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Barbey d'Aurevilly

Envoyé par Florentin 
25 juillet 2008, 23:23   Barbey d'Aurevilly
J'achète Télérama et je lis, bicentenaire oblige, un article sans imagination, toujours les mêmes clichés depuis plus d'un siècle. Hallucinant. Prenons "Le Rideau cramoisi". Je pose la question à ceux qui l'ont lu. La fenêtre éclairée et "toujours le même rideau". Qu'en pensez-vous ?
Utilisateur anonyme
26 juillet 2008, 23:31   Re : Barbey d'Aurevilly
Telerama?!! Il faudrait nous dire quels sont ces cliches, pour qu'on puisse en discuter..

Le style de Barbey, comme toujours, si vivant, ses portraits, si vrais (surtout quand il brosse des personnages d'Ancien Regime).

Comme il rend bien l'ennui d'une petite ville de province.

L'audace de ce Catholique ultra , qui nous decrit, comme si c'etait normal, une jeune fille, une jeune fille de province, fraichement sortie d'un college religieux, et qui, apres avoir pris l'initiative de prendre la main du vicomte de Brassard, sous le nez de ses parents, se dirige vers sa chambre a coucher, pour se livrer a l'envie erotique qu'elle a eveillee.

L'audace, la hardiesse, la liberte, chez Barbey, sont des attributs nobles; puisqu'il fait Alberte detonner chez ses petits-bourgeois de parents, au point de ne pas comprendre comment elle peut etre issue d'eux: "entre elle et eux, il y avait l'abime d'une race."

Mais, Catholique, Barbey ne l'est pas moins. D'ou peut-etre le remord qu'il inflige au capitaine d'avoir laisse Alberte sortir de la chambre de ses parents, une nuit sur deux, les pieds nus sur les briques froides, attrapant ainsi la maladie dont elle est morte.
27 juillet 2008, 13:14   Re : Barbey d'Aurevilly
Vous êtes sûr, Philippe, qu'elle est morte ?
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 15:32   Re : Barbey d'Aurevilly
puisqu'il fait Alberte detonner chez ses petits-bourgeois

Prout ma Chère !
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 17:20   Re : Barbey d'Aurevilly
Excusez-moi cher Philippe, je n'ai pas pu rater celle-là !
Honte sur moi.
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 19:26   Re : Barbey d'Aurevilly


Meme ici...
27 juillet 2008, 19:40   Re : Barbey d'Aurevilly
La plupart des lecteurs la croient morte. Une lecture plus attentive vous montrera que Barbey est un des maîtres de la mystification.
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 19:49   Re : Barbey d'Aurevilly
Une lecture plus attentive prouvera au Florentin qu'on ne sait pas si l'ombre a la fenetre est bien celle d'Alberte...
27 juillet 2008, 20:22   Re : Barbey d'Aurevilly
Pour vous mettre sur la voie: une jeune personne qui vient vous retrouver une nuit sur deux dans votre chambre pendant plusieurs semaines devrait montrer, par intermittence, quelques signes d'indisponibilité. La culture médicale de Barbey valait celle de Proust et ce n'est pas distraction de sa part que ces précisions.
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 22:21   Re : Barbey d'Aurevilly
Quelles precisions? Barbey - qu'il ne faut pas plus confondre avec Adrien Proust que Marcel - n'en fournit pas. Si la these sur laquelle vous vous butez ne vous en empeche pas, relisez donc Le Rideau Cramoisi, vous n'y trouverez que la narration du Vicomte de Brassard, sans que rien n'indique que ce soit bel et bien l'ombre d'Alberte qu'on apercoit a la fenetre.

Avec Barbey comme avec Henry James tout est ambigu car Barbey se concentre sur les perceptions de ses personnages, sans donner les precisions que vous imaginez.

Le vicomte, lui, precise ceci:

Citation

Quand elle venait ainsi, ma première caresse, mon
premier mouvement d'amour était pour ses pieds, ses pieds qui
n'avaient plus alors ses brodequins verts ou hortensia, ces deux
coquetteries et mes deux délices, et qui, nus pour ne pas faire de
bruit, m'arrivaient transis de froid des briques sur lesquelles
elle avait marché, le long du corridor qui menait de la chambre de
ses parents à ma chambre, placée à l'autre bout de la maison. Je
les réchauffais, ces pieds glacés pour moi, qui peut-être
ramassaient, pour moi, en sortant d'un lit chaud, quelque horrible
maladie de poitrine... Je savais le moyen de les tiédir et d'y
mettre du rose ou du vermillon, à ces pieds pâles et froids; mais
cette nuit-là mon moyen manqua... Ma bouche fut impuissante à
attirer sur ce cou-de-pied cambré et charmant la plaque de sang
que j'aimais souvent à y mettre, comme une rosette ponceau...

Et cela:

Citation

Mais ni les
yeux ne revinrent, ni les dents ne se desserrèrent... Le froid des
pieds d'Alberte était monté jusque dans ses lèvres et sous les
miennes... Quand je sentis cet horrible froid, je me dressai à mi-
corps pour mieux la regarder; je m'arrachai en sursaut de ses
bras, dont l'un tomba sur elle et l'autre pendit à terre, du
canapé sur lequel elle était couchée. Effaré, mais lucide encore,
je lui mis la main sur le coeur... Il n'y avait rien! rien au
pouls, rien aux tempes, rien aux artères carotides, rien nulle
part... que la mort qui était partout, et déjà avec son
épouvantable rigidité!

Au vif de son recit le Vicomte dit encore ceci:

Citation

J'étais sûr de la mort... et je ne voulais pas y croire!

Tant d'annees apres, a-t-il change? Barbey ne le precise pas.
Le sujet de cette nouvelle est-il le destin d'Alberte? Ou l'etat d'ame du Vicomte?
Utilisateur anonyme
27 juillet 2008, 22:33   Le rideau cramoisi
"Un drap qu’ont de leur pourpre enrichi des menstrues,"

R.R. (N.I.A.)
27 juillet 2008, 22:52   Re : Barbey d'Aurevilly
A dix sept ans, sans la moindre expérience, on prend facilement, surtout à cette époque, quelques attouchements pour des relations dont on n'a, d'ailleurs, aucune idée. Tout est dans la tête et c'est bien là tout l'art du narrateur. Vous sous-estimez Barbey, Philippe.
Oui, c'est bien Alberte, somnambule et cataleptique, qui a retrouvé sa chambre.
Orimont a trouvé l'erreur, semble-t-il.
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