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Blog "Le Bal des Dégeulasses".
mercredi 10 décembre 2008
Je ne suis plus français
Un matin j'ai rangé mon portefeuille.
Et je suis tombé sur un rectangle de plastique bleu. Ma carte nationale d'identité. Ca m'a laissé une drôle d'impression, mais je n'a rien pensé sur l'instant. Mais j'ai l'esprit d'ascenseur. Car c'est là que j'ai réfléchi, trois heures après. Cette note aurait du s'appeler "pensée d'ascenseurs" mais je voulais aller droit au but. Bref.
Pendant un instant je me suis souvenu cette époque où je gardais la précédente carte bien au chaud, de peur de la perdre. De peur de ne plus exister aux yeux des autorités. Et puis avec le temps, c'est devenu un gadget. J'ai pris l'habitude de présenter mon permis de conduire en guise de pièce d'identité, que ce soit aux flics ou pour payer par chèque (avant que le laxisme institutionnel ne détruise définitivement ce moyen de paiement, évidemment).
Carte nationale d'identité. Signe extérieur d'appartenance à une nation? Même pas. Sur le formulaire pour la renouveler, l'été dernier, il y avait en gros 12 cases pour préciser "pourquoi vous avez la nationalité française". Une petite case droit du sang (avoir deux parents ayant la nationalité, c'est suspect!), plein de cases "droit du sol" et plein de cases "paquet cadeau", incompréhensibles.
Je tiens un blog depuis maintenant un an et demi. J'ai eu des colères, des phases plus logorrhéiques où je m'emmêlais les pinceaux dans ma propre rhétorique, des phases de doute que j'arrivais à verbaliser. Mais là, pour une fois, je me suis pris moi-même au dépourvu. J'ai pensé, l'espace d'un instant, que je n'étais pas français. Et cette pensée ne me quitte plus.
Ne vous trompez pas sur le sens de ces paroles : ça n'a rien à voir avec ces jeunes de 10 à 35 ans qui détruisent tout sur le passage parce qu'ils ne se sentent pas f'rançais, sous-entendu qu'ils veulent encore en plus en plus un nouveau plan banlieue d'un milliard, des allocs et des zones de non-droit élargies. Non. Rien à voir avec un délire de revendication, communautariste, victimaire et autocentré. Je ne suis pas français. Ou du moins je ne le suis plus.
Comment expliquer celà? Ca va faire très "old school", mais pour moi un peuple a un corps charnel, son identité concrète (traditions, caractères biologiques différenciants, mode de vie, langue, etc.) et un corps spirituel, les valeurs universelles qu'il représente à l'étranger (chacun les siennes). Ces dernières années, ce corps spirituel, qu'on peut résumer par le leitmotiv de "France, pays des droâdloms", a complètement dévoré le corps charnel. Avant, on entrait par le corps spirituel dans le corps charnel. Maintenant, l'entrée dans le corps spirituel n'est possible que par une négation pure et simple du caractère charnelle de la nation : il n'y a pas d'assimilation parce qu'on ne s'assimile pas à une somme nulle d'individus sans rien en commun. Les gens ne deviennent pas plus français parce qu'on supprime l'identité française; bien au contraire, la nature ayant horreur du vide, le magma protéiforme "droadlom / kultur / tolérance et métissage" n'est qu'une gigantesque invitation au "tout à l'ethnie", chacun de son côté, toutes voiles dehors. On pensait faciliter l'intégration en transformant la France en "vecteur des droits de l'homme dans le mooonde" (tout sauf un pays blanc catholique de culture grécolatine, en résumé) : c'est exactement l'inverse qui se produit. Pour les indigènes comme pour les allogènes.
Il était mal vu de voir dans le peuple français une notion ethnique concrète. Puis ça a été interdit. Et maintenant c'est impensable, inconcevable. Les gens n'auront bientôt plus les mots pour désigner ce qu'ils ont perdu : leur appartenance nationale. La nation française existe encore bien entendu, on ne l'a pas physiquement génocidée (même si les 1.9 enfants par femme y aboutiront). Mais il n'y a plus aucun moyen d'en faire partie activement. Tout le monde est français : vous, moi, exactement comme celui qui ne parle pas un mot de la langue mais a reçu quand-même la nationalité parce qu'il n'a pas fait les démarches en préfecture pour la refuser... Ingrid Betancourt est française, d'un mariage dont elle a divorcé. Gilad Shalit* aussi est français. Tout le monde est potentiellement français : d'ailleurs Sarkozy ne voulait-il pas donner la nationalité (expression magnifique pour illustrer mon propos, non?) aux femmes battues de tous les continents? Il y a plus de femmes battues dans le monde que de français de souche... Une nationalité est une identité, quelque chose qui vous différencie de celui qui ne l'a pas. En l'occurence, la nouvelle francité ne vous différencierait même pas d'un alien récemment arrivé dans le système solaire, ou d'un chat mutant ayant développé une forme d'intelligence. La nationalité française n'est qu'une affiliation administrative qui usurpe une Histoire. C'est tout.
Bref pour moi, si je croise un individu indéterminé de nationalité française, je n'ai absolument rien en commun avec lui jusqu'à preuve du contraire. La nationalité française n'est plus une identité. C'est une formalité. Nous sommes tous des français de papiers, des français de feuillage. Les racines sont mortes. Desséchées. La France a été euthanasiée et offerte en sacrifice expiatoire des fautes de l'Homme Blanc, et de la Civilisation en général. Même la langue française ne nous unit plus, car ceux qui s'abstiennent de massacrer la grammaire s'acharnent sur le sens des mots ("dignité", "choix", "abominable", "nauséabond", "tolérance", etc., tous ces mots ne veulent plus rien dire, sinon parfois leurs contraires...).
Que suis-je alors? Même pas un européen. "Européen" c'est le stade encore plus monstrueux et prométhéen que "français" : est européen ce qui veut l'avènement du Bien des gens contre leur volonté (si vous votez non, c'est que vous avez mal compris la question), ce qui veut l'uniformisation du globe en grande surface aseptisée. Non, je suis tout sauf européen, parce que c'est le stade de décomposition qui suit "français", qu'on veut répandre la Mort dans le monde entier, et détruire tout ce qui rend humain l'être humain, dont (et surtout) ces vices qui révulsent tant les bureaucrates : sens de la famille et de l'honneur, hiérarchisation des valeurs morales, etc.
Je suis un homme blanc, d'ethnie celte/germanique, parlant une langue romane. C'est tout. Une description de police, certes, mais elle ne profère pas les mensonges de l'époque, au moins. Pour moi la France est une des multiples nations qui ont perdu le combat pour la vie, qui se sont laissés dissoudre par les forces décomposantes nées d'elles, en arrêtant de les juguler. La seule différence c'est que cette fois-ci, on meurt au nom de valeurs qui sont censées être les nôtres depuis toujours...
Le plus marrant c'est que dans 10 ans, seuls les fonctionnaires zêlés et tâtillons de la HALDE, en bons élèves du système, seront les derniers à se croire français. Tous les autres auront choisi soit l'émigration (ah! trahison contre-révolutionnaire par excellence!), soit le "repli communautaire" (famille - néotraditions reconstruites - exceptionalisme militant), soit l'exil intérieur et le vide identitaire.