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Dépêches de l'Education
du Lundi 1 septembre 2008
Des professeurs de banlieue réclament "un autre regard" sur leurs élèves
Cinq professeurs de français trentenaires, tous en collèges ou lycées difficiles où ils ont débuté, ont eu envie en cette rentrée de publier des livres pour réclamer à la société "un autre regard" sur leurs élèves ou partager leur expérience acquise pour tenir une classe.
Pour ceux venus de province, la première année d'enseignement en banlieue fut un véritable "choc": classes bruyantes, insultes, bagarres entre élèves, parents qui démissionnent...
"Venu d'une petite ville de campagne du centre de la France, je n'avais jamais entendu parler de conseil de discipline ou de punition. Je n'avais jamais vu ce que c'était le +bordel+ en classe et j'ai découvert ça dès mon premier jour de prof", témoigne Noam Soulat, réuni par l'AFP avec Sophie Audoubert, Nadia Butaud, Sébastien Clerc et Marie-Cécile Kovacs.
De sensibilités et de présentations différentes (un abécédaire, une galerie de portraits, un essai, un livre de témoignages-préconisations), leurs ouvrages se rejoignent évidemment sur les immenses difficultés rencontrées dans leur métier, mais aussi sur les joies qu'il apporte quand un élève progresse, quand un parent remercie, quand un petit cadeau inattendu est offert.
Si de nombreux collègues réclament chaque année une mutation, eux ont décidé de rester. Ce qui les fait tenir? "Le plaisir de voir évoluer une classe" (Sébastien), "la dynamique intellectuelle que les problèmes créés suscitent au sein de l'équipe enseignante" (Sophie), "les projets avec les collègues" (Noam), "rien n'est jamais acquis, aucune journée ne ressemble à une autre" (Nadia), "le réel appétit des élèves pour le savoir" (Marie-Cécile).
Autre point commun: passé l'étonnement, chacun a cherché à comprendre ses élèves, à se mettre à leur place pour trouver comment les faire progresser.
Pour Nadia Butaud et Marie-Cécile Kovacs, la relation avec les élèves ne se pose pas tant en terme d'autorité ou de respect que de "confiance" à établir.
A l'instar de Sophie Audoubert, qui en fait le coeur de son livre, tous appellent à ne pas avoir peur de ces adolescents et réclament "un autre regard" pour considérer ces élèves "pour ce qu'ils sont: ni racailles ni jeunes issus de l'immigration. Mais, bien plutôt, les élèves de l'école de la République".
Venu de Lorraine et "mangé" par les élèves, selon son expression, au cours de ses premières années d'enseignement dans un lycée professionnel très dur de Seine-Saint-Denis, Sébastien Clerc a voulu faire partager les méthodes qu'il a découvertes sur le tas pour tenir une classe, déplorant qu'en France "on ne forme pas des enseignants".
A la lecture de son livre, le rectorat de Créteil vient de le contacter pour réfléchir à des "cours de tenue de classe" pour les futurs professeurs.
Quant à Noam Soulat, il a choisi de présenter les malheurs et petits progrès de ses élèves en se moquant d'eux... ainsi que de lui-même, ce qui donne un petit livre très drôle d'où ressort, comme des autres, beaucoup d'humanité.
"Au secours! Sauvons notre école", de Sébastien Clerc (Oh! éditions - France Info, 18,90 EUR)
"Don Quichotte en banlieue. Les combats d'une enseignante", de Sophie Audoubert (Philippe Rey, 17 EUR)
"Rapports de classe", de Nadia Butaud et Marie-Cécile Kovacs (éditions de l'Olivier, 16,50 EUR)
"Sur la photo de classe", de Noam Soulat (calmann-lévy, 12 EUR