L'art moderne et les petites femmes (à Aline)

J'ai connu quelqu'un qui m'a fait beaucoup rire en m'exposant un jour sa "théorie" de l'économie de l'art moderne:

"L'art moderne, Francis, est alimenté par une économie libinale très particulière...

- ?!!

- L'économie de l'art moderne est alimentée par la commande publique, elle-même régie par l'économie libidinale générale des édiles.

- Des édiles ?

- Voui, des édiles Francis. Tout artiste de province fauché a nécessairement sa petite amie qui l'admire, le soutient et vibre à toute promesse de réussite de son compagnon pour qui elle serait prête à mourir comme une jument au combat sous son hussard

- Voui et alors.

- Et alors, c'est là qu'intervient le grand arbitrageur libidinal: le Conseiller régional en charge des affaires culturelles et de l'ornement des ronds-points. Car c'est lui qui viendra réconcilier tout ce petit monde avec lui-même en offrant une commande à l'artiste de soupente moyennant les faveurs de ladite jument. Toute le mobile actuel de l'art actuel, qui émeut les masses aux ronds-points et dans les galeries des sous-préfectures, tient à ce marché, à cette traite triangulaire entre l'artiste incompris, son égérie dévouée à sa cause et le courtier des commandes culturelles de la ville et de la région. Tout l'art moderne, Francis, repose sur ce triangle, ce delta sacré. Toutes les croûtes, les rouilles de rond-point et les installations arachnéennes et cauchemardesques qui font rire les familles le samedi après-midi ont pour schème, pour soutien, ce triangulaire marché public-privé que je viens de t'exposer: la petite femme obligée et obligeante contre la commande, la croûte, le portique rouillant, les traverses de chemin de fer peintes en rose sur la place de la sous-préfecture.

L'art est complexe. L'homme (et la femme) sont de grands simples.

Vous oubliez, cher Francis, que toutes nos plasticiennes -- et elles sont légion -- n'envoient pas forcément leurs géniteurs au casse-pipe... si j'ose dire.

Leursquoi au casse-pipe ?

Vous alors !

Cher Francis, je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire!