Je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous, Cher Marcel. Mais il est vrai que vous dites "au moins en partie"…
Cette nouvelle habitude de ne plus faire les liaisons, qui m'énerve depuis déjà très longtemps, ne me semble pas tellement motivée par la peur de se tromper, je ne le crois vraiment pas. Il s'agit de quelque chose de plus profond, de plus substantiel ; mais je serais bien en peine d'en énoncer la raison réelle et précise. Cependant, il me semble qu'elle a à voir avec la chute du "sentiment syntaxique", avec le morcellement du discours, des discours, avec l'émiettement des arts, des styles, des "cultures".
Je la rapproche un peu de cette nouvelle manie (qui nous vient des USA ?) de prononcer les nombres de manière horizontale, et non plus verticale : "douze-zéro-zéro", à la place de "mille deux cents". Les signifiants s'individualisent, perdent leurs attaches, leurs liens réciproques. La langue qui se délite, ce n'est pas seulement, nous le savons bien, des fautes de français, des fautes de grammaire, des fautes de typographie, c'est aussi tout une structure qui tenait la langue, qui la
coulait dans une fluidité qu'elle est en train de perdre. Et c'est aussi "une intuition", un sentiment sonore, qui disparaît. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un hasard si la langue et la musique sont en train d'opérer une mutation, de manière concomitante.