieu ou rien.
J'ai le sentiment que les musulmans conçoivent notre démocratie comme "rien", comme une sorte de désert où ils peuvent installer leur système, sans craindre d'en rencontrer un autre concurrent. Et, de fait, ils n'en rencontrent pas un autre. Notre démocratie est comme un désert intellectuel et moral. La conscience libre devient lâcheté et versatilité, etc.
Utilisateur anonyme
22 septembre 2010, 22:37   Re : Unicité
Le débat est des plus intéressants. La conscience personnelle prend-elle sa source dans la théologie? Ou quels sont les rapports entre l'émergence d'une conscience personnelle et une théologie? Je ne crois pas qu'une théologie, à elle seule, permette l'émergence de la conscience personnelle, mais je suis assez d'accord pour dire qu'elle l'accompagne. La révélation trinitaire - il faudrait faire ici une longue parenthèse sur la notion même de révélation, qu'il suffise de dire que dans le christianisme est elle médiate, et non pas immédiate - a certainement favorisé la pleine prise de conscience de la conscience personnelle. En effet, l'élaboration de l'énonciation du dogme trinitaire a forgé le terme d'hypostase ou de personne, dont on connaît la postérité ; c'est au point que dans notre civilisation les termes d'individu et de personne sont devenus, dans le langage courant, parfaitement synonymes. Le christianisme, et en cela il est bien le fils du judaïsme, introduit une espèce d'instance critique, par sa conception de la révélation et par le contenu formel de celle-ci : "On vous a dit moi je vous dit". Ce "moi je vous dit", articulé par le Verbe Incarné, autrement dit par un de la Trinité dans une situation de finitude - ce qu'est la nature humaine - ouvre la voie à une lecture critique de la religion elle-même. Cette sortie de la religion, propre au christianisme, permet, oui, d'élaborer un autre rapport à Dieu, à soi, et aux autres. Nous lui devons, pour une grande part, la modernité.
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